II. UN ARSENAL JURIDIQUE SUFFISANT ET ÉPROUVÉ

A. LES POUVOIRS DE POLICE DES AUTORITÉS LOCALES ET DES SERVICES DECONCENTRÉS DE L'ETAT

1. La police administrative exercée par la maire et par le préfet

La police administrative a pour objet de prévenir les atteintes à l'ordre public, et se trouve définie par les notions de bon ordre, tranquillité, sécurité et salubrité publiques. Elle constitue un des moyens dont disposent les pouvoirs publics pour tenter d'encadrer certains des phénomènes décrits ci-dessus. Concrètement, le maire, en vertu de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), peut réprimer les atteintes à la « tranquillité publique ». Il peut ainsi, sous certaines conditions, prendre un arrêté interdisant des rassemblements festifs. Il peut également interdire la vente d'alcool à emporter.

Toutefois, dans la mesure où l'exercice du pouvoir de police peut porter atteinte aux libertés, le juge administratif exercera un contrôle étendu en vérifiant notamment l'adéquation de la mesure à la gravité de la menace à l'ordre public, ce qui suppose une grande vigilance dans la rédaction de l'interdiction et une motivation rigoureuse.

A titre d'exemple, l'interdiction préventive d'un « apéro facebook » est possible dans la mesure où les risques de trouble à l'ordre public liés à la tenue d'un rassemblement de plusieurs milliers de personnes, consommant des boissons alcoolisées dans un lieu ne présentant pas des conditions adaptées à un événement d'une telle ampleur, paraissent évidents. Le juge, éventuellement saisi, appliquera alors les principes traditionnels de la police administrative : prohibition d'une interdiction trop générale et absolue et prise en compte, dans chaque espèce, des circonstances de temps et de lieu afin de concilier le respect de la liberté et le maintien du bon ordre 4 ( * ) .

En outre, en cas de carence du maire dans l'exercice du pouvoir de police municipale que lui confère le code général des collectivités territoriales, le préfet peut se substituer à lui et prendre les mesures appropriées (article L. 2215-1 du CGCT). Si la police est étatisée dans la commune (article L. 2214-1 du CGCT), le préfet est d'office compétent pour prendre les mesures nécessaires au maintien de la tranquillité publique.

Il en est ainsi dans le cas de l'interdiction de la vente d'alcool à emporter. A titre d'exemple, dans le contexte des faits divers dramatiques survenus récemment à Bordeaux en lien avec une consommation excessive d'alcool, le tribunal administratif de Bordeaux a estimé le 12 juin 2012 qu'un arrêté du préfet de la Gironde interdisant la vente d'alcool à emporter entre 22 heures et 7 heures du matin était légal dans la mesure où « le préfet (...) s'est fondé sur les atteintes portées à la tranquillité et la sécurité publiques par les nuisances résultant d'activités tardives et bruyantes de vente de boissons alcoolisées et (...) par le constat de pratiques observées chez une population jeune consommant des quantités importantes de boissons alcoolisées la nuit dans les rues et autres lieux publics, et par le constat de plusieurs accidents mortels survenus récemment à l'occasion de telles activités nocturnes ». Un tel arrêté ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce, liberté qui ne « saurait en effet être légitimement invocable que pour autant que ce droit ne porterait pas lui-même atteinte à ceux d'autrui et à l'ordre public » 5 ( * ) .

De même, la préfecture de police de Paris a pu maîtriser au premier semestre de 2010 le développement des « apéros facebook » prévus sur le Champ de Mars en rappelant que la consommation d'alcool y est interdite en permanence, en interdisant le transport et la détention de toutes bouteilles et récipients en verre ainsi que la distribution et la vente ambulante de boissons sur le site et ses abords, en saisissant le procureur de la République afin de rechercher les organisateurs des événements (l'absence de déclaration d'un tel événement au moins trois jours avant tenue étant punissable de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende, sans même prendre en compte les dégradations éventuelles), et surtout en communiquant largement sur l'ensemble de ces actions.

Ce pouvoir de police administrative exercé au niveau local permet ainsi une bonne adaptation aux réalités du terrain.

2. La mise en chambre de sûreté des personnes trouvées ivres sur la voie publique par les forces de l'ordre

L'ivresse publique est une infraction définie par l'article L. 3341-1 du code de la santé publique : « une personne trouvée en état d'ivresse dans des lieux publics, est, par mesure de police, conduite à ses frais au poste le plus voisin ou dans une chambre de sûreté, pour y être retenue jusqu'à ce qu'elle ait recouvré la raison ». Le fait de se trouver en état d'ivresse manifeste dans les lieux mentionnés à l'article L. 3341-1 est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 2 ème classe (150 euros maximum).

Cette procédure, qui permet à l'autorité de police d'intervenir efficacement pour appréhender une personne dans un état d'ivresse avancée, est très fréquente, puisqu'environ 70 000 procédures sont mises en oeuvre chaque année.

Or le Conseil constitutionnel, saisi par le biais d'une question prioritaire de constitutionnalité de la disposition permettant de placer en chambre de sûreté une personne appréhendée en état d'ivresse manifeste sur la voie publique, l'a récemment validée 6 ( * ) .


* 4 CE, Ass., 19 mai 1933, Benjamin.

* 5 TA Bordeaux, 12 juin 2012, Société distri Lorraine et autres.

* 6 CC, 8 juin 2012, n° 2012-253 QPC.

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