C. AFFIRMER LE PILOTAGE AUX NIVEAUX NATIONAL ET RÉGIONAL

1. L'amorce de définition d'une politique immobilière hospitalière au niveau national
a) Les récentes mesures d'encadrement des investissements hospitaliers

Dans le contexte de dégradation de la situation financière des établissements publics de santé, la Cour des comptes note une volonté récente de superviser leurs projets immobiliers au niveau national. Celle-ci s'est principalement traduite par l'adoption des mesures suivantes :

- l'encadrement du recours à l'emprunt des établissements publics de santé . Le décret du 14 décembre 2011 18 ( * ) fixe notamment le type d'emprunts accessibles aux hôpitaux publics et prévoit une procédure d'autorisation préalable par le directeur général de l'ARS pour les établissements dont les indicateurs financiers sont dégradés. Sur les trente-deux CHU, seize étaient assujettis à cette autorisation préalable en 2012 ;

- la soumission des hôpitaux publics à la procédure d'évaluation des investissements par le commissariat général à l'investissement ( CGI ) pour les projets d'un montant supérieur à 50 millions d'euros. Sur le fondement de la contre-expertise réalisée, le CGI émettra un avis sur chaque dossier qui fera ensuite l'objet d'un arbitrage par le ministre ou le Premier ministre ;

- l'examen par le Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l'offre de soins (COPERMO), créé en décembre 2012, des projets d'investissement hospitalier d'un montant supérieur à 50 millions d'euros. Le COPERMO devra ainsi jouer le rôle de « filtre » des dossiers transmis pour contre-expertise au CGI. La Cour des comptes met en garde contre le risque que le COPERMO soit réduit à « une chambre d'enregistrement », qui paralyserait le CGI par un trop grand nombre d'opérations à examiner.

b) L'élaboration de schémas régionaux d'investissement en santé

Issue du rapport d'Edouard Couty sur le pacte de confiance pour l'hôpital 19 ( * ) , la mise en place de schémas régionaux d'investissement en santé (SRIS) a pour objectif de garantir la mise en cohérence de l'ensemble des investissements à l'échelle d'un territoire et entend ainsi rompre avec l'approche projet par projet prévalant jusqu'alors.

Selon la circulaire du 28 mai 2013 du ministère des affaires sociales et de la santé, l'élaboration des schémas régionaux d'investissement en santé est prévue en deux temps. Les ARS doivent :

- avoir identifié, avant le 15 juillet 2013, les priorités d'investissement à horizon de dix ans, sur la base d'un diagnostic préalable des projets conduits ces dix dernières années ;

- bâtir un schéma stratégique et prospectif comportant quatre volets : un inventaire du patrimoine existant, une analyse stratégique des besoins d'investissement, une cartographie de l'ensemble des projets programmés sur les champs sanitaire et médico-social et une étude d'impact financier global contenant notamment une analyse de la soutenabilité financière des scenarii d'investissement.

Le calendrier d'élaboration des schémas apparaît « peu réaliste » pour la Cour des comptes . Cette dernière craint en effet que « ce travail précipité n'aboutisse, encore une fois, à présenter des dossiers déjà constitués en attente de financement, dont l'instruction n'aura répondu à aucune des exigences nouvelles par ailleurs définies ». De plus, il conviendrait que le schéma régional d'investissement en santé ait un caractère opposable .

Selon les informations transmises par le ministère des affaires sociales et de la santé à votre rapporteur spécial, les ARS ont transmis à temps les documents relatifs à leurs priorités d'investissement dans les dix ans à venir ; la direction générale de l'offre de soins (DGOS) procède actuellement à la synthèse de ces informations.

2. Quels pouvoirs pour les agences régionales de santé ?

Comme dans l'enquête relative au patrimoine des établissements de santé non affecté aux soins, la Cour des comptes recommande de renforcer le rôle des agences régionales de santé ( ARS ) dans le pilotage de la politique immobilière hospitalière . Cette préconisation rejoint l'analyse de l'IGAS et de l'IGF selon laquelle « l'ARS doit assurer la cohérence entre la vision microéconomique des projets d'investissement et la régulation territoriale » 20 ( * ) .

Désormais chargées de l'élaboration des schémas régionaux d'investissement en santé, de l'instruction des dossiers d'investissement hospitalier d'un montant inférieur à 50 millions d'euros ainsi que de la validation des évaluations socio-économiques des projets transmis au COPERMO, le rôle des ARS dans le pilotage de l'investissement immobilier hospitalier sera « décisif » selon les termes de la Cour des comptes. Celle-ci souligne, qu'en principe, « un dossier non conforme au projet régional de santé ne devrait pas pouvoir être validé par les ARS et transmis au comité [COPERMO]. Ce rôle devrait renforcer la position des ARS vis-à-vis des CHU ».

Toutefois, la Cour des comptes constate que les ARS ne disposent pas des « leviers juridiques » nécessaires pour peser dans la politique immobilière des CHU . Leur contrôle est en effet actuellement limité aux plans globaux de financement pluriannuel des établissements publics de santé, auxquels elles ne peuvent s'opposer que pour des motifs financiers 21 ( * ) . La Cour recommande donc de « donner les moyens juridiques aux ARS leur permettant de s'opposer à un projet d'investissement dont l'objet ou le dimensionnement ne sont pas conformes aux orientations régionales de l'offre de soins ou dont les gains d'efficience qu'il autorise sont insuffisants ».

En outre, au vu des ressources limitées des ARS sur les questions immobilières , la Cour des comptes suggère de revoir l'organisation du mode de suivi de ces questions, par exemple en mettant en place des cellules transversales, comme c'est déjà le cas dans certaines ARS, ou bien en mutualisant dans un cadre interrégional certaines compétences très spécialisées.

Votre rapporteur spécial partage le point du vue selon lequel le rôle des ARS dans le pilotage de la politique immobilière hospitalière doit être renforcé . Toutefois, il rappelle que le niveau d'information fourni à la représentation nationale sur le suivi de leurs actions et l'utilisation de leurs financements doit être amélioré .


* 18 Décret n° 2011-1872 du 14 décembre 2011 relatif aux limites et réserves du recours à l'emprunt par les établissements publics de santé.

* 19 Edouard Couty, « Le pacte de confiance pour l'hôpital », mars 2013 .

* 20 IGAS et IGF, « Evaluation du financement et du pilotage de l'investissement hospitalier », mars 2013.

* 21 Déséquilibre financier du résultat prévisionnel, niveaux d'investissement ou d'endettement à long terme non compatible avec la situation financière de l'établissement, évolution défavorable d'un projet envisagé sous forme de partenariat ou de bail emphytéotique.

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