V. L'AVENIR DU CONSEIL DE L'EUROPE EN DÉBAT

A. LA PRÉSIDENCE ALBANAISE DU CONSEIL DE L'EUROPE

1. Intervention de M. Sali Berisha, Premier ministre de l'Albanie

L'intervention du Premier ministre albanais devant l'Assemblée parlementaire avait un double objectif : présenter les priorités de la présidence du Conseil de l'Europe et rappeler l'engagement de son pays en faveur des droits de l'Homme.

M. Berisha, ancien membre de l'Assemblée, ancien président de l'Albanie entre 1992 et 1997 et chef du gouvernement depuis 2005, a rappelé la profonde mutation de son pays depuis 1990, passant d'un État autoritaire à une démocratie garantissant les libertés individuelles, avec dans le même temps un développement économique sans précédent. Selon lui, après l'adhésion au Conseil de l'Europe et à l'OTAN, la prochaine étape politique consiste, pour l'Albanie, en l'intégration à l'Union européenne.

M. Bernard Fournier (Loire - UMP) a, à cet égard, souhaité interroger le Premier ministre albanais sur les retards pris par son pays dans cette voie :

« J'ai longtemps présidé, au sein du Sénat français, le groupe d'amitié avec votre pays. Mon amitié pour l'Albanie ne peut cependant tempérer mes inquiétudes face aux retards pris sur la voie de l'intégration à l'Union européenne.

L'Union européenne, comme notre commission de suivi, insiste régulièrement sur l'adoption de réformes d'envergure visant notamment les médias, le système judiciaire et la loi électorale. Sans négliger les efforts accomplis par votre gouvernement dans d'autres domaines, en matière criminelle notamment, pouvez-vous détailler devant cette assemblée un calendrier précis pour les réformes attendues ? »

M. Berisha a centré sa réponse sur la réforme de la loi électorale :

« Je voudrais tout d'abord vous dire, Monsieur Fournier, que nous sommes très fiers, en Albanie, de cette amitié entre nos deux pays. La réforme du code électoral fait l'objet d'un vif débat en Albanie et j'espère qu'elle aboutira dans les prochaines semaines. Depuis le mois d'octobre dernier, les partis politiques de la majorité et de l'opposition collaborent de manière constructive. »

Il ne néglige pas pour autant la présidence du Conseil de l'Europe que son pays exerce depuis le mois de mai. M. Berisha a ainsi souligné que son pays entendait organiser une conférence à haut niveau sur trois thèmes : la diversité en Europe, la promotion du dialogue interculturel et l'éducation et la contribution des jeunes à la promotion de la compréhension, de la tolérance et de l'intégration sociale. Le renforcement de la coopération avec les pays du Bassin méditerranéen et du Moyen Orient fait également figure de priorité, notamment à destination des démocraties issues du Printemps arabe. L'Albanie entend, en outre, contribuer au débat sur la dimension religieuse du dialogue culturel, le Premier ministre rappelant que son pays disposait d'une tradition séculaire en la matière.

Le Premier ministre albanais a conclu son propos en revenant sur la situation des Balkans occidentaux. L'Albanie entend accompagner les pays de cette région sur la voie du respect plein et entier des frontières internationales actuelles et de la coopération régionale, ainsi que sur celle de la consolidation de l'État de droit et des institutions démocratiques. M. Berisha a, à cet égard, salué les accords signés entre la Serbie et le Kosovo sous l'égide de l'Union européenne.

Les Balkans étaient au centre de la question posée par M. Jean-Pierre Michel (Haute-Saône - SOC) au chef du gouvernement albanais :

« L'Albanie joue un rôle important au sein des Balkans occidentaux, notamment en raison de l'importance des communautés albanophones au Kosovo et en Macédoine, mais aussi en Serbie et au Monténégro. Entendez-vous profiter de votre présidence pour favoriser l'apaisement au Kosovo, qui est une condition indispensable pour sa reconnaissance internationale, mais aussi en Macédoine, où les tensions sont aujourd'hui très vives ? »

M. Berisha a rappelé, dans sa réponse, rappelé l'engagement de son pays en faveur de la paix dans la région :

« Des difficultés sont récemment survenues en Macédoine, en apparence interethniques mais qui, en réalité avaient aussi d'autres causes. Pour nous, la paix et la stabilité de la Macédoine sont d'une importance vitale pour la région. C'est pourquoi nous tenons à la coopération et au respect mutuel entre nos deux pays, et il y a un progrès clair et net dans ce domaine. Mais je voudrais souligner que l'application intégrale des accords d'Ohrid est d'une importance vitale pour la paix et pour l'avenir des relations entre les Macédoniens et les Albanais en Macédoine.

Pour ce qui est du Kosovo, je crois qu'un progrès extraordinaire a été réalisé en ce qui concerne les minorités. Au nord, là où il n'y a que des Serbes et pas d'Albanais, il est difficile de comprendre les difficultés et l'instabilité qui peuvent survenir. Mais je pense que le projet du président Ahtisaari, qui définit un cadre légal, peut apporter une véritable stabilité dans les trois communes du nord. Malgré les manipulations des nationalistes serbes, le gouvernement du Kosovo est en train d'élaborer un projet très sérieux à ce sujet, en coopération avec l'Union européenne, les États-Unis et le groupe des Cinq pour agir le plus vite possible. »

2. Communication du Comité des Ministres

M. Edmond Haxhinasto, Vice-Premier ministre et ministre des affaires étrangères de l'Albanie, était invité à présenter devant l'Assemblée parlementaire les priorités de la présidence albanaise du Conseil de l'Europe.

La première d'entre elles concerne la promotion de la tolérance, du dialogue et de l'entente commune, M. Haxhinasto rappelant l'expérience de son pays dans ce domaine. C'est dans cette perspective qu'est organisé un Échange sur la dimension religieuse du dialogue interculturel, les 3 et 4 septembre 2012, à Durrës, et une conférence internationale de haut niveau sur le thème du « Vivre ensemble », le 9 novembre suivant, à Tirana.

En ce qui concerne le suivi de la Déclaration de Brighton sur l'avenir de la Cour européenne des droits de l'Homme, la présidence albanaise entend insister sur l'application de la Convention des droits de l'Homme au plan national. Il convient, selon elle, que les normes de la Convention soient connues et appliquées par les tribunaux nationaux. D'autres parties prenantes - avocats, défenseurs des droits de l'Homme, institutions publiques telles que les parlements nationaux et les médiateurs - ont, à cet égard, un rôle important à jouer.

M. Jean-Pierre Michel (Haute-Sâone - SOC) a sur ce sujet demandé au Vice-Premier ministre albanais ce que le Comité des Ministres entendait faire pour crédibiliser un peu plus l'élection des juges à la Cour européenne des droits de l'Homme :

« Monsieur le Ministre, vous avez déjà répondu à plusieurs questions sur les suites de la Conférence de Brighton. Comptez-vous vous saisir à court terme, au sein du Comité des Ministres, de la question de la sélection des candidatures aux postes de juges à la Cour, qui ne reflètent pas toujours, me semble-t-il, le choix de la compétence et de l'objectivité ? Nous l'avons encore vu pendant cette session. »

La présidence albanaise lui a répondu :

« C'est l'un des points importants de la réforme de la Cour. C'est une des priorités du Comité des Ministres. Le groupe consultatif créé en 2010 pour l'élection de juges à la Cour transmettra ses recommandations. En mars 2012, les principes directeurs relatifs à la sélection des candidats pour les postes de juges à la Cour européenne des droits de l'Homme ont été approuvés. Il s'agit d'améliorer les procédures au niveau national. Les propositions sont transmises à l'Assemblée parlementaire.

Aujourd'hui, je ne peux que recommander aux hautes parties contractantes de mettre en oeuvre de manière stricte, ces principes directeurs, car c'est une question essentielle pour l'avenir de la Cour. »

L'adhésion de l'Union européenne à la Convention des droits de l'Homme, est également au coeur du programme de travail de la présidence albanaise, l'Union européenne étant prête à reprendre les négociations. C'est dans ce contexte que le Comité des Ministres a donné instruction au Comité directeur pour les droits de l'Homme de finaliser le projet d'instrument juridique définissant les détails de cette adhésion.

Les droits de l'enfant, le resserrement des liens avec l'OSCE ou le suivi de la situation en Bosnie-Herzégovine et le Kosovo seront également des thèmes abordés au cours de cette présidence.

Mme Bernadette Bourzai (Corrèze - SOC) a souhaité interroger la présidence du Comité des Ministres sur la montée en puissance de l'Union européenne dans le domaine des droits de l'Homme :

« Avec la présidence polonaise, l'Union européenne a jeté les bases d'un Fonds européen pour la démocratie, dont les missions ne sont pas sans rappeler celles de notre Organisation. J'ai présenté devant le Sénat français une proposition de résolution européenne qui a été adoptée, appelant à la suppression de ce projet coûteux - 500 millions d'euros sur 5 ans - et au renforcement concomitant de la coopération entre l'Union européenne et le Conseil de l'Europe.

Aussi, je souhaiterais connaître la position de votre pays et plus largement du Comité des Ministres sur ce dossier. Entendez-vous, le cas échéant, vous rapprocher de l'Union européenne pour aborder concrètement cette question ? »

Le Vice-Premier ministre albanais lui a répondu :

« Créer des synergies entre organisations internationales permet d'améliorer leur efficacité mutuelle. C'est bien l'esprit de la réforme initiée au Conseil de l'Europe. La question que vous évoquez fait l'objet d'une discussion approfondie du Comité des Ministres et nous ferons connaître prochainement notre position ».

Dans le même ordre idée, M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin - UC) a demandé au Comité des Ministres quelle était sa position sur la création d'un représentant spécial de l'Union européenne sur les droits de l'Homme :

« Depuis la signature en mai 2007 du mémorandum d'accord entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne visant à renforcer la coopération entre ces deux organisations, l'Union européenne a ouvert une Agence européenne des droits fondamentaux, créé un Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes, institué une assemblée parlementaire multilatérale, etc. On observe aujourd'hui la création d'un représentant spécial chargé des droits de l'Homme, qui ressemble au Commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe.

Il y a là manifestement un risque de détournement. On nous dit que ce ne sont pas les mêmes missions. Mais cela pose un problème. Monsieur le Ministre, quelle est la position de la présidence albanaise ? »

La présidence albanaise s'est montrée résolument optimiste dans sa réponse :

« Ce représentant spécial a un objectif précis : accentuer l'aspect des droits de l'Homme dans la politique étrangère de l'Union européenne. Cela contribue à renforcer les valeurs des droits de l'Homme que notre Organisation défend.

Les excellentes relations que le Conseil de l'Europe entretient avec l'Union européenne pourraient permettre de renforcer les synergies et de créer une valeur supplémentaire pour atteindre un objectif commun : la protection des droits de l'Homme. »

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