II. ASSEOIR LE RÔLE DE PILOTE DES RÉGIONS

A. BILAN D'UN FOISONNEMENT D'INITIATIVES

1. Le rôle croissant des collectivités en matière de développement économique
a) Le développement économique, une responsabilité partagée

Aujourd'hui, une grande partie des questions relatives au développement économique sont traitées au niveau européen ou au niveau national.

La stratégie de Lisbonne a fixé comme objectif à l'Europe de devenir « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale » . Ces préoccupations régissent notamment le recours aux fonds européens. C'est à l'échelle européenne que sont également fixées certaines grandes orientations en matière de réglementation de l'économie, notamment dans le champ du droit de la concurrence.

D'après l'article 5 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, « l'Etat a la responsabilité de la conduite de la politique économique et sociale, ainsi que de la défense de l'emploi. » Dans le contexte actuel de la mondialisation, il lui revient de faire en sorte que les conditions d'installation et de développement des entreprises soient les plus attractives possibles au sein de notre territoire. Cela passe, par exemple, par la réglementation et la fiscalité applicables aux entreprises ou le déploiement de politiques d'envergure nationale.

L'Etat intervient également dans les territoires, à travers les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). Ces dernières sont notamment chargées » des actions de développement des entreprises et de l'emploi, notamment dans les domaines de l'innovation et de la compétitivité des entreprises, en France et à l'étranger, du marché du travail, de la formation professionnelle continue, de l'industrie, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales, des services et du tourisme, ainsi que de celles, définies par le ministre chargé de l'économie, dans les domaines de l'intelligence économique et, pour ce qui la concerne, de la sécurité économique ». L'article 2 du décret n° 2009-1377 du 10 novembre 2009 relatif à leur organisation et à leurs missions précise également qu'elles mettent en oeuvre les « actions de développement des entreprises, celles relatives aux relations commerciales entre entreprises, ainsi que les actions en matière de travail, d'emploi et de formation professionnelle ».

Les DIRECCTE peuvent notamment mener des actions à destination des entreprises, qu'elles soient en difficulté ou qu'elles cherchent à se développer.

Les collectivités territoriales et leurs groupements ont toutefois vu leur rôle affirmé dans ce domaine. La seconde partie de l'article 5 de la loi du 2 mars 1982 ajoute que « néanmoins, sous réserve du respect de la liberté du commerce et de l'industrie, du principe de l'égalité des citoyens devant la loi ainsi que des règles de l'aménagement du territoire définies par la loi approuvant le Plan, la commune peut intervenir en matière économique et sociale dans les conditions prévues au présent article 11 ( * ) » . Il en est de même pour les départements 12 ( * ) , tandis que les établissements publics régionaux ont pour mission de « contribuer au développement économique, social et culturel de la région 13 ( * ) [...] ». La loi du 7 janvier 1982 approuvant le plan intérimaire 1982-1983 avait précisé à son article 4 que « les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que les régions peuvent, lorsque leur intervention a pour objet la création ou l'extension d'activité économique, accorder des aides directes ou indirectes à des entreprises [...] ».

b) La nécessité d'ancrer les politiques économiques dans les territoires

L'évolution des leviers de la croissance actionnés par les pouvoirs publics explique dans une large mesure la nécessité d'ancrer davantage la politique économique dans les territoires, suivant un principe de subsidiarité.

La montée en puissance des politiques dites « de l'offre », qui visent à améliorer les conditions de production des entreprises, implique une participation accrue des acteurs du terrain à la définition des politiques économiques. Si la compétitivité-coût relève essentiellement de l'Etat, qui détermine en grande partie le niveau des charges imposées aux entreprises, la compétitivité hors-prix peut être traitée dans un cadre plus territorial. Il s'agit en effet de favoriser les capacités des entreprises en matière de montée en gamme des produits, d'innovation, d'exportation... Or, dans ces domaines, de nombreux acteurs ont souligné les atouts d'une prise de décision décentralisée. La connaissance des besoins des entreprises et des ressources mobilisables sur le terrain sont fréquemment cités, compte tenu de la diversité qui caractérise nos territoires, en termes de démographie, de qualification de main d'oeuvre, de répartition sectorielle des activités, etc.

Cet aspect a été renforcé par l'attention portée au soutien et au développement des PME. Ces dernières sont rarement situées sur plusieurs régions.

Leur croissance est souvent confrontée à des problèmes de financement, auxquels peuvent répondre les collectivités. Elle est largement dépendante également de leurs capacités d'innovation.

Pour favoriser l'innovation, l'échelon local de prise de décision comporte plusieurs avantages. Il permet tout d'abord une forte réactivité. C'est un point qu'a notamment souligné M. Christian Blanc, alors Député des Yvelines, dans son rapport intitulé « Pour un écosystème de la croissance », rendu en mai 2004. Il y constate la fin du modèle d'une économie conçue « de manière centralisée autour de grandes entreprises elles-mêmes porteuses de grands projets industriels » et la nécessité d'un passage à une économie de l'innovation. Or, comme il le relève en s'appuyant sur des comparaisons internationales, « la vitesse de réaction est le critère de performance n°1 des systèmes innovants, et celle-ci s'accommode mal de circuits de validation laborieux à l'échelle nationale. »

Par ailleurs, l'innovation est facilitée par des échanges fluides entre les mondes de l'entreprise, de l'université et de la recherche. Elle suppose également que les entreprises rencontrent une main d'oeuvre adaptée à leurs besoins. Or, face à des politiques encore largement cloisonnées au niveau national, l'échelon local est le mieux à même de faire le lien entre ces politiques et de promouvoir une vision globale et transversale des enjeux. La nécessité d'une politique intégrée qui mette en perspective le développement économique, la formation, l'orientation et l'emploi a été soulignée dans le rapport de Patricia Schillinger récemment présenté en délégation 14 ( * ) . Les compétences des régions dans ces domaines leur permettent de faciliter le recrutement des entreprises. Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent jouer un rôle non négligeable de mise en relation entre les acteurs concernés.

c) Une large mobilisation des collectivités territoriales et de leurs groupements

Les collectivités territoriales et leurs groupements disposent de plusieurs leviers d'intervention : les aides aux entreprises, qui peuvent prendre la forme d'exonérations, de subventions, la participation au financement des entreprises 15 ( * ) , l'offre foncière, avec la création de zones d'activités, la création d'infrastructures spécifiques destinées à l'accueil des entreprises, la mise en place de prestations de conseil à direction des entreprises... Ces leviers peuvent intervenir dans des secteurs variés : l'industrie, le commerce, l'artisanat, l'agriculture, l'économie sociale et solidaire...

L'ensemble des collectivités territoriales ainsi que leurs groupements sont fondés à intervenir en matière de développement économique. Comme l'indique la Cour des comptes dans son rapport sur « les aides des collectivités territoriales au développement économique » de 2007, l'aide au développement économique a été « considérée [par le législateur de 1982] plus que toute autre, comme une compétence inhérente à la légitimité de chaque collectivité de maîtriser le développement de son territoire. » Cette exception au principe qui voulait que « dans la mesure du possible [...] chaque domaine de compétences ainsi que les ressources correspondantes soient affectés en totalité soit à l'Etat, soit aux communes, soit aux départements, soit aux régions » n'a jamais été remise en cause.

Outre les dispositions relatives aux communes, départements et régions déjà évoquées plus haut, il convient de rappeler que le développement économique fait partie des compétences obligatoires des EPCI à fiscalité propre, dont le rôle a été reconnu en matière d'aménagement, de gestion et de commercialisation des zones d'activités. Les agglomérations ont développé des politiques immobilières et foncières à vocation économique (planification, observation, anticipation, acquisition, gestion, requalification, reconversion de friches, construction, services aux entreprises, etc.). L'AdCF relève également le rôle joué par les agglomérations en matière de développement du secteur artisano-commercial. Dans les zones rurales où l'intercommunalité est moins développées, ces politiques sont davantage assumées par les départements.

Les collectivités territoriales et leurs groupements conduisent directement leurs interventions en matière de développement économique, ou soutiennent des organismes spécialisés, tels que les comités d'expansion économique, les agences de développement économique, les agences régionales de l'innovation, les agences de développement du tourisme...

Les agences de développement économique

Le CNER, qui fédère l'ensemble des agences de développement économique, recense 100 agences, dont 23 agences régionales, 51 agences départementales, 26 agences locales. Elles embauchent au total près de 100 salariés.

Une grande majorité d'entre elles sont des associations de type loi de 1901, mais certaines ont adopté un autre statut : société d'économie mixte, groupement d'intérêt public, établissement public industriel et commercial... Le caractère partenarial de leur gouvernance, qui associe élus, entreprises, réseaux consulaires, partenaires sociaux, partenaires du développement économique, leur permet de mettre en perspective les enjeux auxquels sont confrontés les différents acteurs.

Elles assurent des fonctions très variées, qui dépendent du projet économique de leur financeur et de la répartition des rôles effectuée avec les autres acteurs, tels que les chambres consulaires, ainsi que des besoins des entreprises.

Deux grandes catégories de missions peuvent être distinguées :

- les actions destinées à favoriser l'attractivité et la compétitivité des territoires, notamment un travail :

§ de conseil aux collectivités, notamment à partir de la réalisation d'études d'observation,

§ de promotion du territoire,

§ de structuration d'une offre territoriale (aménagement de zone d'activité, immobilier d'entreprise, incubateurs et pépinières, répertoire du foncier libre, aides financières...),

§ d'accompagnement des territoires en mutation économique ;

- l'accompagnement des entreprises (PME-PMI-ETI) , avec :

§ pour favoriser leur création : une aide au financement de porteurs de projets (levée de fonds publics ou privés), la création et l'animation d'immobilier et structures dédiées (incubateurs et pépinières d'entreprises), la mise en place et animation de plateformes d'initiatives locales ;

§ pour favoriser leur développement : une aide au financement, l'accompagnement des entreprises en difficulté, l'appui à la recherche de foncier ou d'immobilier pour les extensions d'entreprises, une aide à l'internationalisation (implantation, création de filiales) et à l'export, un appui à l'insertion des entreprises dans les programmes européens, un accompagnement vers l'innovation (pôles de compétitivité, clusters, grappes).

Deux domaines d'intervention principaux caractérisent les agences régionales de développement : l'international, avec notamment la prospection internationale et la promotion, et l'innovation. Elles peuvent développer des actions de développement endogène comme la structuration et l'animation de filières régionales, la promotion de zones d'activités d'intérêt régional. Les missions exercées par les agences départementales et locales se caractérisent par une plus forte diversité.

Parmi les opérations innovantes déployées par les agences de développement économique, peuvent être cités un dispositif d'aide accordé aux bénéficiaires du RSA pour créer leur entreprise, un programme d'accès aux marchés publics internationaux et européens (sélection des offres intéressantes, montage du dossier, parfois en rassemblant plusieurs entreprises), un dispositif régional d'information sur les mutations économiques...

Source : Agences de développement économique : état des lieux et perspectives, CNER, septembre 2012 et informations fournies à vos rapporteurs par le CNER

Elles peuvent également s'appuyer sur les acteurs locaux présents dans le domaine du développement économique, comme les chambres consulaires, avec lesquelles elles établissent des conventions. D'après CCI France, une communauté sur quatre a conventionné avec une CCI.

Les chambres de commerce et d'industrie (CCI) et les chambres des métiers et de l'artisanat (CMA)

Comme le précise l'article L. 710-1 du code du commerce, les chambres de commerce et d'industrie (CCI) assurent « une fonction de représentation des intérêts de l'industrie, du commerce et des services auprès des pouvoirs publics ou des autorités étrangères. »

D'après cet article, « le réseau et, en son sein, chaque établissement ou chambre départementale contribuent au développement économique, à l'attractivité et à l'aménagement des territoires ainsi qu'au soutien des entreprises et de leurs associations en remplissant, dans des conditions fixées par décret, toute mission de service public et toute mission d'intérêt général nécessaires à l'accomplissement de ces missions.

A cet effet, chaque établissement ou chambre départementale du réseau peut assurer, dans le respect, le cas échéant, des schémas sectoriels qui lui sont applicables :

1° Les missions d'intérêt général qui lui sont confiées par les lois et les règlements ;

2° Les missions d'appui, d'accompagnement, de mise en relation et de conseil auprès des créateurs et repreneurs d'entreprises et des entreprises, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur en matière de droit de la concurrence ;

3° Une mission d'appui et de conseil pour le développement international des entreprises et l'exportation de leur production, en partenariat avec l'Agence française pour le développement international des entreprises ;

4° Une mission en faveur de la formation professionnelle initiale ou continue grâce, notamment, aux établissements publics et privés d'enseignement qu'il ou elle crée, gère ou finance ;

5° Une mission de création et de gestion d'équipements, en particulier portuaires et aéroportuaires ;

6° Les missions de nature marchande qui lui ont été confiées par une personne publique ou qui s'avèrent nécessaires pour l'accomplissement de ses autres missions ;

7° Toute mission d'expertise, de consultation ou toute étude demandée par les pouvoirs publics sur une question relevant de l'industrie, du commerce, des services, du développement économique, de la formation professionnelle ou de l'aménagement du territoire, sans préjudice des travaux dont il ou elle pourrait prendre l'initiative.»

L'article 5-1 du code de l'artisanat précise quant à lui que « le réseau des chambres de métiers et de l'artisanat contribue au développement économique des entreprises immatriculées au répertoire des métiers ainsi qu'au développement des territoires, en remplissant en faveur des acteurs économiques et en partenariat avec les structures existantes toute mission d'intérêt général en faveur du secteur de l'artisanat. »

L'article 23 du code de l'artisanat énumère les attributions des chambres de métiers et de l'artisanat. Il s'agit :

« 1° De tenir le répertoire des métiers ;

2° De reconnaître la qualité d'artisan et d'artisan d'art et d'attribuer les titres de maître artisan [...]

3° D'organiser l'apprentissage dans le secteur des métiers ;

4° De favoriser la promotion professionnelle des chefs d'entreprise et des salariés de ce secteur ;

5° Dans le cadre de la politique de l'aménagement du territoire et conformément aux directives du plan de contribuer, le cas échéant, à l'expansion du secteur des métiers et au maintien ou à l'élargissement des débouchés, notamment par l'organisation d'expositions ;

6° D'améliorer la rentabilité des entreprises, la qualité des produits et des services, les techniques et les méthodes de production et de commercialisation en favorisant la collaboration entre entreprises et la création de services communs ;

7° De créer des oeuvres d'entraide et d'assistance ou de concourir au fonctionnement de telles oeuvres ;

8° De procéder à toutes études utiles intéressant le secteur des métiers et d'émettre des voeux ou des avis sur les matières relevant de leur compétence ;

9° De participer à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises artisanales, en liaison avec les services financiers de l'Etat, les organismes de recouvrement des cotisations sociales et toutes personnes morales, publiques ou privées concernées ;

10° D'animer et de coordonner les actions en faveur des métiers d'art à l'échelon régional ;

11° De définir les orientations et de coordonner l'action des chambres de métiers et de l'artisanat départementales qui leur sont rattachées et celle de leurs sections afin de contribuer au développement économique du territoire régional et de fixer [...] les priorités en matière d'actions de formation [...] ;

12° De participer au développement de la formation professionnelle initiale ou continue. [...] ;

13° D'exercer une mission d'appui et de conseil, en coordination avec l'Agence française pour le développement international des entreprises, pour le développement international des entreprises et l'exportation de leur production ; [...] »

Il est difficile de recenser avec précision et de manière exhaustive les moyens affectés par les collectivités au développement économique, d'autant que les actions qu'il recouvre sont variées et parfois difficilement dissociables d'autres politiques, comme l'a noté le rapport de la Cour des comptes de 2007 sur « les aides des collectivités territoriales au développement économique » .

La direction générale des collectivités locales (DGCL) agrège, par catégorie de collectivité, les dépenses relatives à l'« action économique » ou au « développement économique » telles qu'elles lui sont transmises.

Ces catégories comprennent les aides à l'industrie, au commerce, à l'artisanat, à l'agriculture, au tourisme, au maintien des services publics, à la recherche et à l'innovation. Elles comprennent également les dépenses consacrées aux services et aux structures de développement économique.

Les sommes obtenues ne peuvent ainsi être fournies qu'à titre indicatif, et ne couvrent pas l'ensemble des dépenses réalisées par les collectivités concourant au développement économique.

En 2010, les dépenses des régions au titre de l'action économique 16 ( * ) ont atteint près de 2 milliards d'euros, ce qui représente plus de 7% de leurs dépenses totales.

484 millions d'euros ont concerné le secteur de la recherche et de l'innovation, 423 millions le domaine de l'industrie, de l'artisanat et du commerce, 329 millions le domaine de l'agriculture et de la pêche et 273 millions le domaine du tourisme et du thermalisme. L'analyse des budgets primitifs pour 2012 révèle que plus de 2,3 milliards d'euros devaient y être consacrés cette année.

Au niveau des départements, 1,7 milliard d'euros ont été consacrés au développement économique 17 ( * ) en 2010, soit 2,6% de leur budget. Les intercommunalités ont dépensé 882 millions d'euros au titre de l'action économique 18 ( * ) en 2010, soit 3,5% de leur budget global. Les communes de 30 000 habitants et plus y ont consacré 511 millions d'euros, soit 1,4% de leur budget, tandis que les villes de 10 000 habitants et plus y ont consacré 255 millions d'euros, soit 1,5% de leur budget.

Au total, l'investissement des collectivités répertorié au titre du développement économique par la DGCL a dépassé 5,3 milliards d'euros en 2010.

Sur un plan qualitatif, l'importance que revêtent les interventions des collectivités pour les entreprises a été soulignée par de nombreux acteurs. La mission commune d'information sur la désindustrialisation des territoires présidée par notre collègue Martial Bourquin l'a constatée au cours de ses déplacements, comme l'indique le rapport rédigé par notre collègue Alain Chatillon. Après avoir évoqué les critiques d'inefficacité et de dispersion des aides réalisées par la Cour des comptes dans son rapport de 2007, il note en effet que « ces aides aux entreprises, sous des formes très diverses, ont été précieuses depuis 2008 et ont contribué à maintenir des activités industrielles et à accompagner leur mutation 19 ( * ) . »

La mission a relevé les atouts que constituaient pour les collectivités leur capacité d'écoute et leur proximité avec les entreprises, ainsi que le rôle qu'elles pouvaient jouer dans la construction d'« écosystèmes » ou partenariats stratégiques entre acteurs publics et privés.

2. Les tentatives de réponses aux difficultés liées à la multiplication des acteurs
a) Les risques liés à la multiplication des acteurs

L'engagement des collectivités en faveur du développement économique a permis l'émergence de solutions innovantes et adaptées aux territoires. La multiplication des acteurs du développement n'est néanmoins pas sans engendrer quelques difficultés. Outre les DIRECCTE et les différentes catégories de collectivités et les instances qu'elles soutiennent, interviennent dans ce domaine les chambres consulaires, les organisations patronales, les acteurs spécialisés dans le domaine du financement (Caisse des dépôts, Oséo, Initiative France...) ou de l'accompagnement à l'export et à l'implantation sur les marchés étrangers (Ubifrance)...

Au niveau des collectivités, comme le notait le rapport de notre Présidente Jacqueline Gourault et de notre collègue Yves Krattinger sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales de 2009 20 ( * ) , « la pratique a permis de spécialiser l'intervention des uns et des autres, les régions prenant en charge les dépenses en faveur de l'innovation et de l'internationalisation des entreprises, les EPCI s'impliquant dans l'aménagement des zones d'activités et dans l'animation économique et les communes continuant à soutenir le commerce de proximité. » L'étude confiée à un cabinet spécialisé dans le cadre de cette mission relevait que « d'une manière générale, les collectivités infrarégionales tendent à intervenir sur des services à faible valeur ajoutée, nécessitant peu de compétences techniques mais une proximité avec les entreprises, tandis que les collectivités régionales et nationales se spécialisent sur les services à forte valeur ajoutée ».

Malgré cette tendance à la spécialisation, la répartition des rôles entre les différents acteurs n'est pas toujours clairement établie. Dans son rapport sur les agences de développement 21 ( * ) , le CNER relève par exemple que « l'absence de partage clair des missions entre agences et CCI sur certains territoires renforce les risques de conflits. » En outre, si chaque acteur possède ses spécificités et ses logiques propres, leur addition à l'échelle d'un territoire a de quoi susciter des interrogations.

D'après le rapport de la Cour des comptes de 2007, « le nombre des intervenants directs au sein d'une même région est ainsi en moyenne supérieur à 60, voire à 100 lorsque l'on additionne les partenaires de second rang représentant des intervenants infra départementaux. »

Dès lors, les risques de redondances ou d'incohérences entre les différentes initiatives menées sont réels. Il en résulte un fort risque d'illisibilité des dispositifs pour les acteurs concernés , mais aussi d'inefficience , compte tenu de la dispersion des moyens , voire d' inefficacité lorsque des phénomènes de concurrence - qui ne sont d'ailleurs pas nécessairement voulus - sont observés entre les acteurs. Lorsqu'une coordination existe entre les différents acteurs, elle représente un coût en temps et en énergie.

S'agissant des financements publics proposés aux entreprises, le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi présenté à la fin de l'année 2012 relève qu' « il existe à ce jour environ 7 000 dispositifs sur le territoire, ce qui se traduit par une offre oscillant entre 600 et 1 200 aides par région 22 ( * ) . » Outre l'illisibilité et le saupoudrage engendrés par une telle situation, ses risques juridiques doivent également être soulignés, compte tenu de la nécessité d'assurer le respect des règles d'encadrement des aides fixées à Bruxelles.

La multiplication des interventions rend difficile l'individualisation des effets de chacune d'entre elles et partant, leur évaluation. Or, l'efficacité de certaines d'entre elles est en effet parfois remise en cause, comme en témoignent notamment les deux rapports de la Cour des comptes consacrés aux interventions économiques des collectivités de 1996 et 2007 23 ( * ) . Les effets d'aubaine ou la prolongation d'activités non rentables sont les risques qui caractérisent les interventions publiques inappropriées.

Plusieurs tentatives de réponse ont été mises en oeuvre pour répondre à l'ensemble de ces difficultés. La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a donné un rôle de coordination du développement économique aux régions. Mais les efforts réalisés par l'ensemble des acteurs eux-mêmes pour articuler au mieux leurs interventions doivent également être relevés.

b) L'affirmation du rôle de coordination des régions en 2004 : avancées et limites

La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a utilisé la possibilité offerte par l'article 72 de la Constitution issu de la révision constitutionnelle de 2003, en énonçant que « la région coordonne sur son territoire les actions de développement économique des collectivités territoriales et de leurs groupements, sous réserve des missions incombant à l'Etat. [...] » . Cette responsabilité s'inscrit dans la continuité des missions initialement dévolues aux régions de programme en 1956, à savoir le développement économique et l'aménagement du territoire.

(1) Un nouveau régime pour les aides aux entreprises

Le régime des aides apportées par les collectivités et leurs groupements a été revu à cette occasion.

Le régime des aides aux entreprises avant la loi du 13 août 2004

Deux catégories d'aides étaient distinguées : les aides directes et indirectes. Comme le précise la Cour des comptes, le critère de distinction entre elles a été dégagé par la juridiction administrative, l'aide directe se traduisant par la mise à disposition de moyens financiers à l'entreprise bénéficiaire, avec une conséquence comptable (immédiate ou potentielle) dans ses comptes, les aides indirectes recouvrant tous les autres types d'aide (mise à disposition de biens immeubles, amélioration de l'environnement économique, dispositif visant à faciliter l'implantation ou la création d'activités).

La région avait la responsabilité des aides directes, qui incluaient les primes régionales à l'emploi (PRE), les primes régionales à la création d'entreprises (PRCE) et les prêts, avances et bonifications. Les autres collectivités ne pouvaient participer à leur financement que dans la mesure où la région en avait instituées. Les aides indirectes pouvaient être octroyées par toutes les autres collectivités.

Comme l'énonce la Cour dans son rapport de 2007, « les dispositifs initialement mis en place ont été marqués au fil des ans par une diversification importante des aides, débouchant souvent sur une certaine confusion institutionnelle. Ainsi, à partir des années 1990, la gouvernance de l'ensemble de ce système a fait l'objet de critiques de fond. En 1996, la Cour des comptes a interpellé les pouvoirs publics en recommandant une clarification du cadre juridique applicable et préconisé un choix précis du niveau d'intervention entre la région, le département, le cadre intercommunal ou la commune. Elle préconisait également qu'un meilleur suivi des aides accordées soit effectué afin de rechercher une plus grande efficacité des interventions en faveur des entreprises. D'autres rapports officiels ont également souligné l'opacité du dispositif et la méconnaissance des aides distribuées aux différents niveaux, national, régional et local en l'absence d'un recensement exhaustif par les pouvoirs publics. »

Source : Cour des comptes, « Les aides des collectivités territoriales au développement économique », 2007.

La loi du 13 août 2004 pose le principe selon lequel le conseil régional « définit le régime et décide de l'octroi des aides aux entreprises dans la région qui revêtent la forme de prestations de services, de subventions, de bonifications d'intérêt, de prêts et avances remboursables, à taux nul ou à des conditions plus favorables que celles du taux moyen des obligations » . Les articles L. 1511-1 et suivants du CGCT rassemblent les dispositions relatives au « développement économique ».

Les conditions d'intervention des autres collectivités sont limitées à trois cas de figure :

- elles peuvent compléter les aides apportées par la région, dans le cadre d'une convention passée avec elle, comme le prévoit l'article L. 1511-2 du CGCT ;

- en cas d'accord de la région, elles peuvent mettre en oeuvre une aide ou un régime d'aides dont elles seraient à l'origine, comme le prévoit le même article ;

- elles peuvent compléter les aides apportées soit par la région, soit par une collectivité ayant passé une convention avec la région, dans le cadre d'une convention conclue avec l'Etat, transmise au président du conseil régional. C'est l'objet de l'article L. 1511-5 du CGCT.

Elles peuvent toutefois continuer à intervenir, seules ou conjointement, dans le domaine des aides à l'immobilier, comme le prévoit l'article L. 1511-3 du code.

La loi donne également aux régions la responsabilité d'élaborer un rapport sur les aides mis en oeuvre sur son territoire par l'ensemble des collectivités, dont l'objectif est d'assurer un respect des règles prévues par le droit communautaire et de repérer les éventuelles atteintes à l'équilibre économique de tout ou partie de la région.

Le rapport du conseil régional sur les aides et régimes d'aides mis en oeuvre sur son territoire

Il est prévu à l'article L. 1511-1 du CGCT :

« Le conseil régional établit un rapport relatif aux aides et régimes d'aides mis en oeuvre sur son territoire au cours de l'année civile, dans les conditions prévues au présent chapitre, par les collectivités territoriales et leurs groupements. A cette fin, ces collectivités et groupements transmettent, avant le 30 mars de chaque année, toutes les informations relatives aux aides et régimes d'aides mis en oeuvre dans leur ressort au titre de l'année civile précédente.

Ce rapport est communiqué au représentant de l'Etat dans la région avant le 30 juin de l'année suivante et, sur leur demande, aux collectivités précitées. Les informations contenues dans ce rapport permettent à l'Etat de remplir ses obligations au regard du droit communautaire.

Il présente les aides et régimes d'aides mis en oeuvre sur le territoire régional au cours de l'année civile et en évalue les conséquences économiques et sociales.

En cas d'atteinte à l'équilibre économique de tout ou partie de la région, le président du conseil régional, de sa propre initiative ou saisi par le représentant de l'Etat dans la région, organise une concertation avec les présidents des conseils généraux, les maires et les présidents des groupements de collectivités territoriales intéressés, et inscrit la question à l'ordre du jour de la prochaine réunion du conseil régional ou de la commission permanente. Les avis et propositions des présidents de conseil général, des maires et des présidents des groupements de collectivités territoriales intéressés sont communiqués au cours de ce débat. »

Le bilan réalisé par la Cour des comptes en 2007 sur le régime des aides reste encore très critique. La Cour les qualifie de « dispositifs éclatés, complexes et peu coordonnés » , regrettant leur « portée limitée ». Elle a relevé plusieurs cas de manquements aux règles européennes. Cette enquête a toutefois été réalisée peu de temps après la loi de 2004, et ces cas ne doivent pas masquer les efforts de professionnalisation des acteurs constatés au niveau global.

(2) Les schémas régionaux de développement économique (SRDE)

La loi du 13 août 2004 a également rendu possible, à titre expérimental, l'adoption d'un schéma régional de développement économique (SRDE) pour une durée de cinq ans, « aux fins de coordination des actions de développement économique définies à l'article L. 1511-1 du code général des collectivités territoriales ». Ce schéma est adopté par la région après une concertation avec les départements, les communes et leurs groupements ainsi qu'avec les chambres consulaires. Il « définit les orientations stratégiques de la région en matière économique. Il vise à promouvoir un développement économique équilibré de la région, à développer l'attractivité de son territoire et à prévenir les risques d'atteinte à l'équilibre économique de tout ou partie de la région. » La loi précise également qu'il « prend en compte les orientations stratégiques découlant des conventions passées entre la région, les collectivités territoriales ou leurs groupements et les autres acteurs économiques et sociaux du territoire concerné. »

D'après la DGCIS, l'ensemble des régions avaient adopté un SRDE en 2008 24 ( * ) . La loi prévoyait qu'un « bilan quinquennal de mise en oeuvre de ce schéma expérimental est adressé au préfet de région, afin qu'une synthèse de l'ensemble des expérimentations puisse être réalisée à l'intention du Parlement. » Deux circulaires avaient été adressées par le ministre de l'Intérieur aux préfets de région, le 26 mars et le 31 mars 2010, dans cet objectif. Les conseils régionaux étaient invités à répondre à un questionnaire et à remplir un tableau de synthèse.

D'après la DGCL, les données recueillies au cours de cet exercice ont été insuffisantes pour dresser une synthèse nationale. L'ARF a réalisé son propre bilan des SRDE, dans lequel elle souligne les difficultés auxquelles ont été confrontées les régions dans le cadre de cette enquête. Elle relève notamment que la circulaire du 26 mars a été transmise tardivement aux présidents des conseils régionaux, pour un bilan à adresser avant le 30 juin, parfois sans faire l'objet d'une transmission officielle. Est également déplorée l'absence de concertation sur les conditions d'élaboration et les termes de ce bilan avec les régions ou l'ARF. Les tableaux d'analyse quantitative proposés dans la circulaire se sont révélés inadaptés au bilan des SRDE, documents à caractère stratégique qui n'ont pas forcément été déclinés en documents de programmation.

Le rapport de la Cour des comptes sur « les aides des collectivités territoriales au développement économique » de 2007 fournit quelques indications au sujet de la mise en oeuvre et de la portée des SRDE. Il est toutefois le résultat d'une enquête conduite en 2005 et 2006, n'offrant ainsi qu'un recul limité par rapport aux mesures prévues par la loi du 13 août 2004. Ce rapport indique que les SRDE ont été l'occasion pour certains conseils régionaux de revoir leurs régimes d'aide, et de mettre en place des instances d'évaluation des dispositifs mis en oeuvre.

S'agissant de l'évolution des modes d'intervention économique des collectivités, le bilan réalisé par l'ARF en juillet 2010 souligne comme principales avancées liées aux schémas le « passage d'une logique de guichet à une logique de soutien au projet et le passage à une logique contractuelle avec des engagements concrets et mesurables des porteurs de projets ». Il relève la réduction du saupoudrage des aides et l'élévation des exigences demandées aux entreprises en matière sociale et environnementale en contrepartie des aides accordées, comme par exemple la réduction des emplois précaires, l'embauche de travailleurs handicapés, l'augmentation du budget de formation, les économies d'énergie ou la récupération des déchets. Il note également la tendance à privilégier les « outils à effets de levier, comme les avances remboursables ou les garanties de prêts bancaires » , par rapport aux subventions classiques.

Cette évolution s'est également traduite par un effort de hiérarchisation des priorités et de recherche de solutions adaptées aux spécificités des territoires. Les SRDE ont favorisé les efforts de projection à long terme des économies régionales. D'après l'ARF, l'exercice a été précédé dans tous les régions d'un diagnostic partagé selon des formes diverses (groupes d'experts, groupes de travail avec les acteurs concernés). Le travail d'élaboration des schémas a facilité un recentrage des politiques sur quelques priorités, comme le soutien à certaines filières industrielles, de service ou l'innovation. Il a permis de renforcer la prise en compte d'enjeux spécifiques, par exemple dans le domaine de l'économie sociale et solidaire. Une convergence a pu être recherchée avec les autres politiques mises en oeuvre par les conseils régionaux, notamment en matière de formation professionnelle et de recherche. Une étude réalisée pour l'AdCF en décembre 2006 25 ( * ) relève quant à elle que « par leur nature, les schémas régionaux de développement économique apportent une priorisation et une simplification de l'action économique dans les régions. »

Ces efforts de hiérarchisation des priorités et mise en valeur des atouts des territoires sont toutefois inégaux. L'absence ou le faible niveau d'articulation des SRDE avec les SRADDT a également été évoquée.

S'agissant de l'évaluation des résultats, la fixation d'indicateurs de résultats ex ante aurait pu faciliter la mise en oeuvre de l'exercice. Comme le note la Cour dans son rapport, « la plupart des schémas régionaux de développement économique (SRDE) reprennent le dispositif légal qui impose un processus de suivi et d'évaluation des aides accordées. Cependant l'approche engagée reste à parfaire dans de nombreux schémas. En effet pour nombre d'entre eux, la procédure d'évaluation se limite à la création d'un comité de pilotage partenarial sans que le support de la démarche d'évaluation ni même ses objectifs soient précisés. »

La Cour des comptes évoque également les efforts de rationalisation et de coordination des dispositifs existants réalisés dans le cadre des SRDE ainsi que les conventions signées entre les régions et les différents acteurs économiques pour le décliner. Plusieurs acteurs ont relevé les potentialités des schémas en matière de clarification des rôles, de recherche de cohérence et de fédération des énergies. D'après la note réalisée pour l'AdCF, « ce travail de concertation a été, en soi, un facteur de simplification de l'action économique dans les régions. Il a permis de clarifier la lecture des objectifs des principales parties prenantes, formalisés dans leurs contributions ou exprimés dans les réunions de travail. Au premier chef, il a permis de diffuser et rendre plus visibles les objectifs de la région [...] ».

L'impact des SRDE dans tous ces domaines dépend toutefois de leur traduction opérationnelle et de leur appropriation par les différents acteurs concernés. Les SRDE étant des documents non prescriptifs, leur déclinaison opérationnelle peut intervenir de différentes façons : l'adoption de programmes d'action par l'instance de pilotage du SRDE, ou la signature de conventions ou de contrats avec les acteurs concernés. Or, comme le relevait déjà la Cour des comptes en 2007, « il n'est pas [...] certain que l'adoption du schéma régional de développement économique (SRDE), avec son corollaire, la distribution des aides déconcentrées de l'Etat, soit suffisante à asseoir le rôle de la région dès lors qu'elle ne lui donne pas pour autant un rôle d'orientation et de clarification des diverses politiques et stratégies locales de développement économique. » La Cour en conclut que « malgré les objectifs ambitieux retenus dans ces schémas, la question permanente de la concurrence entre collectivités et territoires et l'absence de coopération interrégionale n'a pas été effacée. » Le rapport d'Yves Krattinger et de Jacqueline Gourault range ainsi les SRDE « qui, du fait de leur caractère non contraignant, n'ont pas eu d'impact sur le chevauchement des interventions » parmi les « tentatives de clarification inabouties » . Les limites liées à l'absence de caractère prescriptif ont été signalées par l'ARF, qui a rappelé que le texte adopté en 2004 était en retrait par rapport au texte initialement proposé par le Gouvernement. Le projet de loi octroyait à la région « la responsabilité du développement économique » dans son périmètre, sans préjudice des missions incombant à l'Etat. Il prévoyait qu' » à cet effet, elle assure la coordination des actions économiques des collectivités territoriales ».

Par ailleurs, le projet de loi initial indiquait que les aides à l'immobilier devaient « tenir compte des orientations du schéma régional de développement économique adopté par le conseil régional. »

Dans le cadre actuel, l'impact des SRDE est variable selon les territoires. Dans certains territoires, ils ont permis d'établir des partenariats et une coordination entre les différents acteurs, rendant par exemple possible la réduction du nombre des aides, la création de portails d'information à destination des entreprises, la mise en place de dossiers d'instruction unique avec les départements et les agglomérations. L'Assemblée des départements de France (ADF) relève qu'en 2007, une majorité des répondants à son enquête (32 sur 52) avait établi un conventionnement avec les régions, essentiellement dans le cadre des SRDE.

D'après l'ARF, le SRDE a également pu être l'occasion de spécialiser l'intervention des différentes collectivités en fonction de la nature des aides accordées. Le bilan réalisé par l'ARF relève que « dans certaines régions, l'association étroite des partenaires sociaux a été un élément structurant de la démarche et un facteur de solidarité forte entre les acteurs pour la mise en oeuvre. » De façon générale, il souligne les atouts de l'instauration de temps de rencontres réguliers avec les acteurs économiques. Mais les modalités de pilotage et d'association des différents acteurs aux différents axes du SRDE et à leur évaluation sont, encore une fois, très variables. La traduction opérationnelle des schémas et la recherche de mutualisation des moyens semblent encore perfectibles.

Dans le Nord Pas de Calais, plusieurs instances de pilotage ont accompagné l'adoption du SRDE : des instances de décision, des instances de construction et de suivi des politiques ainsi que des instances techniques. Comme avait pu le constater notre collègue Patricia Schillinger, le SRDE a été décliné en vingt-deux plans locaux de développement économique (PLDE), qui prévoient un suivi des filières, une aide à la création d'entreprise, des dispositifs favorisant la mobilité des demandeurs d'emploi...

Le pilotage du SRDE dans le Nord-Pas de Calais

Adopté par le conseil régional le 24 novembre 2005, le SRDE s'appuie sur une gouvernance économique partagée autour de trois types d'instances : des instances de décision, des instances de construction et de suivi des politiques, des instances techniques.

Les instances de décision sont au nombre de trois :

- le bureau du SRDE prépare les conférences permanentes, lieu majeur de décision du SRDE ;

- les conférences permanentes se composent de l'ensemble des acteurs socio-économiques du Nord-Pas de Calais. Elles s'apparentent au conseil d'administration d'une association et se déroulent généralement deux fois par an ;

- les conférences annuelles permettent de dresser un bilan de l'année écoulée et des perspectives de l'année à venir. Elles s'apparentent à l'assemblée générale de l'association.

Les instances de décision sont complétées par des instances de construction et de suivi des politiques, qui, lors de réunions thématiques, préparent les décisions puis les mettent en oeuvre, une fois les orientations actées en SRDE. Ces instances se réunissent lors de comités de pilotage et concernent les financeurs des politiques concernées, les pôles d'excellence et les élus locaux présidents de PLDE. Par ailleurs, des conseils d'administration rassemblent les opérateurs chargés de la mise en oeuvre de toutes ces politiques.

Les instances techniques suivent l'action des opérateurs et se réunissent mensuellement.

Source : site Internet du conseil régional du Nord - Pas de Calais

Les schémas semblent donc avoir constitué une réelle avancée dans certains territoires. Ils possèdent de fortes potentialités en matière de construction d'une vision stratégique et coordonnée de la politique économique à l'échelle des régions. C'est la raison pour laquelle certaines régions ont décidé d'adopter un nouveau schéma régional de développement économique, ou une nouvelle stratégie régionale de développement économique, succédant au premier SRDE, malgré la fin de la période d'expérimentation prévue par la loi du 13 août 2004 et l'absence de reconduction du dispositif.

A cette occasion, une convergence a pu être recherchée avec les stratégies régionales de l'innovation (SRI) encouragées par la Commission européenne dans le cadre du fonds européen de développement régional (Feder). Ainsi, la région Ile-de-France a adopté en juin 2011 une stratégie régionale de développement économique et d'innovation (SRDEI). La région Rhône-Alpes en a également adopté une pour la période 2011-2015.

L'outil reste toutefois perfectible, notamment au niveau de l'affirmation d'une stratégie économique et son évaluation, l'association des autres acteurs et la déclinaison opérationnelle des orientations stratégiques.

(3) L'articulation entre l'action de l'Etat et celle des collectivités

La loi du 13 août 2004 a également prévu qu'en cas d'adoption d'un SRDE, la région est compétente, par délégation, pour attribuer les aides de l'Etat à destination des entreprises. Les modalités de cette délégation, notamment ses objectifs et les moyens financiers mis en oeuvre par chacune des parties, sont précisés dans une convention passée entre l'Etat, la région et, le cas échéant, d'autres collectivités ou leurs groupements.

D'après la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS), une telle convention n'a été signée que dans neuf régions. La limitation de cette compétence à certaines catégories d'aides individuelles et la faiblesse des montants concernés, de même que les modalités de transfert de ces dernières, expliqueraient le peu de succès rencontré par cette mesure. La circulaire du ministre de l'Intérieur aux préfets de région et de département du 25 mars 2005 précise dans son annexe 2 qu'il s'agit « des aides individuelles aux PMI qui recouvrent des aides du fonds de développement des PMI (FDPMI), du fonds régional d'aide au conseil (FRAC), des aides au recrutement de cadres (ARC) ; des aides individuelles de l'Etat au soutien régional au développement économique à l'international des entreprises ; des aides individuelles des fonds déconcentrés de la prime d'orientation pour les entreprises de stockage, de transformation et de commercialisation des produits agricoles et alimentaires ; des aides au dispositif d'encouragement au développement d'entreprises nouvelles (EDEN) et des chèques conseil. »

L'Etat a conservé la compétence des actions collectives, ce qui n'a pas permis de réduire le nombre d'acteurs présents sur le terrain du développement économique.

Les CPER, ou les contrats de plan qui les ont précédé, ont permis, dans une certaine mesure, une articulation de leurs interventions dans ce domaine, ainsi qu'une recherche de convergence avec la programmation des fonds européens gérés par l'Etat. Mais leur contenu n'épuise pas l'ensemble des initiatives menées dans ce domaine, notamment celles apparues quelques années après la signature du contrat. Par ailleurs, la faible association des collectivités autres que la région aux CPER constitue une limite à la coordination de l'ensemble des actions menées dans ce domaine.

c) Les efforts réalisés par les différents acteurs en matière de coordination et de mutualisation

Plusieurs séries de mesures visant à favoriser les partenariats et la coordination entre les dispositifs ont été prises par les acteurs eux-mêmes. Dès lors, si les difficultés liées à la multiplication des acteurs sont réelles, il convient de ne pas noircir le tableau et de souligner les efforts déployés dans les territoires pour y répondre.

Dans son étude réalisée en juin 2010 sur « l'action économique des collectivités », l'AdCF et l'Institut supérieur des métiers soulignent ainsi l'« approfondissement qualitatif des partenariats établis entre les communautés et leurs partenaires économiques (entreprises ou organismes représentatifs). A travers les agences ou comités d'expansion, ou dans le cadre des actions communes initiées avec les chambres consulaires, ces partenariats se traduisent désormais par de véritables contrats. Une certaine division du travail organisée semble succéder à la concurrence et aux redondances entre initiatives publiques que de nombreux rapports ont critiquées ces dernières années 26 ( * ) . »

Lors de son audition, notre collègue Gérard Roche, président du conseil général de la Haute-Loire, a souligné la qualité du travail qui avait pu être réalisé dans son territoire entre la région et les départements. La concertation a été favorisée par une réunion régulière entre le président du conseil régional, les présidents des conseils généraux ainsi que ceux des grandes intercommunalités. Le département a reçu une délégation d'une partie des fonds régionaux consacrés au commerce et à l'artisanat.

Par ailleurs, des efforts de mutualisation entre les acteurs sont en cours, notamment au niveau des agences de développement économique. Le CNER cite plusieurs exemples à cet égard.

Quelques exemples de mutualisations au niveau des agences de développement

Des actions de prospection mutualisées peuvent être organisées par plusieurs agences de développement économique, comme dans le Nord-Pas de Calais (Boulogne, Calais, Saint-Omer, Dunkerque).

Dans certains départements comme l'Aveyron, le Loiret ou l'Eure, les intercommunalités se sont tournées vers l'agence départementale pour mutualiser les moyens déployés au titre du développement économique. Dans l'Eure, un chargé de mission est mis à disposition des intercommunalités un jour par semaine.

Dans le Nord-Pas de Calais, une articulation entre les actions de l'agence régionale de développement et les agences intercommunales est permise par l'implantation en leur sein de relais locaux de l'agence régionale.

La mutualisation la plus poussée consiste en la fusion de plusieurs agences : elle est actuellement en cours en Alsace, où l'agence régionale et les deux agences départementales devraient fusionner.

Des fusions ont également été réalisées avec les agences de l'innovation, comme en Bretagne ou en Aquitaine, ou avec les comités départementaux du tourisme, comme dans les Côtes d'Armor, la Sarthe ou le Cher.

Source : CNER

Ces efforts, qui relèvent d'initiatives des acteurs du terrain, doivent être salués et poursuivis, dans la mesure où, à l'heure actuelle, « les articulations entre agences régionales de développement et agences départementales ne sont ni courantes, ni systématiques - à l'exception de la prospection d'investisseurs en lien avec l'AFII et parfois, la promotion territoriale » , comme le relève le rapport du CNER sur les agences de développement de septembre 2012 27 ( * ) .

Malgré la loi de 2004 et les efforts déployés par les différents acteurs, les difficultés résultant de la multiplication des acteurs n'ont pas reçu de réponses suffisantes.

Un récent rapport de la Cour des comptes, rendu public en février 2012, confirme ce constat s'agissant du domaine spécifique des dispositifs de soutien à la création d'entreprises 28 ( * ) . La faible lisibilité des dispositifs, l'absence de stratégie d'ensemble ainsi que les difficultés de coordination entre l'Etat et les collectivités, d'une part, et entre les collectivités elles-mêmes, d'autre part, y sont déplorées. Mais le rapport identifie aussi quelques régions, comme le Nord- Pas de Calais ou la Picardie, dans lesquelles les différents acteurs se sont mis autour de la table pour mettre en oeuvre une action stratégique concertée au niveau régional.

Pour que ce que le rapport de la Cour qualifie d'« exceptions » devienne la norme, il convient désormais de franchir une étape supplémentaire vers la construction de stratégies cohérentes de développement économique à l'échelle des régions.


* 11 Ces dispositions, également spécifiées pour les départements à l'article 48 de la loi, sont désormais inscrites dans les articles L. 2251-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) pour les communes et L. 3231-1 pour les départements.

* 12 Article 48 de la loi du 2 mars 1982.

* 13 Article 64 de la loi du 2 mars 1982.

* 14 Op. cit.

* 15 L'avis n°186 présenté par notre collègue André Vairetto au nom de de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire sur le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale relatif à la création de la Banque publique d'investissement (Sénat 2012-2013) présente un panorama des actions développées par les régions dans ce domaine, dans le cadre de l'article L. 4211-1 du CGCT.

* 16 Le périmètre couvert par cette catégorie comprend les rubriques suivantes : « services communs », « interventions économiques transversales », « recherche et innovation », « agriculture, pêche, agro-alimentaire », « industrie, artisanat, commerce et autres services », « tourisme et thermalisme ». Source : Informations fournies à vos rapporteurs par la DGCL.

* 17 Le périmètre couvert par cette catégorie comprend les rubriques suivantes : « services communs », « structures d'animation et de développement économique », « agriculture et pêche », « industrie, commerce et artisanat », « développement touristique », « maintien et développement des services publics non départementaux ». Source : DGCL.

* 18 Le périmètre couvert par cette catégorie comprend les rubriques suivantes : « interventions économiques », « foires et marchés», « aide à l'agriculture et aux industries agro-alimentaires », « aides à l'énergie, aux industries manufacturières et aux bâtiment et travaux publics », « aides au commerce et aux services marchands », « aides au tourisme », « aides aux services publics ». Source : DGCL.

* 19 « Réindustrialisons nos territoires », Rapport d'information n° 403 d'Alain Chatillon fait au nom de la mission commune d'information sur la désindustrialisation des territoires, (Sénat, 2010-2011).

* 20 « Faire confiance à l'intelligence territoriale », rapport d'information n°471 d'Yves Krattinger et de Jacqueline Gourault, (Sénat 2008-2009).

* 21 « Agences de développement économique : état des lieux et perspectives », CNER, SNCF développement et Katalyse, septembre 2012.

* 22 « Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi », novembre 2012.

* 23 « Les interventions des collectivités territoriales en faveur des entreprises », Rapport

public particulier, 1996 ; « Les aides des collectivités territoriales au développement économique », rapport public thématique, 2007.

* 24 Sauf en Corse, où le PADDUC remplit déjà un objectif de développement économique.

* 25 « Développement économique : les relations Agglomérations - Régions, Quelles évolutions au travers des SRDE ? », décembre 2006, AdCF, KPMG.

* 26 « L'action économique des communautés, Ressources et modes d'intervention de l'intercommunalité au service du développement économique local », AdCF, Institut supérieur des métiers, juin 2010.

* 27 « Agences de développement économique : état des lieux et perspectives », CNER, SNCF développement et Katalyse, septembre 2012.

* 28 « Les dispositifs de soutien à la création d'entreprises », rapport d'évaluation de la Cour des comptes de décembre 2012.

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