B. DES ACTEURS NOMBREUX, TANT PUBLICS QUE PRIVÉS

Dès l'émergence de la notion de monument historique, est ressenti le besoin de créer des institutions ainsi que des corps de métiers spécifiques , dont les connaissances et le savoir-faire permettront de protéger au mieux le patrimoine national naissant. Doivent notamment être citées la création du poste d'inspecteur général des monuments historiques par François Guizot en 1830 ou encore la création du corps des architectes en chef des monuments historiques par la loi du 30 mars 1887.

Ainsi, si les politiques publiques patrimoniales ont connu tout à la fois un élargissement et un approfondissement de leurs objectifs et de leurs champs d'action, cette évolution se reflète dans la spécialisation et la diversification des acteurs chargés de les mettre en oeuvre .

1. Le ministère de la culture et l'administration déconcentrée

C'est bien sûr le ministère de la culture qui pilote, au nom de l'État, les politiques publiques associées à la gestion du patrimoine . Le décret de réorganisation du ministère 3 ( * ) , en 1982, crée une direction chargée du patrimoine, dont le périmètre et les attributions ont évolué jusqu'à la création de la direction générale des patrimoines en 2010 4 ( * ) , qui a regroupé les directions des musées de France, des archives de France et la direction de l'architecture et du patrimoine. La direction générale des patrimoines, chargée de concevoir, animer, orienter et évaluer la politique de l'État en faveur des patrimoines, est constituée de quatre services, dont le service du patrimoine, auxquels s'ajoute celui de l'inspection des patrimoines, et de sept départements transversaux. Le ministère de la culture s'appuie également sur ses opérateurs et de nombreux services à compétence nationale.

Les politiques définies au niveau national sont relayées par l'administration déconcentrée du ministère, qui s'articule autour des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) . D'un point de vue patrimonial, leurs principales missions consistent à « proposer, animer et coordonner les études relatives aux secteurs sauvegardés, aux zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager et aux abords des monuments historiques, veiller à la préservation des espaces protégés ainsi que contribuer à leur mise en valeur » et à « mettre en oeuvre la réglementation relative au patrimoine monumental, à l'archéologie, aux musées et à l'architecture 5 ( * ) ». Les conservations régionales des monuments historiques constituent, avec les services régionaux de l'archéologie, le pivot des services patrimoniaux au sein de chaque direction régionale.

Une centaine de services territoriaux de l'architecture et du patrimoine (STAP), intégrés aux DRAC depuis 2010, en constituent les unités territoriales à l'échelon départemental . Ils exercent une mission de conseil auprès des collectivités territoriales et des particuliers. Les STAP sont chargés de la délivrance d'avis sur les projets modifiant les espaces protégés - bâtis ou naturels - et de la conservation des palais nationaux et des monuments historiques affectés au ministère chargé de la culture.

2. Les collectivités territoriales

Les collectivités locales sont directement intéressées à la conservation et à la valorisation du patrimoine historique : plus de 45 % des monuments historiques inscrits ou classés appartiennent à une collectivité territoriale , dont 43 % pour les seules communes.

Répartition des monuments historiques classés et inscrits par taille de commune

(en nombre de monuments historiques)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les « chiffres-clés de l'année 2014 » publiés par le ministère de la culture et de la communication

Répartition des monuments historiques par catégorie de propriétaires

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après « chiffres-clés de l'année 2014 » publiés par le ministère de la culture et de la communication

La décentralisation a conduit à donner plus de place aux collectivités territoriales au sein de la gestion du patrimoine , bien que la Cour des comptes relève dans son rapport de 2009 relatif au bilan de la décentralisation que l'exemple de la culture montre « un État équivoque dans sa volonté de décentralisation » 6 ( * ) .

La loi du 7 janvier 1983 a d'abord associé les conseils municipaux à l'élaboration de documents d'urbanisme spéciaux pour les abords des monuments historiques , sans toutefois modifier les principales prérogatives de l'État en matière de protection du patrimoine. De nouvelles compétences sont transférées aux collectivités territoriales par la loi du 13 août 2004, avec trois dispositifs jugés « modestes » par la Cour des comptes : la décentralisation de l'inventaire général du patrimoine culturel et la possibilité de transferts de propriété ainsi que l'expérimentation de la décentralisation des crédits destinés aux monuments n'appartenant pas à l'État. Le premier dispositif a été mis en oeuvre sans difficultés tandis que les deux autres n'ont connu qu'un succès modeste : les collectivités territoriales n'ont fait que peu de demandes de transferts de propriété, de même que celles-ci n'ont pas souhaité gérer les crédits destinés aux monuments n'appartenant pas à l'État.

Si les collectivités territoriales participent à la conservation du patrimoine, c'est donc davantage par nécessité, du fait de leur statut de propriétaire, et à travers des actions ponctuelles de financement et d'animation du patrimoine culturel local - par exemple en subventionnant des travaux de rénovation menés par des propriétaires privés. Leur rôle, important, doit être reconnu. Force est cependant de constater que le contexte budgétaire très tendu pourrait les conduire, au vu des autres charges qui leur incombent, à ne plus accorder la priorité aux besoins patrimoniaux.

3. Le secteur privé

S'il s'agit d'évoquer le secteur privé, c'est que celui-ci recouvre une réalité bien plus large que les seuls propriétaires . Doivent également être évoqués les organismes de droit privé, qui jouent un rôle important en matière de communication et de mobilisation autour des enjeux patrimoniaux et au sein desquels la Fondation du patrimoine occupe une place particulière.

a) Les propriétaires privés

Près de la moitié du patrimoine protégé est détenue par des propriétaires privés : ceux-ci possèdent environ 35 % des monuments classés et 56 % des monuments inscrits, soit un total d'environ 22 000 monuments.

Principaux chiffres concernant la propriété privée des monuments historiques

2011

Nombre de monuments historiques

44 060

Dont inscrits

29 470

Dont classés

14 590

Nombre de monuments historiques détenus par une personne privée

21 841

Dont inscrits

16 743

Dont classés

5 098

Part de la propriété privée au sein des monuments classés

34,94 %

Part de la propriété privée au sein des monuments inscrits

56,8 %

Part des monuments inscrits dans les monuments historiques privés

76,7 %

N.B. : 2011 constitue la dernière année pour laquelle l'ensemble des données permettant de calculer les différents agrégats sont disponibles .

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du ministère du budget au questionnaire du rapporteur spécial

Encore ces chiffres constituent-ils un minorant dans la mesure où ils ne prennent en compte que les monuments protégés, et non la totalité des édifices présentant un intérêt patrimonial pouvant faire l'objet, par exemple, d'une labellisation par la Fondation du patrimoine ( cf. infra ).

b) La Fondation du patrimoine

La Fondation du patrimoine 7 ( * ) est un organisme de droit privé à but non lucratif, reconnu d'utilité publique 8 ( * ) , dont le rôle est de concourir à la conservation et à la mise en valeur du patrimoine bâti et paysager, en particulier quand celui-ci ne fait pas l'objet d'une protection par l'État. Les projets soutenus sont choisis au niveau des délégations régionales de la fondation, lesquelles constituent ensuite un dossier de financement.

c) Les associations

De nombreuses associations consacrent leurs efforts à la défense du patrimoine, parfois de façon strictement locale, sur un projet particulier de restauration, ou à plus grande échelle . Au niveau national, doivent être distinguées les associations de défense du patrimoine reconnues d'utilité publique réunies au sein du « G8 patrimoine » , structure informelle de coordination et de dialogue. Elles participent en particulier aux travaux du groupe national d'information et de concertation sur le patrimoine, créé par arrêté du ministre de la culture 9 ( * ) et qui a pour mission « de réfléchir et de débattre sur tout sujet relatif à la politique du patrimoine ».


* 3 Décret n° 82-394 du 10 mai 1982 relatif à l'organisation du ministère de la culture, article 2.

* 4 Création par décret n° 2009-1393 du 11 novembre 2009, compétences définies dans l'arrêté du 17 novembre 2009 relatif aux missions et à l'organisation de la direction générale des patrimoines.

* 5 Décret n° 2010-633 du 8 juin 2010 relatif à l'organisation et aux missions des directions régionales des affaires culturelles.

* 6 Cour des comptes, rapport public thématique, « La conduite par l'État de la décentralisation », octobre 2009.

* 7 Créée par la loi du 2 juillet 1996.

* 8 Décret du 18 avril 1997.

* 9 Création par arrêté du 20 janvier 2005 et renouvellement par arrêté du 1 er décembre 2009.

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