III. LES DROITS DE L'HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE

A. OBSERVATION DES ÉLECTIONS LEGISLATIVES EN « ANCIENNE RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINE »

La mission parlementaire d'observation des élections législatives en « ancienne République yougoslave de Macédoine » organisées le 6 juin dernier, a présenté ses conclusions devant l'Assemblée.

En dépit des allégations d'irrégularité soulevées par certaines formations politiques, la commission ad hoc conduite par M. Jean-Charles Gardetto (Monaco - PPE/DC) a relevé le climat pacifique dans lequel s'est déroulé le scrutin, y compris dans les enclaves albanaises. La commission ad hoc constate que les élections ont été transparentes, pluralistes et bien administrées dans l'ensemble du pays.

Les parlementaires relèvent cependant le rôle ambigu des médias, souvent transformés en outil de propagande, en faveur du gouvernement ou des partis en lice. Les parlementaires invitent les autorités macédoniennes à mettre en oeuvre de façon effective les dispositions relatives aux financements des campagnes électorales des partis politiques et des médias, en tenant compte notamment des recommandations du GRECO.

La mission a cependant pointé des cas d'intimidation et de menaces de perte d'emploi sur certains électeurs au niveau local. La délégation parlementaire souhaite à ce titre que les mécanismes juridiques de protection du statut des agents publics soient renforcés. Des cas de vote familial ont, par ailleurs, été relevés dans 15 % des bureaux visités, principalement dans des localités albanophones rurales. L'illettrisme semble la principale explication. La commission ad hoc note, à cet égard, que les femmes sont les principales concernées par ce type de vote.

La question de l'exactitude des listes électorales a également été soulevée, la commission ad hoc notant qu'il s'agissait encore d'un problème récurrent, en Macédoine comme ailleurs dans les Balkans. Une assistance du Conseil de l'Europe dans ce domaine apparaît indispensable. La délégation souhaite, par ailleurs, que la Commission de Venise émette un avis sur le code électoral révisé.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - SOC) a souhaité profiter du débat sur les élections macédoniennes pour revenir sur la mission d'observation des élections qu'elle a effectuée en Turquie du 10 au 13 juin derniers et sur les conclusions politiques qui pouvaient en être tirées :

«On a parlé des élections dans « l'ex-République yougoslave de Macédoine » et en Moldova ; il aurait été dommage que l'on n'insiste pas un peu plus sur la Turquie. Je vous félicite, moi aussi, de votre réélection, Monsieur le Président, et je vous remercie de me donner la parole alors que je ne figurais pas sur la liste des orateurs.

Mon collègue allemand, avec lequel je me suis rendue dans le sud-est de la Turquie, a dit l'essentiel. Je voudrais insister sur le fait que ces élections se sont globalement bien passées. Naturellement, on émet toujours des réserves ; on peut le faire à propos de tous les pays. Incontestablement, les moyens n'étaient pas tout à fait les mêmes pour tous les candidats et pour tous les partis ; plusieurs journalistes ont été arrêtés au cours des derniers jours ; la police était très présente, notamment dans le sud-est de la Turquie où nous nous trouvions, et il y avait des risques. Enfin, le seuil des 10 % était difficile à atteindre.

Cela étant, AKP a gagné. Il s'agit sans doute d'un résultat en demi-teinte, mais AKP a gagné des voix ; en revanche, le nombre de sièges qu'il obtient a diminué, et ce de façon assez significative, ce qui ne lui permet pas de disposer des deux tiers des députés, majorité nécessaire pour modifier seul la Constitution, et, à quatre sièges près, ne lui permet pas non plus d'atteindre le seuil qui l'autoriserait à soumettre des amendements à référendum. Cela signifie qu'il va lui falloir composer avec l'opposition. Tout est relatif, en politique aussi !

CHP, le parti de centre gauche kémaliste et laïc, est lui aussi légèrement déçu : il a obtenu davantage de voix et de sièges, mais il ne s'est pas rapproché des 30 % comme il le souhaitait, puisqu'il ne dépasse pas 26 %. Le parti ultranationaliste a atteint les 13 %. Quant au BDP, le parti kurde, il n'obtient que 6,5 % ; il est naturellement loin des 10 %, mais il obtient 36 députés indépendants.

Si l'on faisait une analyse politique des suites de ces élections, voici les questions qu'il faudrait se poser.

Premièrement, AKP doit composer, doit parvenir à un consensus ; avec qui ? Avec laquelle de ces formations politiques ?

Deuxièmement, une réforme constitutionnelle est engagée, à laquelle nous sommes très attentifs. Vers quel type de régime s'oriente-t-on ? On sait que ce pourrait être un régime de type présidentiel. Peut-être, ces dernières semaines, une certaine forme d'autoritarisme a-t-elle fait perdre des voix à AKP. Je le répète, nous sommes très vigilants sur ce point.

Quant aux Kurdes, ils sont - tout étant relatif, je le répète - les gagnants des élections de dimanche dernier. Quelle politique va être menée à leur endroit ?

Autre question : l'islam. Le grand absent de ce débat aura été la laïcité. Car le grand débat a été économique et social ; c'est effectivement important, et la Turquie affirme sa montée en puissance, avec 9 % de croissance. Mais on n'a pas beaucoup parlé de laïcité. Quelle synthèse, à l'avenir, entre islam et démocratie ?

L'autre grand absent du débat est l'Europe. Il est évident que ce point nous intéresse lui aussi beaucoup : la Turquie affirmera-t-elle sa politique européenne et sa demande d'entrée dans l'Europe, ou choisira-t-elle de confirmer ce qu'elle est réellement - une grande puissance régionale au Moyen-Orient ? »

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