2. Les observations de la Cour

Dans un document adopté en Assemblée plénière le 20 février 2012, la Cour de Strasbourg a formulé plusieurs remarques destinées à éclairer les travaux de la conférence à venir.

Elle souscrit tout d'abord au but général tendant à ramener le nombre d'affaires pendantes devant elle à un volume « gérable » et à faire en sorte qu'il s'agisse d'affaires soulevant des questions importantes au regard de la Convention, « sous réserve que deux conditions soient respectées : premièrement, le droit au recours individuel doit être préservé ; deuxièmement, il faut que des mécanismes effectifs (nationaux ou internationaux) soient mis en place pour accueillir les affaires bien fondées que la Cour ne peut traiter ».

Elle formule ensuite un certain nombre d'observations sur les pistes d'évolution suggérées par la présidence britannique :

- rappelant l'importance « que les États exécutent comme il se doit les arrêts pilotes rendus à leur égard et examinent avec attention les implications des arrêts rendus à l'égard des autres États », elle indique qu'elle continuera ses efforts pour améliorer la diffusion de sa jurisprudence. Un Institut de formation judiciaire 21 ( * ) , mis en place au sein de la Cour avec le soutien financier du Fonds pour les droits de l'homme, a commencé à fonctionner en avril 2012 ;

- s'agissant du renforcement du dialogue avec les juridictions nationales, elle rappelle que des réunions de travail ont lieu régulièrement avec les juridictions suprêmes nationales, et que le dialogue judiciaire passe aussi par la motivation des arrêts . Toutefois, elle n'est pas opposée à l'instauration d'un mécanisme d'avis consultatifs , souhaitant une réflexion plus approfondie sur cette question ;

- rappelant son opposition totale à l'introduction d'obstacles tels que l'imposition de frais ou de ministère obligatoire d'avocat , elle se déclare favorable à un réexamen des critères de recevabilité des requêtes. Toutefois, « elle n'est pas convaincue que le fait de modifier les critères de recevabilité ou d'en ajouter de nouveaux (plutôt que de rejeter des requêtes pour d'autres motifs) aurait un impact significatif sur sa charge de travail ». En particulier, s'agissant de la proposition tendant à juger la requête irrecevable lorsque l'affaire est en substance identique à une question qui a déjà été examinée par une juridiction nationale appliquant les droits garantis par la Convention, elle relève que, « pour vérifier si les juridictions nationales ont procédé à un examen approprié ou si elles ont commis une erreur manifeste d'appréciation, [la Cour] devrait de toute façon examiner chaque affaire de manière systématique et approfondie » ;

- en revanche, elle se déclare favorable à une réduction du délai d'introduction des requêtes (aujourd'hui de six mois), en l'alignant sur les délais équivalents dans les procédures nationales ;

- sur la possibilité qui lui serait ouverte de sélectionner les affaires sur lesquelles elle se prononce, elle préfèrerait utiliser le critère existant de « jurisprudence bien établie » : « en vertu de celui-ci, lorsqu'il existerait une jurisprudence bien établie, elle n'examinerait l'affaire au fond en formation de chambre que si le respect des droits de l'homme [l'impose]. Les autres affaires recevables ne satisfaisant pas à ce critère devraient quant à elles être traitées hors de la Cour, soit dans le cadre d'une autre procédure internationale, soit, sur renvoi, par un mécanisme national » ;

- elle souligne par ailleurs que « l'examen d'un nombre aussi important de requêtes répétitives n'est pas compatible avec le fonctionnement d'une juridiction internationale », et invite « les États membres du Conseil de l'Europe [à] redoubler d'efforts aux niveaux individuel et collectif pour régler les problèmes structurels et endémiques qui sont à l'origine de ce type de requêtes » : « le but doit être de détecter et de corriger les causes législatives et administratives des violations récurrentes et de mettre en place des mécanismes nationaux permettant d'apporter une réparation aux intéressés » ;

- elle souhaite que puisse être rendu obligatoire le renvoi devant la Grande Chambre - à l'heure actuel facultatif - dès lors qu'une chambre envisage de s'écarter de la jurisprudence établie ;

- enfin, elle se dit favorable à une modification de la limite d'âge actuellement imposée aux juges, soulignant que le système actuel présente l'inconvénient d'empêcher certains juges expérimentés de terminer leur mandat, voire même exclure totalement leur candidature.


* 21 Projet de 200 000 euros concernant l'Albanie, l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Géorgie, la Moldavie, le Monténégro, la Serbie et l'Ukraine visant à offrir aux professionnels (magistrats et avocats) une formation de haut niveau sur la législation de la Convention et à contribuer à la diffusion de la jurisprudence de la Cour et à son effective disponibilité pour professionnels du droit.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page