C. L'EFFICACITÉ DE L'ARME FISCALE DOIT ÊTRE RELATIVISÉE

Les organismes et personnalités entendus par le groupe de travail ont présenté de très nombreuses propositions de réforme de la taxation des plus-values, des plus simples aux plus complexes et visant des objectifs tout aussi nombreux et parfois contradictoires.

La seule proposition qui semble faire l'unanimité consiste à revenir à une durée de détention du bien plus raisonnable que les trente années prévues par le régime actuel, qui dépassent les perspectives de temps d'une personne physique.

A cet égard la proposition du retour à la durée de vingt-deux ans ne peut être que favorablement accueillie .

Il en est de même, sous réserve d'inventaire, de certaines préconisations , présentées à vos rapporteurs, qui visent une plus grande lisibilité du régime de taxation : suppression des régimes dérogatoires, précision de la définition de la notion de terrains à bâtir, réduction linéaire de la base imposable, clarification du régime de prise en compte des travaux effectués dans le calcul du prix de revient 56 ( * ) .

La question de l'opportunité d'un « choc d'offre » est plus délicate. Préconisé par le ministère de l'égalité des territoires, du logement et de la ville, il peut consister à minorer l'imposition due pendant une période limitée. En théorie, le « choc d'offre » ne diminue pas le rendement fiscal dans la mesure où l'on récupère, en effet volume, la baisse de la taxation unitaire.

Le Conseil supérieur du notariat en avril 2013 proposait ainsi de favoriser la vente des terrains devenus constructibles en concédant « lors de la première vente du terrain une réduction de 50 % de la base taxable de la plus-value sous réserve que cette vente intervienne dans les trois années à compter de la date où le terrain est devenu constructible. Au-delà, la réduction de la base taxable serait de 20 % par an, de telle sorte que plus aucune réduction ne serait applicable après une durée de 8 ans. Une telle réforme permettrait d'accroître le nombre de terrains à vendre, et de favoriser la construction. En dépit de l'abattement sur la plus-value, on pourra certainement observer une augmentation de la recette fiscale . »

Il s'agit là de la version « incitative » du choc d'offre.

Il existe aussi une version pénalisante sous la forme d'annonce d'une hausse de l'imposition à venir. C'est la formule retenue, par exemple, pour le plan d'investissement pour le logement par le séminaire gouvernemental tenu le 21 mars 2013 et présentée lors d'un déplacement à Alfortville, par le Président de la République concernant les terrains constructibles. Il a été annoncé, à cette occasion, que la suppression de tout avantage pour durée de détention s'appliquerait à toutes les cessions intervenues à compter du 1 er janvier 2014, les plus-values sur des cessions résultant de promesses de vente enregistrées jusqu'au 31 décembre 2013 conservant le bénéfice du régime actuel d'abattement.

Il reste que ce type de mesures transitoires suscite beaucoup d'interrogations. Celle tout d'abord de son ciblage . Pour être efficace, le « choc d'offre » doit être limité dans sa durée et dans son périmètre. Or les débats parlementaires à l'occasion des dernières réformes des PVI ont amplement illustré la difficulté à trancher entre les partisans d'un ciblage sur les immeubles bâtis (supposé favorable au monde urbain dense et d'un rendement fiscal élevé) et les partisans d'un ciblage sur les terrains constructibles (considéré plus efficace pour la production de logements neufs).

D'autres acteurs, comme le syndicat national des aménageurs lotisseurs (SNAL), mettent en doute la capacité de ce type de mesures ponctuelles à réellement inverser la tendance. Le marché foncier ne répond pas, et de loin, aux seules incitations fiscales .

Vos rapporteurs ont entendu, enfin, des propositions plus complexes , allant jusqu'au renversement de la logique actuelle de la taxation des PVI , soit pour une durée limitée soit de manière permanente.

Ainsi, l' association des établissements publics fonciers locaux (EPFL) a préconisé un « système intermédiaire mixte » qu'elle résume ainsi : « la taxation des PVI ne serait plus prélevée au moment de la vente, mais serait indicée sur la valeur vénale du bien. Cette nouvelle taxe serait due chaque année, indépendamment de toute durée de possession. S'ajouterait une « fiscalité de sortie » forfaitaire sur la plus-value qui ne prendrait pas en compte la durée de possession, donc sans exonération sur la durée (la seule exonération étant celle qui existe actuellement dans l'hypothèse où le bien est vendu en vue de produire des logements aidés article 150 U du CGI). Cette nouvelle taxe serait due en cas de cession uniquement dans l'hypothèse où le propriétaire vend le bien à un prix supérieur au montant qui sert de base fiscale à la taxation annuelle de possession fixées sur la valeur vénale du bien. L'avantage d'une telle disposition serait d'inviter le propriétaire vendeur à modérer le prix de vente . »

De même, dans une note de février 2013 57 ( * ) , le conseil d'analyse économique (CAE) a défendu l'idée de « taxer la détention plutôt que les transactions » afin de fluidifier le marché immobilier et de rendre la taxation des plus-values foncières plus incitative de manière à décourager les comportements attentistes. En conséquence, les auteurs proposent la suppression progressive des DMTO compensée par une réforme de la taxe foncière : « celle-ci viserait à asseoir la taxe foncière sur la valeur vénale nette des propriétés bâties et à en augmenter progressivement le barème à mesure que les DMTO diminuent. Le basculement serait étalé sur une dizaine d'années. En taxant les biens à leur valeur vénale, la plus-value latente est taxée de facto . » Une telle mesure aurait pour effet d'imposer une nouvelle fois les propriétaires et surtout de transférer la charge fiscale des propriétaires de résidences secondaires, de terrains nus ou à construire et des bailleurs privés vers les propriétaires de résidences principales . Actuellement exonérés de taxation des plus-values de cession immobilière, ces derniers deviendraient taxables sur la plus-value latente.

Enfin, entendu par le groupe de travail, le Professeur Yves Jegouzo proposait de zoner la fiscalité foncière , pour amener une différenciation du régime fiscal en fonction des marchés locaux.

Vos rapporteurs n'ont pas retenu ces propositions. Comme l'a fait observer notamment la Direction de la législation fiscale, la taxation des plus-values latentes poserait le problème de la disponibilité pour le contribuable des moyens financiers nécessaires à l'acquittement de l'impôt. L'avantage de taxer les plus-values de cession réside dans le fait que le contribuable les a justement perçues.

Ils ont donc privilégié la lisibilité et la neutralité fiscale en ce qui concerne l'imposition des plus-values, face aux incertitudes sur les effets des dispositifs incitatifs, soulignées par une étude du GRIDAUH (groupement de recherche sur les institutions et le droit de l'aménagement, de l'urbanisme et de l'habitat) sur la modernisation des outils de l'action foncière publiée en janvier 2012, relevant que « jusqu'à présent, le recours à l'arme fiscale pour contrôler le marché foncier est marqué par une suite d'échecs ».

Proposition n° 13

Raccourcir le délai de détention pour l'exonération des plus-values de cession immobilières.

Privilégier un régime d'imposition simple, stable et lisible pour le contribuable.

Rechercher en priorité des formules qui garantissent la neutralité fiscale vis-à-vis des décisions des personnes physiques concernant le foncier et écarter toute solution ayant pour effet de transférer le poids de l'impôt foncier depuis les résidences secondaires et terrains nus vers les résidences principales.


* 56 Propositions formulées par le ministère de l'égalité des territoires, du logement et de la ville (DHUP) et par le Conseil supérieur du notariat.

* 57 « Comment modérer les prix de l'immobilier ? » par Alain Trannoy et Etienne Wasmer.

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