... DONT LES TENTATIVES DE DÉFINITION S'ORGANISENT AUTOUR DES TRAVAUX DU CONSEIL DE STABILITÉ FINANCIÈRE...

Il est donc indispensable d'approfondir les caractéristiques des entités ou des activités pouvant être qualifiées comme des éléments constitutifs du système financier parallèle. C'est sous l'impulsion du G20, conscient des risques liés à l'absence de supervision et de couverture réglementaire de segments entiers de financement de l'économie, que le Conseil de Stabilité Financière 5 ( * ) (CSF ou Financial Stability Board, FSB ) a inilancétié des travaux qui visaient notamment à proposer des critères de définition du système financier parallèle. L'approche publiée par le CSF en 2011 a fait consensus et a depuis été reprise par la Commission européenne.

Le CSF définit le système financier parallèle comme « un système d'intermédiation de crédit impliquant des entités et des activités en dehors du système bancaire traditionnel, susceptibles de poser des risques systémiques et/ou de recourir à des arbitrages réglementaires » 6 ( * ) .

Ces activités peuvent être non régulées ou régulées mais avec des contraintes moins fortes que celles du secteur bancaire et doivent présenter une des quatre caractéristiques suivantes :

- avoir recours à la collecte de capitaux présentant des caractéristiques similaires à celles des dépôts ;

- réaliser des opérations de transformation de maturité ou de liquidité ;

- réaliser des opérations de transfert du risque de crédit ;

- avoir recours au levier financier c'est-à-dire à l'endettement afin d'accroître la rentabilité d'une opération d'investissement.

Participent ainsi à la finance parallèle, selon les critères du CSF, des entités aussi diverses que les fonds d'investissement, les fonds de pension, les fonds alternatifs, les fonds monétaires ainsi que les activités de titrisation, les prêts/emprunts de titres, la gestion du collatéral et les opérations de pension... Il convient d'y inclure aussi d'autres entités comme les sociétés d'affacturage, les établissements de micro-crédit, les sites de crowdfunding et, éventuellement, les sociétés de gestion d'actifs, ce dernier point étant encore à l'étude.

... ET DANS LE CADRE DUQUEL CERTAINES ACTIVITÉS PRÉSENTANT UN FORT RISQUE SYSTÉMIQUE ONT ÉTÉ IDENTIFIÉES

Les types d'activités et d'institutions qui font partie du système financier parallèle sont en constante évolution. Les trois exemples présentés ci-après n'ont donc pas vocation à présenter un panorama exhaustif mais ils représentent des segments du système financier parallèle qui ont joué un rôle important dans la crise financière et qui occupent toujours une place significative dans le système financier.

1. Les fonds monétaires et les fonds d'investissement

Les fonds monétaires se sont développés dans les années 1970 aux États-Unis avec, déjà, l'objectif de contourner la réglementation qui limitait la rémunération des dépôts bancaires. Ils exercent désormais un rôle essentiel dans le système financier car ils représentent une importante source de financement à court terme pour les établissements financiers, les entreprises et les administrations. À titre d'exemple, en Europe, 22 % des titres de créance à court terme émis par les acteurs économiques sont détenus par des fonds monétaires, lesquels détiennent par ailleurs 38 % des créances à court terme émises par le secteur bancaire 7 ( * ) . Alors même qu'ils font partie d'un secteur régulé, notamment au niveau européen par les directives UCITS 8 ( * ) et AIFM 9 ( * ) , les fonds monétaires occupent une place prépondérante dans le système financier parallèle tel qu'il est appréhendé actuellement. Cela est dû, d'une part, à l'interconnexion systémique des fonds monétaires avec le secteur bancaire mais aussi avec celui des entreprises et, d'autre part, aux enjeux liés à leur stabilité et leur liquidité. En effet, les fonds monétaires sont souvent considérés comme des équivalents de dépôts bancaires, et y sont donc associés des attributs de stabilité et d'absence de risque. Pourtant, la crise financière de 2008 a montré que certains types de fonds, notamment ceux à valeur liquidative constante 10 ( * ) , qui sont fortement développés notamment en Irlande et au Luxembourg, représentent un risque tant pour les investisseurs à titre individuel que pour la stabilité financière car ils sont vulnérables à des désengagements massifs et brutaux et peuvent se trouver dans l'obligation de procéder à des ventes forcées d'actifs.

Les fonds d'investissement contribuent aussi au système financier parallèle dans la mesure où certains fonds d'investissement réalisent des opérations de transformation de maturité et de liquidité, ont recours à l'endettement (levier financier) et s'engagent de façon croissante dans des opérations de crédit. Sur ce dernier point d'ailleurs l'entrée en application en décembre 2015 du règlement européen sur les Fonds européens d'investissement de long terme (FEILT) offre désormais la possibilité, sous certaines conditions, aux fonds d'investissement d'octroyer des prêts. Ils sont aussi vulnérables à des demandes de rachat dans la mesure où les fonds dits « ouverts » offrent la possibilité à l'investisseur de demander le rachat de ses parts à tout moment, contrairement aux fonds dits « fermés » où le souscripteur doit attendre l'échéance du fonds.

2. Les opérations de pension livrée et de prêts-emprunts de titres

La pension livrée ( Repo pour Repurchase Agreement ) est une opération dans laquelle deux parties concluent ensemble simultanément deux transactions de sens opposés : une vente de titres au comptant suivie d'un rachat à terme à une date et à un prix convenus d'avance. Le prêteur de cash prend en pension les titres de l'emprunteur qui constituent le collatéral de l'opération. Cette pratique permet aux investisseurs, dans le cas d'une mise en pension, de refinancer à court terme des titres détenus en portefeuille et assure, dans le cas d'une prise en pension, une rémunération de fonds disponibles en bénéficiant d'une garantie. Le prêt-emprunt de titres est une opération dans laquelle un acteur financier prête, moyennant rémunération, des titres dont il récupèrera à terme la pleine propriété.

Les opérations de pension livrée et de prêt/emprunt de titres sont très présentes dans le secteur financier car elles constituent un outil de financement à faible coût utilisé principalement sur le marché de gré à gré par de très nombreux intermédiaires financiers qu'il s'agisse de banques pour leurs activités de tenue de marché ou pour le refinancement auprès des banques centrales, de gestionnaires de fonds à la fois pour trouver des liquidités et pour optimiser les revenus, de courtiers en titres... Par nature, ces opérations emportent un risque de transformation et un risque de levier. La partie cash étant conclue à court terme et les titres pouvant être réutilisés en chaîne. Les associations internationales (SIFMA Securities Industry and Financial Markets, ICMA International Capital Market Association ) reconnaissent elles-mêmes les difficultés à évaluer la taille de ce marché qui pourrait toutefois représenter des encours mondiaux de l'ordre de 15 000 Md€.

3. La titrisation

La titrisation désigne la pratique qui consiste à transformer des actifs (le plus souvent des prêts) figurant au bilan d'une banque en titres financiers négociables. Pour cela, la banque cède un stock de prêts à un véhicule de titrisation dit ad hoc (en anglais special purpose vehicle SPV ). Ce dernier finance son achat en émettant des obligations auprès d'investisseurs qu'il remboursera grâce aux flux financiers générés par les prêts. Les opérations de titrisation sont devenues de plus en plus complexes : toutes sortes d'actifs ont fait l'objet de titrisation, y compris certaines obligations déjà émises par des véhicules de titrisation (opérations de re-titrisation) et les émissions du véhicule de titrisation ont été hiérarchisées en tranches 11 ( * ) . De ce fait, il peut devenir difficile pour l'investisseur de connaître le risque exact auquel il s'expose, d'où le rôle prépondérant qu'ont joué les agences de notation dans le développement de ce marché.

La titrisation est considérée comme faisant partie du système financier parallèle à plusieurs titres. Tout d'abord elle permet de transformer des créances considérées comme non liquides - prêts immobiliers, prêts aux entreprises, prêts automobiles, prêts sur cartes de crédit, etc. - en titres liquides négociables sur les marchés. La titrisation est aussi une technique de refinancement car elle permet à l'établissement bancaire de re-financer les prêts qu'il a consentis. Elle permet aussi de diminuer les créances inscrites au bilan d'une banque - qui deviennent alors moins « consommatrices » de fonds propres au regard des exigences prudentielles - et, en corollaire, de transférer le risque de crédit. Enfin, la titrisation contribue à diffuser le risque à plusieurs milliers d'investisseurs de par le monde.

***


* 5 Le Conseil de stabilité financière, créé lors de la réunion du G20 à Londres en avril 2009, succède au Forum de stabilité financière institué en 1999 à l'initiative du G7, a pour mission d'identifier les vulnérabilités du système financier mondial et de développer et mettre en place des principes en matière de régulation et de supervision dans le domaine de la stabilité financière. Il coordonne au niveau international les travaux des autorités financières nationales et des normalisateurs internationaux dans le domaine de la régulation et de la supervision des institutions financières. Il regroupe les autorités financières nationales et plusieurs organisations internationales et groupements élaborant des normes dans le domaine de la stabilité financière.

* 6 Source : Rapport annuel 2015 - Haut Conseil de Stabilité Financière.

* 7 Source : Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les fonds monétaires du 4 septembre 2013.

* 8 Undertakings for Collective Investment in Transferable Securities pour les OPCVM.

* 9 Alternative Investment Fund Manager pour les fonds alternatifs.

* 10 Les fonds monétaires à valeur liquidative constante émettent des titres de valeur constante garantie. Ils investissent essentiellement dans des titres adossés à des crédits hypothécaires ou des titres de court terme des entreprises et s'engagent à ce qu'il n'y ait aucun risque de perte de valeur du capital.

* 11 Le « découpage en tranches » consiste à distinguer, pour le même ensemble de crédits titrisés, différentes qualités de crédit ; la tranche « junior » bénéficiant de la rémunération la plus élevée.

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