B. DES FINANCEMENTS EUROPÉENS DE MOINS EN MOINS ADAPTÉS À LA RÉALITÉ GUYANAISE

1. Comme les autres RUP, la Guyane a bénéficié du soutien des fonds européens au nom de la cohésion

Le principe de cohésion en faveur des régions ultrapériphériques n'est pas inhérent à l'Union européenne. Longtemps, les départements d'outre-mer ont été assimilés aux PTOM, les pays et territoires d'outre-mer et n'ont, de ce fait, pu bénéficier que du fonds européen de développement, le FED. Ce n'est que dans les années 1980 que les choses évoluent.

a) Une augmentation régulière des fonds structurels au cours des vingt dernières années

L'adhésion de l'Espagne et du Portugal, pays comprenant des régions ultramarines, entraîne une nouvelle dynamique dans la Communauté européenne en faveur de l'ultrapériphérie. La réforme des fonds structurels de 1988 rend éligible à l'objectif 1 (régions en retard de développement) sept régions d'outre-mer : la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion pour la France ; les Iles Canaries pour l'Espagne ; les Açores et Madère pour le Portugal.

Durant les années 90, les régions en retard de développement concentrent les ressources de la politique de cohésion, qui elle-même voit sa part dans le budget communautaire augmenter : de 25 % en 1989, elle représente un tiers des dépenses pour la période 1994-1999. Or, les régions ultrapériphériques sont les plus pauvres de l'Europe des douze. C'est pourquoi, entre 1989 et 1999, elles ont bénéficié au total d'environ 7,2 milliards d'euros de fonds structurels, soit 2,5 % des sommes attribuées à l'ensemble des régions de la Communauté.

Cette politique s'est poursuivie durant l'exercice suivant avec deux faits marquants : un passage de cinq à sept ans pour la période de programmation budgétaire et une réforme de la politique de cohésion qui a continué à monter en puissance dans le budget européen. Néanmoins, à l'exception de l'initiative REGIS qui visait à aider les « régions isolées » à mieux intégrer le marché intérieur, la politique de cohésion ne visait pas spécifiquement les régions d'outre-mer. Si l'aide apportée aux régions ultrapériphériques jusqu'en 2006 a été quantitativement importante, en étant la plus élevée par habitant au sein de la Communauté, puis de l'Union européenne, c'est uniquement parce que leur niveau de prospérité était parmi les plus faibles d'Europe.

Et la Guyane a pu bénéficier de soutiens conséquents à son développement économique. La Commission européenne, dans un rapport du 14 mars 2000, constatait que, entre 1986 et 1996, le PIB par habitant en Guyane est passé de 37 % à 48 % de la moyenne européenne. Pour la période 2000-2006, le montant engagé par l'UE était de 370 millions d'euros, qui a permis grâce au système de cofinancement des investissements d'un montant total de 725 millions d'euros sur la période. Le 26 octobre 2000, Michel Barnier, alors Commissaire européen en charge de la politique régionale a déclaré : «Après avoir financé depuis 1989 les grandes infrastructures de la Guyane, ports, aéroports, en vue de son désenclavement externe, l'aide financière de l'Union européenne sera désormais consacrée pour près des deux tiers aux besoins des populations en matière d'éducation, de formation et de santé. L'aide au développement des secteurs productifs représentera le cinquième des ressources allouées, tandis qu'un effort sera également fait pour conforter un pôle de recherche sur l'environnement amazonien, et encourager l'exploitation des possibilités liées aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. Je souhaite que la poursuite de ces efforts puisse contribuer à accélérer le développement social et économique de la Guyane.»

Ainsi, jusqu'en 2005, la Guyane, comme les autres régions ultrapériphériques, a progressé vers la convergence économique et sociale de l'Union européenne, grâce à la politique de cohésion . Et si l'élargissement de 2004 a obligé les régions les plus pauvres de l'Europe des quinze à partager les fonds structurels, l'aide apportée aux RUP n'a diminué que modérément sur la période 2007-2013, grâce à la mise en place d'un outil dédié.

b) La nécessaire compensation des handicaps des RUP a permis de maintenir un soutien financier de l'Union européenne pour la période 2007-2013

Au cours des quinze dernières années, s'est imposée en Europe l'idée que les RUP sont affectées de handicaps structurels permanents qui les empêchaient de rejoindre le niveau de développement du reste de l'Union . Cela a eu deux conséquences sur la programmation des fonds structurels pour la période 2007-2013 : tout d'abord, les RUP se sont vues garantir un cofinancement à hauteur de 85 % ; ensuite et surtout, une allocation spécifique de compensation des surcoûts a été créée pour les RUP et les régions à faible densité de population (dans le grand nord de l'Europe, notamment).

Cette allocation spécifique est attribuée en fonction du nombre d'habitants par région sans tenir compte de la superficie du territoire, comme le fait la dotation globale de fonctionnement versée par l'État à ses collectivités territoriales. Compte tenu de la superficie de la Guyane, il est regrettable que ce critère n'ait pas été retenu en dépit des efforts de ses élus en ce sens.

Ces novations réglementaires concernant le fonctionnement des aides ont permis aux RUP de conserver un financement satisfaisant, alors que l'Union européenne devait absorber l'entrée des pays de l'ancien bloc de l'est. Au total, les RUP ont pu bénéficier de 4,5 milliards d'euros au titre du Fonds européen pour le développement régional (FEDER) et 1,3 milliard d'euros du FSE, le Fonds social européen. Si l'on ajoute 979 millions d'euros d'allocation spécifique, c'est au total 6,779 milliards d'euros de fonds structurels qui ont été attribués aux régions ultrapériphériques pour la période 2007-2013 .

La Guyane, pour sa part, s'est vue affecter au titre du FEDER, un peu plus de 300 millions d'euros sur la période . Ce programme, qui bénéficie d'un financement total de 645 millions d'euros, soutient les actions suivantes :

- développer les nouveaux moteurs de croissance à très forte valeur ajoutée par la recherche développement, l'innovation et le transfert de technologie, sur des thématiques clefs telles que la biodiversité, l'écologie de la santé et la dynamique des territoires ;

- renforcer le tissu économique local et viser un développement par le marché intérieur ;

- susciter l'initiative privée ;

- poursuivre le désenclavement du territoire en milieu urbain.

La Guyane met également en oeuvre un programme impliquant le FSE pour un montant total de 140 millions d'euros dont 100 euros de fonds européens. Il soutient les actions suivantes :

- élever le niveau de compétences des travailleurs ;

- mettre en place des formations adaptées aux besoins de main-d'oeuvre ;

- permettre l'accès à l'emploi et à la formation (jeunes, publics en difficulté) ;

- lutter pour l'égalité des chances et contre les discriminations.

c) Une politique de coopération territoriale encore embryonnaire loin de l'Europe continentale

La Guyane est impliquée dans des programmes de coopération territoriale cofinancés par le FEDER et ayant pour vocation de renforcer son intégration territoriale. On peut notamment citer le programme INTERREG Caraïbes qui l'associe à la Martinique, la Guadeloupe et aux nouvelles collectivités d'Outre-Mer (COM) de Saint-Barthélemy et Saint-Marin dans le but de « contribuer au développement harmonieux, concerté et durable de l'espace Caraïbe par une croissance économique, respectueuse de l'environnement et créatrice d'emplois » .

Surtout, la Guyane participe au programme opérationnel Amazonie qui l'associe au Brésil et au Surinam et cofinance des projets de coopération dans des domaines variés (économie, éducation, formation, culture et multilinguisme. Ce programme bénéficie d'une enveloppe de 17 millions d'euros, principalement financée par l'UE à hauteur de 13 millions d'euros.

d) Les soutiens à l'agriculture et à la pêche guyanaise par l'Union européenne

La Guyane, comme toutes les régions ultrapériphériques, participe à la politique agricole commune et à la politique commune de la pêche. À ce titre, elle bénéficie de soutiens pour ses agriculteurs et pour ses pêcheurs.

Le programme de développement rural , abondé par le fonds européen agricole de développement rural (FEADER), représente une part importante de la politique européenne en Guyane. L'Union apporte quelques 75 millions d'euros sur un montant total de 145 millions avec les objectifs suivants :

- l'amélioration de la compétitivité des filières agricole et forestière ;

- l'amélioration de l'environnement et de l'espace rural ;

- l'amélioration de la qualité de vie en zones rurales et la diversification des activités économique ;

- la conception de stratégies locales intégrées de développement.

Par ailleurs, la Guyane bénéficie , comme les autres DOM, du Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité, le POSEI . Il s'agit d'un programme national de soutien à l'agriculture des DOM qui comprend deux volets :

- des régimes spécifiques d'approvisionnement (RSA) : il s'agit d'alléger les coûts relatifs à l'approvisionnement en produits utilisés dans la consommation courante ou pour la fabrication de certaines denrées alimentaires de base. Concrètement, le RSA correspond à des exemptions de droits d'importation (pour les pays tiers) ou à des aides (pour les produits provenant du reste de l'Union européenne) ;

- des mesures d'aide à la production locale : il s'agit d'aides à la production, à la transformation et/ou à la commercialisation de productions locales, ceci afin de maintenir ou d'assurer le développement de certains produits.

Depuis 2006, une approche programmatique a été adoptée et la responsabilité de conception, de modification, de gestion et de suivi des programmes a été transférée aux États membres. Cette même année, le POSEI a été modifié afin de tenir compte des réformes opérées dans les secteurs de la banane et du sucre, qui sont les principaux bénéficiaires de cette politique. Pour ces raisons, alors que les DOM français bénéficient grandement des aides du POSEI, la Guyane n'est que peu soutenue par ce programme. En 2009, alors que 273 millions d'euros ont été versés par le POSEI France, la Guyane n'en recevait que 1 823 732 €.

De plus, la Guyane applique un programme de 14 millions d'euros soutenu par le fonds européen pour la pêche et l'aquaculture (FEP) à hauteur de 6 millions. Celui-ci poursuit trois objectifs : développer la production locale dans une logique de gestion durable de la ressource et moderniser la flottille de pêche ; soutenir les entreprises de transformation et viser l'exportation de produits respectueux de l'environnement ; poursuivre le rattrapage des infrastructures de base. A titre d'exemple, les rapporteurs ont pu constater la modernisation du matériel de la COGUMER ; Compagnie guyanaise de transformation des produits de la mer : des camions frigorifiques ont été financés à hauteur de 50 % par les fonds européens.

Enfin, bien qu'elle ne constitue pas une politique à l'égard des RUP, la politique spatiale européenne occupe une place particulière pour la Guyane, en raison de l'impact de la présence sur son sol du Centre spatial à Kourou. Le fonctionnement de ce dernier représente environ 15 % de l'activité économique en termes de PIB. C'est pourquoi, la Guyane reste très attentive à son évolution

Au total, pour la période de programmation 2007-2013, la Guyane a reçu plus de 500 millions d'euros de subventions européennes. Grâce aux règles de cofinancement et à la mobilisation de nombreux acteurs (État, région, département, autres collectivités et investisseurs privés), c'est environ un milliard d'euros qui auront été investis en Guyane dans les programmes européens sur cette période.

Cependant, si l'effort est réel, les problèmes demeurent. En dépit des sommes investies, la Guyane reste éloignée des standards européens. L'augmentation exponentielle de sa population devrait continuer dans les années qui viennent. C'est pourquoi, le maintien des financements européens au développement de la Guyane demeurent plus que jamais une nécessité. Hélas, l'accord trouvé lors du Conseil européen des 7 et 8 février dernier envoie un très mauvais signal aux régions ultrapériphériques.

2. Vers une baisse des fonds européens dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020 : les orientations décevantes du Conseil européen

Le Conseil européen réuni le 7 et 8 février 2013 a adopté le cadre financier pluriannuel pour la période allant de 2014 à 2020 qui détermine les grands équilibres budgétaires entre les politiques de l'Union 1 ( * ) . L'accord passé entre les chefs d'États et de gouvernements marque une étape importante dans le processus décisionnel européen , mais il doit encore être approuvé par le Parlement européen.

Malheureusement, la rigueur budgétaire adoptée par les chefs d'État et de gouvernement n'épargne pas les régions ultrapériphériques . Ces régions sont même frappées plus durement que d'autres. Alors que le montant de l'aide spécifique pour les RUP était de 35 € par habitant et par an lors de l'exercice précédent, celui-ci serait de 30 € pour la période 2014-2020 . Cela représente une diminution de 15 % de cette aide, alors que le budget total de l'Union ne subirait qu'une baisse limitée à 3,5 % (960 milliards d'euros pour la période 2014-2020, contre 994,2 milliards d'euros pour le CFP 2007-2013) si l'on raisonne en termes de crédits d'engagement, sans inclure le Fonds européen de développement (le FED) et les dépenses hors-CFP. Cette diminution est également de près du double du budget de la politique de cohésion qui diminue de 8,5 %, passant de 354,8 à 325,1 milliards d'euros .

2007-2013

2014-2020

Différence

Budget européen

994,2 Md €

960 Md €

- 3,5 %

Politique de cohésion

354,8 Md €

325,1 Md €

- 8,5 %

Allocation spécifique pour les RUP

35 € par habitant

30 € par habitant

- 15 %

Certes, la position du Conseil européen sur ce point a évolué et il n'est pas inutile de rappeler que la Commission européenne proposait un montant inacceptable de 20 € par habitant et par an. On peut espérer que la résolution du Sénat n° 31 adoptée le 19 novembre 2012 qui demandait au Gouvernement d'oeuvrer au maintien au même niveau de l'aide spécifique a permis à ce dernier d'avoir une position plus forte dans les négociations. Néanmoins, la diminution de l'allocation est une mauvaise nouvelle pour les RUP en général et pour la Guyane en particulier.

L'annonce d'une nouvelle initiative pour lutter contre le chômage des jeunes pourrait, en partie, compenser cette déception. En effet, le Conseil, « conscient de la situation particulièrement difficile que connaissent les jeunes dans certaines régions,[...] a décidé de créer une Initiative pour l'emploi des jeunes destinée à compléter et à renforcer le soutien, déjà très important, accordé dans le cadre des fonds structurels de l'UE » . Cette nouvelle aide serait ouverte aux régions dont le taux de chômage des jeunes dépasse 25 %. Pour la Guyane, qui compte un jeune sur deux au chômage, cette initiative s'avère d'une grande pertinence.

Cependant, le financement de cette nouvelle action pourrait en réduire l'attrait. Alors que le Conseil annonce un montant de six milliards, seule la moitié de cette somme proviendra d'une enveloppe nouvelle. Les trois autres milliards seront financés par redéploiement de crédits du FSE. Quelle part de ces fonds serait de toute façon allée aux jeunes chômeurs ? On ne peut le dire aujourd'hui. Néanmoins, en raison de la très grave situation du chômage des jeunes en Guyane, cette initiative mérite d'être accueillie favorablement .

En tout état de cause, la Guyane, comme les autres régions ultrapériphériques, appelle à assouplir la concentration thématique de la politique de cohésion , c'est-à-dire les critères auxquels doivent satisfaire les projets pour être éligibles aux fonds européens. Or, la réforme de la politique de cohésion ne semble pas en prendre le chemin. Alors, que la Commission européenne proposait d'affecter 50 % des fonds du FEDER sur trois objectifs thématiques (recherche et innovation, renforcement de la compétitivité des PME et soutien vers une économie à faible émission de CO 2 ), le Conseil a décidé l'ajout d'un quatrième objectif visant l'amélioration de l'accès aux technologies de l'information et de la communication, les TIC. Or, comme le rappelle Rodolphe Alexandre, Président du Conseil régional de Guyane, comment demander à notre région de prioriser l'utilisation des crédits FEDER sur ces quatre thèmes, alors que dans le même temps une proportion non négligeable d'habitants de notre territoire n'a pas encore accès à l'eau et à l'électricité ?

Les élus des régions ultrapériphériques auraient préféré aller plus loin dans l'assouplissement de la concentration thématique , sur le fondement de l'article 349 du TFUE, en laissant au libre choix des RUP la détermination du quatrième objectif, et à abaisser le taux de concentration thématique, afin notamment de combler les retards en matière d'équipements structurants dont leurs territoires manquent cruellement. Dans un autre ordre d'idées, on pourrait imaginer que le FEDER soutienne des investissements dans des secteurs stratégiques pour la Guyane comme le tourisme, le sport et la culture, comme le propose le président du Conseil général, Alain Tien-Liong.

Au final, si l'initiative pour la jeunesse peut se montrer précieuse pour la Guyane , dont la part des jeunes dans la population est si importante, la future politique de cohésion pourrait avoir l'effet inverse de ce pour quoi elle a été conçue . Avec un budget en baisse et des objectifs toujours plus éloignés d'une région en rattrapage, le risque est grand de voir diminuer la consommation des crédits et par là-même de voir l'écart entre les régions se creuser toujours plus !

3. La délicate question du maintien de l'octroi de mer

Une autre source importante de financement de la Guyane et des régions ultrapériphériques françaises est l'octroi de mer , recette fiscale assise sur les marchandises qui date de l'Ancien régime, mais qui prend la forme aujourd'hui d'une dérogation au principe de libre circulation des marchandises dans le marché intérieur, dérogation qui n'est autorisée que jusqu'au 30 juin 2014.

Ce régime fiscal très ancien, puisqu'il remonte au XVII e siècle, a connu plusieurs évolutions. L'octroi de mer s'applique à la fois aux marchandises importées et aux livraisons de biens fabriqués localement. Dans chaque DOM, le conseil régional, qui fixe les taux de l'octroi de mer et de l'octroi de mer régional (qui est une surtaxe limitée à 2,5 % et exclusivement reversée au conseil régional), peut décider d'exonérer totalement ou partiellement les livraisons de biens produits sur place, ce qui crée de fait un différentiel de taxation par rapport aux produits importés, différentiel destiné à avantager les productions locales à concurrence du handicap subi. Les produits de première nécessité bénéficient généralement de taux nuls ou plus bas que les produits de luxe, l'alcool ou le tabac. La décision du Conseil de 2004 encadre ces différentiels de taux : le différentiel maximum peut atteindre 10 points de pourcentage pour les produits figurant sur la liste A, 20 points en liste B et 30 en liste C.

Le taux de base de l'octroi de mer diffère selon les régions : 6,5 % à La Réunion, 9,5 % aux Antilles et 17,5 % en Guyane. Et les recettes générées par l'octroi de mer et l'octroi de mer régional représentent près de 147 millions d'euros pour la Guyane en 2011, et plus d'un milliard d'euros pour l'ensemble des DOM. Ces recettes constituent une part importante des recettes fiscales des collectivités, pouvant aller jusqu'à 90 % pour certaines communes guyanaises . La part des communes représente 48,6 % des recettes, mais il convient d'observer que, contrairement aux autres DOM, une partie de l'imposition, soit 18,4 % des recettes (ce pourcentage étant équivalent au plafond de 27 millions d'euros), est affectée au conseil général.

Les recettes d'octroi de mer de 2008 à 2011 (en euros)

2008

2009

2010

2011

GUADELOUPE

254 431 475

220 778 421

238 193 902

253 962 961

OM

181 863 838

156 699 471

168 022 790

180 851 093

OMR

72 567 637

64 078 950

70 151 112

73 111 868

PC

151 602 764

151 227 086

153 718 034

159 740 836

MARTINIQUE

272 075 025

216 869 301

236 058 789

251 574 717

OM

201 907 719

161 124 219

172 405 672

182 805 533

OMR

70 167 306

55 745 082

63 653 117

68 769 184

PC

180 837 504

161 124 219

177 162 986

182 805 533

GUYANE

130 704 294

126 640 351

133 822 539

146 922 398

OM

104 068 835

102 708 265

108 597 104

118 536 036

OMR

26 635 459

23 932 086

25 225 435

28 386 362

PC

63 055 637

65 307 028

67 707 010

71 305 877

LA RÉUNION

365 993 183

329 207 027

348 629 544

380 162 278

OM

295 313 671

255 848 049

267 694 258

291 632 031

OMR

70 679 512

73 358 978

80 935 286

88 530 247

PC

251 600 843

255 848 049

262 796 082

272 783 370

TOTAL

1 023 203 977

895 495 100

956 704 774

1 032 622 354

Source : Délégation générale à l'outre-mer

OM : recettes de la taxe octroi de mer

OMR : recettes de la taxe octroi de mer régional

PC : part des recettes d'octroi de mer reversée aux communes (DGG)

Or l'avenir de ce régime fiscal qui déroge au principe de liberté de circulation des marchandises dans le marché intérieur et, plus précisément, aux articles 304 et 1105 du TFUE, est incertain. En 1998, la jurisprudence communautaire avait confirmé la validité de ce dispositif dérogatoire mais en l'encadrant : les exonérations sont compatibles avec le droit communautaire si elles sont « nécessaires, proportionnées, précisément déterminées et limitées dans le temps ». Le régime actuel d'octroi de mer est encadré par deux textes :

- la décision de la Commission du 23 octobre 2007 autorisant le régime d'aides d'État de l'octroi de mer, sur le fondement de l'article 299 du traité CE (devenu l'article 349 du TFUE) ;

- la décision du Conseil du 10 février 2004 relative au régime de l'octroi de mer dans les DOM qui a autorisé ce régime pour dix ans, jusqu'au 1 er juillet 2014. Un rapport à mi-parcours était néanmoins attendu des autorités françaises afin de vérifier l'impact de ce régime et sa contribution « à la promotion ou au maintien des activités économiques locales, compte tenu des handicaps dont souffrent les DOM ».

Si la France a bien remis ce rapport en 2009, la Commission a jugé que son contenu ne permettait pas d'étayer sérieusement le bien-fondé du régime dérogatoire, comme l'a relevé en juillet 2009 la mission commune d'information du Sénat sur la situation des DOM. Or l'échéance du 1 er juillet 2014 approche et la France n'a pas encore pris l'attache de la Commission européenne pour préparer l'avenir de ce régime fiscal. Pourtant, les délais sont courts et il faut tenir compte de la nécessité pour la Commission de préparer la décision, pour le Parlement d'être consulté sur cette décision et pour le Conseil de l'adopter, sans compter la nécessité d'adopter une loi nationale pour mettre en oeuvre le nouveau système. Les vingt mois qui nous séparent du 1 er juillet 2014 ne seront pas trop longs pour mener à bien ce dossier et le Sénat doit marquer son inquiétude devant l'incertitude qui règne encore.

Pour aller au-devant de ces échéances communautaires, la position française sur l'avenir de l'octroi de mer semble encore mal stabilisée, d'autant que certaines voix dénoncent la part de responsabilité que pourrait avoir ce régime de fiscalité indirecte dans le coût de la vie outre-mer. Le débat de fond n'a pas vraiment eu lieu sur le meilleur moyen d'assurer le développement économique outre-mer. L'évaluation approfondie des dépenses fiscales et sociales spécifiques à l'outre-mer qu'a effectuée l'Inspection générale des finances (IGF) en 2011 aurait pourtant constitué un support intéressant pour ce débat : l'IGF estimait effectivement que « la perspective d'une possible remise en cause du dispositif actuel d'octroi de mer par la Commission européenne en 2014 imposait de tracer dès à présent des perspectives sur son devenir ».

Le Sénat s'est montré lui aussi très concerné par le sujet. Dans une résolution du 19 novembre 2012, il a demandé au Gouvernement, sur le fondement de l'article 88-4 de la Constitution, d' « entreprendre sans délai un dialogue avec la Commission européenne pour assurer prioritairement, sur le fondement de l'article 349 du TFUE, la pérennisation de l'octroi de mer après le 1 er juillet 2014 et, le cas échéant, prévoir la mise en place d'un régime fiscal dérogatoire alternatif permettant de soutenir le développement des DOM sans fragiliser les recettes fiscales des collectivités territoriales » .

Aujourd'hui, il apparaît que remplacer dès 2014 l'octroi de mer par quelque autre dispositif n'est pas possible. L'absence d'étude et de simulation approfondie d'envergure ne permet pas de changer de système sans mettre en danger les ressources des collectivités locales d'outre-mer. De plus, pérenniser l'octroi de mer pour les DOM français sur le fondement de l'article 349 du TFUE équivaudrait à la mise en place d'un régime particulier pour les régions ultrapériphériques qui devient une nécessité face aux difficultés permanentes qu'elles rencontrent dans la mise en oeuvre de la politique européenne.

Cela est particulièrement important pour la Guyane. Parce qu'elle est une de ses régions les plus pauvres, elle a pleinement bénéficié de la solidarité de l'Union européenne durant les deux dernières décennies. Cependant, comme il vient d'être démontré, ses handicaps structurels sont insuffisamment compensés par les seules aides financières à son développement. L'application des normes européennes sur son territoire ne peut se faire sans aménagement pour tenir compte de sa réalité et maximiser son potentiel.


* 1 Conclusions du Conseil européen des 7 et 8 février 2013 - réf : EUCO 37-13

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