2. Une intervention complémentaire à celle des autres acteurs

Si les collectivités sont fondées à intervenir en matière de politique de l'emploi, elles n'ont pas vocation à se substituer à l'Etat ou à Pôle emploi - elles n'en expriment d'ailleurs pas le souhait.

De fait, les collectivités interviennent dans la majorité des cas en partenariat avec les autres acteurs impliqués dans ce domaine, qu'il s'agisse de l'Etat, de Pôle emploi, des partenaires sociaux, des chambres consulaires, des associations...

La recherche de complémentarité qui caractérise leur engagement en faveur de l'emploi s'est traduite par la conduite d'actions spécifiques, adaptées aux besoins des territoires, qui n'étaient pas suffisamment développées par l'Etat et son opérateur, quand elles n'étaient pas purement et simplement inexistantes.

Ainsi en est-il notamment s'agissant de l'insertion professionnelle des jeunes et des personnes les plus éloignées de l'emploi. De la même façon, les collectivités ont cherché à créer des synergies entre les différents acteurs, en les rassemblant au sein d'instances uniques.

Comme le résume l'Alliance Villes Emploi s'agissant des maisons de l'emploi et des PLIE, ces instances « ont vocation soit à faciliter la mise en oeuvre des services déjà rendus, ou susceptibles de l'être, par leurs composantes constitutives, soit à développer des services complémentaires venant en additionalité de l'existant. »

a) Des actions spécifiques peu ou pas du tout développées par les autres acteurs
(1) Les missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes

Les missions locales assurent des fonctions d'accueil, d'information, d'orientation et d'accompagnement des jeunes de 16 à 25 ans. Leur création en 1982 a été impulsée par le Gouvernement, à la suite du rapport de Bertrand Schwartz sur « l'insertion sociale et professionnelle des jeunes » remis au Premier ministre Pierre Mauroy.

Elles « peuvent être constituées entre l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, des organisations professionnelles et syndicales et des associations. Elles prennent la forme d'une association ou d'un groupement d'intérêt public 23 ( * ) . »

Leur atout est d'assurer aux jeunes un suivi global et renforcé, liant insertion sociale et professionnelle, par un référent unique.

Le Code du travail précise qu'elles « favorisent la concertation entre les différents partenaires en vue de renforcer ou compléter les actions conduites par ceux-ci, notamment pour les jeunes rencontrant des difficultés particulières d'insertion professionnelle et sociale. Elles contribuent à l'élaboration et à la mise en oeuvre, dans leur zone de compétence, d'une politique locale concertée d'insertion professionnelle et sociale des jeunes 24 ( * ) . »

Les missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes en chiffres

En 2010, on comptait 444 missions locales et 24 permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO).

1 323 000 jeunes sont entrés en contact avec les missions locales, 1 137 000 jeunes ont été reçus en entretien, dont 515 000 dans le cadre d'un premier accueil. D'après le Conseil national des missions locales (CNML), il s'agit là d' « un nouveau record historique ».

Evolution du nombre de jeunes en contact avec les missions locales depuis trois ans

2008

2009

2010

Jeunes en premier accueil

465 800

514 900

515 100

Jeunes en contact

1 199 800

1 255 500

1 323 500

Entretiens individuels

4 136 300

4 388 300

4 639 700

3,9 millions d'entretiens individuels ont été réalisés en 2010. Les jeunes reçus en entretien individuel ont signé 576 000 contrats de travail, dont 461 000 contrats de travail « classiques », 69 000 contrats aidés et 46 000 contrats en alternance, soit une augmentation de 6% par rapport à 2009, essentiellement liée à la hausse des contrats en intérim et en alternance. 27% des jeunes en premier accueil ont trouvé un emploi dans les moins de 6 mois (pour 25,6% en 2009).

219 000 jeunes demandeurs d'emploi ont été accompagnés par les missions dans le cadre du projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE) déployé par Pôle emploi, dont 183 000 dans le cadre conventionnel, soit 122% de l'objectif conventionnel réalisé.

12 190 professionnels travaillent dans les missions locales : 11 419 salariés et 771 personnels mis à disposition, détachés ou affectés (dont 352 affectés par Pôle emploi).

Les missions locales bénéficient de 572,5 millions d'euros de financement, dont 47% proviennent de l'Etat et 40% des collectivités locales. Le coût de la collectivité nationale pour chaque jeune accompagné s'élève à 433 euros.

Répartition des financements des missions locales

Etat 47,2 %

Régions 16,9 %

Départements 4,5 %

Communes et EPCI 18,7 %

FSE 1,5 %

Autres organismes publics et privés 11,1 %

82% des missions locales sont présidées par des maires, adjoints au maire ou des conseillers municipaux. Les régions sont représentées dans 85% des conseils d'administration, et les conseils généraux dans 80% des conseils d'administration.

Source : Conseil national des missions locales et Union nationale des missions locales

Les missions locales assurent le suivi d'une partie des jeunes demandeurs d'emploi à la place de Pôle emploi, dans le cadre d'une relation dite de cotraitance. Cette dernière se définit comme « le contrat par lequel Pôle emploi délègue à un organisme, pour le public spécifique dont il a légalement la charge, l'exécution de tout ou partie de ses missions 25 ( * ) . » L'Etat a ainsi versé 35 millions d'euros aux missions locales en 2010 pour assurer l'accompagnement de 150 000 jeunes.

Le rapport réalisé par l'Inspection générale des finances en juillet 2010 sur les missions locales dresse un constat positif de leur action : « Les conclusions de la mission tendent à conforter le modèle. En effet, sans résoudre la question du chômage des jeunes, il produit des résultats qui témoignent d'un réel potentiel pour des coûts inférieurs à ceux des dispositifs comparables :

- les taux de couverture de la population jeune sont élevés ;

- les missions locales remplissent largement les objectifs que l'Etat leur fixe à travers les conventions pluriannuelles qu'il conclut avec chacune d'elles ;

- le taux d'accès à l'emploi des jeunes suivis par les missions locales est faible (28 % en moyenne), mais il est comparable aux performances des autres dispositifs d'accompagnement des jeunes en difficulté d'insertion (contrat d'autonomie : 22 %, centres Défense deuxième chance : 14 %, école de la deuxième chance : 19 %) ;

- les coûts des missions locales sont moins élevés que ceux d'opérateurs comparables, et les efforts de rationalisation du réseau ont permis une légère diminution du poids des fonctions supports ;

- leur situation financière est saine dans l'ensemble, même si des points de vigilance sont à observer : fragilité de certaines missions locales en nombre limité, charges peu flexibles, difficultés dans la gestion des crédits du fonds social européen.

Ces performances tiennent au caractère doublement intégrateur des missions locales, qui fait leur originalité :

- intégrateur de moyens : cofinancées par l'Etat et les collectivités locales, les missions locales font la synthèse des forces économiques, associatives et sociales locales pour mettre en oeuvre en direction des jeunes les politiques d'insertion dont elles sont l'instrument ;

- intégrateur de services : les missions locales s'attachent à intégrer l'ensemble des services locaux pour fournir aux jeunes un accompagnement global (emploi, formation, mais aussi logement, santé, mobilité, voire culture ou sport), en entretenant des relations partenariales avec tous les acteurs locaux de l'insertion des jeunes.

La force de ce modèle repose largement sur l'autonomie des structures, qui favorise leur dynamisme et leur capacité de synthèse. Sa contrepartie est le risque de favoriser le développement d'une offre inégale sur le territoire, ce qui rend fondamentale la construction d'un réseau efficace.

En outre, les analyses de la mission montrent que les performances des missions locales en termes d'accès à l'emploi sont meilleures lorsque leur offre de services est orientée vers l'emploi et qu'elles s'impliquent dans la prospection d'offres auprès des employeurs 26 ( * ) . »

Le rapport formule toutefois une série de recommandations visant à « renforcer le potentiel fédérateur des missions locales tout en consolidant leur orientation vers l'emploi », à « développer des incitations à la performance adaptées aux spécificités des missions locales » et à « consolider et dynamiser le réseau ». Il propose notamment, dans le cadre du premier objectif, de « préciser les relations financières avec les collectivités publiques ». Il s'agit de conserver une autonomie aux missions locales par rapport à leurs financeurs, afin de « préserver le modèle initial des missions locales, qui a fait la preuve de son potentiel fédérateur » et de garantir la conformité des financements aux règles européennes relatives aux aides d'Etat.

(2) Les plans locaux pluriannuels pour l'insertion et l'emploi (PLIE)

Mis en place par certaines collectivités au début des années 1990, puis consacrés par la loi du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, les plans locaux pluriannuels pour l'insertion et l'emploi (PLIE) peuvent être établis par des communes et leurs groupements « afin de faciliter l'accès à l'emploi des personnes en grande difficulté d'insertion sociale et professionnelle dans le cadre de parcours individualisés en associant accueil, accompagnement social, orientation, formation, insertion et suivi 27 ( * ) ».

Dans ce cadre, des « référents uniques de parcours des PLIE définissent avec les participants un accompagnement individualisé de proximité qui s'inscrit dans la durée, sans limite de temps, avec un objectif d'insertion professionnelle à l'issue du parcours [...]. L'objectif des PLIE est de conduire le participant vers un emploi durable avec un justificatif à l'appui (CDI, CDD de plus de 6 mois, formation qualifiante) 28 ( * ) . » Outre son caractère renforcé, cet accompagnement a l'avantage de se prolonger une fois la personne recrutée, lors des six premiers mois du contrat de travail, afin de faciliter son insertion dans l'entreprise.

S'ils sont initiés et portés par des communes ou leurs groupements, les PLIE peuvent associer d'autres collectivités territoriales, des entreprises et des organismes intervenant dans le secteur de l'insertion et de l'emploi.

La circulaire DGEFP 99/40 du 21 décembre 1999 précise qu'ils « constituent un dispositif de mise en cohérence des interventions publiques au plan local afin de favoriser l'accès ou le retour à l'emploi des personnes les plus en difficulté. Plates-formes de coordination, les PLIE mobilisent, pour la réalisation d'objectifs quantitatifs et qualitatifs clairement identifiés, l'ensemble des acteurs intervenant, avec l'Etat et le Service Public de l'Emploi, en matière d'insertion sociale et professionnelle : collectivités locales, entreprises et organismes socioprofessionnels, structures d'insertion par l'activité économique, associations... Cette démarche partenariale, accompagnée et soutenue par l'Etat, est destinée à renforcer, dans un territoire donné, par une bonne coordination et par la mobilisation de moyens supplémentaires, la cohérence et l'efficacité des diverses politiques d'insertion 29 ( * ) . »

Les PLIE assurent par ailleurs l'ingénierie technique et financière des dispositifs contribuant au retour à l'emploi de leurs participants. Ils gèrent notamment des crédits du FSE, au regard duquel ils sont organismes intermédiaires. Dans ce cadre, l'apport des collectivités constitue un levier de mobilisation des financements européens. D'après l'Alliance Villes Emploi, les PLIE ont été financés uniquement « par les fonds européens, le FSE, et par les collectivités territoriales de 1990 à 2004, l'Etat venant depuis 2004 en valorisation de rémunérations de contrats aidés et depuis 2007 en valorisation de diverses mesures ou en fonds directs parfois. »

L'Alliance Villes Emploi a toutefois insisté avec force sur la complexité induite par la gestion de ces crédits européens, à laquelle il convient de remédier au plus vite . Plusieurs de nos collègues, notamment Pierre Jarlier et Georges Labazée, ont particulièrement insisté sur ce point en délégation. Comme l'a exposé Antoine Lefèvre, une réflexion doit se tenir à ce sujet au niveau national. Nombre des difficultés rencontrées trouvent en effet leur origine dans l'inadaptation des règles définies au niveau national, et non au niveau européen.

André Reichardt a fort justement mis en avant l'opportunité que constitue, pour la région Alsace, l'expérimentation relative à la gestion des fonds européens. Elle a été particulièrement efficace contre le dégagement d'office et confirme, pour ses nombreux partisans, la pertinence d'un transfert de l'autorité de gestion des fonds européens aux régions.

À Marseille Provence Métropole, les difficultés financières des PLIE ont conduit la communauté urbaine à engager une démarche pour mobiliser les crédits européens en leur nom et faire l'avance de trésorerie nécessaire pour qu'ils puissent fonctionner dans de bonnes conditions.

Les PLIE en chiffres

Sur le territoire national, 182 PLIE couvrent près de 5 500 communes et une population de près de 20 millions d'habitants.

Sur la programmation européenne 2000-2006, 303 968 personnes sont entrées dans le dispositif. 105 85 en sont sorties en CDI, en CDD de plus de six mois ou en formation qualifiante (ce qui est qualifié de « sorties positives »), sur un total de 230 328 personnes qui en sont sorties. Ceci représente un taux de sortie positive de 46 % sur la période 2000-2006.

Le budget des PLIE a été de plus de 1 105 millions d'euros, dont :

- FSE 473 millions

- Communes et EPCI 255 millions

- Conseils généraux 193 millions

- Conseils régionaux 64 millions

Les données pour la période 2007-2010, issues du bilan à mi-parcours du Programme opérationnel européen, sont les suivantes : 143 233 personnes sont entrées dans le dispositif entre 2007 et 2010. Il y a eu 57 591 sorties positives sur un total de 136 680 sorties durant cette même période, soit un taux de sortie positive de 42 %.

Durant cette période, les PLIE ont mobilisé 539 millions d'euros directs et indirects 30 ( * ) , dont :

- FSE 203,5 millions

- Communes et EPCI 106 millions

- Conseils généraux 81 millions

- Conseils régionaux 25,1 millions

Le montant moyen des financements mobilisés par participant en parcours d'insertion professionnelle dans un PLIE en 2010 est de 1 303 euros (148,3 millions d'euros mobilisés pour 113 827 participants durant cette année 2010).

Source: Alliance Villes Emploi

(3) Les maisons de l'emploi

Les maisons de l'emploi ont été consacrées par la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale afin de répondre à l'objectif de « coordination des actions menées dans le cadre du service public de l'emploi 31 ( * ) ». L'exposé des motifs de la loi précise qu'elles ont « pour mission de mutualiser les moyens de chacun des acteurs du service public de l'emploi pour une meilleure efficacité du service rendu aux entreprises et aux demandeurs d'emploi ». Le Code du travail dans sa version actuelle dispose qu'elles « concourent à la coordination des politiques publiques et du partenariat local des acteurs publics et privés qui agissent en faveur de l'emploi, de la formation, de l'insertion et du développement économique 32 ( * ) », suivant ainsi une approche résolument intégrée. On décompte 196 maisons de l'emploi sur le territoire. 15 800 communes sont comprises dans leurs périmètres, soit 25 millions d'habitants.

Elles associent obligatoirement l'Etat, Pôle emploi et au moins une collectivité ou un EPCI, mais une multitude de partenaires peuvent également y participer. L'Alliance Villes Emploi a particulièrement insisté sur la spécificité de leur gouvernance, qui est tripartite. Mme Marie-Pierre Establie d'Argencé, sa déléguée générale, a précisé devant la mission présidée par Claude Jeannerot que l'Etat, Pôle emploi et l'élu y « ont une vraie fonction de prise de décision, de pilotage de la structure et de mise en cohérence [des] interventions [de la maison de l'emploi] 33 ( * ) » avant de préciser que, « dès lors que Pôle emploi participe à la gouvernance des maisons de l'emploi, il ne peut y avoir, sauf exception, de concurrence entre Pôle emploi et les maisons de l'emploi. »

La gouvernance des maisons de l'emploi d'après l'arrêté
du 21 décembre 2009 portant cahier des charges des maisons de l'emploi

Les membres de la gouvernance

La gouvernance des maisons de l'emploi est structurée autour de membres constitutifs obligatoires, de membres constitutifs à leur demande et de partenaires associés :

- les membres constitutifs obligatoires sont au nombre de trois : les collectivités territoriales ou leur groupement porteurs de projet, l'Etat et Pôle emploi ;

- le conseil régional, le conseil général, les intercommunalités et les communes distinctes de la collectivité territoriale fondatrice, concourant au projet, sont, à leur demande, membres constitutifs ;

- tous les autres acteurs locaux de la politique de l'emploi et de la formation professionnelle, parmi lesquels les partenaires sociaux, peuvent devenir des membres associés à la maison de l'emploi dès lors que leur admission a reçu l'accord préalable des membres constitutifs obligatoires.

Les modalités de représentation

Les membres constitutifs obligatoires de la maison de l'emploi doivent disposer de la majorité des voix au sein du conseil d'administration et du bureau. Cette condition est respectée lorsqu'ils disposent à eux seuls de la majorité des voix plus une.

Mise en place de conseils d'orientation

Les maisons de l'emploi disposent d'une réelle connaissance de l'activité et de l'emploi au niveau local. Il est, dès lors, indispensable qu'elles associent les acteurs économiques que sont les entreprises et les partenaires sociaux.

Dans ce cadre, elles seront également amenées à développer des actions dans le champ de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences territorialisées.

Par conséquent, afin d'associer les entreprises et les partenaires sociaux (représentants patronaux et salariaux) à la définition des grandes orientations et au suivi des projets, il est souhaitable, quoique nullement obligatoire, que les maisons de l'emploi créent un conseil d'orientation ou toute structure aux missions équivalentes. Ils seront composés notamment des représentants des partenaires sociaux, des entreprises et de toutes autres personnalités qualifiées.

Source : Arrêté du 21 décembre 2009 portant cahier des charges des maisons de l'emploi

Lorsque les maisons de l'emploi ont été créées, cette mission de coordination des différents acteurs était d'autant plus importante qu'il existait alors peu de lieux de rencontre et d'échanges entre les différentes parties prenantes de la politique de l'emploi . Les maisons de l'emploi favorisaient ainsi le dialogue, par exemple, entre les services des Assedic et de l'ANPE. La création de Pôle emploi a entraîné une réflexion sur l'évolution du rôle des maisons de l'emploi. Elle s'est traduite par l'adoption d'un nouveau cahier des charges, dont le respect conditionne l'octroi de financements de l'Etat, par arrêté du 21 décembre 2009.

Après avoir précisé que « les maisons de l'emploi n'ont pas vocation à devenir des opérateurs de placement mais à inscrire leurs interventions en complémentarité des actions menées par les autres acteurs locaux de l'emploi sur le territoire et à développer une fonction de coordination », ce cahier des charges définit les axes d'intervention obligatoire des maisons de l'emploi.

Leur mission d'anticipation des « besoins de main-d'oeuvre et de reconversion des territoires, notamment en cas de restructurations », déjà soulignée dans le premier article de la loi de 2005, a été confirmée, puisqu'il y est précisé qu'« un accent tout particulier est mis sur les problématiques de diagnostic partagé, d'observation du marché de l'emploi et d'anticipation des mutations économiques. »

La spécificité de l'action menée par les maisons de l'emploi peut notamment être illustrée par le projet « Maisons de l'emploi et développement durable », porté par l'Alliance Villes Emploi et l'ADEME.

Il a pour objectif de conduire les acteurs locaux à « intégrer dans leurs anticipations et leurs projets les effets attendus par le Grenelle de l'environnement 34 ( * ) ».

Les axes d'intervention obligatoire des maisons de l'emploi

Axe 1 : Développer une stratégie territoriale partagée : du diagnostic au plan d'actions

Cet axe est détaillé dans le cahier des charges de la façon suivante :

« Dans le cadre de ce premier axe, les maisons de l'emploi devront élaborer un diagnostic territorial sur la base d'une analyse du marché du travail et les potentialités du territoire en matière d'offres et de demandes d'emploi. Pour cela, les maisons de l'emploi s'appuieront sur les outils et travaux déjà existants aux niveaux local et régional, en particulier sur ceux de Pôle emploi, de la DARES, de l'INSEE et des services d'études régionaux du réseau territorial de l'Etat en matière d'emploi (actuels SEPES, services d'études, de prospective, d'évaluation et de statistiques).

Ce diagnostic, qui pourra être largement diffusé aux acteurs locaux dans un souci d'appropriation des réalités locales, constituera la base nécessaire à la détermination d'une stratégie partagée en matière d'emploi et, in fine, d'un plan d'actions que les différents partenaires mettent en oeuvre.

Ce premier axe est structurant, puisque les actions rattachées aux trois autres axes à caractère obligatoire devront s'inscrire dans ce plan d'actions de la maison de l'emploi. »

D'après l'Alliance Villes Emploi, la mise en oeuvre de cet axe se traduit par différentes interventions, comme par exemple :

- le développement de centres de ressources prospectifs (approche prospective concernant les besoins à moyen et long terme des entreprises) ;

- l'animation et la coordination de cellules partenariales de veille sur l'évolution du territoire et de commissions de travail partenarial ;

- le développement de partenariats avec les services statistiques de l'Etat, les Observatoires Régionaux Emploi-Formation, les Agences d'Urbanismes, les OPCA, etc. ;

- des conventions « mutualisation de données » avec pour exemple les DIRECCTE, Pôle emploi, Missions Locales, CCAS, l'URSSAF, MSA, CCI et CMA, etc. [...].

Axe 2 : Participer à l'anticipation des mutations économiques

Le cahier des charges indique que « sur la base du diagnostic précité, les maisons de l'emploi mènent des actions de coordination et d'informations spécialisées à destination des acteurs locaux, institutionnels et économiques, afin de leur permettre de mieux anticiper les mutations économiques sur le territoire concerné.

En particulier, les maisons de l'emploi participent à l'animation et à la coordination des actions en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences territoriales. Elles favorisent également, avec les autres acteurs du service public de l'emploi, le travail en commun avec les branches professionnelles sur leur ressort territorial.

Enfin, pour les bassins d'emploi non outillés, les maisons de l'emploi peuvent contribuer, dans une logique de facilitation des parcours de mobilité professionnelle et de reconversion des territoires, à la coordination des parcours individuels ou développer le rôle de pivot d'une plate-forme de reconversion. »

Les actions mises en oeuvre dans ce cadre sont les suivantes :

- accompagnement à la Gestion Prévisionnelle Territorialisée des Emplois et des Compétences ;

- portage de conventions de revitalisation permettant à la maison de l'Emploi de consolider, en concertation avec l'ensemble des partenaires, l'ensemble des fonds reversés pour la revitalisation du territoire, en cohérence avec le diagnostic et les enjeux stratégiques du territoire ;

- développement d'actions d'accompagnement des mutations économiques, de sécurisation des parcours professionnels, en lien et en complémentarité avec les autres acteurs compétents du territoire ;

- mise en place de « comités de veille information - emploi » par secteur d'activités ;

- plateforme de reconversion sectorielle ou territoriale ouverte aux salariés concernés par un risque de licenciement économique, en phase de licenciement économique ou récemment licenciés économiques ;

- cellule de reclassement interentreprises, permettant aux entreprises ayant licencié pour motif économique moins de 10 salariés de faire bénéficier d'un accompagnement les personnes dont elles se sont séparées.

Axe 3 : Contribuer au développement de l'emploi local

« Sur la base du diagnostic initial, et dans le cadre de la stratégie locale, les maisons de l'emploi ont vocation à contribuer au développement local. Elles doivent de ce fait coordonner, animer et produire une information spécifique déjà existante au niveau local, mais éclatée entre les différents acteurs territoriaux intervenant dans le champ de la politique de l'emploi.

L'objectif est de fluidifier la transmission d'informations et les relations entre les acteurs sur le territoire, et non de créer une nouvelle offre de services propre. En effet, il a été souvent constaté que les acteurs économiques (entreprises, salariés, demandeurs d'emploi...) ne disposent pas d'une information suffisamment exhaustive sur les différentes problématiques relatives au développement local qui peuvent être traitées par plusieurs acteurs, sans nécessaire coordination.

Ainsi, une telle action d'information, d'animation et de coordination, dans le respect des compétences de chacun des acteurs, peut-elle intervenir dans des champs extrêmement divers en matière de développement local : aide à la création d'entreprise, développement des services à la personne, responsabilité sociale des entreprises et intermédiation entre Pôle emploi et les très petites entreprises pour encourager ces dernières à déposer leurs offres d'emploi auprès de l'opérateur national. »

Dans ce domaine, l'Alliance Villes Emploi relève que « les maisons de l'emploi s'assurent de l'existence d'une chaîne complète de services aux créateurs, depuis l'émergence du projet jusqu'au suivi post-création, en passant par toutes les étapes du parcours de création « accompagné ». Elles interviennent en coordination de cette offre. Elles participent à la rendre lisible pour les porteurs de projets et les organismes qui les orientent. Elles participent en cela à la simplification des parcours des porteurs de projets. ».

Les actions suivantes sont notamment concernées :

- information préliminaire et accompagnement ;

- sécurisation de la première phase de croissance des jeunes entreprises ;

- accueil des porteurs de projets à tous les stades de la création, de l'idée à la finalisation du projet et au lancement de l'activité, ainsi que pour la reprise d'entreprise ;

- soutien à la création d'entreprises dans le domaine des services à la personne ;

- expérimentation sur un service très peu développé : la garde des enfants à domicile.

Axe 4 : Réduire les obstacles culturels ou sociaux à l'accès à l'emploi

« Le développement local n'est possible qu'avec une réduction des freins culturels ou sociaux à l'accès à l'emploi. C'est pourquoi, parallèlement aux axes précédemment présentés, les maisons de l'emploi doivent participer à la coordination et à l'animation des acteurs agissant dans le champ de la mobilité sociale et professionnelle, notamment en développant les informations spécialisées et en diffusant les bonnes pratiques.

Dans ce cadre, il s'agit notamment d'intervenir dans le champ de la lutte contre les discriminations à l'embauche, de la lutte contre l'illettrisme, de la mobilité géographique... »

D'après l'Alliance Villes Emploi, différents types d'intervention illustrent la mise en oeuvre de cet axe :

- cellule Emploi sur les Zones Franches Urbaines ;

- développement d'outils pour favoriser la mobilité, en particulier sur les zones rurales, tels que la location ou le prêt de vélos, la création d'annuaire des aides à la mobilité, mais aussi en zone urbaine en travaillant aux côtés des autorités organisatrices de transport à l'adaptation des modes de transports et des horaires aux contraintes professionnelles ;

- mise en place de services de proximité d'accès aux droits ;

- accompagnement des acteurs de l'insertion à la prise en compte des freins à l'emploi dans leur diagnostic des demandeurs d'emploi (illettrisme, lutte contre les discriminations, mobilité géographique, etc.) ;

- soutien au développement de l'activité dans le secteur de l'économie sociale et solidaire ;

- promotion de la diversité ;

- plateforme pour les travailleurs handicapés.

Les maisons de l'emploi jouent également un rôle d'ingénierie pour l'insertion de clauses sociales dans les marchés publics.

Source : Arrêté du 21 décembre 2009 portant cahier des charges des maisons de l'emploi et Alliance Villes Emploi

Les modalités de financement de la part de l'Etat ont été revues. Le taux maximum d'intervention de l'Etat a été fixé à 70 % du budget de fonctionnement, dans la limite d'un plafond d'1 million d'euros par entité, ce plafond pouvant « être réexaminé dans les situations où des maisons de l'emploi viendraient à se regrouper. »

Dans son rapport public annuel de février 2008, la Cour des comptes a qualifié les maisons de l'emploi de « dispositif qui doit encore trouver sa place ».

Plusieurs rapports se sont saisis du sujet. Les réserves sur la plus-value des maisons de l'emploi tiennent pour une large part à leur hétérogénéité. Comme le souligne le rapport de la mission relative à Pôle emploi rédigé par Jean-Paul Alduy, « le rôle des maisons de l'emploi est [...] très différent selon les territoires et elles n'ont pas toujours su trouver leur place. Si leur intervention peut donc être utile là où elles sont bien implantées, et la mission souligne que beaucoup d'entre elles apportent une vraie plus-value au SPEL grâce à l'imagination et au dynamisme de leurs salariés, il importe que Pôle emploi ne néglige pas ses responsabilités en matière de partenariats territoriaux. »

Claude Jeannerot relève dans son avis sur la mission « Travail et emploi » qu' « il est difficile de porter un jugement global sur les maisons de l'emploi, dans la mesure où leur efficacité varie beaucoup en fonction des situations locales. Certaines contribuent à la coordination du service public de l'emploi, effectuent des diagnostics territoriaux utiles et améliorent la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. D'autres, en revanche, « doublonnent » avec Pôle emploi et il n'est alors pas illégitime que l'Etat veuille réduire la subvention de ces structures 35 ( * ) . »

b) Une action menée en partenariat avec les autres acteurs

L'action des collectivités en matière d'emploi s'inscrit essentiellement dans une logique partenariale : loin d'intervenir seules dans ce domaine, elles s'associent le plus souvent à d'autres partenaires.

Tout d'abord, les élus participent largement aux politiques impulsées au niveau national, lorsqu'ils sont sollicités à ce titre. La DGEFP a ainsi souligné les efforts réalisés par les départements dans le domaine des contrats aidés : ils en ont cofinancé près de 90 000 en 2011, pour 60 000 en 2010.

Ensuite, il est des interventions dont le succès dépend de l'existence d'un fort partenariat entre les collectivités et le Pôle emploi. C'est en particulier le cas dans le domaine de l'anticipation des besoins du bassin d'emploi : cette dernière ne peut se faire qu'au moyen d'une communication à Pôle emploi des informations dont disposent les élus. Ainsi, la direction économique de Marseille Provence Métropole informe régulièrement Pôle emploi sur les projets de développement des entreprises accompagnées ainsi que les projets d'aménagements à forte composante économique (ZAC, ZFU, lotissements d'activités, accueil et offre de solutions foncières pour les pôles de compétitivité...).

Enfin, les instances créées par les collectivités, qu'il s'agisse des missions locales, des maisons de l'emploi ou des PLIE, inscrivent cette dimension partenariale au coeur de leur action, puisqu'elles rassemblent une multitude d'acteurs intervenant dans le domaine de l'emploi ou dans des domaines proches (l'insertion, la formation professionnelle...). Les collectivités y jouent un rôle de fédérateur d'acteurs.

Outre une approche intégrée des politiques de l'emploi, ces fédérations d'acteurs facilitent le partage d'expériences et un élargissement des publics visés par les différents dispositifs mis en oeuvre.


* 23 Article L. 5314-1 du Code du travail.

* 24 Article L. 5314-2 du Code du travail.

* 25 « Pôle emploi : une réforme nécessaire, une dynamique de progrès à amplifier », rapport d'information n° 713 de M. Jean-Paul Alduy, fait au nom de la Mission commune d'information relative à Pôle emploi, tome I (Sénat, 2010-2011), p. 139.

* 26 « Les missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes », rapport de l'IGF, juillet 2010, pp. 1-2.

* 27 Article L. 5131-2 du Code du travail.

* 28 Document fourni à votre rapporteure par l'Alliance Ville Emploi.

* 29 Circulaire DGEFP 99/40 du 21 décembre 1999, pp. 1-2.

* 30 L'Alliance Villes Emploi comptabilise les financements directs, assurés par le PLIE et inscrits à son budget, mais aussi les financements indirects qui renvoient aux financements mobilisés dans le cadre de leur action, mais assurés par d'autres organismes. Par exemple, si dans le cadre d'un accompagnement par un PLIE, une personne suit une formation financée par le conseil régional, ce financement est comptabilisé comme un « financement indirect ».

* 31 Article 1 de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

* 32 Article 5313-1 du Code du travail.

* 33 « Pôle emploi : une réforme nécessaire, une dynamique de progrès à amplifier », rapport d'information n° 713 de M. Jean-Paul Alduy, fait au nom de la Mission commune d'information relative à Pôle emploi, tome II (Sénat, 2010-2011), p. 85.

* 34 Document de présentation fourni à votre rapporteure par l'Alliance Villes Emploi.

* 35 Avis n° 109 sur le projet de loi de finances pour 2012, tome VII, Travail et emploi, p. 18.

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