B. UN EFFORT D'ACCOMPAGNEMENT DES ORGANISATEURS DE SOIRÉES ÉTUDIANTES A RENFORCER

Les pouvoirs publics doivent éviter le leurre qui consisterait à croire que par des sanctions exemplaires, le phénomène d'alcoolisation des jeunes peut être éradiqué des évènements qui ponctuent la vie étudiante. Cette tentation existe pourtant au sein des établissements scolaires et universitaires au travers du traitement uniquement par la voie disciplinaire de cas médiatisés. Identifier un responsable, quand cela est d'ailleurs possible, n'est pas le gage que de tels incidents ne se reproduiront pas à l'avenir. La prise de conscience doit donc s'accompagner d'une politique de prévention .

Aussi légitime qu'elle soit, la procédure disciplinaire présente surtout l'avantage aux yeux de certaines directions d'établissements d'enseignement supérieur, notamment des grandes écoles, de se dédouaner du problème et de renvoyer la difficulté aux organisateurs pour maintenir la réputation de l'établissement.

Vos rapporteurs déplorent d'ailleurs que des fêtes soient incitées à être « externalisées » hors de l'enceinte universitaire pour le seul motif de décharger l'autorité administrative en charge de l'ordre public dans l'établissement de sa responsabilité. Pire, ont été indiqués à vos rapporteurs des cas de week-ends d'intégration se déroulant, avec l'assentiment tacite de la direction d'écoles de commerce, à l'étranger dans le seul but d'échapper à la loi française. Outre qu'elle est dans son principe choquante, cette manoeuvre est vaine puisque les crimes et délits commis par des ressortissant français à l'étranger peuvent être poursuivis en France sous réserve, dans certains cas, d'une dénonciation officielle par l'autorité du pays où le fait a été commis et, pour les délits, de la réciprocité des incriminations (articles 113-6 et 113-8 du code pénal).

Plutôt qu'un encadrement purement normatif des soirées étudiantes, les pouvoirs publics doivent conforter leur action en matière de prévention de la consommation excessive d'alcool. Vos rapporteurs ont conscience des difficultés de cette action qui intéresse directement la santé publique et qui nécessite une détection des jeunes confrontés à ce phénomène. L'hyperalcoolisation est d'autant plus délicate à repérer qu'elle n'implique pas forcément une addiction et une consommation régulière d'alcool mais peut se manifester seulement par un comportement passager et répété au cours des soirées.

1. Le rôle des associations étudiantes dans la politique de prévention

Dans la prévention contre la consommation excessive d'alcool lors des fêtes étudiantes, les organisateurs ont un rôle incontournable. Comme vos rapporteurs ont pu le mesurer, les étudiants, membres de ces associations, sont parmi les étudiants les plus sensibilisés à cette question et les plus actifs dans la politique de prévention. Lors de leur audition, les représentants du bureau national des élèves ingénieurs (BNEI) ont relevé que les jeunes étaient, à l'exclusion des organisateurs de soirée, peu réceptifs au discours traditionnel de prévention . En effet, l'aspect festif et agréable du moment reste prédominant dans les esprits et n'invite pas à une attention particulière vis-à-vis des messages de prévention.

Des associations étudiantes consacrent désormais une part non négligeable de leur activité à la prévention contre l'hyperalcoolisation des jeunes en soirée. Les représentants du BNEI ont ainsi souligné que, désormais, toutes les associations étudiantes de leur réseau agissaient en ce sens. Le programme de prévention présenté par le BNEI mérite l'attention et certainement une meilleure diffusion auprès de ses homologues afin de permettre une généralisation.

La politique de prévention des associations étudiantes : l'exemple du BNEI

Le bureau national des élèves ingénieurs (BNEI) est une association rassemblant les associations étudiantes au sein de plus 200 écoles d'ingénieurs. Outre sa trentaine d'antennes régionales qui lui assurent une remontée d'information importante, le BNEI s'organise autour de six pôles subdivisés en départements. Le département réglementation santé prévention (RSP) qui emploie ainsi l'équivalent d'un agent et demi à temps plein, est spécifiquement chargé depuis cinq ans d'apporter un soutien technique aux associations étudiantes pour l'organisation de soirées et la prévention des risques à cette occasion.

Le BNEI a ainsi édité un guide pratique 22 ( * ) à l'attention des associations de son réseau. Clair et pédagogique, il rappelle le cadre de la responsabilité pour l'organisation d'évènements festifs et de soirées, la législation et la règlementation applicables et les actions ainsi que les interlocuteurs pour mener des actions de prévention.

Enfin, le BNEI est signataire d'une charte de bonnes pratiques sur « les conduites addictives et comportements à risques en milieu étudiant » avec la conférence des grandes écoles, la conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs et le bureau national des élèves en écoles de commerce, permettant de promouvoir des bonnes pratiques pour l'organisation de soirées étudiantes.

Aussi, vos rapporteurs ont-ils conclu, au terme de leurs travaux, que l' interdiction absolue des débits de boisson dans l'enceinte des lieux d'enseignement supérieur , pour séduisante qu'elle puisse paraître, était largement contre-productive. Cette règle ne provoquerait qu'un déplacement du problème qui, certes exonérerait de tout sentiment de responsabilité la direction de ces établissements d'enseignement supérieur, mais nuirait par là même aux efforts de prévention menés par les associations étudiantes dans le cadre de l'établissement. Cette mesure n'aurait donc pour seul effet que de masquer le problème sans lui apporter une réponse efficace. Pour cette raison, tout en comprenant la motivation de cette proposition, vos rapporteurs ne partagent pas le souhait formulé en mars 2012 par Mme Jeannette Bougrab, alors secrétaire d'État à la jeunesse et à la vie associative, de retirer la licence de débits de boisson aux associations d'élèves.

2. Un partenariat à construire entre responsables d'associations étudiantes et autorités administratives
a) Instaurer un lien de confiance entre les associations étudiantes et les autorités universitaires

Pour remplir leur rôle de prévention, les associations étudiantes doivent cependant rencontrer un soutien de la part des autorités administratives. Sur ce point, vos rapporteurs ne peuvent qu'inviter à « rentrer dans une logique de confiance réciproque entre les autorités et les jeunes » pour reprendre la formule de l'institut national de la jeunesse et de l'éducation prioritaire (INJEP).

Dans cet esprit, il faut donc privilégier l'aide aux organisateurs des fêtes étudiantes par une collaboration et une information mutuelle entre étudiants et directions des établissements d'enseignement supérieur . Lors de son audition, les représentants du BNEI ont ainsi indiqué à vos rapporteurs que leur association donnait systématiquement comme recommandation d'informer la direction des écoles d'ingénieurs de toute soirée étudiante. Il est cependant indéniable que les échanges entre direction et responsables d'associations étudiantes, notamment du bureau de la vie étudiante, sont plus simples dans les grandes écoles, les écoles de commerce ou d'ingénieur du fait de la taille réduite des effectifs mais est moins naturelle dans les universités où la gestion administrative est plus éloignée des étudiants.

Tout en appelant à la construction d'une relation de confiance entre étudiants et responsables administratifs, le BNEI a indiqué à vos rapporteurs les difficultés qui pouvaient y faire obstacle. Ils ont ainsi souligné le rôle généralement stigmatisant de la médiatisation des dérives des soirées étudiantes qui crispait les relations existantes, la direction ayant logiquement intérêt au maintien de la réputation de son école.

Finalement, les associations étudiantes, organisatrices des principales soirées pour la communauté étudiante, doivent impérativement être associées à la politique de prévention. Mieux, elles doivent en devenir le relais indispensable par une reconnaissance institutionnelle de leur rôle en ce domaine.

b) Maintenir un financement pérenne et suffisant

Les actions qu'elles mènent ont cependant un coût financier pour ces structures associatives. Ainsi, comme les représentants du BNEI l'ont relevé lors de leur audition, la présence pendant trois heures d'environ quatre agents pour assurer un dispositif de premiers secours engendre un coût d'environ 300 euros pour les organisateurs.

Une attention particulière doit être portée à la question du financement de ces associations étudiantes dont les ressources proviennent de recettes propres pour les services et les soirées qu'elles proposent aux étudiants ainsi que des subventions publiques. Les sources de financement public sont multiples : préfecture dans le cadre du programme Label Vie, centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS), collectivités territoriales ou établissements d'enseignement supérieur.

Concernant les universités, les associations étudiantes peuvent bénéficier d'un soutien financier pour des projets grâce au fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes (FSDIE). Ce fonds est alimenté par une fraction des droits d'inscription acquittés par les étudiants à l'exception des boursiers lors de leur inscription annuelle. La part prélevée sur les droits d'inscription est fixée chaque année par le conseil d'administration sans qu'elle ne puisse être inférieure à 16 euros par étudiant inscrit 23 ( * ) . Il est désormais précisé que le reliquat de ce fonds est reporté l'année suivante 24 ( * ) , ce qui ne peut qu'assurer une garantie supplémentaire de l'usage du fonds à destination exclusive des projets étudiants, notamment de sensibilisation à la forte consommation d'alcool.

Vos rapporteurs appellent l'attention sur le maintien nécessaire d'un soutien financier qui, sans qu'il ne mobilise des crédits financiers importants, est indispensable à la survie des actions de prévention conduites par les étudiants eux-mêmes. Or, des auditions menées, il ressort que ce sont ces actions qui semblent les plus efficaces.


* 22 Ce document est consultable à l'adresse suivante : http://bnei.org/node/114 .

* 23 Article 22 de l'arrêté du 28 juillet 2011 fixant les taux des droits de scolarité dans les établissements publics d'enseignement supérieur relevant du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (NOR: ESRS1118084A)

* 24 Circulaire n° 2011-1021 du 3 novembre 2011 du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche relative au développement de la vie associative et des initiatives étudiantes (NOR : ESRS1129305C)

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