B. LES SRADDT : QUEL AVENIR ?

1. Donner une nouvelle impulsion aux SRADDT

L'organisation de l'espace, la répartition des hommes, des activités, des infrastructures au niveau régional ne saurait être la résultante de politiques menées individuellement par les acteurs présents en son sein, sans concertation ni coordination. L'attractivité des uns ne doit pas se faire aux dépens de celle des autres. Une complémentarité doit être recherchée au maximum entre les logiques de développement de chaque catégorie de collectivité.

Dès lors, un consensus se dégage sur la nécessité de donner une nouvelle impulsion aux SRADDT, afin qu'ils fédèrent et mobilisent les collectivités territoriales et leurs groupements autour d'une vision d'ensemble du territoire.

Dans son rapport sur la clarification des compétences des collectivités territoriales, Jean-Jacques de Peretti a relevé l'importance de la réalisation d'« un document et [d']un débat stratégique » en préalable de la conclusion des schémas d'organisation des compétences et de mutualisation des services. Il s'agit de définir un véritable projet de territoire, avant de procéder à une répartition des rôles. L'auteur du rapport considère dès lors que « la formule du SRADDT doit être conservée et développée. »

D'après lui, sa portée pourrait être renforcée par deux méthodes : une adoption conjointe par la région et les départements après avis des métropoles, des communautés urbaines, des pôles métropolitains et des communautés d'agglomération, ou l'octroi d'un caractère prescriptif.

L'Association des régions de France (ARF) a proposé que le SRADDT devienne prescriptif et s'impose aux documents de planification et d'urbanisme locaux, tels que les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les plans locaux d'urbanismes (PLU). Dans cette optique, elle considère que ces schémas doivent être issus d'une construction conjointe avec les autres catégories de collectivités, dans le respect de leurs compétences respectives.

C'est la raison pour laquelle elle avait proposé, en juillet 2011, la mise en place, au sein de chaque région, d'une conférence des territoires, « organe de consultation et de production de politiques régionales en adéquation avec les contextes locaux 8 ( * ) » . Elle devait permettre aux collectivités autres que la région de « participer pleinement à la construction de l'aménagement du territoire piloté par les régions. »

Cette volonté d'une association forte des autres collectivités a été confirmée par M. Jean-Michel Guerre, vice-président du conseil régional d'Auvergne en charge de l'attractivité des territoires et des politiques contractuelles régionales, représentant l'ARF, lors de son audition. Elle pourrait avoir lieu dans le cadre d'une réunion thématique des conférences territoriales dont la mise en place a été annoncée dans le cadre de la nouvelle étape de la décentralisation. M. Guerre a insisté sur la nécessité de donner à cette instance de coordination et de débat un caractère permanent.

La participation des autres collectivités à l'élaboration du SRADDT semble effectivement essentielle. Plusieurs réserves ont toutefois été soulevées au sujet de l'octroi d'un caractère prescriptif à ce schéma. La crainte d'une tutelle de la région sur les autres niveaux de collectivités les explique pour une large part.

2. Favoriser leur appropriation par l'ensemble des collectivités présentes sur le territoire régional

L'octroi d'un caractère prescriptif aux schémas pourrait tout d'abord soulever des difficultés eu égard à notre droit constitutionnel. La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République a introduit la possibilité, pour une collectivité territoriale ou l'un de leurs groupements, d'organiser les modalités de l'action commune de plusieurs collectivités. L'article 72 de la Constitution dispose ainsi qu' « aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune. » Par sa décision DC n°2008-567 du 24 juillet 2008, le Conseil constitutionnel a précisé que cette possibilité d'« organiser les modalités de leur action commune » ne revenait pas à la possibilité de les « déterminer » .

Il existe en métropole deux documents régionaux avec lesquels les plans locaux d'urbanisme ou les schémas de cohérence territoriale doivent être compatibles : le schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF) et le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC).

Le schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF) et le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC)

Le SDRIF « a pour objectif de maîtriser la croissance urbaine et démographique et l'utilisation de l'espace tout en garantissant le rayonnement international de cette région. Il précise les moyens à mettre en oeuvre pour corriger les disparités spatiales, sociales et économiques de la région, coordonner l'offre de déplacement et préserver les zones rurales et naturelles afin d'assurer les conditions d'un développement durable de la région 9 ( * ) . »

Il est élaboré par la région Ile-de-France en association avec l'Etat, et après recueil des propositions et des avis des conseils généraux des départements intéressés, du CESER et des chambres consulaires. Il est approuvé par décret en Conseil d'Etat. Sa procédure de révision est ouverte suivant le même procédé.

Le PADDUC définit quant à lui « une stratégie de développement durable du territoire en fixant les objectifs de la préservation de l'environnement de l'île et de son développement économique, social, culturel et touristique, qui garantit l'équilibre territorial et respecte les principes énoncés aux articles L. 110 et L. 121-1 du code de l'urbanisme 10 ( * ) . » Il « fixe les orientations fondamentales en matière de protection et de mise en valeur du territoire, de développement agricole, rural et forestier, de pêche et d'aquaculture, d'habitat, de transports, d'infrastructures et de réseaux de communication et de développement touristique. » Il « définit les principes de l'aménagement de l'espace qui en résultent et il détermine notamment les espaces naturels, agricoles et forestiers ainsi que les sites et paysages à protéger ou à préserver, l'implantation des grandes infrastructures de transport et des grands équipements, la localisation préférentielle ou les principes de localisation des extensions urbaines, des activités industrielles, artisanales, commerciales, agricoles, forestières, touristiques, culturelles et sportives. La destination générale des différentes parties du territoire de l'île fait l'objet d'une carte, dont l'échelle est déterminée par délibération de l'Assemblée de Corse dans le respect de la libre administration des communes et du principe de non-tutelle d'une collectivité sur une autre [...] ».

Il est élaboré par la collectivité territoriale de Corse, en association avec le représentant de l'Etat, les départements, les communes ou leurs groupements à fiscalité propre, les syndicats mixtes responsables de SCOT, les chambres consulaires et le centre régional de la propriété forestière, ainsi que les organisations que souhaite consulter l'Assemblée de Corse.

Dans sa décision 2001-454 DC du 17 janvier 2002, le Conseil constitutionnel a considéré que le PADDUC n'est pas constitutif d'une tutelle de la collectivité territoriale de Corse sur les départements et les communes corses.

Il a en effet considéré que les dispositions contestées, et notamment celle qui confie à l'Assemblée de Corse la compétence de déterminer « en tenant compte de la fréquentation touristique de certains sites et de la préservation de l'environnement, les espaces situés dans la bande littorale définie au III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme dans lesquels peuvent être autorisés (...), dans les conditions que le plan précise, des aménagements légers et des constructions non permanentes destinés à l'accueil du public, à l'exclusion de toute forme d'hébergement, dans le respect des paysages et des caractéristiques propres à ces sites » ne transfèrent à la collectivité territoriale de Corse « que des compétences limitées, dans des matières ne relevant pas du domaine de la loi ; qu'elles en définissent précisément le champ d'application, les modalités d'exercice et les organes responsables, dans le respect de la règle énoncée par l'article 34 de la Constitution en vertu de laquelle "La loi détermine les principes fondamentaux (...) de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources".

Le caractère prescriptif de ces documents répond à des problématiques spécifiques et fait l'objet d'un encadrement strict, que ce soit au niveau de la procédure ou du champ concerné.

Au-delà même de la problématique constitutionnelle, la crainte d'une « recentralisation » au niveau régional, qui réduirait les marges de manoeuvres des autres collectivités comme la prise en compte des spécificités de leurs territoires, est réelle. La nécessité d'une définition d'une stratégie au niveau régional n'est pas remise en cause par les autres niveaux de collectivités. Mais la crainte d'une perte d'ancrage dans les territoires infrarégionaux par la mise en oeuvre d'une démarche « descendante » et non « ascendante » explique une bonne partie de ces réserves. Se pose également la question des moyens de financement des différents dispositifs. Le principe du « qui paie commande » a été évoqué à plusieurs reprises.

Dans ce cadre, vos rapporteurs sont convaincus qu' une participation effective des autres niveaux de collectivités à l'élaboration des schémas permettrait déjà de renforcer leur portée , en favorisant l'appropriation de ces derniers par les acteurs concernés, techniciens comme élus. Elle faciliterait également la prise en compte des besoins identifiés dans les territoires infrarégionaux.

Vos rapporteurs soulignent l'intérêt que représente à cet égard le projet de mise en place de conférences territoriales composées de représentants des collectivités et de l'Etat. Leur mission devra être précisée à l'occasion du débat sur la loi de décentralisation, compte tenu de la diversité des points de vue exprimés à ce sujet, notamment lors de la table-ronde qui s'est tenue au sein de notre Délégation à ce sujet en décembre 2012.

Des réunions thématiques de ces conférences territoriales pourraient être consacrées à l'élaboration du SRADDT , afin que ses orientations stratégiques soient définies à l'issue d'une démarche collective, pilotée par la région. Chaque conseil général mais aussi chaque conseil d'EPCI pourrait ensuite émettre un avis sur le projet de schéma.

Sa présentation devant les assemblées locales favoriserait ainsi sa connaissance et son appropriation par les élus des collectivités concernées, au-delà des membres de la conférence territoriale. S'il n'entre pas dans le cadre de ce rapport de déterminer la composition de ces conférences territoriales, une attention devra être portée à ce que les communautés de communes et les communes rurales y soient représentées . Le schéma pourrait être modifié par la conférence afin de tenir compte de ces avis, avant d'être adopté . En cas d'absence de majorité se dégageant sur le schéma, il reviendrait à la région d'adopter, en dernier ressort, le schéma.

Cette réunion thématique de la conférence territoriale doit également être un moyen d'assurer un suivi régulier du SRADDT . Une instance partenariale pourrait être chargée d'évaluer sa mise en oeuvre et de fournir un rapport d'étape destiné à rendre compte des avancées réalisées depuis son adoption.

La traduction opérationnelle des SRADDT dans les espaces infrarégionaux gagnerait également à être renforcée, par la conclusion de partenariats entre la région et les autres collectivités.

L'exemple des directives régionales d'aménagement adoptées dans la région Nord-Pas de Calais pour la mise en oeuvre opérationnelle de certaines orientations du SRADDT, la maîtrise de la périurbanisation et la trame verte et bleue, est cité à plusieurs reprises, notamment dans l'étude d'octobre 2003 réalisée pour la DATAR ou dans le rapport M. de Jean-Jacques de Peretti. Ce dernier le présente comme un « dispositif exemplaire de déclinaison stratégique et, jusqu'à un certain point, opérationnelle du SRADDT, élaboré et piloté de manière partenariale, au-delà même de la région et des départements. » Bien que n'ayant aucune valeur réglementaire, le caractère partenarial de la démarche, ainsi que son ancrage territorial, favorisent la mise en oeuvre de certains projets. Ont été associés à leur élaboration les services déconcentrés de l'État, les conseils généraux du Nord et du Pas-de-Calais, les opérateurs fonciers (établissement public foncier, société d'aménagement foncier et d'établissement rural), l'INSEE, les organismes consulaires ainsi que les acteurs de l'animation territoriale : conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement du Nord et du Pas-de-Calais, espaces naturels régionaux.

Les objectifs du SRADDT peuvent également être traduits au moyen d'une contractualisation entre les régions et les autres collectivités. L'Assemblée des communautés de France (AdCF) propose à cet égard que les espaces retenus pour la contractualisation à l'échelle infrarégionale soient définis de façon suffisamment large pour conforter les solidarités ville-campagne, mutualiser les besoins d'ingénierie et faciliter l'adoption de stratégies territoriales transversales. Ils pourraient ensuite servir de référence pour d'autres démarches contractuelles afin d'éviter un empilement de contrats aux périmètres variant au gré des politiques publiques menées.

Afin de renforcer la portée des SRADDT, vos rapporteurs préconisent également une association forte des CESER ainsi que des acteurs concernés par les différentes thématiques traitées dans le schéma à la démarche .

Comme l'a rappelé le président de l'Assemblée des CESER, M. Alain Even, les CESER peuvent apporter un éclairage différent de celui des élus sur un certain nombre d'enjeux. Ils développent en outre de plus en plus une approche prospective des territoires, à l'image du CESER de Bretagne qui organise régulièrement des forums « prospective » et a notamment lancé dans ce cadre une réflexion sur les énergies marines.

3. Renforcer leur articulation avec les autres politiques menées à l'échelle du territoire

Une cohérence doit être recherchée entre l'ensemble des schémas adoptés à l'échelle du territoire, notamment avec la stratégie régionale adoptée en matière d'économie et d'innovation.

Une articulation devra également être recherchée entre les politiques nationales et les politiques menées par les collectivités territoriales ou leurs groupements . La présence de représentants de l'Etat au sein de la conférence des territoires, si elle est décidée, pourrait y contribuer. Si une nouvelle génération de contrats devait succéder aux contrats de projets Etat-région, elle devrait effectivement contribuer à traduire les orientations des SRADDT adoptés ou révisés dans une période récente. Le projet de transfert de l'autorité de gestion des fonds européens aux régions facilitera quant à lui le financement de leurs objectifs.

En parallèle de ce renforcement des SRADDT, une attention particulière devra être portée aux effets de frontières, notamment soulignés par l'Assemblée des CESER et l'Association des maires de France (AMF). La conclusion de contrats à l'échelle régionale ne doit pas avoir pour effet de freiner l'émergence de projets à dimension interrégionale par exemple. La logique de projet doit l'emporter sur la logique administrative. La même approche devra être retenue s'agissant des déclinaisons infrarégionales des SRADDT.


* 8 « Vers une nouvelle gouvernance de l'aménagement du territoire en France », ARF, juillet 2011.

* 9 Article L. 141-1 du Code de l'urbanisme.

* 10 Article L. 4424-9 du Code général des collectivités territoriales.

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