B. UN ENJEU SOCIAL MAL MAÎTRISÉ

1. Un patrimoine privé au service d'une politique de logement des personnels et d'attractivité des métiers

Le patrimoine privé des hôpitaux peut être mis, dans certains cas, au service d'une politique de logement des personnels hospitaliers , politique issue d'une époque caractérisée par les insuffisances des moyens de communication et de transport qui rendaient nécessaire la présence de ces personnels sur place.

L'offre de logements a, par la suite, contribué à l'attractivité des recrutements et apparaît également aujourd'hui comme un moyen d'apporter un complément de rémunération à certains personnels, en s'affranchissant des grilles salariales de la fonction publique . Des primes compensatrices peuvent ainsi être attribuées aux directeurs d'établissement qui choisissent de se loger par leurs propres moyens.

La Cour des comptes est sévère s'agissant de ce volet de la gestion du patrimoine privé des hôpitaux. Elle fait état d'une politique « mal maîtrisée » [qui] « appelle à des remises en ordre profondes » et ajoute que « les dérives potentielles d'un tel système d'avantages en nature doivent conduire à une remise en cause d'un dispositif devenu un avantage de rémunération et non plus un outil indispensable à la réalisation d'une mission de service public ».

2. « La dérive des logements de fonction »

Les logements de fonction, qui peuvent être attribués pour nécessité absolue de service ou utilité de service 1 ( * ) , sont en nombre variable d'un établissement à l'autre : 1 142 à l'AP-HP, 94 aux HCL, 87 à l'AP-HM, 25 aux CHU d'Amiens et de Clermont-Ferrand.

S'agissant de ce premier volet de la politique de logement, la Cour soulève les points suivants :

- d'une part, l'encadrement normatif de l'attribution de ces logements n'a été précisé par décret qu'en 2010 , soit vingt-quatre ans après la loi qui prévoyait ce décret d'application (article 77 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière) ;

- d'autre part, ces nouvelles dispositions ont consacré une conception très extensive des logements de fonction .

La Cour s'interroge indirectement : la continuité du service public peut-elle encore justifier une telle politique quand la conception de logements de fonction pour nécessité absolue de service est aussi large et que les logements de fonction en dehors des sites hospitaliers augmentent (un tiers des logements à l'AP-HP ; 80 % de ceux des HCL) ?

Cette politique peut paraître d'autant plus surprenante que l'objectif dans la fonction publique d'Etat est aujourd'hui, au contraire, de supprimer progressivement les logements attribués pour utilité de service .

Votre rapporteur spécial soutient pleinement la recommandation de la Cour des comptes tendant à « réserver strictement les logements de fonction aux seuls agents dont la présence est indispensable pour des raisons de sécurité et, s'agissant des cadres de direction, exclusivement aux chefs d'établissements avec une obligation de logement sur site » .

3. Les logements attribués sur critères socioprofessionnels, une politique qui manque sa cible ?

Compte tenu notamment de la cherté des loyers, quelques établissements (surtout dans la région parisienne) logent également une partie de leur personnel sur critères sociaux ou signent des conventions avec des organismes HLM .

Le constat de la Cour des comptes sur ce second volet de la politique du logement pratiquée par les établissements de santé n'est pas moins sévère. La Cour relève en particulier qu'il n'est pas certain que cette politique remplisse son objectif social .

S'agissant des HCL par exemple, elle pointe des modalités d'attributions peu lisibles : absence de commission d'attribution associant la direction des ressources humaines, critères de revenus et de priorités non affichés.

En ce qui concerne l'AP-HP, elle constate, d'une part, que le type de logements pouvant être proposé dépasse de plus en plus souvent les capacités financières des agents qui ont le plus de difficultés à se loger et, d'autre part, qu'un tiers des locataires de l'AP-HP ne sont pas ou plus des agents de l'AP.

Comme l'indique la Cour, l'attribution de logements sur critères socioprofessionnels n'est pas en soi illégitime , notamment dans un contexte de tensions sociales fortes et de manque d'attractivité de certaines professions médicales. Mais il convient, à tout le moins, de s'assurer :

- d'une part, que cette politique remplisse effectivement son objectif , ce qui suppose de définir des critères précis d'attribution ;

- d'autre part, que le coût et l'efficacité de cette politique soient évalués de façon transparente . Aujourd'hui, la plupart des dépenses afférentes à ces logements, faute notamment de comptabilité analytique satisfaisante, sont difficiles à évaluer.


* 1 La liste des catégories de personnes bénéficiant d'une concession de logement par nécessité absolue de service est fixée réglementairement et comprend en particulier les directeurs d'hôpitaux ; celles des bénéficiaires de logement pour utilité de service est définie par les directeurs d'établissement.

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