B. UN CADRE « EURO-COMPATIBLE » MAIS ENCORE SOUMIS À DES ALÉAS

1. La loi a permis d'ouvrir un dialogue plus constructif avec la Commission européenne

Les jeux d'argent et de hasard ayant été exclus du champ de la directive dite « services » 12 ( * ) et de celle sur le commerce électronique 13 ( * ) , la Commission européenne a entendu jouer son rôle de « gardienne des traités » et a fait preuve d'une vigilance particulière sur la compatibilité des différents régimes nationaux, souvent caractérisés par un monopole public, avec les libertés d'établissement et de circulation. Elle a ainsi ouvert en octobre 2006 plusieurs procédures d'infraction à l'encontre de onze Etats membres, dont la France, qui a fait l'objet d'un avis motivé le 27 juin 2007 . Cette pression de la Commission n'est pas directement à l'origine du projet gouvernemental de mise en place d'un nouveau cadre de régulation, mais elle a indéniablement contribué à le légitimer.

Le projet de loi a dans un premier temps suscité des réticences de la Commission européenne, qui dans son avis circonstancié du 8 juin 2009 a sollicité des précisions et modifications sur quatre aspects :

- la prise en compte, lors de l'examen des candidatures à l'agrément, des obligations et contrôles auxquels le demandeur a déjà été soumis dans son Etat d'établissement. La Commission n'est cependant pas allée jusqu'à exiger une reconnaissance mutuelle , dont la CJUE n'avait pas admis la nécessité ;

- le plafonnement du taux de redistribution aux joueurs (TRJ), la France n'ayant pu apporter la preuve qu'un tel dispositif permettait de réduire le risque d'addiction aux jeux ;

- le mécanisme obligatoire du « droit au pari », perçu comme une restriction injustifiée au principe de libre prestation de service ;

- et l'obligation, jugée disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi, imposée à chaque opérateur agréé de disposer d'un représentant fiscal sur le territoire français.

La Commission européenne s'est cependant satisfaite des engagements et réponses apportés par le Gouvernement le 9 juillet 2009 , qui prévoyaient notamment de réaliser, dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur de la loi, une étude sur l'impact du plafonnement du TRJ au regard de l'ordre public et social, et de substituer au représentant fiscal des mesures d'assistance et de coopération administratives à l'occasion des renégociations d'accords fiscaux bilatéraux. La Commission a également demandé que le Gouvernement réalise un rapport sur l'efficacité du droit au pari et son impact sur la libre circulation des services. L'article 16 du projet de loi, sur le régime de délivrance des agréments, a enfin été amendé à l'Assemblée nationale pour que l'ARJEL prenne en considération le régime de sanctions et les obligations auxquels un opérateur agréé dans un autre Etat européen est le cas échéant soumis.

Votre rapporteur juge également que cet aval de la Commission traduisait ses propres incertitudes quant à la portée de sa doctrine « minimaliste » sur l'application des libertés communautaires fondamentales au secteur des jeux, et une reconnaissance tacite de ce que le seul respect des traités ne pouvait en définitive tenir lieu de régime communautaire « par défaut ».

Quelques mois après la promulgation de la nouvelle loi, le 24 novembre 2010, la Commission européenne a clôt la procédure d'infraction 14 ( * ) tout en se félicitant de l'ouverture du marché des jeux en ligne en France. Cette reconnaissance, fondée avant tout sur le caractère concurrentiel, transfrontalier et non-discriminatoire du nouveau régime, a également conduit la Commission, de manière cohérente avec la jurisprudence de la CJUE 15 ( * ) , à admette plus explicitement des restrictions d'intérêt général.


* 12 Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur.

* 13 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, dite «directive sur le commerce électronique».

* 14 Cette démarche faisait suite à une décision analogue à l'égard de l'Italie, prise le 5 mai 2010.

* 15 En particulier la décision « Santa Casa » du 8 septembre 2009.

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