Rapport d'information n° 725 (2015-2016) de MM. Jean BIZET , Pascal ALLIZARD , René DANESI , Mme Fabienne KELLER et M. Claude KERN , fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 27 juin 2016

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N° 725

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 juin 2016

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur le déplacement de la commission auprès des institutions européennes à Strasbourg (6 et 7 juin 2016),

Par MM. Jean BIZET, Pascal ALLIZARD, René DANESI, Mme Fabienne KELLER et M. Claude KERN,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Michel Billout, Michel Delebarre, Jean-Paul Emorine, André Gattolin, Mme Fabienne Keller, MM Yves Pozzo di Borgo, André Reichardt, Jean-Claude Requier, Simon Sutour, Richard Yung, vice-présidents ; Mme Colette Mélot, M Louis Nègre, Mme Patricia Schillinger, secrétaires , MM. Pascal Allizard, Éric Bocquet, Philippe Bonnecarrère, Gérard César, René Danesi, Mme Nicole Duranton, M. Christophe-André Frassa, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Pascale Gruny, M. Claude Haut, Mmes Sophie Joissains, Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, Jean-Yves Leconte, François Marc, Didier Marie, Robert Navarro, Georges Patient, Michel Raison, Daniel Raoul, Alain Richard et Alain Vasselle.

AVANT-PROPOS

Une délégation de la commission des affaires européennes du Sénat s'est rendue à Strasbourg les 6 et 7 juin 2016. Conduite par M. Jean Bizet, président, cette délégation était composée de MM. Pascal Allizard, René Danesi, Mme Fabienne Keller et M. Claude Kern.

Ce déplacement s'inscrit dans la continuité de celui effectué les 18 et 19 mai 2015 1 ( * ) puisque portant à la fois sur :

- l'importance de Strasbourg en tant que capitale politique de l'Europe,

- l'exemple de sa région comme territoire privilégié de la construction de l'Europe de la vie quotidienne,

- la poursuite des travaux de notre commission dans le suivi des grands dossiers de l'Union par la rencontre des acteurs politiques européens.

C'est ainsi que le lundi 6 juin, la délégation a rencontré Mme Elisabeth Morin-Chartier, premier questeur du Parlement européen, puis tenu une réunion de travail au Conseil régional - présidé par M. Philippe Richert - sur les questions transfrontalières avant d'être reçue par M. Roland Ries, maire de Strasbourg.

Elle a ensuite consacré le mardi 7 juin à des entretiens au Parlement européen sur trois thèmes : la convergence économique, l'union de l'énergie et les enjeux du numérique. Au cours de ces rencontres, nous avons pu débattre avec deux vice-présidents de la Commission européenne, MM. Valdis Dombrovskis, chargé de l'euro et du dialogue social, et Andrus Ansip en charge du marché unique numérique, ainsi qu'avec une quinzaine de députés européens particulièrement actifs sur ces sujets.

L'une des spécificités de cette mission a été en effet l'organisation de tables rondes associant, dans une même rencontre, les commissaires et les parlementaires européens.

L'autre particularité de ce déplacement résidait dans l'initiative que nous avions prise de proposer à M. Harlem Désir, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, et à la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale de se joindre à nous, ce qu'ils ont accepté 2 ( * ) . Leur participation n'a pu qu'enrichir la qualité des échanges avec nos différents interlocuteurs, qu'il s'agisse de notre position commune dans la défense du siège de Strasbourg ou du dialogue avec les acteurs du processus décisionnel européen. Ce fut aussi le cas s'agissant de nos travaux sur les questions transfrontalières, pour lesquels nous avons décidé d'engager une démarche de suivi avec le ministre afin que des réponses concrètes soient apportées aux difficultés du quotidien qui nous ont été soumises.

I. STRASBOURG, DOUBLE CAPITALE

L'un des objectifs de la délégation était de revenir, un an après sa dernière mission à Strasbourg, sur deux questions directement liées au site de Strasbourg et à sa région. D'une part, il s'agissait de suivre au plus près l'évolution de la position de Strasbourg comme siège du Parlement européen (A) : et, d'autre part, de poursuivre le travail entrepris l'an dernier autour des questions transfrontalières, c'est-à-dire d'un aspect de l'Europe telle qu'elle est vécue au quotidien par nos concitoyens (B).

A. STRASBOURG, CAPITALE POLITIQUE DE L'EUROPE

1. L'engagement de la commission des affaires européennes du Sénat pour la défense du siège de Strasbourg

Conformément à l'accord intervenu au Conseil européen d'Édimbourg des 11 et 12 décembre 1992, Strasbourg est le siège officiel du Parlement européen et accueille 12 sessions plénières. Strasbourg fait ainsi figure de capitale politique de l'Europe , Bruxelles étant davantage associée à la présence de la Commission européenne et de ses services. Outre l'adoption d'une base juridique suite au Conseil d'Édimbourg 3 ( * ) , les années 1990 ont aussi été marquées par l'inauguration du bâtiment central du Parlement abritant son hémicycle, l'actuel Bâtiment Louise Weiss.

Ceci n'a cependant pas mis fin aux débats sur la localisation du Parlement, qui se sont même intensifiés à la fin de la précédente législature avec l'adoption, le 20 novembre 2013, d'une résolution votée au Parlement européen par 483 voix contre 141 visant à contester la répartition actuelle des lieux de travail de l'institution et, indirectement, à mettre fin à la présence de l'Assemblée à Strasbourg.


La résolution du 20 novembre 2013

Par la résolution du 20 novembre 2013, le Parlement revendiquait la capacité de choisir lui-même le lieu de son siège en déclarant que le Parlement « estime qu'il y a lieu de reconnaître au Parlement européen, en tant qu'unique organe de représentation directe des citoyens européens, la prérogative de déterminer ses propres modalités de travail, y compris le droit de décider où et quand il se réunit » .

Prenant acte du fait qu'une décision de modification ne peut venir que du Conseil européen et être ratifiée par l'ensemble des États membres, la résolution précise que le Parlement « s'engage dès lors à lancer une procédure de révision ordinaire des traités au titre de l'article 48 du traité sur l'Union européenne afin de proposer de modifier l'article 341 du traité FUE et le protocole n° 6 de sorte que le Parlement puisse décider de la fixation de son siège et de son organisation interne » .

La délégation considère que la défense du siège de Strasbourg se justifie non seulement par la défense du respect du droit des traités européens mais aussi par le fait qu'il s'agit d'un enjeu pour la place de la France dans l'Union européenne . Elle a tenu à porter ce message à M. Roland Ries, maire de Strasbourg, ainsi qu'à Mme Elisabeth Morin-Chartier, premier questeur du Parlement européen et notamment en charge des bâtiments.

Aussi, l'une des raisons de son déplacement annuel à Strasbourg était d'être en mesure de suivre au plus près l'évolution de la situation.

2. Les principaux enseignements de la délégation à Strasbourg :
a) L'évolution de la situation depuis la mission de notre commission de mai 2015

Depuis la dernière mission de la commission des affaires européennes du Sénat à Strasbourg 4 ( * ) , les 18 et 19 mai derniers, plusieurs éléments sont aujourd'hui à noter :

1°) Si aucune initiative officielle n'a été réitérée par les opposants au siège de Strasbourg sous la nouvelle législature 5 ( * ) , nos interlocuteurs continuent d'estimer seulement entre 100 et 150 le nombre d'eurodéputés « pro-Strasbourg » à un moment où, de surcroît, l'influence de notre pays au sein du Parlement recule, du fait notamment de la composition de la délégation française issue des résultats de 2014.

2°) En termes d'accessibilité du site de Strasbourg, une double évolution est intervenue à compter du mois d'avril 2016.

Des progrès ont été enregistrés quant à la liaison ferroviaire avec Bruxelles par l'inauguration en avril de cette année d'une ligne TGV directe et quotidienne Bruxelles-Strasbourg via Roissy-Charles de Gaulle en un peu plus de 4 heures 6 ( * ) alors qu'auparavant il n'existait qu'un aller-retour par mois, affrété par les institutions européennes pour les semaines de session plénière (il s'agissait d'un trajet de 5 heures à 5 heures 30 par un train classique traversant la Wallonie et le Luxembourg).

En revanche, parallèlement à la mise en place de cette ligne à grande vitesse, la liaison aérienne entre Paris-Orly et Strasbourg Entzheim a été supprimée alors que les liaisons aéroportuaires constituaient déjà un point faible du site alsacien, Francfort (situé à 220 kilomètres) étant de fait devenu l'un des principaux points d'arrivée des députés européens pour les sessions.

De ses échanges avec M. Harlem Désir, secrétaire d'État aux affaires européennes, et avec M. Roland Ries, maire de Strasbourg, la délégation tire comme enseignement que le rétablissement d'une liaison Orly-Strasbourg par la compagnie nationale n'est pas aujourd'hui la seule piste de solution.

3°) S'agissant du site même du Parlement, la délégation a pu constater le très fort engagement de notre compatriote Mme Elisabeth Morin-Charter en faveur du siège strasbourgeois. Nous l'avons en particulier entendu avec beaucoup d'intérêt exposer les projets en cours pour améliorer les conditions de travail des eurodéputés à Strasbourg, qui constituent l'un des griefs adressés au site. En effet, alors que les députés européens ne disposent que de 15 m² pour travailler avec leurs deux assistants (la moitié de leur surface à Bruxelles), la réhabilitation du Bâtiment Vaclav Havel devrait permettre de doubler cette surface pour une majorité de députés dès 2018.

Pour sa part, au-delà de ce projet précis de construction du nouvel immeuble, la délégation envisage de continuer à suivre avec attention l'aménagement de l'ensemble de la future zone d'activités, dite du Wacken , jouxtant le Parlement européen. Sa prochaine mission à Strasbourg pourrait être l'occasion de faire un point d'étape sur ce projet qui participe incontestablement de l'attractivité du site de Strasbourg.

b) Les principaux enseignements de la délégation

Tout d'abord, la délégation considère qu'il convient de rester mobilisé dans la défense du siège strasbourgeois du Parlement européen, d'autant que certains sujets très pratiques telles les questions d'hébergement des parlementaires pendant les sessions peuvent continuer à alimenter certaines contestations 7 ( * ) . De même, il semble que la montée en influence des pays issus des derniers élargissements ne joue pas en la faveur de Strasbourg.

Il apparaît néanmoins que cette défense de Strasbourg ne sera pas efficace dans la durée si elle consiste à s'arc-bouter sur le seul respect des traités. Elle doit s'inscrire dans une perspective positive associée à de nouveaux progrès dans la construction européenne. Aussi, la suggestion avancée l'an dernier par M. Philippe Richert, alors président de la Région Alsace, de voir Strasbourg accueillir le siège politique de la zone euro nous paraît par exemple de nature à aller en ce sens 8 ( * ) .

Certes, il convient de ne pas « lâcher la proie pour l'ombre » en formulant de nouvelles propositions pour le site de Strasbourg qui seraient interprétées comme des solutions de remplacement en cas de perte de siège de Parlement. Il nous semble toutefois nécessaire de rappeler, à travers des initiatives, que Strasbourg a vocation à jouer un rôle central dans les nouveaux développements de la construction européenne et que sa position en tant que capitale européenne est appelée à se renforcer en complément du siège du Parlement européen . Indépendamment du résultat du référendum britannique, la nécessaire relance du processus d'intégration européenne, à partir de son coeur historique, peut en effet constituer une réelle chance pour Strasbourg.

B. STRASBOURG, CAPITALE D'UNE NOUVELLE GRANDE RÉGION FRONTALIÈRE

La délégation a aussi poursuivi en 2016 les travaux qu'elle avait engagés l'an dernier à Strasbourg, avec le Conseil régional, sur les questions touchant à la coopération transfrontalière. Cette partie de la mission a pris toutefois une dimension nouvelle puisque la capitale historique de l'Alsace est désormais le chef-lieu de la nouvelle grande Région Alsace Champagne-Ardenne Lorraine, frontalière de l'Allemagne, du Luxembourg, de la Belgique et aussi de la Suisse, pays membre de l'espace économique européen.

1. Le contexte de la mission de notre commission en 2016

Le 18 mai 2015, à l'invitation du Conseil régional d'Alsace, la délégation de la commission des affaires européennes du Sénat avait mené une séance de travail sur les questions transfrontalières qui avait porté :

- d'une part, sur la présentation des grands enjeux des relations transfrontalières et de ses institutions locales, la Conférence du Rhin supérieur (crée en 1975) 9 ( * ) et le Conseil rhénan 10 ( * ) ;

- d'autre part, sur la façon dont l'Europe est vécue au quotidien par nos concitoyens dans le cadre transfrontalier, grâce aux témoignages particulièrement éclairants d'élus de la région et de structures associatives chargées d'informer et d'accompagner particuliers et entreprises dans leurs démarches 11 ( * ) .

À cette occasion, nous avions été frappés par la persistance de multiples obstacles auxquels se heurtent les citoyens européens au sein de l'Europe, y compris dans une région où les échanges sont anciens et fréquents. Aussi notre rapport de juin 2015 concluait-il à l'intérêt « en s'appuyant sur l'exemple de l'Alsace et sur l'expertise des acteurs locaux, de procéder au recensement de ces situations de manière à remédier aux difficultés rencontrées ».

Tel est l'engagement que nous avions pris vis-à-vis de nos interlocuteurs et que nous avons tenu à honorer cette année en organisant une réunion allant plus avant dans l'analyse des principales difficultés vécues par nos concitoyens aux quatre frontières de la nouvelle Région.

2. Le déroulement de la réunion
a) Les acteurs présents

Outre le Conseil régional, la réunion nous a donné l'occasion de dialoguer avec :

- le Centre européen des consommateurs de Kehl , chargé de conseiller les consommateurs sur les transactions transfrontalières des consommateurs français et allemands avec l'ensemble des commerçants de l'Union européenne et de faciliter le règlement amiable des litiges. La structure installée à Kehl est la seule des trente centres existant en Europe à être binationale ;

- le Centre de ressources et de documentation CRD Eures Lorraine, qui mène désormais à l'échelle de la Région Alsace Champagne-Ardenne Lorraine des actions destinées à faciliter la mobilité professionnelle. Il informe notamment les particuliers et les entreprises sur les conditions de vie et de travail dans les régions frontalières en matière de contrat de travail, licenciement, imposition, assurance-chômage, assurance-maladie, maternité, etc ;

- l'Euro institut de Kehl, organisme franco-allemand de conseil et de formation pour les acteurs de la coopération transfrontalière, constitué aujourd'hui sous la forme d'un groupement européen de coopération transfrontalière ;

- l'InfoBest de Strasbourg-Kehl , qui est l'un des quatre centres installés le long de la frontière franco-allemande, jouant un rôle d'intermédiaire entre les usagers des deux rives du Rhin et leurs administrations nationales. À titre d'illustration, cette structure investit, depuis quelques années, dans l'accompagnement des travailleurs transfrontaliers retraités confrontés à un changement de la loi allemande aboutissant à une fiscalisation rétroactive dans ce pays, des pensions versées aux travailleurs transfrontaliers ;

- la maison du Luxembourg , structure d'information des habitants et des entreprises de Thionville (où l'association est implantée) et de sa région sur les conditions de vie, de travail et d'investissements au Grand-Duché de Luxembourg.

b) Les problématiques abordées

L'essentiel des questions abordées ont porté sur le domaine social au sens large.

Le Centre européen des consommateurs (CEC) a ainsi soulevé la question des difficultés d'accès à certains équipements médicaux allemands, en particulier les IRM . Alors que les délais d'attente outre-Rhin sont extrêmement courts, les patients français sont soumis à un régime d'autorisation préalable pour y accéder. S'il semble que cette question doive, sur le fond, être resituée dans le contexte plus large des accords de coopération sanitaire entre la France et l'Allemagne (les flux de patients existant dans les deux sens), nous avons toutefois été sensibles au fait que les patients et les associations ne parviennent pas à obtenir de réponse claire des administrations françaises quant au sens et à la portée de ce régime d'autorisation. À l'écoute d'autres intervenants, une telle opacité semble se retrouver au niveau des conditions de remboursement des soins transfrontaliers 12 ( * ) .

La maison du Luxembourg a mis en lumière des difficultés tenant à l'accès des travailleurs transfrontaliers à certains droits sociaux luxembourgeois . Si la situation s'est récemment améliorée pour les crèches, les difficultés demeurent pour le bénéfice de certaines allocations.

D'une façon plus générale, l'ensemble des intervenants dont l'Infobest et le CRD Eures Lorraine ont évoqué des problèmes de coordination en matière de protection sociale 13 ( * ) et de fiscalité en cas de pluriactivités . Ils ont souligné l'insécurité juridique dans laquelle les transfrontaliers et leurs employeurs sont placés, ainsi que le manque d'information, voire de connaissance, des situations par les caisses de sécurité sociale et les administrations locales. Ces difficultés semblent concerner l'ensemble des pays frontaliers de la région Alsace Champagne-Ardenne Lorraine.

La délégation a aussi été frappée de constater la persistance de difficultés dans la reconnaissance des diplômes et des qualifications professionnelles non seulement pour les professions dites réglementées au sein de l'Union européenne, mais aussi pour certaines professions techniques (telles que soudeur ou puisatier).


Le droit européen en matière de reconnaissance des diplômes
et qualifications professionnelles

Le régime de droit commun

Sur le fondement de la directive 2005/36CE, il existe un système de reconnaissance mutuelle . En vertu de ce principe, l'État d'accueil ne peut refuser au demandeur l'accès à l'activité concernée sous réserve de conditions tenant :

- à la durée de la formation. Par exemple, si la formation reçue était d'une durée inférieure à au moins 1 an par rapport à celle dispensée dans le pays d'accueil, ce dernier peut exiger une expérience professionnelle d'une certaine durée ;

- au contenu de la formation. Si la formation est très différente de celle proposée dans l'Etat d'accueil, ce dernier peut imposer un stage d'adaptation ou une épreuve d'aptitude.

Ces dispositions sont fortement inspirées de la jurisprudence de la Cour de Justice (CJCE Vlassoupoloulo 7 mai 1991) qui oblige les États à mettre en place un système de comparaison entre les qualifications obtenues par les candidats et les qualifications requises, la comparaison ne pouvant en principe porter que sur la durée et le contenu de la formation.

Pour les professions réglementées

Pour ces professions dont l'accès est subordonné à la possession de qualifications professionnelles déterminées définies au niveau national, la directive 2005/36/CE modifiée par la directive 2013/55 détermine la façon dont l'État membre d'accueil reconnaît les qualifications professionnelles obtenues dans l'État membre d'origine. L'Etat d'accueil dispose de davantage de marge d'appréciation que dans le droit commun (où s'applique le principe de la reconnaissance mutuelle)

Une « reconnaissance automatique » existe toutefois pour les professions dont les conditions minimales de formation sont harmonisées au niveau européen : médecin, infirmier responsable de soins généraux, dentiste, vétérinaire, sage-femme, pharmacien et architecte . Pour en bénéficier, les professionnels concernés doivent en faire la demande auprès de l'autorité compétente chargée de la profession dans le pays d'accueil et apporter la preuve de leurs qualifications.

À l'écoute des acteurs de terrain, nous estimons que la situation est d'autant moins satisfaisante que l'une des promesses du marché intérieur demeure précisément l'accès à davantage d'opportunités d'emplois, et que le président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, fait de l'achèvement de ce marché intérieur l'une de ses priorités.

Enfin, au-delà de l'exposé des difficultés rencontrées par les transfrontaliers, la réunion a aussi permis d'attirer l'attention de la délégation sur certaines « bonnes pratiques » des pays voisins, telles que le dispositif mis en place en Allemagne pour prévenir des défauts d'assurance automobiles.

c) Les enseignements pour la délégation et leurs suites

La délégation retient que les causes des difficultés rencontrées sont multiples puisqu'elles peuvent provenir :

- du manque d'informations et de sensibilisation aux questions transfrontalières des intervenants sur le terrain : des services fiscaux aux agents des caisses locales de sécurité sociale, y compris dans les régions pourtant les plus concernées ;

- des différences entre les États membres dans la façon de transposer une même directive européenne sans anticipation des difficultés qui peuvent en résulter pour les activités transfrontalières ;

- de l'insuffisance en France de la capacité d'impulsion et de coordination interministérielle 14 ( * ) .

Aussi, conformément à ce qui avait été annoncé en 2015, nous avons décidé d'engager un travail avec le Gouvernement afin d'apporter des solutions aux difficultés identifiées .

Le soir même de la réunion, le président Jean Bizet a ainsi présenté l'état des différentes questions à M. Harlem Désir, secrétaire d'État aux affaires européennes.

Nous comptons effectivement sur le secrétaire d'État pour mobiliser les différents départements ministériels de façon à ce que, parallèlement au travail qui peut être réalisé par notre commission, des avancées significatives soient obtenues d'ici notre prochaine réunion de suivi sur le terrain.

*

II. LES DÉBATS AVEC LES DÉCIDEURS EUROPÉENS

Notre délégation a aussi profité de la session du Parlement européen de Strasbourg pour continuer les travaux menés au Sénat sur plusieurs grands dossiers européens.

La session plénière de Strasbourg constitue une occasion unique de voir réunis au sein même du Parlement l'ensemble d'eurodéputés et des membres de la Commission européenne 15 ( * ) . Notre délégation a saisi cette occasion pour y organiser des échanges avec les décideurs.

Afin de procéder à de véritables échanges avec les parties prenantes du processus décisionnel européen, nous avons tenu à associer, autant que possible dans une même réunion, les députés européens les plus actifs sur un sujet et le commissaire européen qui en a la charge.

Trois tables rondes ont ainsi été organisées qui ont porté sur la convergence économique, l'union de l'énergie et le numérique ; ces deux derniers sujets constituant les priorités du travail de notre commission des affaires européennes

A. LA CONVERGENCE ÉCONOMIQUE EN EUROPE

La table-ronde sur la convergence économique a réuni, outre le ministre et les délégations de l'Assemblée nationale et du Sénat, le commissaire Valdis Dombroskis 16 ( * ) , vice-président de la Commission européenne, et les députés européens Pervenche Bérès 17 ( * ) , Reimer Böge 18 ( * ) , Sylvie Goulard 19 ( * ) , Françoise Grossetête 20 ( * ) et Alain Lamassoure 21 ( * ) . Elle a porté sur quatre thèmes principaux : le cadre général de la convergence économique, la gouvernance de la zone euro, le budget de l'Union européenne et l'investissement.

1. Le cadre général de la convergence économique

Le vice-président Dombrovskis a rappelé que, conformément aux préconisations de l'examen annuel de croissance de la Commission pour 2016, la convergence économique au sein de l'Union reposait sur trois piliers : l'investissement, les réformes structurelles et la gestion responsable des finances publiques.

L'examen annuel de croissance européenne

L'examen annuel de croissance adopté par la Commission au mois de novembre lance le cycle annuel de gouvernance économique, définit les priorités économiques générales de l'Union européenne et fournit aux États membres des orientations politiques pour l'année suivante.

Il convient de noter qu'afin de mieux intégrer les aspects nationaux et spécifiques à la zone euro en matière de gouvernance économique de l'UE, l'examen annuel de la croissance 2016 s'est accompagné d'une série de recommandations pour la zone euro. Il s'agit d'un changement important par rapport aux cycles précédents du semestre, durant lesquels les recommandations relatives à la zone euro étaient proposées vers la fin du semestre européen, en même temps que les recommandations par pays (soit fin juin ou début juillet 22 ( * ) ).

Le vice-président Dombrovskis a fait valoir que le policy-mix actuel permettait de soutenir la reprise de la croissance de l'Union 23 ( * ) , tout en reconnaissant que la question se posait de la transmission des effets de la politique monétaire de la BCE à l'économie réelle. A côté de ce diagnostic global assez encourageant, M. Jean Bizet a rappelé que l'existence d'une politique monétaire unique se conjuguait encore avec de graves insuffisances dans la coordination des politiques économiques et budgétaires nationales, venant elles-mêmes s'ajouter à de fortes disparités fiscales et sociales. Mme Danielle Auroi a, pour sa part, estimé nécessaire de renforcer la dimension sociale de l'Europe face à la montée de la pauvreté.

2. La gouvernance de la zone euro

Le Commissaire a rappelé le calendrier des travaux actuels sur la réforme de l'Union économique et monétaire 24 ( * ) :

- une première phase portant sur la simplification de la procédure du semestre européen, la plus grande prise compte des indicateurs sociaux, l'achèvement de l'union bancaire et la représentation extérieure de la zone euro (qui sera prochainement l'objet d'un rapport présenté au Conseil européen) ;

- une seconde phase relative, d'une part, au renforcement de l'UEM (question capacité budgétaire de la zone euro et création d'un Trésor européen) et, d'autre part, aux relations entre la zone euro et les autres Etats membres. Ces points feront l'objet d'un livre blanc prévu pour le printemps 2017.

Mme Sylvie Goulard a estimé qu'il y avait urgence à présenter un plan de réformes structuré pour l'avenir de l'UE et de la zone euro sans attendre le printemps 2017 et la publication de ce livre blanc.

À propos de la capacité budgétaire de la zone euro, nous avons pu entendre M. Reimer Böge, co-auteur avec Mme Pervenche Bérès d'un projet de rapport du Parlement européen sur le sujet 25 ( * ) . Tout en précisant que les groupes politiques étaient à ce jour divisés sur les contours de cette capacité budgétaire 26 ( * ) , il a souligné la nécessité prioritaire de réintégrer le mécanisme européen de stabilité (MES) dans le cadre juridique de l'Union.


Le mécanisme européen de stabilité (MES)

Le mécanisme européen de stabilité (MES) est un dispositif européen de gestion des crises financières de la zone euro qui remplace depuis 2012 le Fonds européen de stabilité financière (FESF) et le Mécanisme européen de stabilité financière (MESF) qui avaient été mis en place en réponse à la crise des dettes souveraines publiques dans la zone euro. Il ne concerne que les États membres de la zone euro (comme c'était le cas du FESF mais non du MESF, ouvert à tous les États membres).

Institué par un traité intergouvernemental (le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance-TSCG) distinct des traités européens, le MES est une institution financière internationale ayant la capacité de lever des fonds sur les marchés financiers jusqu'à 700 milliards d'euros, afin d'aider sous conditions des États en difficulté ou de participer au sauvetage de banques privées pour limiter les taux d'intérêts des pays en difficulté.

Dans leur projet de rapport du 5 mai 2016, Mme Pervenche Bérès et M. Reimer Böge proposent que la réintégration du MES dans le cadre juridique européen s'accompagne de sa transformation en un Fonds monétaire européen (FME) géré par les institutions communautaires et susceptible de contribuer à la capacité budgétaire de la zone euro.

M. Harlem Désir, comme M. Valdis Dombrovsis, se sont montrés prudents sur le choix des modalités par lesquelles cette réintégration du MES devrait s'opérer. Sans attendre cette évolution, le ministre a évoqué la possibilité pour le MES d'être utilisé pour soutenir l'investissement. Le commissaire a rappelé qu'il s'agissait d'un instrument destiné à stabiliser les États membres de la zone euro en cas de crise.

Enfin, l'impact de la question britannique sur la zone euro a été abordé . Mme Françoise Grossetête a estimé que s'il restait dans l'Union, le Royaume-Uni souhaiterait sans doute renégocier sa position par rapport à la zone euro. Mme Sylvie Goulard, pour sa part, a estimé qu'il y avait une contradiction entre, d'une part, l'arrangement trouvé au Conseil européen le 19 février dernier selon lequel « il est admis que les Etats membres qui ne participent pas à l'approfondissement de l'Union économique et monétaire n'entraveront pas ce processus, mais le faciliteront, tandis que ce processus, respectera à l'inverse, les droits et compétences des Etats membres participants » 27 ( * ) et, d'autre part, le fait que toute révision de traités, par exemple à propos de l'UEM, exigeait le principe de l'unanimité des États de l'Union, c'est-à-dire y compris de celui qui, tel le Royaume-Uni, exclurait toute perspective d'appartenance à la zone euro.

3. Le budget de l'Union européenne

Dans sa présentation, le Commissaire a indiqué :

- d'une part, qu'à l'occasion de la revue à mi-parcours ( mid term review ) du budget de l'Union européenne, il convenait d'utiliser au maximum les ressources disponibles ;

- qu'au-delà, pour le cadre financier pluriannuel postérieur à 2020, se poseraient les questions du renforcement des ressources propres et du montant des instruments de convergence. Sur ce point, il a considéré que l'Union ne pourrait faire l'impasse sur la question d'un budget plus ambitieux alors que les plafonds actuels (1,04 %du revenu national brut de l'Union) sont inférieurs à ce que prévoit l'accord portant sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 (1,23 % RNB).

M. Alain Lamassoure a tenu à rappeler quelle était la position du Parlement sur cette révision à mi-parcours. Il a précisé qu'il s'agissait bien d'une véritable « révision » (et non d'une simple « revue ») résultant de l'accord interinstitutionnel sur le CFP 2014-2020, tout comme la tenue d'un débat sur les ressources propres prévu dans le cadre des travaux du Groupe à haut niveau Monti 28 ( * ) .


Le Groupe à haut niveau (GHN) Monti

Le groupe à haut niveau sur les ressources propres de l'Union européennes a été initié en février 2014. Il est présidé par l'ancien Président du Conseil italien et commissaire européen Mario Monti et composé d'une dizaine de membres désignés par les trois institutions (Parlement européen, Conseil, Commission) :

• Pour le Parlement européen :

- M. Ivailo Kalfin, deputé, Premier ministre de Bulgarie, ministre du travail et des affaires sociales,

- M. Alain Lamassoure (EPP),

-M.  Guy Verhofstadt (ALDE),

• Pour le Conseil :

- M. Daniel Dãianu, membre du Bureau de la Banque nationale de Roumanie,

- M. Clemens Fuest, économiste,

- Mme Ingrida Ðimonytë, députée, présidente de la Banque de Lituanie,

• Pour la Commission :

- Mme Kristalina Georgieva, vice-présidente de la Commission, en charge du budget et des ressources humaines,

- M. Pierre Moscovici, commissaire européen chargé des affaires économiques et financières, de la fiscalité et des douanes,

- M. Frans Timmermans, Premier vice-président de la Commission, commissaire européen chargé de l'amélioration de la législation, des Relations interinstitutionnelles, de l'État de droit et de la Charte des droits fondamentaux.

Il a précisé que ce groupe 29 ( * ) présentera à l'automne des propositions sur le financement du budget européen ainsi que sur le financement des coopérations renforcées dans le cadre de la zone euro. Il a indiqué qu'un débat interparlementaire serait organisé début septembre sur ce sujet et qu'un questionnaire serait envoyé aux parlementaires nationaux en amont de ce débat 30 ( * ) .

Se prononçant sur le budget de l'Union, M. Reimer Böge s'est déclaré en faveur d'une révision des montants inscrits aux rubriques 3 31 ( * ) et 4 32 ( * ) afin de répondre à la crise des migrants.

4. Les investissements

Abordée sous plusieurs aspects au cours du débat à propos de la politique de la BCE, des critères de convergence ou de l'évolution du MES, la question des investissements a aussi été plus spécifiquement développée par le commissaire sous l'angle du plan Juncker. Annonçant le rapport qui sera fait au Conseil européen des 28 et 29 juin, il a estimé qu'après un an, ce plan produisait des premiers résultats positifs avec plus de 100 milliards d'investissement réalisés.

B. L'UNION DE L'ÉNERGIE

La table-ronde sur l'union de l'énergie nous a donné l'occasion d'échanger avec les députés européens Theresa Griffin 33 ( * ) , Françoise Grossetête 34 ( * ) , Edouard Martin 35 ( * ) , Dominique Riquet 36 ( * ) et Claude Turmes 37 ( * ) . Il s'agit d'un thème prioritaire du programme de travail de notre commission des affaires européennes mais aussi de la Commission Juncker, le cadre financier pluriannuel 2014-2020 prévoyant que 20 % des financements de l'Union doivent concourir à la lutte contre le changement climatique. Les dix-huit mois écoulés ont d'ailleurs été riches en annonces et en incitations dans le domaine.

1. L'union de l'énergie et son contexte
a) Le cadre posé par les deux paquets énergie-climat

L'union de l'énergie vise à achever un marché intérieur intégré de l'énergie, qui permettrait à l'Union de disposer de façon sûre d'une énergie compétitive et la plus « propre » possible. Les objectifs de sécurité d'approvisionnement et de compétitivité économique procèdent des lignes directrices tracées dans les « paquets énergie-climat » de 2009 et 2014.

(1) Le premier paquet énergie climat (2009)

Le premier paquet énergie-climat de 2009 a réparti les efforts entre États-membres et leurs secteurs productifs et fixé trois objectifs chiffrés pour la politique de l'énergie à l'horizon 2020 :

- une réduction des émissions de CO 2 de 20 % par rapport à 1990 ;

- une part de 20 % d'énergies renouvelables dans l'énergie consommée ;

- une réduction de 20 % de la consommation énergétique par rapport aux projections faites en 2007 (objectif qui n'était assorti d'aucune valeur juridiquement contraignante).

Il était composé de quatre textes : trois directives et une décision du 23 avril 2009 :

- la directive 2009/29/CE pour améliorer et étendre le système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (SCEQE) ;

- la directive 2009/28/CE pour la promotion des énergies renouvelables ;

- la décision 406/2009/CE sur l'effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre ;

- la directive 2009/31/CE définissant les règles de stockage géologique du dioxyde de carbone.

Par ailleurs, deux autres textes adoptés simultanément se rapprochaient par leurs objectifs du paquet énergie-climat :

- le règlement 443/200 fixait des normes de performance en matière d'émissions pour les voitures particulières neuves ;

- la directive 2009/30/CE contenait des spécifications relatives à l'essence, au carburant diesel et aux gazoles, avec un mécanisme permettant de surveiller et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

(2) Les nouveaux objectifs posés en 2014

Le 24 octobre 2014, le Conseil européen a adopté un second cadre énergie-climat dans un accord fixant trois grands objectifs pour 2030 :

- réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40 % (par rapport aux niveaux de 1990) ;

- porter la part des énergies renouvelables à au moins 27 % ;

- améliorer l'efficacité énergétique d'au moins 27 %.

Ce cadre est conforme à la perspective à long terme définie dans la feuille de route intitulée « Vers une économie compétitive à faible intensité de carbone à l'horizon 2050 » et le livre blanc sur les transports 38 ( * ) bien que seul l'objectif de réduction de 40 % des gaz à effet de serre ait une valeur contraignante.

b) L'union de l'énergie lancée en 2015
(1) La communication de la Commission du 15 février 2015

Publié par la Commission le 25 février 2015, le paquet « Union de l'énergie » est composé de trois communications :

- le « cadre stratégique pour l'Union de l'énergie », qui précise les objectifs de l'Union de l'énergie et les mesures concrètes qui seront prises pour les atteindre ;

- une communication présentant la vision de l'UE concernant le nouvel accord mondial sur le changement climatique ;

- une communication présentant les mesures nécessaires pour atteindre l'objectif de 10 % d'interconnexion électrique d'ici 2020.

En mars 2015, le Conseil européen a choisi de faire reposer l'Union de l'énergie sur cinq piliers, reprenant des politiques qui ont façonné l'Europe de l'énergie depuis une vingtaine d'années, à savoir :

- la pleine intégration du marché européen de l'énergie avec pour corollaire la construction de réseaux gaziers et électriques transfrontaliers ;

- la décarbonisation de l'économie ;

- l'efficacité énergétique comme moyen de modérer la demande ;

- la sécurité énergétique ;

- et enfin la recherche, l'innovation et la compétitivité.


L'énergie dans l'Union européenne en chiffres

• 6 États membres dépendent d'un seul fournisseur extérieur pour toutes leurs importations de gaz.

• l'UE importe 90 % de son pétrole brut et 66 % de son gaz naturel.

• 75 % des logements de l'UE présentent un faible rendement énergétique.

• 94 % des transports sont tributaires des produits pétroliers, dont 90 % sont importés.

• Les prix de gros de l'électricité sont supérieurs de 30 % à ceux des États-Unis et les prix de gros du gaz de 100 %.

(2) Les initiatives en cours

ï Dans le cadre de la stratégie de l'Union de l'énergie, la Commission européenne a présenté, le 15 juillet 2015, des propositions visant à :

- « offrir une nouvelle donne aux consommateurs d'énergie », en visant trois objectifs : aider les consommateurs à économiser de l'argent et de l'énergie par une meilleure information, donner plus de choix aux consommateurs en ce qui concerne leur participation aux marchés de l'énergie, et maintenir un niveau maximal de protection des consommateurs ;

- réorganiser le marché européen de l'électricité. Pour lancer une réforme du système électrique européen inclusive, la Commission a ouvert cet été une consultation publique susceptible de recueillir les diverses positions des parties prenantes ;

- actualiser l'étiquetage énergétique, en particulier par une proposition de révision de la directive actuelle pour revenir à un système plus lisible pour le consommateur et donc plus porteur en termes d'efficacité énergétique ;

- revoir le système d'échange de quotas d'émission de l'Union conformément au cadre d'action en matière de climat et d'énergie à l'horizon 2030, adopté en octobre 2014, afin de corriger les manquements souvent soulignés du marché carbone.

Le train de mesures sur la sécurité énergétique

La Commission a présenté, le 16 février 2016 , un ensemble de mesures sur la sécurité énergétique présentant un volet plus stratégique de l'union de l'énergie . Il s'agit à travers ce paquet de textes d'appréhender la transition énergétique et de préparer l'Union à d'éventuelles ruptures d'approvisionnement.

Ce train de mesures comportait quatre initiatives :

- un règlement sur la sécurité de l'approvisionnement en gaz : la grande dépendance de l'Union à l'égard de ses importations de gaz doit conduire à améliorer la résilience des marchés aux ruptures éventuelles, à accroitre ses capacités de production propres et à promouvoir une plus grande solidarité entre les États membres en cas de pénurie ;

- une décision sur les accords intergouvernementaux dans le secteur de l'énergie , pour les rendre plus transparents, en donnant à la Commission un rôle plus important de garante de l'intérêt général de l'Union ;

- une stratégie relative au gaz naturel liquéfié (GNL) et au stockage de gaz , pour améliorer l'accès de tous les États membres au GNL grâce à la construction des infrastructures stratégiques nécessaires ;

- une stratégie en matière de chauffage et de refroidissement : chauffage et refroidissement des bâtiments d'habitation ou de production représentent près de la moitié de la consommation énergétique de l'UE. Le secteur doit donc être prioritaire pour l'amélioration de l'efficacité énergétique et le recours accru aux sources d'énergie renouvelables.

2. La table-ronde

Les échanges ont porté sur les grands principes qui doivent préciser la politique énergétique en Europe ainsi que sur des questions d'actualité telles que la ratification de l'Accord de Paris sur le climat ou les échanges de quotas d'émission de carbone.

a) Les principes de la politique énergétique

Dans son propos introductif, la présidente Danielle Auroi a souligné l'importance que revêt à ses yeux la recherche de l'efficacité énergétique , faisant valoir que « la première source d'énergie est celle que nous n'utilisons pas », et rappelant ainsi son très grand intérêt pour les propositions de la Commission attendues après l'été en matière d'étiquetage énergétique et de financements des mesures d'efficacité à destination des ménages. Mme Theresa Griffin a, pour sa part, insisté sur la nécessité de prendre en compte deux phénomènes nouveaux : la précarité énergétique et le développement des pro-sumers , à la fois consommateurs et producteurs locaux d'électricité 39 ( * ) .

M. Dominique Riquet a rappelé que la difficulté principale de l'union de l'énergie résidait dans l'existence d'une politique commune alors que la définition des modèles demeure nationale et partant, très hétérogènes. M. André Schneider a fait valoir que, de surcroît, les mix énergétiques nationaux étaient eux-mêmes changeants, prenant l'exemple de l'Allemagne et de son attitude actuelle favorable aux énergies fossiles, aux antipodes de ce qu'elle était il y a une dizaine d'années. Quant à M. Claude Turmes, il s'est montré assez critique à l'encontre du modèle énergétique français largement fondé sur le nucléaire et ce, aussi bien en termes de sécurité 40 ( * ) que de compétitivité, rapportant par exemple le prix élevé de l'EPR à la forte baisse des coûts de production de l'énergie solaire.

M. Dominique Riquet a aussi estimé qu'un autre facteur de complexité de l'union de l'énergie était la difficile recherche d'équilibre entre ses cinq objectifs affichés . S'agissant des instruments, il a plaidé pour un dépassement de la distinction binaire entre subventions publiques et mécanismes de marché (privés) et plaidé pour des financements mixtes et en particulier pour la mobilisation du plan Juncker au profit d'investissements allant au-delà des seules interconnections.

Le président Jean Bizet a rappelé qu'indépendamment des fortes différences qui existent en son sein, l'Union ne devait pas perdre de vue son objectif de compétitivité économique globale. Nous négocions actuellement le traité transatlantique avec un partenaire dont le prix de l'énergie en Europe est en moyenne deux à trois fois inférieur au nôtre .

b) La ratification de l'Accord de Paris sur le climat

L'importance de la ratification de l'Accord de Paris issu de la COP 21 a été soulignée notamment par M. Harlem Désir et par la présidente Auroi, le ministre rappelant la mobilisation des autorités françaises pour que l'Union européenne puisse l'accomplir avant la fin de l'année .

M. Claude Turmes a fait valoir qu'une ratification rapide était aujourd'hui empêchée par des processus institutionnels internes à l'Allemagne qui ne devraient aboutir qu'en février ou mars 2017. Il a plaidé pour l'élaboration d`une stratégie franco-allemande.

c) Le prix du carbone et la réforme de l'ETS

En lien direct avec le point précédent, une grande partie de la réunion a porté sur les quotas d'émission du carbone dans le contexte de la réforme du système européen dit ETS.


Le système communautaire d'échange de quotas d'émission

Le système communautaire d'échange de quotas d'émission (en anglais Européen Trading Scheme - ETS) est un mécanisme de droits d'émissions de CO 2 instauré dans le cadre de la ratification par l'UE du protocole de Kyoto. Lors de son lancement en 2005, l'ETS constituait le plus grand système d'échange de crédit-carbone dans le monde.

L'actuelle « révision » du système ETS consiste en un renforcement du système dans l'optique d'obtenir une réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre en 2020 (par rapport à 1990).

Le Parlement européen s'est prononcé le 24 février 2015 pour la création d'une « réserve de stabilité de marché » pour fin décembre 2018, soit trois ans plus tôt que ce qui était proposé par la Commission. Ce nouveau mécanisme permettrait de réguler le marché en retirant des quotas d'émission de CO 2 en période de récession et, à l'inverse, en en redistribuant en période de croissance. La France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne souhaitent que la réserve soit mise en oeuvre dès 2017, mais plusieurs pays est-européens, menés par la Pologne, sont réticents et préconisent d'attendre 2021.

La Commission européenne a proposé, en juillet 2015, dans un « paquet d'été » sur l'énergie, une réforme du marché du carbone pour l'après-2020 qui durcit sensiblement les conditions d'octroi des quotas d'émission, en vue de transcrire dans des actes juridiques l'objectif que s'est fixée l'Union européenne de réduire ses émissions d'au moins 40 % d'ici à 2030.

Elle propose notamment de réduire de 21 % la quantité globale de quotas de CO 2 (droits à émission) alloués entre 2021 et 2030, par rapport à la période 2013-2020, soit - 2,2 % par an. Une partie croissante de ces quotas (57 %) sera dès aujourd'hui soumise à un système d'enchères, et seulement 47 % seront attribués gratuitement.

Les allocations gratuites seront réservées aux secteurs qui présentent le plus grand risque de délocalisation de leurs activités de production en dehors de l'Union européenne. Le nombre d'industries éligibles à 100 % de quotas gratuits sera réduit de 180 à 50. L'acier, l'aluminium et la chimie en feront partie. Un Fonds pour l'innovation sera alimenté par le produit des enchères de 400 millions de quotas (estimé à environ 10 milliards d'euros) et destiné à soutenir l'investissement dans les énergies vertes ou encore la séquestration du carbone. Cette réforme, ajoutée à la « réserve de stabilité » par le Parlement européen pour mise en oeuvre à compter de 2019, devrait faire remonter le prix du carbone. Le prix de 17 euros en 2020 et 30 euros en 2030 est souvent avancé alors que la tonne de CO 2 se négocie aujourd'hui entre 5 et 10 euros, niveau jugé insuffisant pour orienter les investissements vers des industries moins émissives.

M. Claude Turmes a considéré que la proposition faite par la Commission en 2015 41 ( * ) ne permettait pas de résoudre le problème posé par l'excédent d'ETS qui devrait être de 3 à 4 milliards d'euros au milieu des années 2020. La proposition française d'instaurer un corridor de prix pour la tonne de carbone lui semble mal engagée dans un contexte de surcapacité structurelle de la production électrique. Devant la difficulté d'atteindre une majorité en ce cas au Conseil, il a préconisé l'instauration d'un prix franco-allemand sur une base bilatérale 42 ( * ) destinée à être rapidement adoptée par les autres États membres .

Mme Françoise Grossetête a souligné la nécessité d'assurer un équilibre entre la lutte contre le réchauffement climatique et la défense de la compétitivité de l'industrie , rappelant que cet équilibre était actuellement recherché au sein d'un groupe de travail rassemblant des députés européens des commissions précisément en charge de l'environnement et de l'industrie. Elle a ainsi plaidé pour l'augmentation du nombre de quotas gratuits.

M. Edouard Martin a, pour sa part, rappelé son opposition à toute attribution de quotas gratuits tout en souscrivant à l'objectif de compétitivité. À cette fin, il recommande d'étendre la prise en compte du coût du carbone à l'ensemble des productions, y compris des importations 43 ( * ) . Il a ainsi posé la question de la taxe carbone dont la présidente Danielle Auroi a souligné tout l'intérêt.

C. LE MARCHÉ UNIQUE NUMÉRIQUE

La table-ronde sur le numérique nous a permis, d'une part, de retrouver à Strasbourg après presque un an jour pour jour M. Andrus Ansip, vice-président de la Commission européenne en charge du marché unique numérique et, d'autre part, d'échanger avec des députés européens particulièrement actifs sur ce sujet : MM. Michal Boni 44 ( * ) , Philippe Juvin 45 ( * ) et Gunnar Hökmark 46 ( * ) , Mme Virginie Rozière 47 ( * ) et M. Andreas Schwab 48 ( * ) .

1. Une période dense en propositions de la Commission

En propos introductifs, le président Bizet a exprimé ses préoccupations touchant en particulier à la protection des données, à la régulation des plateformes et à la protection des consommateurs faisant notamment état de l'avis motivé récemment adopté par le Sénat sur les contrats de vente en ligne 49 ( * ) . Le ministre et plusieurs membres de la délégation ont aussi fait état du souci de voir le droit d'auteur être effectivement protégé dans l'espace numérique.

En guise de première réponse, le vice-président Ansip est revenu dans les grandes lignes sur la mise en oeuvre du paquet « marché unique numérique » qu'il nous avait présenté au moment de son adoption il y a un an.


La stratégie pour un marché unique numérique

La stratégie européenne pour un marché unique numérique adoptée par le Conseil européen des 25 et 26 juin 2015 prévoyait 16 mesures regroupées en trois piliers.

Premier pilier : améliorer l'accès aux biens et services numériques dans toute l'Europe pour les consommateurs et les entreprises

1. établir des règles visant à faciliter le commerce électronique transfrontière. Il s'agit notamment de règles harmonisées de l'UE concernant les contrats et la protection des consommateurs,

2. assurer le respect des règles de protection des consommateurs de manière accélérée et homogène,

3. veiller à des services de livraison des colis plus efficaces et moins onéreux,

4. en finir avec le blocage géographique (géo-blocage) par lequel des vendeurs en ligne empêchent les consommateurs d'accéder à un site internet sur la base de leur localisation,

5. identifier les problèmes de concurrence potentiels affectant les marchés du commerce électronique,

6. donner un caractère moderne et plus harmonisé à la législation sur le droit d'auteur,

7. étudier les moyens d'améliorer l'accès transfrontière aux services de radiodiffusion en Europe,

8. réduire la charge administrative imposée aux entreprises par les différents régimes de TVA, afin que les vendeurs de biens physiques dans d'autres pays bénéficient également du système électronique d'enregistrement et de paiement unique.

Deuxième pilier : créer un environnement propice au développement des réseaux et services numériques innovants et des conditions de concurrence équitables

9. présenter une révision ambitieuse de la réglementation européenne en matière de télécommunications notamment afin d'inciter à l'investissement dans le très haut débit,

10. réexaminer le cadre des médias audiovisuels en mettant l'accent sur le rôle des différents acteurs du marché dans la promotion des oeuvres européennes,

11. effectuer une analyse détaillée du rôle des plateformes,

12. renforcer la confiance et la sécurité dans les services numériques, notamment en ce qui concerne le traitement des données à caractère personnel,

13. proposer un partenariat avec l'industrie sur la cyber sécurité dans le domaine des technologies et des solutions pour la sécurité des réseaux en ligne.

Troisième pilier : maximiser le potentiel de croissance de l'économie numérique

14. proposer une initiative européenne en faveur de la libre circulation des données dans l'Union européenne,

15. définir les priorités en matière de normes et d'interopérabilité dans des domaines tels que la santé en ligne, la planification des transports ou l'énergie,

16. enfin, favoriser une société numérique inclusive notamment au travers d'un nouveau plan d'action pour l'administration en ligne.

Nous retenons principalement du propos liminaire du vice-président Ansip :

- qu'il s'est félicité de l'orientation générale du Conseil sur le règlement portabilité , et fait le lien entre ce texte et la fin annoncée des frais de roaming l'an prochain ;

- qu'il a défendu la proposition sur le géo-blocage , souhaitant l'application du principe de traitement égal quelle que soit la nationalité ;

- estimé que le principe de la loi du vendeur permettrait de surmonter la fragmentation du marché européen sans pour autant imposer une obligation de vente, de même que les mesures envisagées pour la livraison des colis (transparence des prix).

Sur la révision du droit d'auteur , il s'est engagé à préserver l'équilibre entre meilleur accès et préservation des droits des auteurs.

2. Les débats au Parlement européen

Des échanges avec les députés européens et entre ceux-ci et le commissaire, on retiendra comme débat actuellement dominant celui portant sur l'attitude à adopter face aux acteurs les plus puissants, à commencer par les plateformes .

M. Philippe Juvin s'est interrogé, parmi un certain nombre de risques liés aux plateformes, sur celui de la captation de valeur par celles-ci sur les oeuvres tombées dans le domaine public. Sur ce point précis, le vice-président a fait observer que les pratiques des géants du web sont en train d'évoluer, Google s'étant par exemple engagé à retracer les droits des auteurs dont les oeuvres sont accessibles sur ses plateformes en vue du reversement d'une rémunération.

Mme Virginie Rozière a estimé que le principe de la loi du vendeur était en contradiction avec l'objectif de protection du consommateur, ce à quoi le commissaire Ansip a objecté que ce principe était plus favorable au consommateur, ce dernier étant aujourd'hui confronté à des refus de vente ou exposé à des prix élevés, faute de concurrence.

Tandis que Mme Rozière a estimé en outre que la Commission européenne faisait preuve d'une certaine indulgence vis-à-vis des plateformes, MM. Michal Boni et Gunnar Hökmark en ont, quant à eux, appelé à une approche souple en matière de règlementation des nouveaux services.

M. Andreas Schwab a préconisé une approche pragmatique dans la défense de l'Europe numérique et il s'est étonné du décalage entre les conditions imposées à une plateforme comme Spotify (payant 30 % à Apple au titre des droits de courtage) alors que d'autres plateformes concurrentes ne payent rien.

En réponse à ces observations, M. Andrus Ansip a tenu à rappeler que vis-à-vis des géants de l'internet (les global players ), la Commission a pris des initiatives en matière de fiscalité et engagé des actions en matière de concurrence.

Il a tenu à terminer la réunion sur une note optimiste quant au potentiel économique de l'Europe dans le secteur . Il a pris l'exemple du segment des applications mobiles qui pourrait représenter 63 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2018 contre 17,5 aujourd'hui, et permettre ainsi la création de 3 millions d'emplois.

En conclusion de ces travaux, nous tenions à préciser qu'un thème a été évoqué de façon substantielle en dehors du cadre des tables rondes ; il s`agit du détachement des travailleurs, et plus précisément de la proposition de révision de la directive 96/120 déposée par la Commission européenne.

En effet, alors que notre commission venait tout juste d'adopter un rapport et une proposition de résolution européenne sur ce sujet 50 ( * ) , nous avons saisi l'opportunité de pouvoir en débattre avec Mme Elisabeth Morin-Chartier qui est aussi rapporteure du Parlement européen sur le projet de révision de la directive.

Nous avons convenu de poursuivre cet échange sous la forme d'une réunion conjointe au Sénat entre notre commission et les rapporteurs du Parlement de Strasbourg sur ce texte.

Sur ce dossier comme sur d'autres, nous avons achevé notre mission plus que jamais convaincus de l'intérêt de poursuivre et d'intensifier nos travaux communs avec les membres du Parlement de Strasbourg.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le jeudi 23 juin 2016 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par M. Claude Kern, le débat suivant s'est engagé :

M. Louis Nègre . - Que faire pour sauver Strasbourg ? Comment préserver son statut de capitale européenne ?

M. Daniel Raoul . - Les faiblesses de la gouvernance européenne sont notoires. Après le vote du Royaume-Uni, il faudra bien qu'une initiative soit prise sur la zone euro. Quelles sont les pistes envisagées ?

M. Claude Kern . - Oui, un élément nouveau de ce type aiderait à maintenir l'attractivité de Strasbourg, et la proposition sur la zone euro formulée par M. Philippe Richert est bienvenue. En tous cas, améliorer le confort des eurodéputés ne suffira pas.

M. André Gattolin . -Les conditions d'accueil actuelles ne donnent pas envie de rester à Strasbourg. Les eurodéputés y arrivent le mardi et en repartent le jeudi, car ils sont beaucoup mieux installés à Bruxelles. Résultat : les trois-quarts d'entre eux souhaitent l'abandon de Strasbourg.

M. Claude Kern . - La zone du Wacken est en développement, et un espace y est prévu pour accueillir des bureaux et des salles de réunion supplémentaires.

M. André Reichardt , vice-président . - Hélas, il est très difficile d'accéder à Strasbourg. Même les membres de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qui ne tient que quatre parties de session par an, commencent à rejoindre les parlementaires européens dans leur rejet de cette localisation. Mme Josette Durrieu a écrit aux autorités nationales et locales pour s'en émouvoir, en vain. La suppression de la dernière liaison aérienne avec Paris succède à celle de la ligne Roissy-Strasbourg, qui avait été remplacée il y a trois ans par un TGV, où l'on a perdu deux fois mes bagages... Air France tire les conséquences de la réduction du temps de trajet en train puisqu'à compter du 3 juillet, avec l'ouverture du deuxième tronçon de la LGV Est-européenne, celui-ci passera de deux heures et vingt minutes à une heure et cinquante minutes. Nous avons tout fait pour nous opposer à cette décision d'Air France. Depuis cinq ans, ce sont les collectivités territoriales - région, département et communauté urbaine de Strasbourg - qui paient les redevances aéroportuaires. Cela n'aura pas suffi. L'aéroport desservant Strasbourg deviendra donc celui de Francfort. Les parlementaires pourront aussi arriver par Mulhouse ou Zurich. Quant à Roissy, il est mal relié à Strasbourg, car il faut souvent passer par la gare de l'Est. Bref, l'accessibilité de Strasbourg reste un vrai problème. Le président de la délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, notre collègue député René Rouquet, a dénoncé cette situation il y a deux mois dans un courrier, sans résultat.

Notre commission pourrait s'en préoccuper, car Strasbourg ne pourra demeurer une capitale européenne si rien ne change. En faire le siège de la zone euro ? Dieu vous entende ! Encore faudrait-il que cela ne vienne pas en substitution du Parlement européen. Le président de l'Eurométropole a décidé de pousser les feux en accélérant l'extension du Parlement européen dans la zone du Wacken. Tant mieux, c'est un signe fort. Reste à y faire venir les parlementaires européens... Ne nous leurrons pas : les traités ne sont pas une garantie absolue, ils peuvent être modifiés.

M. Claude Kern . - Ne les considérons pas comme une ligne Maginot !

M. André Reichardt , vice-président . - Tous les élus de la région ont interpellé le président d'Air France. Celui-ci part du principe que dès lors qu'il existe une liaison ferroviaire en moins de deux heures, il n'y a plus besoin de ligne aérienne. Aberrant !

M. Alain Vasselle . - Votre rapport évoque la protection sociale des transfrontaliers. Ce sujet a été évoqué en 2015, et la création de groupes de travail a été envisagée. Pourquoi son traitement est-il si lent ? Depuis quand en avons-nous connaissance ?

M. Claude Kern . - Pour ma part, je rêve que le couple franco-allemand annonce la relance de la construction européenne, quel que soit le résultat du référendum britannique. Nous avons engagé un travail avec le Gouvernement sur les travailleurs transfrontaliers. Ce problème ne date pas d'hier. Parlementaire depuis moins de deux ans, je sais qu'il a été suivi par mes prédécesseurs, quelle que soit leur appartenance politique. Pour autant, nul ne l'a pris à bras le corps, et nous sommes aujourd'hui dans une impasse. On a réclamé à des retraités plusieurs dizaines de milliers d'euros d'arriérés d'impôts... Une solution a été trouvée, au grand soulagement de tous. Le président Jean Bizet doit adresser une note sur ces problèmes à M. Harlem Désir dans les prochains jours. Il faut espérer...

M. Alain Vasselle . - L'espoir fait vivre.

M. André Reichardt , vice-président . - Il s'agit d'harmonisation sociale et fiscale. Si c'était simple, cela se saurait ! Il y a eu une avancée sur la fiscalisation des pensions de retraites d'anciens frontaliers qui travaillaient en Allemagne. Sur le fondement d'une convention fiscale de 1959, l'Allemagne a réclamé des arriérés à leurs veuves, qui habitaient parfois Carcassonne et ont reçu des documents en allemand... Il a fallu cinq années pour résoudre ce problème - encore le règlement trouvé n'entrera-t-il en application qu'en 2017. Je crois vraiment que l'Europe ne se fera qu'avec une harmonisation sociale et fiscale. La situation que M. Bocquet nous a décrite concernant les travailleurs détachés est choquante.

M. Philippe Bonnecarrère . - La géographie compte. Le statut de capitale européenne de Strasbourg est certes un enjeu français, mais il doit être porté aussi par l'Allemagne. À cet égard, je ne trouverais pas choquant que l'aéroport de Francfort soit mobilisé. Après tout, c'est le deuxième aéroport européen. Quelle est la position allemande sur ce dossier ? Y a-t-il toujours un esprit rhénan ? L'organisation ferroviaire allemande dessert-elle bien Strasbourg ?

M. Claude Kern . - En effet, l'avenir de Strasbourg est lié au bon fonctionnement du couple franco-allemand. Les liaisons ferroviaires allemandes aboutissent à Kehl, riveraine. Mais les lignes Munich-Paris et Stuttgart-Paris passent par Strasbourg, qui est presque mieux desservie du côté allemand !

M. André Reichardt , vice-président . - Le couple franco-allemand fonctionne bien sur ce dossier. Les parlementaires allemands sont d'ailleurs les moins opposés à cette localisation. Pour autant, ce n'est plus suffisant, et l'influence des parlementaires européens issus des autres États-membres est croissante. Parmi eux, les plus défavorables à Strasbourg sont les Britanniques...

M. Claude Kern . - Et, bien sûr, les élus de l'Ouest allemand sont plus favorables à Strasbourg que ceux de l'Est, car Berlin est mieux relié à Bruxelles.

*

À l'issue de ce débat, la commission autorise, à l'unanimité, la publication du rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

- M. Andrus Ansip, vice-président de la Commission en charge du marché unique numérique.

- M. Valdis Dombroskis, vice-président de la Commission en charge de l'euro et du dialogue social.

- Mme Pervenche Bérès, députée européenne (groupe de l'alliance progressiste des socialistes et démocrates, France).

- M. Reimer Böge, député européen (groupe du parti populaire européen, Allemagne).

- M. Michal Boni, député européen (groupe du parti populaire européen, Pologne).

- Mme Sylvie Goulard, députée européenne (groupe de l'alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe, France).

- Mme Theresa Griffin, députée européenne (groupe de l'alliance progressiste des socialistes et démocrates, Royaume-Uni).

- Mme Françoise Grossetête, députée européenne (groupe du parti populaire européen, France).

- M. Gunnar Hökmark, député européen (groupe du parti populaire européen, Suède).

- M. Philippe Juvin, député européen (groupe du parti populaire européen, France).

- M. Alain Lamassoure, député européen (groupe du parti populaire européen, France).

- M. Edouard Martin, député européen (groupe de l'alliance progressiste des socialistes et démocrates, France).

- Mme Elisabeth Morin-Chartier, députée européenne (groupe du parti populaire européen, France).

- M. Dominique Riquet, député européen (groupe de l'alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe, France).

- Mme Virginie Rozière, députée européenne (groupe de l'alliance progressiste des socialistes et démocrates, France).

- M. Andreas Schwab, député européen (groupe du parti populaire européen, Allemagne).

- M. Claude Turmes, député européen (groupe des verts-alliance libre européenne, Luxembourg).

- M. Roland Ries, Maire de Strasbourg.

- M. Frédéric Pfliegersdoerffer, conseiller régional de la région Alsace Champagne-Ardenne Lorraine.

- M Christian Tiriou, chef de projet au Centre européen de la consommation.

- M Bastien Candelier, chargé de mission à l'Infobest Kehl-Strasbourg.

- Mme Anne Thevenet, Directrice adjointe de l'Euro-institut.

- M Pierre Ménard, chargé de projets au CRD Eures Lorraine.

- Mme Véronique Odrian, responsable de la Maison du Luxembourg.


* 1 Rapport d'information n° 485 (2014-2015) du 4 juin 2015.

* 2 La commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale était représentée par Mme Danielle Auroi, sa présidente, et par M. André Schneider, député du Bas-Rhin.

* 3 À l'occasion de la Conférence intergouvernementale préparatoire au traité d'Amsterdam, le texte de cette décision a été repris en tant que protocole n° 12 annexé aux traités UE, CE, CECA et CEEA, et ces dispositions figurent aujourd'hui dans le protocole n° 6 annexé aux traités UE et FUE et le protocole n° 3 annexé au traité CEEA, relatifs à la fixation des sièges des institutions et de certains organes, organismes et services de l'Union européenne, dans des termes identiques à la décision d'Édimbourg, à savoir que : « Le Parlement européen a son siège à Strasbourg, où se tiennent les douze périodes de sessions plénières mensuelles, y compris la session budgétaire. Les périodes de sessions plénières additionnelles se tiennent à Bruxelles. Les commissions du Parlement européen siègent à Bruxelles. Le secrétariat général du Parlement européen et ses services restent installés à Luxembourg. »

* 4 Dont il est rendu compte dans le rapport n° 485 (2014-2015) du 4 juin 2015 intitulé : Rencontre avec les institutions à Strasbourg, coeur de l'Europe .

* 5 Peut-être en partie du fait de la non-réélection de l'eurodéputé britannique Edward McMillan-Scott, fondateur du député Single Seat.

* 6 Un temps de trajet de 3 heures 40 était prévu initialement, mais des retards ont été pris suite à l'accident d'une rame d'essai le 14 novembre 2015 qui avait causé la mort de 11 personnes.

* 7 Il semblerait que le déplacement mensuel à Strasbourg soit perçu comme pénalisant par certains parlementaires européens qui auraient investi dans l'achat d'un logement permanent à Bruxelles.

* 8 En dehors de la seule formation « Zone euro », Strasbourg pourrait aussi, si la France en faisait la proposition, accueillir des sommets européens qui se multiplient ces dernières années et dont rien n'impose qu'ils se tiennent systématiquement à Bruxelles.

* 9 Réunissant depuis sa création des représentants des gouvernements français, allemand et suisse.

* 10 Institué plus récemment par les élus de ces trois pays.

* 11 En l'occurrence, l'Euro institut de Kehl, l'InfoBest de Strasbourg-Kehl et le Centre européen des consommateurs.

* 12 La délégation a pris bonne note qu'à la demande du ministère fédéral de la santé allemand, l'Euro-institut organise le 6 octobre prochain une réunion sur ce dernier sujet associant des représentants des administrations sanitaires françaises et suisses.

* 13 En particulier l'accès à certaines prestations liées au handicap et à la dépendance.

* 14 Malgré l'existence d'un ambassadeur chargé des questions transfrontalières.

* 15 Ce qui n'est pas le cas à Bruxelles.

* 16 Commissaire chargé de l'Euro et du dialogue social.

* 17 Groupe de l'alliance progressiste des socialistes et démocrates, France.

* 18 Groupe de parti populaire européen, Allemagne.

* 19 Groupe de l'alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe, France.

* 20 Groupe de parti populaire européen, France.

* 21 Groupe de parti populaire européen, France.

* 22 Cette année, elles seront examinées au Conseil européen des 28 et 29 juin.

* 23 Sous l'effet combiné d'une politique budgétaire consolidée légèrement expansionniste et d'une politique monétaire accommodante.

* 24 Calendrier conforme au rapport dit des cinq présidents : le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avec le président du sommet de la zone euro, Donald Tusk, le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, et le président du Parlement européen, Martin Schulz. Rapport « Vers une meilleure gouvernance économique dans la zone euro : préparation des prochaines étapes » du 25 juin 2015.

* 25 Projet de rapport sur la capacité budgétaire de la zone : eurphttp://www.europarl.europa.eu

* 26 Le rapport devrait être examiné en session plénière en octobre prochain.

* 27 8 EUCO 1/ 16, Annexe I Section A Gouvernance économique, § 2.

* 28 Le groupe à haut niveau sur les ressources propres de l'Union européennes, présidé par l'ancien Président du Conseil italien et commissaire européen Mario Monti, devrait rendre ses conclusions au cours du dernier trimestre 2016.

Il convient de préciser que les parlements nationaux seront associés formellement à cette réflexion lors de la conférence interinstitutionnelle avec les parlements nationaux « sur le financement futur de l'Union européenne » qui se tiendra à Bruxelles les 7 et 8 septembre 2016.

* 29 Dont M. Lamassoure est membre.

* 30 Il s'agira d'une réunion avec les représentants des parlements nationaux dénommée « conférence interinstitutionnelle sur le financement futur de l'Union européenne » et organisée à Bruxelles les 7 et 8 septembre prochains.

* 31 Citoyenneté, liberté, sécurité et justice.

* 32 L'UE en tant que partenaire mondial.

* 33 Groupe de l'alliance progressiste des socialistes et démocrates, Royaume-Uni.

* 34 Groupe de parti populaire européen, France.

* 35 Groupe de l'alliance progressiste des socialistes et démocrates.

* 36 Groupe de l'alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe, France.

* 37 Groupe des verts-alliance libre européenne.

* 38 Présenté le 28 mars 2011.

* 39 Réaffirmant ainsi les principales conclusions de son récent rapport d'initiative.

* 40 Estimant aussi que les pays voisins de la France nourrissaient des inquiétudes quant à la capacité d'EDF à entretenir son parc de centrales.

* 41 Cf encadré supra).

* 42 Tout en estimant cependant que pour l'heure, les niveaux de prix relativement élevés visés par la France sont surtout perçus outre-Rhin comme un moyen d'accorder un soutien à notre filière nucléaire.

* 43 Prenant l'exemple les millions de tonnes d'acier chinois importés chaque année par l'UE.

* 44 Groupe de parti populaire européen, Pologne.

* 45 Groupe de parti populaire européen, France.

* 46 Groupe de parti populaire européen, Suède.

* 47 Groupe de l'alliance progressiste des socialistes et démocrates, France.

* 48 Groupe de parti populaire européen, Allemagne.

* 49 Avis motivé du 8 mars 2016 sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de directive concernant certains aspects des contrats de fourniture numérique, COM(2015) 634 final, et la proposition de directive concernant certains aspects des contrats de vente en ligne et de toute autre vente à distance de biens, COM(2015) 635 final.

* 50 Rapport d'information n° 645 (2015-2016) de M. Éric Bocquet, fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 26 mai 2016.

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