B. LE LOGEMENT SOCIAL : 4,5 MILLIONS DE LOGEMENTS AU CoeUR DES TERRITOIRES

1. L'Union sociale pour l'habitat, partenaire des collectivités territoriales
a) Un engagement pour la réduction de la consommation d'énergie

L'Union sociale pour l'habitat est l'organisation représentative du secteur HLM. Elle représente 755 organismes HLM à travers 5 fédérations, ce qui concerne plus de 4,5 millions de logements. Il existe un engagement fort, depuis plusieurs dizaines d'années, de la part des offices HLM pour améliorer les conditions de vie de leurs locataires. Or, l'amélioration énergétique des logements, qui y contribue, passe par une meilleure isolation des bâtiments, mais aussi une baisse des charges, pour des répercussions sur le pouvoir d'achat des locataires.

La crise pétrolière des années 1970 a également été source de réflexion pour diminuer les consommations d'énergie, d'autant plus qu'il avait été démontré que les locataires de HLM étaient les premiers frappés par cette crise. Il y a 25 ans, les premières opérations de développement social des quartiers ont été menées : les bâtiments qui n'étaient plus aux normes, ou qui avaient construits à une époque où les normes thermiques n'existaient pas - les premières datent de 1975 - ont été rénovés.

Chaque année, 100 000 à 120 000 logements sont réhabilités, et 100 000 logements sont construits. En outre, depuis sept ans, tous les bâtiments sont construits selon la norme RT 2012, avant même qu'elle ne devienne obligatoire. Des constructions innovantes sont également réalisées : à Saint-Dié-les-Vosges a été construit un immeuble en bois de 8 étages. Les énergies renouvelables gagnent d'ailleurs de plus en plus de parts de marché dans la construction.

En outre, le mouvement HLM a décidé de mutualiser ses fonds pour activer des fonds dormants. En effet, les besoins de construction sont forts dans certains territoires, tandis que dans d'autres des logements HLM restent vacants.

b) Des enjeux majeurs pour poursuivre l'effort

Quatre enjeux doivent être pris en compte pour poursuivre l'effort de réduction de la consommation d'énergie.

Tout d'abord, au vu des progrès importants qui restent à accomplir, la question du financement est essentielle : les aides à la pierre ou les aides de même niveau, tels les financements européens et les écoprêts, représentent un levier exceptionnel. Il est indispensable que ce levier continue d'exister, mais aussi que les aides soient additionnelles : les contraintes de l'une ne doivent pas être incompatibles avec celles de l'autre.

On constate aussi une grande complexité dans la mise en oeuvre. Le montage du financement demande souvent beaucoup de temps et les exigences peuvent être très différentes selon les acteurs. Il est donc nécessaire de toiletter, moderniser et simplifier ces aides. À titre d'exemple, certains partenaires financiers sont en train de faire évoluer leurs aides. Or ces dernières, dans leur nouveau format ne sont pas en phase avec l'éco-prêt social. L'un des enjeux majeurs est donc l'harmonisation des cadres de référence, afin de pouvoir susciter un levier important.

Un autre point à prendre en compte est le coût du développement des bâtiments à énergie positive, qui sont 15 à 25% plus chers que la construction classique. Le message peut donc être contreproductif auprès des ménages, puisqu'on leur parle de rénovation énergétique ou construction très peu consommatrices d'énergie. Or, les économies réalisées sur la baisse de la consommation d'énergie sont annulées par l'augmentation des charges du fait du coût de ces bâtiments, et de leur entretien (par exemple, pour des panneaux photovoltaïques). C'est pourquoi, dans le cadre de ses rénovations, l'USH préfère s'intéresser à l'émergence, suite à des réhabilitations thermiques de bâtiments à pouvoir d'achat positif. En outre, face au nombre important de logements qui nécessitent une rénovation, un arbitrage est à faire entre l'exemplarité et l'effort de massification, à des niveaux de consommation d'énergie moins performants, mais qui permettent par un effet masse, d'accroître la performance énergétique de l'ensemble du parc social.

Troisième enjeu, avec un constat partagé par toutes les personnes auditionnées qui aident à entreprendre des travaux de rénovation thermique : une sensibilisation importante de la population est à faire. En effet, certaines habitudes doivent évoluer, sans quoi elles entraînent une dégradation rapide du bâtiment ou rendent inefficaces les travaux de rénovation : ouverture des fenêtres quand le chauffage fonctionne, obstruction des bouches d'aération entraînant une concentration d'humidité et une dégradation des murs,...

Focus sur l'association Voisin Malin

L'association Voisin Malin a été fondée en 2010 et fonctionne sur un modèle entrepreneurial. Elle emploie, forme et anime un réseau de voisins qui vont à la rencontre des habitants du quartier. Ces personnes, « les Voisins » jouent auprès de la population un rôle d'intermédiaires, d'informateurs pour des bailleurs sociaux, services publics, entreprises (La Poste, Véolia), collectivités territoriales. En effet, souvent, les services locaux n'arrivent pas à toucher les publics visés par les actions dans les quartiers populaires. Les Voisins permettent de « faire le dernier kilomètre » vers l'habitant. Les missions menées sont diverses : santé, suivi scolaire, tri sélectif, information sur les transports en commun, consommation énergétique, fonctionnement d'une copropriété,...

Par exemple, à Aulnay-sous-Bois, Véolia souhaite diminuer les consommations d'eau. Or les campagnes d'information qu'elle réalisait ne fonctionnaient pas (prospectus non lus, faibles participations aux réunions organisées). Véolia a eu recours aux Voisins, qui ont fait un travail de porte-à-porte pour informer sur les gestes à adopter pour économiser l'eau (consommations des chasses d'eau), la réparation d'une fuite simple, mais aussi la bonne compréhension de sa facture d'eau,... Les familles accompagnées ont pu réduire leur consommation d'eau de 10 % à 30 % et économiser jusqu'à 300 € par an.

À Montreuil, une mission a été menée afin de réduire les consommations d'énergie. Via l'association Voisin Malin, des kits d'information ont été distribués aux habitants. Il est expliqué, par exemple, comment installer un mousseur d'eau sur un robinet.

À Paris, deux bailleurs sociaux ont sollicité les Voisins afin d'accueillir les nouveaux locataires dans des logements rénovés (écogestes, utilisation des nouveaux équipements de leur logement,...).

Enfin, un nouvel enjeu doit être pris en compte : celui de l'adaptabilité des logements au changement climatique. En effet, les logements de métropole sont conçus pour l'hiver : la chaleur doit y rentrer et ne pas en ressortir. Or, d'ici cinquante ans, soit la durée moyenne entre deux rénovations d'un bâtiment, il faudra prendre en compte la problématique du rafraîchissement naturel des bâtiments.

2. Un exemple d'office HLM engagé : Paris Habitat

Paris Habitat gère plus de 123 000 logements à Paris et environ 10 000 en proche banlieue. À l'instar de nombre d'offices HLM, Paris Habitat s'est doté d'une charte du développement durable, engagement ancien et ancré dans le temps, puisqu'elle a été signée en 2005. Son action s'inscrit dans le Plan Climat Énergie de la ville de Paris, avec un objectif de réduction de 20% de ses émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2020.

Son action s'articule autour de trois axes :

Le premier est l'attention portée à la production d'énergie dans l'accroissement de son parc de logement. Les constructions neuves se font en respectant les règles BBC, soit un bâtiment ne devant pas dépasser 50 kWhep/m² SHON/an à Paris. Toutefois, afin que les gains réels d'émission de gaz à effet de serre correspondent à la consommation théorique du bâtiment, il est important de sensibiliser les occupants à la particularité de leur logement. L'appropriation de ces nouveaux bâtiments est donc essentielle pour atteindre les objectifs de réduction de gaz à effet de serre.

Le deuxième axe consiste en une gestion attentive de la chauffe des bâtiments. Chaque année, 10 à 15 millions d'euros sont investis dans la rénovation des chaufferies, ce qui permet des gains importants d'énergie. Il y a également un raccord progressif des logements sociaux à la Compagnie parisienne de chauffage urbain (CPCU) : 20 000 logements ont été raccordés entre 2008 et 2011. Si la CPCU n'est pas pour l'instant dotée d'un système de chauffage entièrement produit par de l'énergie renouvelable, elle reste plus compétitive que les énergies fossiles. De nouvelles pistes pour optimiser les dégagements de chaleur produits sont également recherchées : réflexion autour de l'utilisation de la chaleur du métro, ou sur la transformation des radiateurs en unités centrales connectées servant de centres de calcul. En effet, dans les constructions BBC, une faible quantité d'énergie suffit pour chauffer les bâtiments. Une autre action importante en matière de chauffage consiste à ne pas trop chauffer les bâtiments. En effet, pendant longtemps, les logements ont été surchauffés (22-23°). Désormais, Paris Habitat pénalise les exploitants s'ils chauffent au-delà de 19°C degrés, soit la température prévue par le contrat. L'abaissement de la température ne peut se faire qu'en lien avec une rénovation des bâtiments. En effet, la demande de surchauffe est due au phénomène de parois froides dans les logements mal isolés, ce qui renforce la sensation de froid.

Le troisième axe est la réhabilitation des logements. Il y a quelques années, Paris Habitat était plutôt en retard par rapport à ses homologues. De plus, les rénovations entreprises dans les années 1980 ont pu être mal exécutées : installation de double vitrage sans ventilation, bac à douche posé directement sur le parquet,... Au final, cela a entraîné une dégradation rapide des logements. Un effort financier très important est réalisé, puisque le budget annuel alloué à la rénovation est passée de 40-50 millions d'euros sous la précédente mandature, à 150 à 200 millions d'euros. Au total, sur l'ensemble de la mandature, l'investissement pour la rénovation des logements s'élève à un milliard d'euros. Mais cette rénovation doit se faire dans un cadre contraint :

- le respect du plan climat de Paris, qui impose une consommation d'énergie inférieur à 80 kWh/m² ;

- l'existence de contraintes architecturales : il peut être impossible d'isoler les bâtiments par l'extérieur, et les surfaces intérieures sont réduites.

Au vu de ces contraintes, les principales rénovations portent sur le changement des fenêtres, ainsi que sur les travaux liés à la régulation thermique et à la ventilation, afin de s'approcher le plus possible de la barre des 80kWh. Paris Habitat est aidé par le changement de politique de subvention de la ville de Paris. Cette dernière est en effet passée d'un système de « tout ou rien », à une subvention progressive et évolutive suivant le niveau d'émission d'énergie atteint. Cette politique a permis de débloquer de nombreux projets.

Après rénovation, Paris Habitat parvient à réduire la consommation d'énergie initiale des logements (200 à 250 kWh) à un niveau d'environ 100 kWh (le parc privé parisien a une consommation d'énergie supérieure à 240 kWh/m²).

Au total, ce sont environ 4 000 logements par an qui font l'objet de rénovations, pour un coût moyen de 40 000 à 60 000 euros par logement. Le financement de ces travaux se fait par trois canaux :

- la subvention de la ville de Paris, qui peut attendre 180 euros/m² pour les subventions les plus élevées, ce qui représente 10 000 euros pour un appartement de 60 m².

- la « troisième ligne de quittance », qui correspond à la contribution du locataire à la rénovation thermique de son logement. Cette ligne est calculée en fonction du gain thermique théorique du bâtiment, suite aux travaux. Or souvent, le gain d'énergie réel est moindre que le gain espéré. La différence peut être de 50%. C'est pourquoi, en accord avec les représentants des locataires, Paris Habitat procède à un constat réel de la consommation d'énergie, trois ans après la rénovation. Si on observe que la consommation réelle est supérieure à la consommation espérée, alors le montant de cette troisième ligne de quittance est revu : en effet, les travaux réalisés n'ont pas permis les économies d'énergie prévues. In fine , la participation des locataires est inférieure à 20 centimes par mois par m², soit 12 euros par mois. Cette ligne perdure pendant 15 ans, temps d'amortissement des travaux. Au final, la participation du locataire s'élève à 2 000 ou 2 500 euros.

- le reste du financement est apporté par les fonds propres de Paris Habitat ou des emprunts (Paris Habitat finance 60% des travaux de rénovation).

Paris Habitat estime à un milliard d'euros supplémentaire au budget prévu sur l'ensemble de la mandature, le financement nécessaire afin de permettre la rénovation de l'ensemble de son parc social. C'est donc un financier est donc majeur.

Le QRcode et le lien internet ci-après permettent d'accéder à la vidéo des visites de terrain effectuées pour l'élaboration du présent chapitre :



http://blog.senat.fr/cdp21/rapport-dinformation-de-la-delegation-senatoriale-aux-collectivites-territoriales-et-a-la-decentralisation/#logement

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