EXAMEN EN DÉLÉGATION

Réunie le jeudi 7 juillet 2016, sous la présidence de Mme Élisabeth Lamure, présidente, la Délégation a procédé à l'examen du rapport, que cette dernière lui a présenté, relatif aux rencontres avec les entrepreneurs effectuées au cours de l'année parlementaire 2015-2016.

Après la présentation du rapport par Mme Élisabeth Lamure, présidente de la Délégation, un débat s'est engagé.

M. Jean-Pierre Vial . - Sur le faible coût de l'énergie en France, je préconise l'emploi du conditionnel ; le prix n'est pas bas, il serait bas. L'énergie, en Allemagne par exemple, aurait un coût plus élevé en apparence mais avec les différentes aides accordées, le prix y est plus faible. En fin de compte, les entreprises françaises paient plus cher leur énergie. Deux industries françaises de l'aluminium ont survécu, dont l'une en Savoie a été reprise par un allemand. Le groupe Péchiney, qui était un groupe important il y a quelques années encore, n'a plus qu'une seule en entreprise, située à Dunkerque. Auparavant, une autre entreprise avait été reprise par un espagnol. Ce n'est pas anodin, ces pays bénéficient d'avantages dans le secteur de l'énergie.

M. Claude Nougein . - Je souscris tout à fait au rapport qui est présenté ; c'est ce que j'ai entendu aux cours des différents déplacements auxquels j'ai participé. J'aimerais approfondir deux points. D'une part, dans nos départements ruraux qui souffrent de l'enclavement, je crois que les chefs d'entreprises veulent être rassurés. La Corrèze était très enclavée durant la IV ème République, ce qui explique le slogan qui avait fait florès dans les années 1960, « La Corrèze avant le Zambèze », en réaction au tropisme africain du Général De Gaulle. Le taux de chômage était important ; la réussite se résumait à « monter » à Paris pour poinçonner les tickets de métro. Les politiques locaux ont ainsi « tué » l'économie locale en favorisant les départs vers la capitale, ce qui a « vidé » le département. Heureusement, durant la Vème République, et suite à l'élection de deux présidents corréziens, la tendance s'est inversée, et des entreprises se sont installées dans le département. Avant la crise, il y avait 4% de chômage. Je suis inquiet aujourd'hui car la baisse des dotations aux collectivités a pour effet de diminuer les investissements routiers, numériques... La baisse des taux d'intérêts et la baisse des dotations sont les deux points qui ont permis de réduire le déficit public. Il ne faudrait pas que cette réduction se fasse au détriment du désenclavement.

D'autre part, j'accorde beaucoup d'attention à la transmission des entreprises familiales. J'ai déposé au mois de mai dernier une proposition de loi, co-signée par 45 sénateurs, afin de faciliter la transmission en France en s'alignant sur d'autres pays européens. Il y en a assez de voir nos fleurons industriels, notamment développés à partir des entreprises familiales, partir à l'étranger. Dans les territoires ruraux, beaucoup d'entreprises n'arrivent pas à trouver de repreneurs au sein de la famille et vendent à des fonds d'investissement qui n'ont pas la même approche de l'emploi. Dans l'entreprise familiale, lorsque les résultats sont mauvais, on ne distribue pas de dividendes, on attend que ça aille mieux. Dans un groupe, on n'attend pas, on vend. Cette proposition de loi vise à mettre en place un « super Dutreil ». Le dispositif « Dutreil » permet un abattement de 75 % de l'assiette des droits de mutation exigibles, à condition que l'héritier conserve les titres six ans. Les 25 % restant sont taxés à 45 %. Ce pacte a fait l'objet d'un consensus. De plus, l'administration fiscale française a tendance à surestimer la valeur de l'entreprise. Si l'estimation est simple pour les sociétés cotées, elle l'est nettement moins pour les sociétés non-cotées. L'estimation statistique qui est mise en place indique des valeurs phénoménales, déconnectées de la réalité. En Allemagne, en Grande-Bretagne ou en Italie, il n'y a pas d'impôt sur la transmission. En Espagne, l'impôt s'élève à 3-4 %.

Le « super pacte Dutreil » porterait à 100 % l'exonération des droits de mutation dans le cadre de donations et successions, mais, en contrepartie, les héritiers seraient tenus de conserver les titres pendant huit ans. L'impact sur le tissu industriel français serait très important. Nous avons en France trop peu d'ETI, par rapport à nos voisins, notamment l'Italie, qui ont d'importantes ETI familiales.

M. Olivier Cadic . - Pour revenir aux entreprises et à leur relation avec la BPI, les entrepreneurs français partis à l'étranger expliquent que c'est souvent après un refus de la Banque Publique qu'ils ont décidé de s'installer à l'étranger.

Par ailleurs, il faut effectivement revenir à la commande publique plutôt qu'à la subvention. Pour les équipements médicaux, il faut parfois de six à huit fois plus de temps pour que ceux-ci soient homologués en France. Il ne peut donc pas y avoir de commandes, et l'acteur public compense par des subventions. Nos systèmes de santé locaux pourraient bénéficier de ces avancées médicales rapidement en passant commande, alors qu'aujourd'hui, ces entreprises françaises attendent une homologation en France et vendent parallèlement leurs innovations à l'étranger. Mieux vaut acheter une machine à une entreprise plutôt que de lui donner une subvention. Une évolution culturelle est nécessaire.

La transmission d'entreprise est une des raisons qui m'ont poussé à partir à l'étranger. En France, s'il arrive un accident à un dirigeant, la PME meurt avec lui. L'un de mes amis a connu cette situation ; il est décédé dans un accident de voiture et ses enfants n'ont jamais pu reprendre l'entreprise. Il faut aussi que les cadres puissent reprendre l'entreprise facilement. Je ne souscris donc pas à la conservation des titres de l'entreprise pendant six ou huit ans. Si les repreneurs veulent céder l'entreprise au bout de 2 ans parce qu'ils n'y arrivent pas, ils doivent pouvoir le faire en payant les droits. J'ai également l'exemple des galettes Saint Michel où le dirigeant est décédé et ses enfants ont été obligés de vendre à une entreprise allemande.

Mme Anne-Catherine Loisier . - Aujourd'hui, le code des marchés publics permet d'adapter les appels d'offres à des entreprises locales. Il y a donc une formation du donneur d'ordres à faire pour rendre ces marchés accessibles.

Sur les questions des essieux et du poids supporté, il ne faut pas tout autoriser. Aujourd'hui, nos routes et nos voiries ne sont pas forcément capables de soutenir des charges supérieures. De plus, l'entretien est de plus en plus à la charge des petites communes. Dans la filière bois, c'est un débat incessant avec des coûts engendrés importants.

Concernant les grumes, les entreprises auxquelles il était fait référence n'utilisent pas tous les outils à leur disposition pour s'approvisionner. Il ne faut donc pas bloquer les exportations et ruiner la sylviculture en amont - ce que l'on tend pourtant à faire.

Mme Élisabeth Lamure , présidente . - C'est l'expression de ce que nous disent les entreprises. À chaque fois, c'est une question d'équilibre.

M. Jean-Pierre Vial . - La culture de l'administration doit évoluer. Ainsi, les douanes ont des progrès à faire. Je connais une entreprise qui va quitter la France car les conditions de dédouanement sont impossibles. Une autre entreprise aéronautique américaine avait une base au Bourget, avec 350 salariés. Elle a connu des difficultés de la part des douanes et s'est installée à Bruxelles.

Bosch avait un site à Vénissieux que le groupe a vendu à des Bretons, avec un engagement public destiné à augmenter les volumes de marché. Les engagements politiques ont été tenus mais les appels d'offres pas mis en oeuvre selon le calendrier industriel prévu initialement. S'il n'y a pas, au sein de l'administration, des personnes qui ont une culture de l'entreprise, les entreprises ferment. Il faut acculturer les fonctionnaires, qui bien souvent sont de bonne volonté.

Mme Élisabeth Lamure , présidente . - C'est un vrai sujet et une question d'état d'esprit. Sur la question des douanes, j'ai été sensibilisée à ces dysfonctionnements dans le cadre de la mission parlementaire sur l'attractivité des ports. Les douanes françaises reconnaissent qu'elles ne font pas preuve de la même souplesse que dans les pays voisins, alors qu'elles ont les mêmes obligations européennes. De plus, la France adopte des normes plus strictes que dans les autres pays ; les douanes appliquent donc ce qu'on leur demande d'appliquer, sans souplesse. Dans d'autres pays, elles sont moins regardantes.

M. Jean-Pierre Vial . - Les avions qui décollent du Japon ne font pas un vol direct, et retardent leur arrivée en fonction de l'heure de l'ouverture de la douane.

Mme Élisabeth Lamure , présidente . - La douane répondra que c'est une question de moyen, qu'elles ne peuvent être ouvertes 24h/24h. On est confronté à cette rigidité.

Je soumets donc à votre approbation le rapport que je vous ai présenté.

La Délégation autorise la publication du rapport.

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