C. LES AUTRES TITRES D'IDENTITÉ

Depuis 2007, la gamme des titres sécurisés tend à s'élargir (titres de séjour, cartes professionnelles...). Dans le cadre de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » et plus spécifiquement de son programme « Administration territoriale » retraçant les crédits dédiés aux préfectures, deux d'entre eux occupent toutefois une place prépondérante : le passeport biométrique et la carte nationale d'identité électronique (CNIe). Votre rapporteure spéciale évoquera par ailleurs plus loin un autre programme lourd mais présentant certaines spécificités au regard du risque de fraudes : le certificat d'immatriculation (carte grise).

1. Le passeport biométrique en régime de croisière

Après un lancement chaotique en 2009 20 ( * ) , le passeport biométrique a maintenant atteint un rythme de croisière satisfaisant .

Le rapport annuel de performances (RAP) de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » pour 2012 21 ( * ) présente un délai moyen de mise à disposition de ce titre de 11,4 jours pour 2012 (contre 13,8 jours en 2010 et 10,7 jours en 2011). Le projet annuel de performances (PAP) pour 2013 arrête pour sa part une prévision de 86 % des passeports mis à disposition en moins de 15 jours. Dans le PAP, le ministère de l'intérieur précise que ce délai de 15 jours correspond « à un niveau de qualité jugé satisfaisant par les usagers dans le cadre des dernières enquêtes de satisfaction ».

Encore faut-il cependant préciser que le délai de mise à disposition du passeport présenté dans les PAP et les RAP « court depuis la réception de la demande du titre par les services de la préfecture jusqu'à sa production et son acheminement ». Il ne représente donc pas le délai complet subi par l'usager, puisqu'il faut lui ajouter le temps de transmission de la demande par les services de la mairie à la préfecture. Ce délai complet est donc tributaire de la rapidité plus ou moins grande des services de la mairie à traiter le dossier.

Pour certaines mairies ayant accueilli les stations d'enregistrement des demandes de passeport biométrique dans leurs murs, la question de « l'indemnisation » (du point de vue de l'Etat) ou de « la compensation » (du point de vue de la plupart des élus locaux) des charges supportées du fait de cette activité demeure encore problématique. C'est notamment le cas de « communes-centres » délivrant de nombreux passeports à des usagers ne résidant pas sur leur territoire.

L'indemnisation des charges pesant sur les mairies

ayant accueilli les stations d'enregistrement

Afin d'indemniser les communes accueillant une ou plusieurs stations, l'article 136 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 a créé une « dotation relative à l'enregistrement des demandes et à la remise des titres sécurisés ». Cette dotation est désormais inscrite à l'article L. 2335-16 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Elle vise à couvrir l'activité générée par les demandes de titres émanant de citoyens ne résidant pas dans la commune d'implantation.

Au 1 er janvier de l'année 2009 , elle s'élevait à 5 000 euros par an et par station en fonctionnement dans la commune.

Le montant de cette dotation évolue chaque année en fonction du taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

Pour 2013 , le montant de cette indemnité annuelle forfaitaire s'établit ainsi à 5 030 euros par station .

Ce montant reste toutefois sujet à débats . Le caractère forfaitaire de la dotation ne prend en effet en compte ni la spécificité des « villes-centres » (qui reçoivent un grand nombre de demandes « extérieures »), ni le caractère plus ou moins touristique de la commune, ni les horaires d'ouverture des mairies plus ou moins attractifs pour les usagers (ouverture le samedi matin, par exemple). Il va pourtant de soi que tous ces éléments sont autant de facteurs devant être pris en considération pour apprécier le nombre de passeports susceptibles d'être délivrés dans une commune.

Ainsi, par exemple, la ville de Besançon estime le coût de fonctionnement induit par les cinq stations d'enregistrement (pour 7 029 passeports délivrés en 2011) dont elle a la charge à environ 100 000 euros par an .

Recommandation n° 15 : réviser le mode de calcul de la dotation relative à l'enregistrement des demandes de passeport biométrique et à la remise de ce titre, en tenant compte du retour d'expérience acquis grâce aux quatre premières années de fonctionnement du dispositif.

Du point de vue des équipements, le matériel nécessaire au recueil des demandes de passeport biométrique a été déployé en 2009. L'usure , voire une certaine obsolescence, de ces matériels est désormais constatée. En conséquence, le ministère de l'intérieur a prévu (dans le cadre du renouvellement du marché) la possibilité d'acquérir environ 3 600 dispositifs de recueil et de procéder graduellement au changement des stations.

En termes d'effectifs, le nombre d'emplois affectés à la gestion des demandes de passeport en préfecture est passé, selon le ministère de l'intérieur, de 469,1 ETPT en 2009 à 374,2 ETPT en 2011, soit une baisse de 20,2 % (- 94,9 ETPT sur la période).

2. La carte nationale d'identité électronique (CNIe) : une solution techniquement prête mais en attente de décision

Dès l'origine, la réflexion sur une nouvelle carte nationale d'identité dite « électronique » (CNIe) a été étroitement menée en lien avec le lancement du passeport biométrique . La CNIe aurait en effet vocation à contenir, dans sa puce, des données à caractère biométrique (empreintes digitales, notamment) comme le passeport lancé en 2009.

Les travaux menés sur la norme IAS (International association services), permettant de s'authentifier et de signer en ligne, ainsi que sur le support physique du titre, en lien avec les laboratoires spécialisés de la police et de la gendarmerie nationales, ont permis d'aboutir à un produit « quasi fini ». Aujourd'hui, la CNIe est donc techniquement prête .

Reste toutefois à trouver le véhicule législatif permettant son entrée en vigueur. La censure partielle par le Conseil constitutionnel de la loi n° 2012-410 du 27 mars 2012 relative à la protection de l'identité a rendu plus hypothétique le développement de ce projet à court terme.

La censure partielle par le Conseil constitutionnel de la loi n° 2012-410

du 27 mars 2012 relative à la protection de l'identité

La loi précitée du 27 mars 2012 relative à la protection de l'identité est parue au Journal officiel (JO) du 28 mars 2012 après une censure partielle de ses dispositions par le Conseil constitutionnel.

Dans sa décision DC n° 2012-652 du 22 mars 2012 , le Conseil constitutionnel a notamment censuré l'article 5 qui prévoyait la mise en place d'un fichier commun aux CNI et aux passeports, comportant des données biométriques. Ce fichier unique, principalement conçu pour garantir la fiabilité des documents délivrés et simplifier l'instruction des demandes, pouvait être consulté, à titre subsidiaire, à des fins policières ou judiciaires.

Le Conseil constitutionnel a considéré qu'eu égard à la nature des données enregistrées (données biométriques traçantes), à l'ampleur du traitement regroupant potentiellement la quasi-totalité des nationaux, à ses caractéristiques techniques (identification possible à partir des seules empreintes) et aux conditions de sa consultation, la création de la base unique envisagée portait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée par rapport au but poursuivi .

La loi promulguée ne comprend donc désormais que :

- l'insertion d'un composant dans la CNI, comportant notamment l'image de deux empreintes digitales du titulaire ;

- la transmission directe des données d'état civil de la commune de naissance à la commune qui a enregistré la demande de titre d'identité.

A ce stade, aucun calendrier de déploiement de la CNIe n'a été arrêté.

Le Gouvernement a toutefois pris une décision importante concernant l'actuelle CNI à l'occasion du CIMAP du 17 juillet 2013 . Dans sa décision n° 23, il s'est engagé à ce que « la durée de validité de la carte nationale d'identité [soit] prolongée de dix à quinze ans » . Cette mesure vise à alléger les démarches de renouvellement de titres pour les usagers et à réduire l'attente aux guichets d'un tiers. Elle sera accompagnée d'un renforcement des actions de prévention contre les fraudes à l'identité. Les premières étapes de la mise en oeuvre de cette décision seront franchies avant la fin de l'année 2013.

Pour conclure, les enjeux de la mise en place de cette nouvelle carte sont le renforcement de la sécurisation des titres et de la lutte contre la fraude. En effet, cette mise en oeuvre s'inscrit dans le contexte général de sécurisation des pièces nécessaires à l'obtention de titres d'identité et de voyage. Ainsi, le ministère de la justice, en lien avec l'ANTS et le ministère de l'intérieur, a entrepris de développer une application de vérification dématérialisée des données d'état civil dénommée « COMEDEC » . Cette application a notamment pour objectif de permettre aux services de délivrance des titres de vérifier les données d'état civil fournies par le demandeur d'un passeport auprès de sa commune de naissance.


* 20 Cf . rapport précité « La nouvelle génération de titres d'identité : bilan et perspectives ».

* 21 Annexé au projet de loi de règlement des comptes et de gestion pour 2012.

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