II. UNE NOUVELLE DÉMARCHE, PRUDENTE ET PROGRESSIVE, A ÉTÉ ENGAGÉE EN 2010

C'est la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificatives pour 2010 qui a relancé le processus de révision des valeurs locatives, selon des modalités qui avaient fait l'objet d'une longue concertation de plus de six mois avec les parlementaires des commissions des finances des deux Assemblées et les représentants des élus locaux.

A. UNE MÉTHODE ORIGINALE

L'article 34 de la loi de finances précitée a fixé le périmètre et les modalités des opérations de révision.

1. Un dispositif limité aux seuls locaux professionnels et qui écarte les effets collatéraux
a) Le périmètre de la révision

La principale originalité de la tentative de révision engagée en 2010 est d'avoir scindé en deux parties les opérations et de traiter, dans un premier temps, exclusivement des valeurs locatives des locaux professionnels.

En conséquence, la loi délimite un champ restreint pour l'application de la révision et vise expressément les propriétés bâties mentionnées à l'article 1498 du code général des impôts ainsi que celles affectées à une activité professionnelle non commerciale au sens de l'article 92 du même code.

L'article 1498 se réfère lui-même à « tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 (locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice soit d'une activité salariée à domicile, soit d'une activité professionnelle non commerciale) et que les établissements industriels visés à l'article 1499 ».

b) Le « coefficient de neutralisation »

Mais les principes qui fondent la nouvelle révision ont aussi pour objectif d' éviter les conséquences « en chaine » qui pourraient déstabiliser les équilibres de la fiscalité locale, à l'intérieur de chacune des collectivités concernées et également entre ces collectivités. Ces principes, retenus à l'issue de la concertation entre l'exécutif, les associations d'élus locaux et les commissions des finances du Parlement, sont les suivants :

- la conservation de valeurs locatives administrées servant de base à la fiscalité directe locale, sans prise en compte de la valeur vénale des biens. Le basculement dans un système fondé sur la valeur vénale aurait présenté le risque d'accroitre les discordances entre collectivités en fonction du degré d'activité de leur marché immobilier ;

- une révision s'opérant à pression fiscale constante pour chacune des grandes catégories de contribuables, les ménages et les entreprises. Ce principe a pour conséquence de mettre en oeuvre un « coefficient de neutralisation » qui garantit le maintien de l'équilibre à la date d'entrée en vigueur des nouvelles valeurs locatives.

Le coefficient de neutralisation

Dans le cadre de la révision, seules les valeurs locatives des locaux professionnels seront définies avec les nouvelles règles, la définition des valeurs locatives des locaux d'habitation et des locaux industriels demeurant inchangée. Or tous ces locaux font partie du même ensemble de taxation pour le calcul des bases de taxe foncière.

De fait, avec la révision et sauf exceptions marginales, la valeur locative des locaux professionnels va augmenter par rapport à celle définie à partir des règles de 1970. Dès lors, en l'absence de dispositif de correction, la révision conduirait à augmenter le niveau relatif des valeurs de ces locaux par rapport à celle des autres types de locaux et donc à créer un effet de transfert des bases de taxe foncière, aboutissant à accroître le poids de la fiscalité des locaux professionnels et à diminuer celui des autres types de locaux.

C'est pourquoi les dispositions du paragraphe XVI de l'article 34 prévoient un maintien des équilibres actuels, en termes de proportions contributives, au niveau de chaque collectivité ou EPCI à fiscalité propre, pour les différents types de locaux.

Pour éviter ce transfert de charges, les équilibres contributifs actuels sont maintenus par la loi entre deux ensembles de locaux :

- d'une part, la contribution des contribuables imposés au titre de locaux d'habitation (c'est-à-dire ceux pour lesquels la valeur locative restera pour l'instant évaluée de manière non actualisée) ;

- et, d'autre part, la contribution des autres contribuables, c'est-à-dire les locaux professionnels concernés par la révision, les établissements industriels relevant de l'article 1499 du CGI évalués à la valeur comptable et les propriétés relevant des modalités particulières de l'article 1501 du CGI.

Par exemple, si dans une commune avant révision, les propriétaires de locaux à usage d'habitation acquittent 60 % de la taxe foncière et les propriétaires de locaux professionnels et d'établissements industriels (et locaux évalués par barème) 40 %, les mêmes proportions doivent être maintenues après la révision.

Pour respecter cette règle, un coefficient dit de « neutralisation » est appliqué aux valeurs locatives révisées des locaux professionnels, celles des établissements industriels évalués selon la méthode comptable prévue à l'article 1499 du CGI et celles des propriétés relevant des modalités particulières de l'article 1501 du CGI.

Ce coefficient est égal au rapport entre :

- d'une part, la somme des valeurs locatives des propriétés bâties entrant dans le champ d'application de la révision et celles mentionnées aux articles 1499 et 1501 du code général des impôts situées dans le ressort territorial de la collectivité ou de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre au 1 er janvier 2011, après application du coefficient de revalorisation prévu à l'article 1518 bis du même code pour l'année 2012 ;

- et, d'autre part, la somme des valeurs locatives révisées au 1 er janvier 2012 des propriétés entrant dans le champ d'application de la révision et des valeurs locatives au 1 er janvier 2012 des propriétés mentionnées aux articles 1499 et 1501 du même code.

Ce coefficient est déterminé pour la taxe foncière sur les propriétés bâties et pour la cotisation foncière des entreprises, au niveau de chaque collectivité territoriale et établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Source : rapport de la DGFiP. Janvier 2012

2. Une méthode nouvelle de révision

La révision comporte deux étapes : une révision initiale, reflétant les situations actuelles des locaux concernés, et un dispositif de mise à jour permanente des évaluations, permettant de prendre en compte les évolutions du marché au fur et à mesure qu'elles se produisent.

Conformément au II de l'article 34 précité, la valeur locative de chaque local professionnel est déterminée en fonction de l'état du marché locatif. Elle tient compte de la nature, de la destination, de l'utilisation, des caractéristiques physiques, de la situation et de la consistance de la propriété ou de la fraction de propriété.

La méthode d'évaluation initiale se déroule en cinq phases :

1. Récupération des données par enquête déclarative auprès des propriétaires des locaux professionnels. A l'issue du processus de déclaration initiale, la loi prévoit l'extension des obligations déclaratives existantes (« liasse fiscale ») des professionnels utilisant les locaux, de nouvelles obligations déclaratives en cas de changements d'utilisation, une obligation déclarative ponctuelle pesant sur les propriétaires auxquels l'administration fiscale en fait la demande et, surtout, une sanction pécuniaire pour non respect des obligations déclaratives.

2. Définition d'une nomenclature de locaux et classement de chaque local dans une catégorie. Au total 38 catégories de locaux ont été identifiées par décret. La 39 ème catégorie regroupe les locaux évalués par appréciation directe.

Le décret n° 2011-1267 du 10 octobre 2011 a défini dix sous-groupes de locaux à usage commercial ou professionnel, chaque sous-groupe se subdivisant ensuite en plusieurs catégories.

Les catégories de locaux

Sous-groupe I : magasins et lieux de vente
(MAG)

Catégorie 1 : boutiques et magasins sur rue.

Catégorie 2 : commerces sans accès direct sur la rue.

Catégorie 3 : magasins appartenant à un ensemble commercial.

Catégorie 4 : magasins de grande surface (surface principale comprise entre 400 et 2 500 m²).

Catégorie 5 : magasins de très grande surface (surface principale supérieure ou égale à 2 500 m²).

Catégorie 6 : stations-service, stations de lavage et assimilables.

Catégorie 7 : marchés.

Sous-groupe II : bureaux et locaux divers assimilables. (BUR)

Catégorie 1 : locaux à usage de bureaux d'agencement ancien.

Catégorie 2 : locaux à usage de bureaux d'agencement récent.

Catégorie 3 : locaux assimilables à des bureaux mais présentant des aménagements spécifiques.

Sous-groupe III : lieux de dépôt ou de stockage et parcs de stationnement (DEP)

Catégorie 1 : lieux de dépôt à ciel ouvert et terrains à usage commercial ou industriel.

Catégorie 2 : lieux de dépôt couverts.

Catégorie 3 : parcs de stationnement à ciel ouvert.

Catégorie 4 : parcs de stationnement couverts.

Catégorie 5 : installations spécifiques de stockage.

Sous-groupe IV : ateliers et autres locaux assimilables (ATE)

Catégorie 1 : ateliers artisanaux.

Catégorie 2 : locaux utilisés pour une activité de transformation, de manutention ou de maintenance.

Catégorie 3 : chenils, viviers et autres locaux assimilables.

Sous-groupe V : hôtels et locaux assimilables (HOT)

Catégorie 1 : hôtels « confort » (4 étoiles et plus, ou confort identique).

Catégorie 2 : hôtels « supérieur » (2 ou 3 étoiles, ou confort identique).

Catégorie 3 : hôtels « standard » (1 étoile, ou confort identique).

Catégorie 4 : foyers d'hébergement, centres d'accueil, auberges de jeunesse.

Catégorie 5 : hôtels-clubs, villages de vacances et résidences hôtelières.

Sous-groupe VI : établissements de spectacles, de sports et de loisirs (SPE)

Catégorie 1 : salles de spectacles et locaux assimilables.

Catégorie 2 : établissements ou terrains réservés à la pratique d'un sport ou à usage de spectacles sportifs.

Catégorie 3 : salles de loisirs diverses.

Catégorie 4 : terrains de camping confortables (3 étoiles et plus, ou confort identique).

Catégorie 5 : terrains de camping ordinaires (1 ou 2 étoiles, ou confort identique).

Catégorie 6 : établissements de détente et de bien-être.

Catégorie 7 : centres de loisirs, centres de colonies de vacances, maisons de jeunes

Sous-groupe VII : établissements d'enseignement et locaux assimilables (ENS)

Catégorie 1 : écoles et institutions privées exploitées dans un but non lucratif.

Catégorie 2 : établissements d'enseignement à but lucratif.

Sous-groupe VIII : cliniques et établissements du secteur sanitaire et social (CLI)

Catégorie 1 : cliniques et établissements hospitaliers.

Catégorie 2 : centres médico-sociaux, centres de soins, crèches, haltes-garderies.

Catégorie 3 : maisons de repos, maisons de retraite (médicalisées ou non).

Catégorie 4 : centres de rééducation, de thalassothérapie, établissements thermaux.

Sous-groupe IX : carrières et établissements industriels non évalués selon la méthode comptable (IND)

Catégorie 1 : établissements industriels nécessitant un outillage important autres que les carrières et assimilés.

Catégorie 2 : carrières et établissements assimilables.

Sous-groupe X : établissements présentant des caractéristiques exceptionnelles :

Catégorie 1 : locaux ne relevant d'aucune des catégories précédentes par leurs caractéristiques sortant de l'ordinaire.

3. Délimitation de secteurs géographiques locatifs dans le département. Il a été choisi de retenir le nombre de 6 secteurs, pouvant être finement découpés si nécessaire au niveau infra communal, à l'échelle des sections cadastrales (c'est-à-dire le bloc de rues dans une zone fortement urbanisée).

4. Création d'une grille tarifaire au m 2 par secteur et par catégorie.

5. Enfin, calcul de la valeur locative de chaque local selon la formule :

VLP = surface pondérée du local x tarif de la catégorie
x coefficient de localisation (facultatif).

Le coefficient de localisation a pour objectif de tenir compte de disparités à l'intérieur d'un secteur qui ne justifieraient pas un classement dans un secteur distinct.

Il convient de préciser, enfin, que la loi ouvre la possibilité de recourir à une méthode d'évaluation subsidiaire lorsque celle de droit commun est mise en échec. Dans ce cas, la valeur locative sera appréciée par voie directe ce qui consiste à appliquer mécaniquement un taux de 8 % à la valeur vénale du locale.

3. Un mécanisme de mise à jour permanente

La révision générale engagée en 2011 a pour ambition d'être la dernière. Pour y parvenir, la loi prévoit, un dispositif d'actualisation permanente des VLF professionnelles à compter de 2015.

Ce double mécanisme de mise à jour comprend, tout d'abord, des mises à jour automatiques par l'administration fiscale. Les tarifs au m² de chaque catégorie dans chaque secteur seront actualisés grâce à la collecte, dans les liasses fiscales, des informations sur les baux conclus par les professionnels qui fourniront une appréciation du marché locatif. Ce dispositif se substituera à la revalorisation forfaitaire, votée chaque année en application de l'article 1518 bis du CGI.

La loi prévoit aussi que la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels intervient dans la mise à jour des VLF ; elle statue sur les créations de nouveaux tarifs dans les secteurs de son ressort, elle peut modifier, chaque année, le coefficient de localisation, elle procède, enfin, à une révision de la délimitation des secteurs de tarification, chaque année suivant le renouvellement des conseils municipaux.

4. Des commissions locales transformées

Une des particularités de la procédure mise en place, par rapport à la situation existante, tient au rôle très important accordé aux commissions locales dans les procédures d'évaluation.

La loi crée ainsi la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels (CDVLP), dans chaque département. Elle est composée de dix représentants des collectivités territoriales et des EPCI, neuf représentants des contribuables, ces derniers étant désignés par le préfet, et deux représentants des services fiscaux qui n'ont que voix consultative. Elle est présidée par un représentant des collectivités territoriales ou des EPCI, qui a voix prépondérante en cas de partage.

Les commissions ont un rôle majeur :

- elles arrêtent la sectorisation du département, soit les délimitations de chaque secteur et, au sein de chacun, les tarifs de la grille des catégories de locaux ;

- elles fixent la valeur locative des locaux en classant les locaux dans les catégories et en leur affectant, le cas échéant, un coefficient de localisation.

Parallèlement les actuelles commissions communales et intercommunales des impôts directs (CCID et CIID), prévues respectivement par les articles 1650 et 1650 A du code général des impôts, voient leur fonction confortée. Elles sont consultées obligatoirement par la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels, et lui rendent un avis sur la sectorisation envisagée, sur le classement des propriétés et sur la fixation des coefficients de localisation.

Enfin, en cas de désaccord entre la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels et les CCID ou CIID, la loi prévoit la saisine par la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels, ou par le préfet en cas de carence, d'une commission départementale des impôts directs locaux (CDIDL).

Cette nouvelle commission est instaurée dans chaque département. Elle est présidée par le président du tribunal administratif territorialement compétent, et composée de trois représentants des services fiscaux, six représentants des collectivités territoriales et des EPCI et cinq représentants des contribuables désignés par le préfet.

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