EXAMEN DU RAPPORT EN DÉLÉGATION

Lors de sa réunion du jeudi 22 octobre 2015, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation examine le rapport d'information « Les collectivités territoriales s'engagent pour le climat »

M. Jean-Marie Bockel, président . - Nous avons souhaité, pour le Congrès des maires et dans la perspective de la COP21, rassembler et faire connaître les bonnes pratiques françaises de lutte contre le changement climatique. Il y a vingt ans, la France accusait un certain retard sur ces questions. Elle a fait des progrès depuis : nous sommes dans le peloton de tête sur certaines questions, et nettement en tête sur d'autres. L'Union européenne a également progressé.

Nos collectivités territoriales, quel que soit leur type ou leur taille, sont également en pointe sur des sujets très concrets : la mobilité, l'énergie, les déchets... Plusieurs d'entre nous, à la tête de collectivités, sont très mobilisés - et souvent depuis longtemps -, dans ce combat. D'autres, à l'instar de Michel Delebarre, se sont engagés dans la diplomatie des villes au sein de grands rendez-vous, notamment sur l'eau. En tant que président d'une association de maires, j'ai eu l'occasion, par le passé, d'assister à ces rencontres où l'on peut vraiment faire passer des messages.

Ce rapport soutient les autorités françaises pour la COP21. Dans notre pays, le « penser global, agir local » est une réalité, quel que soit le territoire ou la sensibilité politique. Les progrès au niveau des États, d'une COP à l'autre, sont modestes. Pendant ce temps, les collectivités « font le job » ! Je suis persuadé que si nous sommes unis, la démarche des pouvoirs publics français peut, en décembre prochain, être un succès.

Chacun d'entre nous a effectué au moins un déplacement. J'ai ainsi passé une journée dans une ville européenne - Bologne - fin août. Je m'y rendais plutôt sûr de moi, en tant qu'ancien maire d'une ville de taille comparable. J'ai été surpris des réalisations que j'y ai observées ! Partout, il y a des enseignements à prendre.

Mme Caroline Cayeux, co-rapporteur . - Avec 70% des rejets mondiaux, les villes sont les premiers lieux d'émission de gaz à effet de serre : l'urbanisme est donc un outil incontournable face aux enjeux climatiques. Il s'agit de faire émerger un modèle urbain plus sobre en consommation d'énergie et en émissions de gaz carbonique, plus résilient face aux aléas climatiques.

Les collectivités inscrivent dans leurs documents de planification leurs orientations stratégiques pour les dix à vingt ans à venir. En privilégiant la densification de zones déjà urbanisées et la reconversion des friches plutôt que l'urbanisation de nouveaux secteurs, elles maîtrisent l'étalement urbain, préservent les espaces agricoles et naturels, limitent les besoins de déplacements. En implantant des logements à proximité des axes de transport, et en veillant à la présence des différentes fonctions urbaines dans chaque quartier - comme le fait Grenoble de façon percutante -, elles fixent un cadre urbain propice aux mobilités alternatives à la voiture : une ville compacte, mixte sur le plan de ses fonctions et de sa population, et bien desservie par des transports collectifs favorise le développement durable et la solidarité territoriale.

Les collectivités poursuivent également, dans leurs opérations d'aménagement, des objectifs de qualité énergétique et environnementale. Elles construisent des quartiers moins émissifs, profitent des opérations de développement urbain pour améliorer la performance du cadre bâti, promouvoir les transports collectifs et les énergies renouvelables, et renforcer la place de la nature en ville. Ces opérations améliorent le cadre de vie et l'attractivité économique de quartiers anciennement défavorisés. Elles suscitent des économies d'énergie. Les collectivités mobilisent ainsi l'urbanisme prévisionnel (leurs documents de planification) et opérationnel (les opérations d'aménagement) en faveur du climat.

De nombreux projets locaux en témoignent. L'éco-quartier d'Issy-les-Moulineaux développe à la fois un cadre bâti performant, un réseau de chaleur géothermique et une collecte pneumatique des déchets, grâce à des bornes enterrées et une aspiration vers une borne centrale. Le programme de rénovation urbaine de Reims intègre une dimension durable. Le plan local d'urbanisme facteur 4 de Brest Métropole doit son nom aux quatre documents d'urbanisme qu'il regroupe, et à l'objectif de division par quatre des émissions d'ici à 2050. Le « contrat d'axe » rapproche les politiques d'urbanisme et de transport de plusieurs communes et d'un syndicat mixte de la région grenobloise : leur nombre d'habitants étant insuffisant pour amortir le coût de construction d'une nouvelle ligne de tramway, trois communes ont accepté un programme de densification urbaine qui a rendu les travaux envisageables. Dans le Nord-Pas de Calais, un manifeste présente les solutions d'ingénierie territoriale existantes.

Les collectivités locales sont plus impliquées qu'on ne le pense ! Les bonnes pratiques ne pourront néanmoins se diffuser sans un cadre réglementaire stable et des ressources financières satisfaisantes. Les collectivités doivent en outre bénéficier d'une ingénierie adaptée pour intégrer très en amont les enjeux climatiques dans les documents d'urbanisme et les opérations d'aménagement. Elles ont besoin de professionnels formés. Un gisement de nouveaux métiers est à explorer : le verdissement des métiers de l'urbanisme, de l'aménagement et de la construction est une nécessité.

M. Michel Delebarre, co-rapporteur . - Les nombreuses actions de coopération décentralisée et de partenariat des collectivités locales intègrent souvent la protection du climat. Avec Ronan Dantec, nous avons constaté, dans le rapport que nous avons remis au Premier ministre, que 50% des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont liées à des décisions locales relatives à l'énergie, à l'assainissement, au transport, au traitement des déchets, à l'urbanisme, à la biodiversité - autant de domaines d'action des collectivités à l'international. En France, 5 000 collectivités locales, avec 10 000 collectivités partenaires, mènent plus de 13 600 projets de coopération dans plus de 145 pays. Les collectivités territoriales ont une véritable expertise pour la protection du climat. Elles pilotent et coordonnent les Agenda 21, les plans énergie-climat territoriaux et les schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie. Ces actions de lutte contre le changement climatique sont souvent transversales. Ainsi, le conseil général de Seine-Maritime aide le gouvernorat du Kef, en Tunisie, à élaborer son plan énergie climat. En 2004 a été élaborée la charte de la coopération décentralisée et du développement durable : elle incite les collectivités locales à mettre en oeuvre des projets de développement durable et s'accompagne d'un guide méthodologique.

Les collectivités souhaitent que leur rôle dans la lutte contre le changement climatique soit davantage reconnu ; elles ont structuré leur parole dans les négociations internationales en créant des associations comme le Conseil des communes et régions d'Europe ou Cités et gouvernements locaux unis. Depuis la conférence sur le climat de Montréal en 2005, les collectivités se réunissent en marge des sommets et produisent des déclarations. À l'époque, les négociations entre États stagnaient : discussions difficiles du cycle de Doha, refus de la ratification du protocole de Kyoto par les États-Unis,... Cela avance : depuis la conférence sur le climat de Varsovie en 2013, une journée est officiellement dédiée aux collectivités. Cependant, certains États résistent et ne veulent pas que la lutte contre le réchauffement climatique renforce les revendications de décentralisation. Les associations internationales de collectivités territoriales ont donc imaginé des stratégies de contournement, ainsi le terme d'» approche territoriale » en substitution à « collectivités locales » utilisé dans les négociations préparatoires à la COP21. Derrière la sémantique se cachent des enjeux majeurs, comme l'accès au financement et le soutien aux initiatives locales, y compris la coopération décentralisée.

M. Jacques Mézard, co-rapporteur . - En tant que président d'une communauté d'agglomération compétente en matière de déchets, je suis bien placé pour aborder le volet qui m'a été confié. Le secteur des déchets évolue très vite avec de nombreuses innovations. J'ai confiance en l'intelligence des élus locaux et je crois à la pédagogie par l'exemple et par la diffusion des bonnes pratiques. La réalité du changement climatique dépend beaucoup des gestes du quotidien. Un constat particulièrement vrai dans le domaine des déchets, où ce sont les mentalités et les comportements qui doivent évoluer et qui conditionneront le succès. Certains considèrent que, puisqu'ils paient, la collectivité n'a qu'à se débrouiller pour éliminer leurs déchets...

La sensibilisation des jeunes publics, dans les écoles par exemple, est certes souhaitable mais n'est pas suffisante : il faut impliquer les générations actuelles de consommateurs.

Industriels et pouvoirs publics multiplient les campagnes d'éducation, affirmant ici ou là que les petits gestes de tri sont une solution efficace pour réduire notre empreinte carbone. Sauf qu'aujourd'hui nombre de messages sont difficilement compréhensibles. Le consommateur-citoyen se perd dans la profusion des consignes de recyclage et le manque de lisibilité des produits. Simplifions la communication : trop complexe, elle n'incitera pas les consommateurs à changer leurs comportements. Le point de plus forte résistance reste encore la poubelle des ménages - les entreprises, quant à elles, sont de plus en plus performantes lorsqu'elles y trouvent un intérêt économique direct. Il faut changer le message, négatif et culpabilisant, et faire apparaître des avantages, notamment financiers. Si le tri et le recyclage sont nécessaires, ils ne sont pas suffisants. C'est toute notre approche des politiques publiques de traitement des déchets qui doit être repensée.

Je crois d'abord à l'exemplarité des projets. La perception et les problèmes ne sont pas les mêmes selon les caractéristiques socio-économiques. Finissons-en avec les projets sans adéquation avec les territoires. Je reste perplexe envers un certain « centralisme régional » défendu par la loi NOTRe. Les frontières administratives n'ont aucun sens en matière de valorisation des déchets : les bassins de vie, qui sont aussi les bassins de production de déchets, peuvent être à cheval sur plusieurs départements et régions.

La problématique des déchets évolue à grande vitesse, du fait des innovations technologiques. La diminution des volumes de déchets ira de pair avec l'augmentation des tonnages et des matériaux recyclés. Leur valorisation permettra de donner une connotation plus positive à un secteur dont l'image est mauvaise. Les investissements se font sur des dizaines d'années, nous devons garantir une stabilité réglementaire et donner aux élus des indications fiables, cohérentes, même si elles sont parfois difficiles à entendre. Faisons confiance aux élus locaux pour faire les bons choix au service de la performance des territoires.

Nous avons vu des exemples très innovants qu'il faut faire connaître, notamment le centre multi-filières de valorisation des déchets de Villers-Saint-Paul, qui valorise 173 250 tonnes de déchets par an sur deux lignes d'incinération grâce à des techniques optiques. Le site produit de l'électricité et fournit un réseau de chaleur aux habitants et aux industriels. On change d'époque avec ces mutations technologiques considérables, qui seront dépassées d'ici deux à trois ans. Un centre peut valoriser près de 80% des déchets.

Les communes du pays de Sarrebourg, en Moselle, ont mis en place une tarification incitative afin de maîtriser les coûts d'enfouissement des ordures ménagères résiduelles, avec des résultats significatifs ; au centre de tri télé-opéré d'Amiens, des innovations technologiques permettent de trier les déchets sans les toucher, progrès considérable dans un métier extrêmement difficile. Il faut accélérer ces mutations ; la commune de Lapouyade abrite un projet innovant de valorisation du biogaz issu des déchets pour chauffer des serres agricoles, ce qui génère des emplois et de la production. Ces exemples positifs sont nombreux ; il faut les faire connaître au plus grand nombre de collectivités, simplifier la réglementation et mieux communiquer afin de donner une image valorisante de ce secteur.

M. Jean-Marie Bockel, président . - Vous soulignez, à juste titre, l'image du secteur des déchets. Au début des années 1990, je présidais la commission de la production et des échanges à l'Assemblée nationale. Le président de l'Assemblée, Laurent Fabius, très engagé avec le sénateur Al Gore dans une démarche de développement durable, avait organisé un séminaire parlementaire dont nous étions revenus très motivés. J'avais alors initié trois grands rapports sur les différents types de déchets, sujet baroque à l'époque !

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, co-rapporteure . - Les transports, responsables d'un tiers des émissions de gaz à effet de serre, contribuent fortement au changement climatique, à commencer par le trafic routier. L'empreinte carbone du secteur des transports a crû de plus de dix points entre 1990 et 2012, et demeure supérieure à la moyenne européenne, située à 20%. Les collectivités organisatrices de la mobilité dans nos territoires se sont donc mobilisées pour favoriser des modes de déplacement alternatifs à l'usage individuel de la voiture et réduire la dépendance à son égard.

Les collectivités organisent le report modal vers les transports collectifs. Elles veillent à l'attractivité de l'offre de transports, en proposant des horaires cadencés et des tarifs incitatifs. Elles favorisent l'inter-modalité et la muti-modalité, c'est-à-dire l'utilisation successive ou alternative de plusieurs transports publics, au moyen de centrales de mobilité ou de billettique intégrée.

Les transports en commun ne peuvent desservir l'ensemble du territoire. Aussi, pour les courtes distances, les acteurs locaux favorisent les mobilités douces - vélo et marche ; dans les zones peu denses, où les transports collectifs classiques ne sont pas viables, ils promeuvent des modes de déplacement partagés, comme le covoiturage, ou le sur-mesure, tels les transports à la demande. La réinvention de la voiture est en jeu : les collectivités accompagnent le déploiement des véhicules électriques et de leurs infrastructures de charge.

Les élus locaux, en tant qu'employeurs, mettent en place des plans de déplacements d'entreprise ; dans le cadre de la commande publique, ils acquièrent des véhicules peu émissifs ; autorités de police ou gestionnaires de la voirie, ils maîtrisent le trafic routier.

Durant les auditions que j'ai menées, comme lors d'un déplacement de terrain en Haute-Vienne, ou durant mes échanges avec les élus de Toulouse Métropole, j'ai mesuré l'implication de nos territoires en matière de mobilité durable. J'ai pu étudier quelques initiatives ferroviaires locales : une politique de report modal vers le transport ferroviaire en région Limousin, avec le cadencement des TER et la création de pôles d'échanges ; une politique volontariste de promotion du covoiturage et des transports à la demande en milieu rural en Haute-Vienne ; un choix ancien en faveur des transports collectifs à traction électrique, les trolleybus, et des modes doux à assistance électrique, les vélos électriques, à Limoges ; des mobilité hybrides - le tram-train et le tram-bus - à Mulhouse ; l'accompagnement du véhicule électrique en Bourgogne, avec un schéma de déploiement des bornes de charge. Les collectivités sont des laboratoires d'idées !

Les plus investies en la matière ne mythifient pas le progrès technique. Nombre d'élus et de techniciens m'ont rappelé que l'amélioration de la performance énergétique des véhicules individuels, toute appréciable qu'elle soit, ne réduira pas à elle seule l'empreinte carbone du secteur des transports : les collectivités doivent agir prioritairement en faveur des transports collectifs.

Deux freins bien connus s'opposent à la mobilité sobre : l'émiettement des compétences en matière de transports, ainsi que le cloisonnement des politiques publiques. Espérons que l'application de la loi NOTRe clarifiera les choses. Les collectivités dont j'ai étudié les projets ont su dépasser ces difficultés, en coordonnant et en élargissant leurs interventions. Une telle coordination fait émerger, dans chaque bassin de vie, des réseaux interopérables, une information multimodale et une billettique intégrée, qui facilitent les déplacements quotidiens. Une action globale en faveur de la mobilité, dépassant le seul domaine des transports pour embrasser tous les leviers d'action disponibles - l'urbanisme, l'aménagement, la voirie, les pouvoirs de police, la commande publique - impulse une dynamique en faveur de modes de déplacement moins émissifs. Mais attention à l'étalement urbain ! C'est une dialectique presque schizophrénique : les maires de petites communes qui n'ont pas de pression foncière refusent difficilement des permis de construire, mais l'éparpillement de l'habitat complique les politiques de transport.

Les collectivités les plus impliquées en faveur de la mobilité sont attentives à sa dimension sociale. Une conception durable de la mobilité poursuit trois finalités : la qualité environnementale, l'équité sociale et l'efficacité économique - ce n'est pas un gros mot !

C'est en proposant des alternatives à l'usage individuel de la voiture dans les zones mal dotées en transports, péri-urbaines et rurales, ou auprès des publics les plus isolés - les personnes jeunes, âgées ou défavorisées - que les collectivités font le plus progresser les modes durables de déplacement.

Ma conviction initiale est confortée : de très nombreuses collectivités mettent en place des politiques de transport vertueuses et sont ouvertes à des innovations, si celles-ci s'effectuent dans un cadre budgétaire durable.

M. Jean-Marie Bockel, président . - Je vous remercie. De nombreuses collectivités sont mobilisées sur ces thématiques. Des investissements lourds sont consentis dans des infrastructures comme les tramways ou les transports collectifs en site propre (TCSP). Nous sommes entrés dans l'ère de la pluri-modalité. Après avoir restructuré l'espace urbain, nous devons faire changer nos comportements. Certains éléments sont parfois clivants : le successeur de M. Delebarre, à Dunkerque, est un chantre de la gratuité des transports publics, alors que j'y suis opposé.

M. Antoine Lefèvre, co-rapporteur . - Il y a de l'énergie dans nos territoires, et nous en avons besoin ! À quelques semaines de la COP21, les collectivités cristallisent les attentes, sans qu'elles aient toujours tous les moyens pour relever ces défis. Je me suis rendu dans plusieurs collectivités de tailles différentes, et j'ai pu observer les appels à projets thématiques, « villes de demain », « territoires à énergie positive », « villes respirables », « zéro-déchets, zéro-gaspillage », ou la logique de labellisation de projets locaux « bâtiments performants, énergies renouvelables », « efficacité énergétique »... J'ai mis en avant le rôle de fer de lance des territoires pour mobiliser le levier énergétique contre le changement climatique. Les collectivités sont plus que jamais indispensables : leurs actions sont suivies de résultats et les bonnes pratiques doivent être partagées.

Représentant plus de 60% des émissions de gaz à effet de serre, l'énergie est un enjeu majeur. Si l'approche centralisée au niveau des États est importante, les collectivités sont au coeur d'un nouveau modèle de décentralisation, de production et de distribution de l'énergie. Elles sont prêtes à constituer un échelon pertinent de la transition énergétique, afin que le local, enfin, puisse conditionner le global.

J'ai mis en avant des actions innovantes de collectivités pour réduire les consommations énergétiques. Les bonnes pratiques doivent être connues, notamment dans les territoires ruraux, encore trop souvent exclus des innovations technologiques.

La métropole niçoise est un exemple de smart city offrant de nouveaux services. Grâce à la vidéosurveillance intelligente, le trafic a été fluidifié et le stationnement en triple file, tradition locale, a disparu. Grâce aux nouvelles technologies, des applications de « stationnement intelligent » informent en temps réel les usagers sur les places disponibles. Toutes nos politiques locales peuvent évoluer et passer de la réaction à la prévision.

Le marché public de performance énergétique de Roannais Agglomération a permis de réaliser d'importantes économies d'énergie et de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments. Grâce au contrat de performance énergétique, la collectivité a réduit de 65% les rejets de gaz à effet de serre de ses bâtiments, de 50% sa consommation énergétique, et de 40% sa consommation d'eau dans les grands équipements sportifs. Que d'enseignements ! La rénovation énergétique du quartier de la Divette, au centre-ville de Cherbourg, a inclus la création d'un réseau de chaleur local pour maîtriser les consommations énergétiques. Les résultats sont là : 84% des besoins pour le chauffage sont couverts par des énergies renouvelables, 62% des émissions de gaz carbonique liées au chauffage sont évitées, la facture des charges locatives a diminué de 30%. L'installation du réseau de chaleur évite, chaque année, l'émission de 1 730 tonnes de CO 2 , l'équivalent de 848 voitures retirées de la circulation. La ville de Sainte-Adresse a rénové son parc d'éclairage public afin d'économiser de l'énergie dans le cadre de son contrat de performance énergétique.

On pourrait multiplier les exemples. Il est important de bien comprendre la spécificité de chaque territoire. La transition énergétique reposera sur le bon diagnostic pour chaque territoire. Dans la conjoncture budgétaire actuelle, la réduction de la consommation d'énergie, au-delà de ses vertus écologiques, réduit aussi la facture pour les collectivités !

M. Joël Labbé, co-rapporteur . - Je suis impressionné par la cohérence entre nos propos. Quelle bonne initiative nous avons eue ! C'est la première fois que je suis ainsi chargé d'une partie de rapport. C'est un honneur de s'investir pour une noble cause, d'autant que notre assemblée nous donne les moyens de travailler. La biodiversité est un thème qui me convenait pleinement.

Au même titre que le climat, la biodiversité est en danger : 70 000 hectares sont artificialisés chaque année, les cours d'eau comptent un obstacle tous les six kilomètres, et moins d'un tiers des habitats d'intérêt communautaire est en bon état de conservation.

La lutte contre le réchauffement climatique ne doit pas reléguer au second plan la préservation de la biodiversité ; ces deux objectifs, interdépendants, doivent progresser d'un même pas. La biodiversité est l'indicateur le plus visible du changement climatique, aux côtés de l'artificialisation des sols, de la surexploitation des ressources et de l'émission de polluants. Ce sont 20 à 30% des espèces qui seront exposées à un risque accru de disparition en cas d'augmentation de 1,5 à 2,5 degrés de la température.

À l'inverse, une biodiversité bien conservée concourt à la lutte contre le changement climatique. Les écosystèmes jouent un rôle essentiel : ils captent et stockent la moitié du gaz carbonique issu des activités humaines. Les océans, les forêts et les sols sont autant de « puits à carbone ». Des écosystèmes sains et vivants résistent mieux aux aléas climatiques extrêmes, dont la fréquence et l'intensité pourraient s'accentuer. Une gestion durable des zones humides, forestières ou agricoles, contribue à la résilience des milieux naturels contre les risques d'inondation, d'incendie ou de sécheresse. Des sols riches en matière organique sont porteurs de biodiversité et constituent une réponse tout à fait ordinaire et extraordinaire au changement climatique.

En protégeant les écosystèmes, les collectivités territoriales agissent directement en faveur de la biodiversité et indirectement en direction du climat. Elles disposent de leviers peu onéreux pour protéger les milieux naturels et les espèces, tels que les parcs naturels régionaux ou les espaces naturels sensibles ; elles peuvent inscrire la biodiversité dans les projets d'urbanisme et les opérations d'aménagement, via les déclinaisons de la trame verte et bleue ; développer des stratégies transversales, comme les stratégies régionales de la biodiversité et les Agendas 21 locaux ; ou encore recueillir et diffuser les connaissances, avec les observatoires locaux de la biodiversité. Parfois, un simple changement de pratiques suffit : favoriser la végétalisation, y compris spontanée, en cessant de recourir aux produits phytosanitaires, contribue à rafraîchir les agglomérations. En milieu urbain, une augmentation de 10% des surfaces végétalisées permet d'abaisser d'un degré la température dans un rayon de 100 mètres, réduisant d'autant le risque de formation d'îlots de chaleur.

Le verdissement des villes ne se limite pas à la création de jardins d'agrément ; il peut prendre la forme de potagers ou de vergers. L'agriculture urbaine est un outil de reconquête de la biodiversité en ville. Aux côtés des circuits courts, elle participe d'une nouvelle forme d'alimentation fondée sur la proximité des lieux de production et de consommation.

J'ai rencontré des porteurs de projets dans mon département, le Morbihan, le 3 juillet, et mené une série d'auditions au Sénat. J'ai étudié un espace protégé, le Parc naturel régional du Golfe du Morbihan - cinquième parc créé, sur 51 aujourd'hui -, qui veille à la déclinaison de la trame verte et bleue, à la résilience des milieux aquatiques et à la promotion de stratégies d'adaptation au changement climatique ; un agenda local orienté autour de la biodiversité dans la commune de Saint-Nolff ; une démarche « zéro phyto » engagée à Versailles à partir de 2003 ; un programme de végétalisation entrepris par la Ville de Paris, qui a l'ambition de créer 100 hectares de verdure d'ici à 2050, dont un tiers dédié à l'agriculture urbaine ; un réseau d'acteurs, l'Agence pour la nature et la biodiversité en Ile-de-France, qui concourt à la mutualisation des connaissances et des bonnes pratiques.

Si la biodiversité a longtemps été le parent pauvre des politiques publiques, les collectivités s'en sont largement saisies. Il faut aller encore plus loin. Parmi les pratiques à encourager figure l'abandon des produits phytosanitaires, dont l'entrée en vigueur au 1 er janvier 2017 doit être anticipée. Pour s'y préparer sereinement, les collectivités peuvent prendre connaissance d'expériences, dont les plus anciennes ont une dizaine d'années, et tirer profit d'offres de formation des agents communaux ou des élus. Pourquoi ne pas proposer une résolution à la COP21 pour que cette mesure soit reprise par l'ensemble des pays de l'Union européenne ?

Dans les collectivités les plus impliquées, la biodiversité n'est plus portée par des actions ponctuelles, sinon confidentielles, elle est devenue un objectif transverse irriguant l'ensemble des politiques locales. Les collectivités gagneraient à l'intégrer davantage encore dans les opérations d'urbanisme et d'aménagement. À l'échelle nationale, l'Agence française pour la biodiversité, dont la création est en cours, doit offrir aux collectivités l'appui technique et les moyens financiers dont elles ont besoin.

Enfin, il importe de valoriser les aspects les plus méconnus du patrimoine naturel. La protection des espaces naturels et des espèces emblématiques, bien établie, doit être poursuivie et amplifiée. Cessons de négliger la biodiversité ordinaire, c'est-à-dire le patrimoine naturel ne faisant pas l'objet de mesures de protection. Une attention spécifique doit être portée à la biodiversité des sols et à la biodiversité des villes.

M. Christian Favier, co-rapporteur . - Le logement est un enjeu majeur de la transition énergétique. Le bâtiment représente environ 20 % des émissions de gaz à effet de serre et 40 % de la consommation d'énergie. Dans les territoires fortement urbanisés, comme l'Ile-de-France, ces chiffres s'élèvent respectivement à 50 et 60 %. Nous travaillons aussi à l'amélioration du bien-être des habitants : dans notre pays, 3,5 millions de ménages déclarent souffrir du froid dans leur logement. Il y a donc des conséquences sociales importantes et un intérêt à agir afin que les économies réalisées aient des effets sur le pouvoir d'achat.

L'impact économique de la rénovation des bâtiments est très fort, puisque les chantiers de rénovation thermique et de construction représentent des emplois non délocalisables. L'Agence nationale de l'habitat (Anah), en 2014, a accordé 716,8 millions d'euros d'aide, engageant 1,4 milliard d'euros de travaux, soit 28 000 emplois créés ou préservés.

Nous avons recueilli des témoignages très divers et avons pu mesurer l'engagement fort - et souvent ancien - des collectivités territoriales dans la rénovation thermique et la construction de bâtiments respectueux de l'environnement.

Les actions menées, très variées, peuvent consister en l'accompagnement des propriétaires pour monter un projet de travaux et demander des subventions, comme en Ardèche, ou en des interventions auprès des entreprises, pour former les artisans du secteur aux nouvelles qualifications. Loches Développement, en Touraine, utilise des matériaux biosourcés et des matériaux locaux comme des déchets de tournesol, transformés en enduit. Dans le Val-de-Marne, une plateforme unique de rénovation énergétique a été mise en place pour encourager les familles modestes à faire des travaux dans leur logement. Il s'agit de les financer mais aussi de diffuser les bons gestes. Douze « ambassadeurs », en contrats-jeunes, se consacrent à l'accompagnement, du diagnostic jusqu'aux travaux. Des actions sont aussi menées pour réduire la consommation d'énergie et les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments propres des collectivités territoriales. Paris agit sur ses bâtiments administratifs, ses crèches, ses établissements scolaires et son parc de logement, qui est très vaste. Autre action, la construction de nouveaux immeubles à très haute performance énergétique.

Plusieurs freins peuvent nuire à l'efficacité des actions menées. Les ménages, face à l'ampleur des travaux de rénovation à mener, se sentent souvent perdus. Il faut simplifier le système des aides et les rendre additionnables, mais aussi veiller à leur pérennité - si quelqu'un compte sur un dispositif, celui-ci ne doit pas s'interrompre. La sensibilisation des habitants est essentielle - sans concertation, les propositions de rénovation des bailleurs sont rejetées par crainte de coûts supplémentaires. Il est important aussi de prendre comme point de référence, pour déterminer les niveaux d'aide, les émissions réelles des bâtiments quelques années après les travaux, afin de s'assurer de la qualité de ceux-ci et de leur durabilité.

La pratique danoise est intéressante à cet égard, puisque le taux de prêt est calculé sur la base de la consommation d'énergie mesurée deux ans après les travaux. Au-delà de la construction de quelques bâtiments exemplaires, il faut réfléchir à un effort massif dont l'effet nombre soit susceptible de réduire les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d'énergie. Il faut aussi adapter les logements au changement climatique. Traditionnellement, en France métropolitaine, les enjeux portaient sur la lutte contre le froid et la possibilité de maintenir la chaleur à l'intérieur des bâtiments. On a moins prévu les périodes de fortes chaleurs... Enfin, il faut garantir des ressources durables aux organismes participant à la rénovation, tels que les bailleurs sociaux. La baisse des dotations aux collectivités territoriales rend ce sujet plus délicat encore.

M. Jean-Marie Bockel, président . - À une certaine époque, le traitement du logement dans nos collectivités était contre-exemplaire. Nous étions en retard sur les normes. Actuellement, ce type d'habitat est souvent exemplaire par rapport à l'habitat privé et le regard a changé.

Je salue le travail effectué par tous les rapporteurs, dont les analyses convergent.

Mme Nelly Tocqueville . - Ces rapports dressent un bilan exhaustif des actions et des besoins. En tant que vice-présidente de la Métropole Rouen Normandie en charge des petites communes, je suis particulièrement sensible aux problèmes des petites communes rurales. Leurs maires doivent respecter l'environnement et lutter contre l'artificialisation des sols ; mais les communes revendiquent légitimement le droit de se développer. Il faut modifier notre regard sur ces territoires. Nous devons réfléchir en termes de bassins de vie, ce qui est compliqué puisqu'il faut changer les pratiques en matière d'urbanisation. Un gros travail de pédagogie est nécessaire vis-à-vis des familles qui ont placé leurs économies dans l'acquisition de terres qui ne sont aujourd'hui plus urbanisables. L'avenir de ces territoires heurte parfois les projets personnels...

Rouen Normandie met à disposition des élus un service technique pour établir des évaluations et fournir des préconisations afin de monter des dossiers de subventions. En tant que présidente d'une entreprise sociale pour l'habitat (ESH) qui gère 11 000 logements, je privilégie les actions de pédagogie. Quand on a construit des bâtiments dont l'isolation est performante, encore faut-il changer ensuite les habitudes, ne vivre plus les fenêtres ouvertes, par exemple. Nous avons organisé des réunions avec les locataires, car le bénéfice des travaux ne sera engrangé qu'avec leur soutien.

M. Jean-Marie Bockel , président . - Merci de mettre l'accent sur cette dimension citoyenne, qui devra apparaître dans le rapport final.

M. François Grosdidier . - Ne pas ouvrir les fenêtres dans les logements sociaux pose problème aux fumeurs. C'est pourquoi nous avons construit des balcons ! Ces points de détail ont une grande importance. On se heurte à des dilemmes, comme entre la nécessaire densification et l'exigence de poumons verts en ville...

Vos rapports montrent ce que représente l'addition de toutes les initiatives des collectivités territoriales. Soulignons qu'on se heurte à un immobilisme national et international. En la matière, on n'a pas beaucoup avancé. La COP21 consistera seulement à concrétiser les engagements des COP20 et COP18. Si on ne fixe toujours pas de prix adéquat au carbone, on passera à côté de l'essentiel, malgré toutes initiatives locales. À l'échelle nationale, l'enthousiasme du Grenelle est retombé depuis la crise financière, économique et sociale. On a souligné l'enjeu de l'isolation thermique et de la meilleure performance énergétique du bâti existant. Hélas les crédits Palulos (prime d'amélioration des logements à usage locatif et d'occupation sociale) disparaissent. Il revient aux intercommunalités de prendre le relais de l'État ; mais les moyens sont limités, ceux de l'Anah par exemple.

La crise financière a éteint l'enthousiasme national du Grenelle. Il s'agit à présent d'éviter que la crise des finances locales n'affecte le dynamisme des collectivités territoriales. Certains veulent alléger les normes ; or la nouvelle règlementation des produits phytosanitaires, en sens inverse, engendre des coûts supplémentaires. Là encore, il existe une contradiction entre la contrainte financière et ce qui est souhaitable pour l'environnement.

Les collectivités territoriales ont lancé le mouvement « penser global et agir local ». Souhaitons qu'il continue à s'amplifier.

M. Alain Richard . - Nous avons entendu beaucoup de propos encourageants. Il reste des caps à franchir pour que l'action des collectivités soit vraiment décisive. Le premier est le stock d'habitat dispersé : 56 % du logement est individuel. Cela représente entre 75 et 80 % de la surface occupée dans les espaces urbains. Or nous avons de très grandes difficultés à traiter les problèmes d'optimisation énergétique de cet habitat, qui engendre aussi des problèmes de déplacements. Certains de ces espaces sont sans doute convertibles en espaces plus denses, mais pas tous. En outre, une grande partie de la population française aspire à vivre dans une maison individuelle...

Le défi est aussi budgétaire. La plupart des opérations mentionnées sont lourdes financièrement. Un phénomène déplaisant est en train de se produire : les énergies renouvelables pèsent sur le prix de l'électricité, tendanciellement croissant alors que le coût des énergies fossiles est décroissant. Cela ajoute une contrainte à nos enjeux budgétaires. Tout investissement avec un objectif de réduction des consommations n'a pas forcément de retour financier. On est obligé de passer par un mécanisme de subvention implicite.

L'essor de l'économie numérique et des technologies de l'information pourrait résoudre une partie de ces contradictions : elles recèlent un potentiel d'optimisation de la consommation. Mais la dispersion des décideurs locaux freine leur diffusion, et la société française peine à transformer rapidement l'innovation en business .

M. Jean-Marie Bockel, président . - Nous sommes conduits à des arbitrages, des reports qu'on n'aurait pas envisagés il y a quelque temps. Nous serons confrontés à ces contradictions.

M. René Vandierendonck . - Je reviens sur l'exemple du plan d'urbanisme facteur 4 de Brest Métropole. Alors que 20 % du territoire français est couvert par un schéma de cohérence territoriale (Scot), il serait intéressant de faire le point sur la situation actuelle de l'étalement urbain. Cela nous renvoie à la question fondamentale de l'acceptabilité, comme l'a souligné Alain Richard. La question centrale est l'ingénierie territoriale. La loi NOTRe l'abordait à l'échelle départementale. Je partage ce qui a été dit sur le Palulos thermique... Le projet de loi de finances est caractérisé par l'insuffisance des crédits de l'Anah, en contradiction avec les objectifs de la transition énergétique définis récemment.

Mme Caroline Cayeux, co-rapporteur . - Les Scot sont l'un des outils privilégiés en matière d'étalement urbain. Le Scot de l'agglomération que je préside a été retoqué par le préfet au motif qu'il était trop gourmand de terres agricoles. Un équilibre doit être trouvé car sans terre à urbaniser, il n'y a plus de développement économique. Je réponds à notre collègue que certains départements ont mis en oeuvre une ingénierie territoriale, c'est le cas de l'Oise.

M. Éric Doligé . - Ces présentations étaient passionnantes. Quel en sera l'écho ? Il faudrait monter une bourse nationale d'échanges entre les collectivités territoriales. On a parfois le sentiment qu'il est impossible de réaliser un projet : or, combien de collectivités, nous l'avons vu dans tous ces exemples, parviennent à surmonter les difficultés !

M. Jean-Marie Bockel, président . - Je vous remercie.

Le rapport est adopté.

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