E. LE RESPECT DES OBLIGATIONS ET DES ENGAGEMENTS DU MONTÉNÉGRO

Depuis l'adoption de la résolution 1724 (2010) adoptée par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe le 28 avril 2010, le Monténégro a accompli de nombreux progrès en vue de mettre en oeuvre les engagements pris avec le Conseil de l'Europe au moment de son adhésion en 2007. Le texte voté en 2010 soulignait la nécessité d'adopter un certain nombre de réformes visant à la fois à revaloriser le rôle du Parlement mais aussi à renforcer le pouvoir judiciaire. La lutte contre le blanchiment et la corruption devait également faire figure de priorité. La résolution pointait également les pressions subies par les défenseurs des droits de l'Homme dans ce pays et les minorités.

La commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe, dite commission de suivi, a effectué, depuis, deux missions sur place en mai 2011 et mars dernier. Elle a ainsi pu relever que la révision de la loi sur l'élection des conseillers et membres du Parlement répond aux objectifs de la résolution de 2010 et que des avancées notables ont été enregistrées en matière de décentralisation.

La commission salue les mesures prises pour lutter contre la corruption et le crime organisé, suite aux modifications apportées au Code pénal, à l'adoption d'un nouveau Code de procédure pénale et à la révision de la loi sur la prévention du blanchiment de capitaux.

M. Jean-Pierre Michel (Haute-Saône - SOC) a tenu à souligner, dans son intervention, la nécessité d'être vigilant sur la question de la corruption, compte tenu du contexte politique local :

« Je me suis rendu il y a deux ans au Monténégro, et j'y suis retourné depuis, afin d'évaluer, dans le cadre d'une mission du Sénat français, les avancées de ce jeune État. S'il ne fait aucun doute que le discours des autorités politiques était conforme en tous points aux demandes de Bruxelles, il me semble que la réalité est moins conforme aux ambitions affichées. Si, avec mes collègues, nous ne doutions pas des efforts du gouvernement en vue d'ouvrir et de moderniser économiquement le pays, la lutte contre la corruption, notamment, nous a semblé sujette à caution.

Il ne nous appartient pas, au sein de cette Assemblée, de faire le procès d'un autre État membre, et telle n'est surtout pas notre ambition. Notre mission première est d'accompagner les jeunes démocraties sur la voie de l'État de droit, en étant conscients des obstacles qui se dressent naturellement devant elles.

Et ces obstacles étaient connus pour le Monténégro, jeune État d'à peine plus de cinq ans, qui peine à renouveler ses élites politiques. La permanence d'une même formation au pouvoir depuis le milieu des années 1990 n'est pas sans incidence sur la conception de la gestion de l'État et les libertés qui ont pu être prises ici et là avec la morale publique. Le fait même que le Monténégro ait dû user de moyens détournés pour assurer sa survie, à l'époque du blocus qui paralysait la Yougoslavie, n'a pas non plus été sans conséquence en matière de pratique du pouvoir et de corruption.

À ces conditions politiques s'ajoutent la modernisation effrénée du pays depuis plus de dix ans et son choix d'investir massivement en faveur du tourisme. L'ambition affichée tenait à une intégration rapide au sein de l'Union européenne. Cette course à la croissance et à l'ouverture a pu autoriser certains dérapages politico-financiers, dont la côte monténégrine atteste. Les bungalows en jachère de l'hôtel Avala sur la côte de Budva sont l'exemple frappant de ces dérives, heureusement stoppées grâce au courage de certaines organisations non gouvernementales, à l'instar des jeunes équipes de l'ONG MANS. Et il s'agit bien de courage, tant ces associations indépendantes semblent rencontrer des difficultés pour exercer leur activité.

La présence de telles organisations souligne pourtant la possibilité d'une relève démocratique dans ce pays, apte à jouer la carte de l'alternance. Nous aurions tort de penser que le paysage politique y est figé entre indépendantistes monténégrins et nostalgiques de la Grande Serbie. Je m'associe donc partiellement à la recommandation des rapporteurs de maintenir la procédure de suivi concernant le Monténégro et je pense, compte tenu des difficultés structurelles et historiques de cet État et des progrès qu'il a faits, qu'ils devraient nous présenter un nouveau rapport dans un an. »

Les rapporteurs sont plus réservés en ce qui concerne la réforme attendue de la justice : la nomination des hauts fonctionnaires de justice ne présente pas toutes les garanties en matière de transparence alors que des efforts supplémentaires en matière de formation des juges doivent également être accomplis.

Si la nomination d'un défenseur des droits de l'Homme constitue une avancée, la commission s'interroge sur les moyens qui lui seront effectivement attribués et sur son incompétence en matière de lutte contre les discriminations. Elle manifeste, à ce titre, une certaine préoccupation quant au sort des minorités rom, ashkali et égyptienne.

Le texte adopté par l'Assemblée insiste, en outre, sur les actes d'intimidation, les pressions et les violences dont sont victimes les journalistes d'investigation.

Au regard de ces réserves, l'Assemblée a décidé de prolonger la procédure de suivi concernant le Monténégro.

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