... MAIS DONT LES RISQUES DOIVENT ÊTRE MESURÉS

Les risques inhérents au système financier parallèle peuvent être classés en deux catégories : des risques intrinsèques aux activités et des risques liés à la transmission potentielle des déséquilibres financiers à l'ensemble du secteur bancaire puis à l'économie en général. Il est indispensable d'apprécier dans quelle mesure ces risques intrinsèques sont systémiques c'est-à-dire de nature à menacer la stabilité financière globale du fait des nombreuses interactions entre la finance parallèle et le secteur bancaire : garantie de crédit ou liquidités accordées par les banques aux véhicules de titrisation, prêts à des entités de la finance parallèle...

Chacune des activités du système financier parallèle comporte des risques spécifiques qui peuvent se manifester autour des fonctions liées à la transformation de maturité, à la transformation de liquidité, au transfert du risque de crédit et un recours excessif à l'effet de levier .

Ainsi l'octroi de crédit réalisé par un acteur du système financier parallèle sans l'analyse associée ni la réglementation adaptée expose potentiellement à une mauvaise évaluation des risques de crédit, à la constitution de bulles spéculatives et à une mauvaise allocation globale du capital. Les opérations de pension et de prêt/emprunt de titres peuvent favoriser la constitution d'effets de levier excessif car les titres sous-jacents remis en collatéral peuvent être utilisés de la même façon plusieurs fois consécutivement. De plus, ces pratiques sont de nature à accroître les risques d'instabilité financière car en cas de défaillance de l'emprunteur (c'est-à-dire le prêteur de titres), le prêteur (c'est à dire l'emprunteur de titres), peut se trouver contraint de céder rapidement les titres dans un contexte de forte baisse des prix. De la même façon, certains fonds monétaires à valeur liquidative constante apparaissent comme des produits de placement à moindre risque alors qu'ils présentent une réelle vulnérabilité à des ventes massives et soudaines.

Les questions liées à la liquidité des marchés et au fonctionnement du secteur de la gestion d'actifs sont aujourd'hui au centre des préoccupations. Les épisodes récemment constatés d'absences de liquidités ou de fortes hausses de la volatilité suscitent de plus en plus d'interrogations sur une éventuelle fragilité de ces marchés, même si ces inquiétudes semblent toutefois encore peu perçues par les investisseurs. Le CSF a récemment souligné spécifiquement ses préoccupations sur la surestimation par les acteurs financiers et notamment les investisseurs du degré de liquidité des marchés . Les études et rapports sur ce sujet se sont multipliés. La Banque des Règlements Internationaux (BRI) relève ce sujet dans un récent rapport publié par le Comité sur le système financier mondial 16 ( * ) . BlackRock, le premier gestionnaire d'actif mondial avec plus de 4 000 Md$ d'encours sous gestion, s'en inquiète dans un document de recherche rendu public 17 ( * ) en 2014. La Banque de France constate « une fragilité croissante de la liquidité sur certains segments de marché » 18 ( * ) . Qu'en est-il en réalité ? Ne peut-on par exemple se rassurer en acceptant l'idée que la liquidité serait de fait surabondante en raison des politiques de rachats d'obligations menées par les banques centrales ? Il est difficile de répondre avec certitude à ces questions mais il apparaît toutefois incontestable que les marchés obligataires connaissent une profonde phase de transition. Tout d'abord les banques qui assumaient traditionnellement une fonction de teneurs de marché ont réduit progressivement leurs capacités dans ce domaine notamment sous l'effet des contraintes réglementaires qui renchérissent le coût de ces activités. Dans le même temps, la demande pour ces services continue d'augmenter du fait notamment de la croissance des émissions obligataires, notamment de la part des entreprises et des investissements des gestionnaires d'actifs sur le marché. Une des conséquences de la conjonction de ces évolutions divergentes est donc logiquement une certaine tension sur la liquidité de ces marchés.

Des évolutions structurelles et technologiques influencent en parallèle le fonctionnement des marchés avec une importance croissante des acteurs de trading électronique et des fonds spéculatifs deviennent pourvoyeurs de liquidité, le développement de nouvelles plateformes d'échange et, à terme, le renforcement des obligations de transparence dans le contexte de Mifid. Enfin, un élément conjoncturel majeur est lié aux politiques non conventionnelles menées par les banques centrales et notamment la Banque centrale européenne. En créant un environnement de taux durablement bas, elles incitent les acteurs financiers à investir dans des actifs plus rentables mais en réalité moins liquides (comme par exemple des obligations d'entreprises à haut rendement, des titres de dettes d'entreprises non cotées). L'apport significatif de liquidité sur les marchés financiers qui est associé à cette politique est de nature à masquer les impacts d'une moindre liquidité des marchés et pose inéluctablement la question de savoir comment les conditions de liquidité s'ajusteront à la normalisation à terme de la politique monétaire. Le risque de liquidité, autrefois principalement assumé par les banques qui ont une activité de tenue de marchés, tend désormais à être supporté par les investisseurs qui se reposent sur une promesse implicite qui pourrait se révéler trop optimiste.

Ce contexte a conduit Mark Carney, le président du Conseil de stabilité financière, à alerter en février 2016 19 ( * ) les ministres des finances du G20 sur les vulnérabilités de la liquidité des marchés financiers et sur les enjeux liés à la gestion d'actifs qui regroupe en effet nombre d'activités relevant du système financier parallèle. Le programme de travail du CSF va être consacré en priorité à l'analyse des risques des activités liées à la gestion d'actifs en se focalisant sur gestion des fonds en ce qui concerne la transformation de liquidité, l'effet de levier interne, les risques opérationnels et les prêts/emprunts de titres. Le secteur de la gestion d'actifs semble désormais concentrer une part importante des risques du système financier parallèle et faire l'objet de l'attention soutenue des régulateurs internationaux.


* 16 Committee on the Global Financial System Rapport n°55 liquidité du marché obligataire.

* 17 Corporate Bond Market Structure : the time for reform is now, September 2014.

* 18 Banque de France, Revue de stabilité financière n°19 Avril 2016.

* 19 Courrier du président du CSF aux ministres du G20 en date du 22 février 2016.

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