N° 712

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 juillet 2013

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1), préparatoire au débat d' orientation des finances publiques (DOFP) pour 2014 ,

Par M. François MARC,

Sénateur,

Rapporteur général.

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques, préalable au débat d'orientation des finances publiques (DOFP) doit, selon l'article 48 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) :

- procéder à une « analyse des évolutions économiques constatées » depuis l'établissement du rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la nation joint au projet de loi de finances de l'année ;

- « décrire les grandes orientations de sa politique économique et budgétaire au regard des engagements européens de la France » ;

- procéder à une « évaluation à moyen terme des ressources de l'Etat ainsi que de ses charges ventilées par grandes fonctions » ;

- fournir « la liste des missions, des programmes et des indicateurs de performances associés à chacun de ces programmes, envisagés pour le projet de loi de finances de l'année suivante ».

En outre, depuis plusieurs années, et bien que cela ne résulte pas d'une obligation, le Gouvernement transmet au Parlement, préalablement à l'organisation du DOFP, les plafonds, en crédits et en effectifs, arrêtés par mission. Ainsi, cette année, le Gouvernement a transmis ces éléments, qui, en date du 24 juin, ont fait l'objet des « lettres plafonds » adressées par le Premier ministre à chaque ministre, dans un document « tiré à part ».

Il convient de s'interroger sur la pertinence du contenu du rapport demandé au Gouvernement, tel qu'il avait été souhaité par le législateur organique, au regard des évolutions intervenues, en particulier dans le cadre de la gouvernance budgétaire européenne.

Le programme de stabilité était, jusqu'en 2010, adressé aux institutions européennes avant le 1 er décembre de chaque année ; il est désormais transmis à la fin du mois d'avril 1 ( * ) et fait l'objet d'un débat au Parlement 2 ( * ) . L'intervention du Parlement sur ce document apparaît essentielle. En effet, il engage la France vis-à-vis de ses partenaires européens et constitue une étape essentielle du semestre européen, puisqu'il sert de fondement, avec le programme national de réformes produit conjointement, à la formulation de recommandations à la France, qui seront définitivement adoptées par le Conseil « ECOFIN », dans quelques jours.

Cette modification calendaire et le renforcement des différentes étapes de dialogue avec les institutions européennes dans le cadre du semestre européen affectent la portée du débat d'orientation des finances publiques : au moment de la discussion de la LOLF, la commission des finances du Sénat avait souhaité enrichir la proposition de loi organique en y introduisant, à travers plusieurs dispositions, des présentations synthétiques et une mise en perspective pluriannuelle portant sur les recettes et les dépenses de l'ensemble des administrations publiques. Cette orientation, qui visait à mieux informer le Parlement dans le cadre d'une vision consolidée des finances publiques, était pleinement justifiée dès lors que notre situation financière, à l'échelle européenne comme internationale, est désormais appréciée sur le champ de toutes les « administrations publiques » et non celui du seul Etat.

Au regard de l'ensemble de ces considérations, il apparaissait donc pertinent que le rapport préalable au DOFP puisse servir de support à l'actualisation de la programmation à moyen terme de l'ensemble des finances publiques. Cette utilité est moins évidente aujourd'hui, dès lors que le programme de stabilité est désormais examiné et débattu par le Parlement et qu'à peine plus de deux mois s'écoulent entre cet exercice et le débat d'orientation des finances publique.

La programmation produite par le Gouvernement ne présente aucun écart significatif par rapport au programme de stabilité, compte tenu de l'absence de modification fondamentale du contexte économique et de l'absence d'informations déterminantes à ce stade de l'année pour disposer d'une visibilité sur l'exécution budgétaire et, en particulier, sur l'évolution des recettes publiques : elle ne fait que tirer les conséquences utiles des données afférentes à l'exécution 2012.

Comme le souligne le rapport, les aléas qui étaient déjà mentionnés dans le cadre du programme de stabilité sont confirmés, s'agissant de la croissance économique et de l'évolution des recettes publiques. Chacun peut constater les incertitudes qui s'attachent à la période actuelle, marquée à la fois par des avancées certaines - elles concernent la stabilité de la zone euro et les progrès effectués dans sa gouvernance, mais aussi ceux réalisés en son sein, qu'ils concernent les ajustements en termes budgétaires ou de compétitivité des Etats membres - et des risques, qui tiennent notamment aux conséquences éventuelles, sur l'économie mondiale, de l'évolution des politiques monétaires expansionnistes menées dans certains pays (Etats-Unis, Japon notamment), au ralentissement des pays émergents ou à la perception de la solidité du système bancaire européen. Il serait vain, quelques semaines seulement après la transmission du programme de stabilité, de présenter une nouvelle trajectoire sur la base d'une appréciation modifiée à la marge de la probabilité que tel ou tel scénario se produise. Certes, l'exécution du budget, sur les premiers mois de cette année, montre un risque de moindre perception de recettes fiscales par rapport aux prévisions, qui est souligné par la Cour des comptes et reconnu par le Gouvernement ; pour autant, il serait hasardeux d'en tirer dès aujourd'hui des conséquences, car l'évolution des recettes demeure très incertaine, dans un contexte conjoncture dégradée qui produit des variations de leur élasticité à la croissance pouvant difficilement être anticipées.

De manière plus précise :

- l'évolution erratique des recettes de TVA, au cours de ce printemps, rend périlleux tout exercice de projection ;

- les recettes d'impôt sur le revenu et sur la fortune ne sont pas connues à ce stade de l'année et il n'est pas possible, en particulier, de déterminer l'impact des mesures nouvelles adoptées en 2012 ;

- enfin, le deuxième acompte de l'impôt sur les sociétés n'est pas encore connu et son produit total ne peut l'être qu'en fin d'année, compte tenu de la possibilité pour les grandes entreprises de moduler le dernier acompte en fonction des bénéfices attendus de l'année en cours.

Quant aux dépenses, des tensions existent, comme au cours des exercices précédents ; l'état de l'exécution pourrait, en première approche, laisser penser à un « dérapage », mais un examen plus fin n'accrédite pas cette thèse, compte tenu notamment du décalage calendaire de certaines dépenses par rapport à 2012 3 ( * ) . En outre, aucune décision ne permet de considérer que la détermination du Gouvernement à respecter strictement les objectifs fixés dans le cadre des normes de dépense pourrait être mise à mal.

Le rapport préalable au DOFP est donc, dans sa dimension de programmation des finances publiques, d'une importance variable : autant, en 2012, il constituait l'occasion, pour le Gouvernement, de présenter les grandes lignes de sa stratégie de finances publiques, avant l'adoption d'une loi de finances rectificative, autant, il n'apporte cette année, aucun élément véritablement nouveau. Dès lors, force est de reconnaître que la présentation de cette programmation ne constitue pas, par nature, une étape essentielle du calendrier des finances publiques : le rapport du Gouvernement peut être l'occasion de la présentation d'une inflexion à venir - ce sera le cas en particulier si le mécanisme de correction des écarts à la trajectoire devait être mis en oeuvre à l'avenir - comme d'une simple actualisation du programme de stabilité.

Une autre dimension du rapport préalable au DOFP doit être mise en avant, et concerne plus spécifiquement le budget de l'Etat pour l'année à venir. La LOLF a prévu, notamment à la demande de la commission des finances du Sénat, la présentation des « missions, des programmes et des indicateurs de performance associés à chacun de ces programmes » ; s'y ajoute désormais les arbitrages budgétaires arrêtés par le Premier ministre dans le cadre des « lettres plafonds ».

L'utilité de ce rendez-vous est, sur ce second volet, évidente, car outre le fait qu'il constitue, pour le Gouvernement, un « butoir » utile pour éviter que les arbitrages budgétaires dérivent jusque pendant l'été, il permet au Parlement de prendre connaissance de la maquette du budget de l'Etat, de son dispositif de performance et des principaux arbitrages concernant les crédits et les effectifs. Il offre donc la possibilité de formuler des observations éclairées par les rapports annuels de performances annexés au projet de loi de règlement et qui peuvent encore être prises en compte dans le cadre de l'élaboration du projet de loi de finances pour 2014 et des documents qui lui seront annexés. Le présent rapport présente ainsi un certain nombre d'observations portant sur ces orientations.

S'agissant des arbitrages budgétaires pour l'année 2014, ils confirment la volonté du Gouvernement de faire porter l'effort structurel de 1 point de PIB à hauteur de 70 % sur les dépenses, grâce, notamment, à une baisse des dépenses de l'Etat, hors charges de la dette et de pensions, de 1,5 milliard d'euros. Cet objectif est d'autant plus exigeant que le Gouvernement augmente les moyens de la mission « Travail et emploi » de plus de 1 milliard d'euros par rapport à la programmation, afin de limiter les effets de la crise sur le chômage, en particulier des jeunes. Votre rapporteur général salue la détermination du Gouvernement à réduire la dépense de l'Etat tout en finançant ses priorités et en tenant compte de la dégradation de la situation sociale créée par la crise actuelle. Il note que la maîtrise de la dépense devra être poursuivie et amplifiée, en s'appuyant sur les réformes structurelles que permet de préparer la modernisation de l'action publique.


* 1 A la suite de la recommandation du groupe de travail sur la gouvernance économique, présidé par le Président de l'Union européenne, M. Herman Van Rompuy, le Conseil Ecofin du 7 septembre 2010 a modifié le « code de conduite » de manière à ce que les programmes de stabilité soient transmis à la Commission européenne en amont de la discussion budgétaire, dès le mois d'avril. Cette modification de calendrier est entrée en vigueur dès 2011. Par la suite, le règlement n° 1175/2011 précité a modifié l'article 4 du règlement n° 1466/97, qui prévoit désormais que « les programmes de stabilité sont présentés tous les ans au mois d'avril, de préférence pour la mi-avril et au plus tard le 30 de ce mois ».

* 2 L'article 14 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2011-2014, inséré à l'initiative de la commission des finances du Sénat, prévoit que « à compter de 2011, le Gouvernement adresse au Parlement, au moins deux semaines avant sa transmission à la Commission européenne en application de l'article 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le projet de programme de stabilité. Le Parlement débat de ce projet et se prononce par un vote ». On notera que si un tel débat n'avait pas été organisé en 2012, compte tenu des élections présidentielle et législatives, les ministres concernés étaient néanmoins venus présenter le projet de programme de stabilité devant les commissions des finances, celle du Sénat avait adopté un rapport d'information (n° 501, 2011-2012).

* 3 Ainsi, l'augmentation de capital de la Banque européenne d'investissement (BEI), pour un montant de 1,6 Md€, et la dotation au Mécanisme européen de stabilité (MES), pour 3,3 Md€ en 2013, n'avaient pas été dépensées à ce stade de l'année en 2012.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page