II. LES ENJEUX SOUS-JACENTS A LA DEFINITION DES CIMC

A. L'IMPORTANCE D'IDENTIFIER LES CIMC

1. Pour nous forcer à réfléchir à ce qui est important

La question des capacités industrielles militaires critiques CIMC nous force à réfléchir non seulement aux matériaux, aux technologies et aux équipements militaires critiques, et aux capacités industrielles qui permettent de les concevoir, de les produire et de les soutenir, mais aussi aux stratégies d'alliances et à la stratégie d'acquisition nous permettant de doter nos forces des équipements dont elles ont besoin.

2. Afin de concentrer nos moyens

En période de pénurie, il s'agit de maximiser les moyens dont nous disposons, en particulier financiers et humains sur le soutien, le maintien à niveau (traitement des obsolescences) et si possible le développement de ces CIMC. C'est l'effet de levier.

Cette nécessité était déjà affirmée dans le Livre blanc de 2008.

3. Et protéger nos actifs

Cette protection doit intervenir sur toute la chaîne : recherche - conception - production - soutien - évolution. C'est l'effet de bouclier. Nous verrons ultérieurement de quelle façon on peut y satisfaire 11 ( * ) .

B. L'INTERÊT RENOUVELÉ EN PÉRIODE DE RESTRICTIONS BUDGÉTAIRES

1. La France dispose encore d'atouts qu'il serait dommage de voir disparaître

La France est aujourd'hui encore un des rares pays d'Europe à maîtriser la quasi-totalité des savoir-faire technologiques et industriels nécessaires à la satisfaction de ses besoins militaires, ce qui lui confère des atouts indéniables, même s'il faut, au cas par cas, avoir une vision non complaisante de ses forces et de ses faiblesses :

a) Atouts militaires :

- permanence de la dissuasion ;

- capacité de projection et d'action ;

- capacité d'observation et de renseignements ;

- capacité de frappe précise à distance - (mais pas sans exposer ses propres vaisseaux, ce qui sera possible avec les sous-marins Barracuda)

- capacité d'entrer en premier (Libye 2011) ;

- capacité d'entrer seul (République de Côte d'Ivoire 2002 - République Centrafricaine 2003).

Ces atouts fondent notre autonomie d'action. Ils sont essentiels pour honorer nos engagements internationaux (ONU, OTAN, PESD, accords de défense).

b) Atouts politiques :

L'autonomie d'appréciation et de décision est importante dans la gestion des crises. Elle nous permet d'avoir un point de vue indépendant en disposant d'une contre-expertise (Irak 2003), voire une action autonome, même au sein d'une coalition (Kosovo 1999, Libye 2011).

c) Atouts technologiques :

Les exemples sont nombreux de technologies militaires ayant fondé des filières industrielles. Rappelons que pour notre pays :

- le lanceur Ariane est fruit des missiles de la dissuasion ;

- l'aéronautique civile - Airbus en particulier - est fille de l'aéronautique militaire ;

- le logiciel Catia, développé par Dassault Systèmes pour les avions d'armes a été ensuite utilisé dans l'aviation civile, l'automobile et de nombreux autres secteurs industriels.

d) Atouts économiques et industriels :

Les CIMC représentent un poids important avec une quasi-totalité de l'activité réalisée en France : emplois directs et indirects dans les bassins d'emplois, TVA, etc... Des études confidentielles approfondies montrent que pour un euro investi dans une CIMC - l'État récupère 1,6 euro.

Une étude sur la filière missile montre en particulier que la contribution économique globale générée par cette filière (605 millions d'euros) est largement supérieure au montant des dépenses de R&D exigé par l'existence de cette filière (350 millions d'euros), dont une partie seulement est financée par le budget de la défense (200 millions d'euros). La France devant de toutes les façons acquérir des missiles, le fait de les produire sur son territoire génère d'importantes retombées économiques en termes d'emplois, de fiscalité, de charges sociales. La seule contribution économique globale générée par l'activité export (331 millions d'euros) est largement supérieure au montant des dépenses de R&D exigés par l'existence de cette filière et financés par le budget de l'Etat.

La France gagne ainsi de l'argent dans les domaines où l'État a investi de longue date et a gardé une politique forte (aéronautique, défense), alors qu'elle en perd là où l'État s'est désinvesti (automobile).

2. La crise financière et budgétaire et les conséquences que nous devons en tirer

« The most significant threat to our national security is our debt » Adm. Mike Mullen, former head of the Joint Chiefs of Staff - CNN August 27, 2010 (la menace la plus importante pour notre sécurité nationale est notre dette - Amiral Mike Mullen, ancien chef d'état-major des armées américain).

Le statut encore enviable de la France est menacé par la crise financière et budgétaire et par le coût des investissements à consentir pour conserver notre rang sur l'ensemble des domaines critiques identifiés. Il nous faudrait dépenser plus pour faire autant, alors que nous somme condamnés à faire mieux avec moins.

L'enjeu des réflexions de ce groupe de travail est de contribuer à améliorer cette démarche d'identification.


* 11 Voir, notamment, Pascal Dupeyrat : guide des investissements stratégiques - Ellipses - mai 2011

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