II. RÉFORMER LE CONTRÔLE DE L'ASSIDUITÉ AUX COURS ET DE PRÉSENCE AUX EXAMENS POUR GARANTIR UNE PLUS GRANDE ÉQUITÉ ENTRE LES ÉTUDIANTS

A. UN CONSTAT PARTAGÉ : UNE RÉFORME INDISPENSABLE

1. Pour s'assurer du « service fait » attestant de la dépense publique et éviter la fraude

Le constat d'une trop grande différence de traitement entre les étudiants , en fonction de l'établissement dans lequel ils suivent leur formation, voire entre les UFR d'une même université, est partagé par une large part des acteurs de la procédure .

La Conférence des présidents d'université ainsi que des représentants des organisations étudiantes partageaient l'idée selon laquelle il n'est pas normal qu'une copie blanche rendue à l'occasion d'un examen terminal suffise, à elle seule, à justifier l'assiduité d'un étudiant boursier.

La défaillance des établissements concernés conduit ainsi à remettre en cause l'attestation de « service fait » que constitue en principe le contrôle d'assiduité. Dans bien des universités, les bourses sont, en pratique, servies sans contrepartie de présence effective de l'étudiant.

Or les bourses sur critères sociaux correspondent à une dépense de l'État de près de 2 milliards d'euros . Il n'est pas acceptable que ces aides puissent être distribuées à de « faux » étudiants , qui ne suivent pas réellement leur formation, même s'il convient, évidemment, de distinguer les cas des étudiants ayant rencontré des difficultés d'ordre privé (maladie...) ou familiale (décès d'un proche...).

Les CROUS entendus par votre rapporteur spécial s'accordent pour considérer qu' un réel contrôle d'assiduité dans l'ensemble des universités, conduirait à constater un nombre d'étudiants boursiers non assidus bien plus élevé que celui aujourd'hui connu. Un CROUS a même avancé qu'il pourrait atteindre jusqu'au tiers des bénéficiaires d'une telle aide . S'il est, bien entendu, malaisé de retenir un chiffre, votre rapporteur spécial est convaincu qu'il serait bel et bien plus élevé que celui de 3 % actuellement calculé.

Le Gouvernement semble également convaincu de la nécessité de renforcer le contrôle d'assiduité puisque, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2016, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche avait indiqué, dans l'une de ses réponses au questionnaire qui lui avait été adressé par votre rapporteur spécial, qu'une économie de 10 millions d'euros était attendue à ce titre.

2. Pour concentrer l'effort de l'État sur les « vrais » étudiants

L'hétérogénéité des contrôles exercés au titre de l'assiduité est source d'inégalité de traitement entre les boursiers , comme l'ont exprimé la quasi-totalité des personnes entendues par votre rapporteur spécial au cours de ses auditions. Les services des CROUS se sentent ainsi impuissants et gênés par les pratiques « à géométrie variable » des établissements d'enseignement supérieur et auxquelles sont soumis les étudiants .

Il semble effectivement difficilement concevable que, pour une même aide sociale , un élève de classe préparatoire soit soumis à un appel à chaque heure de cours et à une faible tolérance en termes d'absences en cours, alors qu'un étudiant dans une université pourrait n'assister à aucune séance de travaux dirigés pourtant en principe obligatoire ! Si les règles ne peuvent être strictement identiques, compte tenu de la différence d'organisation et d'effectifs concernés entre les établissements, elles ne doivent pas , pour autant, aboutir à un écart de traitement aussi important .

Par ailleurs, il convient de rappeler qu'un boursier bénéficie non seulement d'une aide financière à partir de l'échelon « 0 bis », mais aussi d' autres « avantages », au premier chef desquels un accès préférentiel au logement étudiant 15 ( * ) .

Ainsi, alors que le logement constitue généralement le premier poste de dépense des étudiants, les chambres et les appartements gérés par les CROUS sont attribués prioritairement aux étudiants boursiers . Ainsi, le CROUS de Paris a indiqué que la totalité des logements étudiants disponibles étaient occupés par des étudiants boursiers. Il en est de même pour 70 % des logements du CROUS de Rennes, seuls 3 % d'entre eux étant loués à des étudiants non boursiers et le reste réservé aux étudiants étrangers. Parallèlement, ces deux CROUS ne parviennent pas à loger tous les boursiers ayant pourtant formulé une demande de logement.

Cet avantage considérable, notamment dans les zones tendues comme la région Île-de-France, n'est pas contestable pour la majorité des boursiers. Il le devient bien davantage lorsque l'étudiant n'est pas assidu et ne suit aucun cours, d'autant que la déclaration de non assiduité d'un étudiant et la suspension de la bourse qui en découle n'ont aucun impact sur l'occupation d'un logement étudiant . Il pourra donc rester dans sa chambre ou son appartement. Seule l'impossibilité de payer les loyers, et donc la création de dettes vis-à-vis du CROUS, pourraient, éventuellement, conduire à remettre en cause la location.

De même, il n'est pas demandé à l'étudiant boursier déclaré non assidu de rembourser ses frais d'inscription ou ses cotisations à la sécurité sociale pour lesquels il avait pourtant été exonéré.

Fort heureusement, le maintien du bénéfice de la bourse pour ces étudiants non assidus s'arrête au-delà de deux ans puisque l' obligation de progression impose, pour disposer d'un troisième droit à bourse, de justifier de 60 ECTS, deux semestres ou un an. Les CROUS assurent que ce contrôle est réalisé systématiquement , lors de l'examen de la nouvelle demande de droit à bourse des étudiants. Il est d'ailleurs automatisé dans le logiciel AGLAE.

Au cours de l'année universitaire 2013-2014, 9 565 bourses ont été refusées en raison d'un nombre de crédits ECTS insuffisant, tandis que 4 308 bourses l'étaient du fait de l'épuisement du nombre de droits à bourse autorisé.

Refus de bourses au regard de l'obligation de progression
et du nombre de droits à bourse par cursus

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses du ministère au questionnaire du rapporteur spécial

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît vraiment indispensable de s'assurer que les bourses profitent à de « vrais » étudiants , non seulement du point de vue de la dépense publique mais aussi au regard de ceux qui, sans être boursiers, rencontrent des difficultés à financer leurs études et sont contraints de cumuler leurs heures de cours, leur travail personnel et un emploi « alimentaire ».

Enfin, la présence de « faux » étudiants nuit globalement aux universités qui les accueillent .

Avant tout, ces étudiants sont inscrits et sont donc comptabilisés dans les effectifs de l'année universitaire. Ainsi, plusieurs établissements rencontrés dans le cadre du présent contrôle ont confirmé que les besoins recensés au moment de la rentrée universitaire pouvaient s'avérer rapidement démesurés comparés aux étudiants réellement présents, tant en termes de cours magistraux que de travaux dirigés ou pratiques.

De même, ces « faux » étudiants, qui ne sont, bien entendu, pas uniquement des boursiers, nuisent à l'image des établissements universitaires qui les accueillent, notamment en faisant chuter leur taux de réussite en licence.


* 15 Les étudiants boursiers sont également susceptibles d'avoir des tarifs plus avantageux en termes notamment de transports ou d'accès à la culture. Ainsi en est-il notamment en région Île-de-France pour l'acquisition du forfait « Imagine R » qui permet d'utiliser le réseau des transports publics.

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