PREMIÈRE PARTIE - LE SCÉNARIO MACROÉCONOMIQUE DU PROGRAMME DE STABILITÉ : CONSOLIDER LA REPRISE ÉCONOMIQUE

I. LES HYPOTHÈSES MACROÉCONOMIQUES

Le projet de programme de stabilité 2014-2017 repose sur un scénario macroéconomique marqué par un redémarrage progressif de l'activité économique en 2014 et 2015 - permettant d'atteindre une croissance du PIB de respectivement 1,0 % et de 1,7 % -, suivi d'une période de consolidation de la reprise économique , à la faveur d'une progression du commerce extérieur et de la montée en puissance du Pacte de responsabilité et de solidarité. Aussi l'hypothèse de hausse annuelle du PIB est-elle de + 2 ¼ % en 2016 et 2017.

Tableau n° 1 : Les principaux indicateurs du scénario macroéconomique
du projet de programme de stabilité 2014 -2017

(évolution, en %)

2013

2014

2015

2016

2017

PIB (volume)

0,3

1,0

1,7

2 ¼

2 ¼

Déflateur de PIB

1,1

1,2

1,5

1,7

1,7

Indice des prix à la consommation

0,9

1,2

1,5

1,75

1,75

Masse salariale du secteur privé

0,9

2,2

3,5

4,3

4,3

Source : commission des finances du Sénat (d'après le projet de programme de stabilité 2014-2017)

En application de l'article 17 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 1 ( * ) , le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a été « saisi par le Gouvernement des prévisions macroéconomiques sur lesquelles repose le projet de programme de stabilité ». Son avis, qui sera joint au programme de stabilité lors de sa transmission au Conseil de l'Union européenne et à la Commission, a été rendu le 22 avril 2014 2 ( * ) ; les principales conclusions de celui-ci qui, à la différence des avis portant sur les projets de lois financières, ne porte que sur les prévisions macroéconomiques , sont reprises dans les développements qui suivent.

A. 2014-2015 : LE REDÉMARRAGE DE L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE

Après une période de stagnation économique - la croissance ayant été nulle en 2012 -, l'année 2013 a été marquée par un rebond de l'activité plus important que prévu initialement . Alors que le Gouvernement retenait encore une hypothèse de progression du PIB de 0,1 % lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2014, les dernières données publiées par l'Insee ont fait apparaître un accroissement de la production de 0,3 % en 2013 3 ( * ) , notamment en raison d'un relèvement de la demande intérieure et des exportations au cours du dernier trimestre.

Tableau n° 2 : Évolution trimestrielle du PIB en 2013
(aux prix de l'année précédente)

(niveaux en milliards d'euros, variations en %)

2013-T1

2013-T2

2013-T3

2013-T4

2012

2013

PIB

451,10

453,66

453,45

454,79

1 808,17

1 813,00

en évolution

0,0

0,6

0,0

0,3

0,0

0,3

Source : Insee (février 2014)

Au total, l'acquis de croissance à la fin du quatrième trimestre de l'année 2013 était donc d'environ 0,3 % , venant renforcer les perspectives de croissance de l'activité en 2014. Même, selon les prévisions rendues publiques par l'Insee au moins de mars 4 ( * ) , à la « mi-2014, le PIB afficherait un acquis de croissance de + 0,7 % » du fait d'une croissance trimestrielle de 0,1 % puis de 0,3 % au cours des premier et deuxième trimestres de l'année.

1. Une hausse du PIB de 1 % en 2014

Dans ces conditions, le Gouvernement anticipe une hausse du PIB de 1,0 % en 2014 , supérieure de 0,1 point à la prévision retenue dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014. Cette hypothèse de croissance, partagée par la Commission européenne 5 ( * ) , l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) 6 ( * ) , ainsi que par le Fonds monétaire international (FMI) 7 ( * ) , est proche de la projection du Consensus Forecasts 8 ( * ) d'avril 2014 (+ 0,9 %).

Par suite, dans son avis précité du 22 avril 2014, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a estimé que « la prévision de croissance du Gouvernement de 1,0 % pour l'année 2014 est réaliste et que le scénario sur lequel elle repose n'est affecté d'aucun risque baissier majeur » 9 ( * ) .

Il convient, toutefois, de relever que le Haut Conseil a considéré que l'hypothèse d'évolution annuelle des prix (+ 1,2 %) pourrait se révéler « un peu élevée », eu égard aux données passées relatives à l'inflation. Le Consensus Forecasts prévoit, quant à lui, un accroissement de l'indice des prix à la consommation (IPC) de 1,0 % cette année, avec des prévisions allant de + 0,6 % au minimum et de + 1,3 % au maximum. Ainsi l'hypothèse gouvernementale de progression des prix s'inscrit-elle pleinement dans la fourchette des prévisions actuellement retenues par les instituts de conjoncture.

2. Une croissance du PIB de 1,7 % en 2015

En 2015, le Gouvernement anticipe une croissance du PIB de 1,7 % . Comme le montre le tableau ci-après, cette prévision est proche de celles formulées par l'OCDE (+ 1,6 %) et le FMI (+ 1,5 %). Elle est identique à celle publiée par la Commission européenne en février dernier. Toutefois, les hypothèses sous-jacentes pour 2015 sont différentes . En effet, à la différence de celui de la Commission, le scénario du projet de programme de stabilité prend en compte, d'une part, les effets du Pacte de responsabilité et de solidarité sur l'activité économique et l'emploi et, d'autre part, les incidences des mesures de rétablissement des comptes publics.

Tableau n° 3 : Prévisions de croissance pour la France

(en %)

2013

2014

2015

Programme de stabilité 2014-2017

0,3

1,0

1,7

Commission européenne (février 2014)

0,3

1,0

1,7

FMI (avril 2014)

0,3

1,0

1,5

OCDE (novembre 2013)

0,2

1,0

1,6

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents cités)

Au cours de la période 2014-2015, le redémarrage de l'activité économique française reposerait, en particulier, sur le retour de la confiance des ménages et des entreprises , l' amélioration de l'environnement international et le redressement de la situation de l'emploi , ces trois dynamiques étant soutenues par les politiques publiques mises en oeuvre par le Gouvernement et, notamment, par le Pacte de responsabilité et de solidarité.

Selon le Gouvernement, l'investissement des entreprises croîtrait de 5,2 % en 2015 (+ 1,8 % en 2014) en raison du « rétablissement des conditions de la confiance ». Force est de constater, en effet, une nette amélioration de l'indicateur de climat des affaires 10 ( * ) de l'Insee en 2013 : celui-ci est passé de 83,9 en avril 2013 à 95 en septembre de la même année, se rapprochant ainsi de sa moyenne de longue période (100). Depuis lors, cet indicateur est resté stable, à un niveau proche de 95 (cf. graphique ci-après) ; pour autant, ainsi que l'a noté l'Insee dans sa note de conjoncture précitée de mars dernier, « le climat des affaires dans l'industrie - branche où l'évolution des soldes conjoncturels est traditionnellement davantage regardée - a cependant continué de progresser légèrement et est en mars à son niveau de longue période (à 100 depuis décembre) ».

Graphique n° 4 : Évolution de l'indicateur de climat des affaires

Source : commission des finances du Sénat (données de l'Insee)

Tout l'enjeu consiste, désormais, à consolider cet acquis et à conforter le rétablissement de la confiance des entreprises . Tel est l'objectif poursuivi par le Gouvernement à travers le Pacte de responsabilité et de solidarité qui permettra, avec le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), une diminution du coût de travail de 30 milliards d'euros pour les entreprises . En outre, le projet de programme de stabilité précise que le « retour de l'investissement serait [...] soutenu par le maintien des conditions de financement très favorables, permises par les afflux de capitaux en zone euro et par le rétablissement progressif des comptes publics ».

Tableau n° 5 : Le scénario macroéconomique
du projet de programme de stabilité 2014-2017

(évolution, en %)

2013

2014

2015

Moyenne
2016-2017

PIB (volume)

0,3

1,0

1,7

2 ¼

Consommation des ménages

0,3

0,8

1,6

2,3

Consommation des administrations publiques

1,8

0,4

0,8

0,3

Formation brute de capital fixe (FBCF)

- 2,1

0,2

1,3

3,3

dont entreprises non financières

- 2,3

1,8

5,2

4,4

Contribution des stocks

0,1

0,3

0,2

0,0

Contribution de l'extérieur

0,0

0,0

0,1

0,3

Exportations

0,8

3,4

4,7

6,9

Importations

0,8

3,1

4,1

5,7

Déflateur de PIB

1,1

1,2

1,5

1,7

Déflateur de la consommation des ménages

0,6

1,1

1,5

1,75

Masse salariale du secteur privé

0,9

2,2

3,5

4,3

Salaire moyen nominal par tête (BMNA*)

1,5

2,1

2,4

2,8

Effectif salarié (BMNA*)

- 0,6

0,1

1,0

1,4

* Branches marchandes non agricoles (BMNA)

Source : Projet de programme de stabilité 2014-2017

En ce qui concerne la consommation des ménages, le Gouvernement prévoit une progression de 1,6 % en 2015 (+ 0,8 % en 2014). Cette hausse serait encouragée par l'amélioration du marché du travail et par la baisse des cotisations salariales inscrite dans le Pacte de responsabilité et de solidarité, ainsi que par la réduction de l'imposition des ménages les plus modestes. À la hausse du pouvoir d'achat des ménages viendrait s'ajouter une diminution de l'épargne de précaution du fait de l'amélioration de l'activité et de l'emploi - le taux d'épargne des ménages passerait de 15,6 % en 2013, à 15,5 % en 2014 et à 15,2 % en 2015 -, contribuant à stimuler la consommation.

En outre, le Gouvernement anticipe une croissance de la demande mondiale adressée à la France de 6,5 % en 2015 (+ 4,8 % en 2014). Aussi les exportations progresseraient-elles de 4,7 % en 2015 (+ 3,4 % en 2014), à la faveur de la reprise de l'activité économique dans les États de la zone euro et les autres pays avancés - à titre indicatif, le Consensus Forecasts du mois d'avril anticipe une croissance du PIB de 3 % en 2015 aux États-Unis et de 2,4 % au Royaume-Uni la même année.

Les exportations françaises bénéficieraient également des mesures adoptées en faveur de la compétitivité , même si, à court terme, la compétitivité-prix des produits français serait réduite par l'appréciation récente de l'euro.

Enfin, le projet de programme de stabilité indique que le « redressement de l'activité et les effets conjugués du CICE et du Pacte de responsabilité et de solidarité créeraient les conditions pour enregistrer une légère hausse de l'emploi marchand en 2014 (+ 15 000 postes en moyenne annuelle, soit + 0,1 %) et une nette accélération en 2015 (+ 160 000 postes, + 1 %) ».

Par ailleurs, en 2014, l'emploi dans le secteur non marchand resterait dynamique (+ 130 000 postes environ) en raison de l'augmentation du nombre de bénéficiaires de contrats aidés. À compter de 2015, les dispositifs de contrats aidés étant arrivés à maturité, la croissance de l'emploi dans ce secteur ralentirait.

Au total, 155 000 emplois seraient créés, en moyenne annuelle, en 2014 et 175 000 en 2015, les créations de postes dans le secteur marchand prenant progressivement le relais des dispositifs d'emplois aidés .

Dans son avis du 22 avril 2014, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) considère que « l'hypothèse d'une croissance de 1,7 % en 2015 n'est pas hors d'atteinte, mais que le scénario macroéconomique du Gouvernement repose sur la réalisation simultanée de plusieurs hypothèses favorables » 11 ( * ) . Aussi le Haut Conseil indique-t-il que ce scénario « comporte plusieurs fragilités et est sujet à différents aléas ».

Celui-ci estime, tout d'abord, que « les prévisions d'emploi sont optimistes et que la masse salariale distribuée par les entreprises devrait progresser moins vite que prévu par le Gouvernement en 2015 ». Les motifs de cette assertion résident dans le fait que :

- le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ne saurait être strictement assimilé à une baisse de cotisations sociales patronales 12 ( * ) , ce qui aurait pour conséquence une surestimation de ses effets par le Gouvernement en termes de créations d'emplois ;

- l'impact sur la création d'emplois des allègements de cotisations sociales patronales prévues dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité pourrait ne pas être aussi immédiat que ne le prévoit le Gouvernement ;

- la hausse des salaires - et donc de la masse salariale - devrait être plus contenue que prévu en raison de l'effet retardé du ralentissement des prix, d'un contexte de concurrence marqué par une grande modération salariale dans certains pays de la zone euro et la volonté des entreprises de restaurer leurs marges.

Ensuite, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) observe que « le Gouvernement retient des hypothèses favorables sur la dynamique de la demande interne, qui ont pour effet d'atténuer l'impact de l'ajustement budgétaire ».

Enfin, il identifie deux aléas concernant la trajectoire macroéconomique du Gouvernement. Le premier, négatif, résulte de ce qu' une période de faible inflation prolongée pourrait avoir une incidence négative sur l'activité de la zone euro , ce qui aurait pour effet d'affecter les exportations françaises. Le second, positif, réside dans un possible rebond de demande interne plus fort que prévu dans certains pays, et notamment en Allemagne , qui pourrait soutenir le redémarrage de l'économie française.


* 1 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

* 2 Cf. avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2014-01 du 22 avril 2014 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au projet de programme de stabilité pour les années 2014 à 2017.

* 3 Insee, « Au quatrième trimestre 2013 le PIB progresse de 0,3 %, ce qui porte sa croissance sur l'ensemble de l'année à +0,3 % » , Informations Rapides , n° 34, 14 février 2014.

* 4 Insee, Note de conjoncture , mars 2014.

* 5 Commission européenne, « European Economic Forecast. Winter 2014 », European Economy , 2/2014, février 2014 .

* 6 OCDE, OECD Economic Outlook , novembre 2013 .

* 7 FMI, World Economic Outlook. Recovery Strengthens, Remains Uneven , avril 2014.

* 8 Le Consensus Forecasts est un organisme privé collectant mensuellement les prévisions d'un panel des principaux instituts de conjoncture privés.

* 9 Cf. avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2014-01, op. cit.

* 10 L'indicateur de climat des affaires est calculé par l'Insee sur la base d'enquêtes réalisées auprès des chefs d'entreprise des principaux secteurs d'activité.

* 11 Cf. avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2014-01, op. cit.

* 12 Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) permet aux entreprises de déduire de l'imposition de leurs bénéfices un montant équivalent à 6 % de leur masse salariale hors salaires supérieurs à 2,5 SMIC - ce taux était de 4 % avant 2014 - au cours des trois années suivant la réalisation de la dépense, le solde éventuel étant reversé à celles-ci la quatrième année. Dès lors, le bénéfice intégral du CICE n'intervient pas - d'un point de vue comptable - durant l'année de réalisation de la dépense, mais est réparti dans le temps.

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