D. LE PLAN D'INVESTISSEMENT POUR L'EUROPE

La commission des affaires européennes a examiné de façon approfondie le plan d'investissement pour l'Europe. Sur le rapport de nos collègues Jean-Paul Emorine et Didier Marie, elle a adopté une proposition de résolution européenne, devenue résolution du Sénat, le 24 mars 2015 37 ( * ) . Nous avons aussi adressé un avis politique à la Commission européenne.

Le Sénat approuve le principe de ce plan. Il est de nature à favoriser l'emploi, la croissance, ainsi que la compétitivité en Europe. Mais des incertitudes demeurent sur plusieurs points.

Le Sénat défend la possibilité pour les collectivités territoriales de bénéficier du plan d'investissement. Elles peuvent lui apporter une contribution essentielle. Les critères de sélection des projets doivent, selon nous, aboutir à une couverture équilibrée du territoire européen.

Le Sénat insiste sur le caractère additionnel des crédits à mobiliser pour ne pas compromettre la mise en oeuvre des programmes européens déjà approuvés. Nous avions en particulier exprimé des craintes sur un "recyclage" des fonds structurels alloués à la politique de cohésion. Ces crédits doivent être préservés. Il est par ailleurs dommage que le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) ne permette pas de financer des infrastructures au moyen de subventions, ce qui risque de restreindre le nombre de projets éligibles.

Une polémique est née lors de la présentation du plan qui prévoyait d'utiliser certains fonds d'Horizon 2020 et du Mécanisme pour l'interconnexion en Europe. Cela a suscité une opposition du Parlement européen.

Conformément aux orientations prises par le Conseil européen du 18 décembre 2014, la Commission a présenté en janvier dernier une proposition de règlement sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) accompagnée d'une communication sur les flexibilités du Pacte de stabilité et de croissance. L'objectif est de faire en sorte que les négociations avec le Parlement européen puissent être finalisées d'ici la fin du mois de juin 2015 et le fonds opérationnel quelques mois plus tard après l'adoption des actes délégués nécessaires.

Cette proposition prévoit la création du FEIS qui prendra la forme d'une facilité de garantie spécifique au sein de la Banque européenne d'investissement (BEI) d'un montant de 21 milliards d'euros abondé à hauteur de 5 milliards d'euros par la BEI et 16 milliards d'euros par le budget européen. Le FEIS est conçu comme un système de couverture des premières pertes qui aura vocation à se concentrer sur les investissements les plus risqués. Les 21 Mds€ de garantie permettront en effet, avec un effet multiplicateur de 15, la mobilisation de 315 milliards d'euros sur les années 2015 à 2017 afin de soutenir des projets qui ne trouveraient pas de financement auprès des banques ou des marchés financiers. Il est prévu que, sur ces 315 milliards d'euros, 240 milliards soient alloués à des investissements à long terme et 75 milliards aux PME et entreprises de taille intermédiaire, c'est-à-dire comptant moins de 3 000 salariés.

1. La gouvernance du FEIS

La gouvernance du FEIS sera organisée autour de deux structures : un Conseil de direction (ou comité de pilotage) et un Comité d'investissement.

Le Conseil de direction rassemblera les contributeurs du fonds et sera chargé de déterminer la politique d'allocation et les orientations stratégiques d'investissement. Interrogé par la délégation, M. Jose Manuel Fernandes, rapporteur au Parlement européen, a précisé qu'au stade actuel des négociations il n' était pas prévu que le Conseil détermine de pré-allocation ni géographique ni thématique. La proposition de règlement précise toutefois que ces investissements soutiendront le développement d'infrastructures, l'éducation, la santé, la recherche, le développement, les télécoms, la transition énergétique, le domaine social ou les PME... En revanche, il est envisagé d'introduire des pourcentages maximum par secteur et, éventuellement, des règles butoirs précisant par exemple que quatre États membres ne peuvent à eux seuls bénéficier de plus de 25 % du fonds.

Ce conseil se prononcera à l'unanimité. Toutefois il est prévu que, si des États membres apportent une contribution supplémentaire au FEIS, le nombre de membres et de votes au Conseil de direction soit adapté de façon proportionnelle à ces contributions et que les décisions soient alors prises à la majorité simple, en cas d'impossibilité de réunir l'unanimité. En tout état de cause, il est prévu que la Commission et la BEI disposeront d'un droit de veto sur les décisions du Conseil.

Le Comité d'investissement, qui s'apparente en fait à un comité de garantie, sera quant à lui composé de six experts indépendants et d'un directeur exécutif nommés par le Conseil de direction. Le directeur du comité d'investissement sera auditionné par le Parlement européen. Le comité d'investissement sera chargé d'examiner chaque projet et d'accorder ou non la garantie du FEIS, en statuant à la majorité simple.

Enfin, des plateformes européennes de conseil en investissement, s'appuyant sur la BEI, la Commission, les banques nationales de développement et les autorités chargées de la gestion des fonds structurels, sont également prévues pour aider à sélectionner, préparer et développer les projets d'investissement. Ces plateformes pourront être régionales et thématiques.

La mise en place effective de ce fonds devra être formalisée par un accord entre la Commission et la BEI précisant notamment le montant et les modalités de la contribution financière de la BEI, les modalités de participation des tiers, les modalités de la couverture de la garantie de l'Union... Parmi les questions qui restent encore en suspens figure notamment celle de la durée de vie du Fonds que le Parlement européen souhaiterait permanent et que le Conseil souhaite limiter à trois ans.

2. Le financement du FEIS par le budget de l'Union européenne

Les opérations de financement ou d'investissement effectuées par le Fonds bénéficieront d'une garantie de 16 Mds€ apportée par l'Union européenne qui sera provisionné à hauteur de 50 % du niveau cible soit 8 Mds€ : seuls 8 Mds€ seront effectivement versés, le complément pouvant éventuellement être appelé en garantie supplémentaire. Ces 8 Mds€ seront abondés en prélevant des crédits sur des programmes existants : 3,3 Mds€ provenant du mécanisme pour l'interconnexion en Europe, 2,7 Mds€ d'Horizon 2020, et 2 Mds€ provenant de la marge non allouée sous le plafond du cadre financier pluriannuel. Le rapporteur Jose Manuel Fernandes a indiqué à la délégation que, selon les travaux du Parlement européen, 522 millions de marge ont été non utilisées en 2014 et 1 680 millions en 2015. Il souligne toutefois que l'utilisation de ces montants rencontre l'opposition du Conseil. Il exprime de plus son regret de voir sacrifier ainsi deux programmes importants pour l'Europe et ce, dans un contexte, où il n'est pas urgent de rassembler le financement avant plusieurs années. En effet, les premiers versements ne seront réalisés que progressivement entre 2016 et 2020 : 500 M€ en2016, 1 Md€ en 2017 et 2 Mds€ en 2018, puis 2,25 Mds€ en 2019 et en 2020.

M. Juncker a par ailleurs appelé les gouvernements nationaux à contribuer au FEIS et rappelé que les contributions au Fonds ne devraient pas être prises en compte dans le déclenchement de la procédure pour déficit excessif pour l'évaluation des budgets nationaux. Les modalités de participations demeurent ouvertes à ce stade des négociations : intervention directe des États ou à travers les banques nationales de développement, apport en capital, cofinancement sur des projets...


* 37 Rapport n° 349 (2014-2015) de M. Albéric de Montgolfier, au nom de la commission des Finances.

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