Rapport d'information n° 800 (2015-2016) de Mme Élisabeth LAMURE , MM. Jérôme DURAIN , Guy-Dominique KENNEL , Mmes Valérie LÉTARD , Patricia MORHET-RICHAUD et M. Claude NOUGEIN , fait au nom de la Délégation aux entreprises, déposé le 18 juillet 2016

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N° 800

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juillet 2016

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la Délégation aux entreprises (1) relatif aux rencontres avec les entrepreneurs effectuées par la Délégation aux entreprises au cours de l' année parlementaire 2015 - 2016 ,

Par Mme Élisabeth LAMURE, MM. Jérôme DURAIN,
Guy-Dominique KENNEL, Mmes Valérie LÉTARD,
Patricia MORHET-RICHAUD et M. Claude NOUGEIN,

Sénateurs.

La délégation sénatoriale aux entreprises est composée de : Mme Élisabeth Lamure, présidente ; MM. Martial Bourquin, Olivier Cadic, Philippe Dominati, Jérôme Durain, Alain Joyandet, Mmes Hermeline Malherbe, Sophie Primas, M. Dominique Watrin, v ice-présidents ; M. Gilbert Bouchet, Mme Nicole Bricq, M. Serge Dassault, Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Guillaume Arnell, Jacques Bigot, Mme Annick Billon, MM. Jean-Pierre Bosino, Henri Cabanel, Michel Canevet, René Danesi, Francis Delattre, Mmes Jacky Deromedi, Frédérique Espagnac, MM. Michel Forissier, Alain Fouché, Jean-Marc Gabouty, Éric Jeansannetas, Antoine Karam, Guy-Dominique Kennel, Mmes Anne-Catherine Loisier, Patricia Morhet-Richaud, MM. Claude Nougein, André Reichardt, Michel Vaspart, Jean-Pierre Vial.

AVANT-PROPOS

Madame, Monsieur,

Fidèle à la mission que lui a confiée le Bureau du Sénat en novembre 2014, consistant notamment à identifier les besoins des entreprises et recenser les obstacles à leur développement 1 ( * ) , la Délégation sénatoriale aux entreprises a poursuivi tout au long de l'année ses échanges directs avec les entrepreneurs. Ses déplacements réguliers dans les territoires lui donnent les moyens d'être à l'écoute d'entreprises de tailles variées, de secteurs divers et d'implantations géographiques multiples. Votre Délégation constitue ainsi petit à petit un précieux réseau d'entrepreneurs, qui compte aujourd'hui 400 membres, réseau vers lequel elle peut se tourner pour éclairer le législateur : c'est ainsi qu'elle a récemment pu consulter sur le projet de loi « travail » les entrepreneurs qu'elle avait rencontrés et ainsi fonder ses préconisations sur une centaine de remontées de terrain.

Durant l'année parlementaire écoulée, la Délégation aux entreprises s'est rendue dans six nouveaux départements, qui viennent s'ajouter aux six qu'elle a visités l'an passé 2 ( * ) . Plusieurs collègues ont bien voulu accueillir la Délégation au cours de cette session parlementaire : M. Guy Dominique Kennel, dans le Bas-Rhin, Mme Valérie Létard 3 ( * ) , dans le Nord, M. Jérôme Durain, en Saône-et-Loire, M. Claude Nougein en Corrèze et Mme Patricia Morhet-Richaud, dans les Hautes-Alpes. Qu'ils en soient ici chaleureusement remerciés.

La Délégation a également reçu de nombreux entrepreneurs lors de la Journée des entreprises qu'elle a organisée au Sénat le 31 mars dernier. Autant d'occasions d'échanges dont elle juge utile de faire ici connaître les fruits.

C'est la raison pour laquelle ce rapport rassemble les comptes rendus des déplacements effectués cette année ainsi que celui de la Journée des entreprises.

Qu'ont dit les entreprises à votre Délégation cette année ? Quatre sujets saillants ressortent de nos échanges : les lourdeurs administratives ; l'inadéquation plus spécifique du droit du travail aux besoins des entreprises ; le poids de la fiscalité et des charges ; la forte concurrence européenne et mondiale.

Le souci prioritaire des entrepreneurs, ce sont assurément les lourdeurs administratives . Cela tient d'abord au trop-plein qu'ils expriment à l'égard du nombre de règles à respecter , nombre qui ne va qu'en augmentant. « On en rajoute sans en enlever », « on a une loi nouvelle tous les 15 jours », a-t-on pu entendre par exemple en Saône-et-Loire... Ce maquis est qualifié d'inhumain, les entrepreneurs se trouvent embarqués dans des contentieux involontaires et la plupart se résignent à être des « délinquants en puissance », voire des « hors-la-loi » selon l'expression d'un entrepreneur du Bas-Rhin. « Où est passé le choc de simplification ? » nous a-t-on encore demandé le 30 juin dernier dans les Hautes-Alpes. Souvent, ces règles partent de bonnes intentions : protéger la santé des salariés, l'environnement ou bien le patrimoine... Mais cela en devient absurde : une entreprise de Saône-et-Loire ne comprend pas devoir verser un chèque santé à un vendangeur qui travaille une semaine. D'autres dans le Bas-Rhin s'insurgent d'avoir à analyser l'eau du parking ou mesurer le bruit de leur usine, quand passe à côté une autoroute plus bruyante encore. Le compte personnel de formation et plus encore le compte pénibilité sont des exemples de bonnes idées, mais inapplicables sur le terrain. La construction devient très coûteuse : selon une entreprise de Seine-et-Marne, ce sont 4 000 normes qu'il faut respecter, sans compter les autorisations requises pour tout aménagement commercial, désormais doublement contrôlées par les commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) et les élus, donc délivrées au bout de cinq ans !... On citera aussi le cas de cet entrepreneur étranger implanté dans le Bas-Rhin qui regrettait de devoir obtenir une autorisation ministérielle pour tout investissement dans son secteur d'activité, dès le premier euro, en application du décret 4 ( * ) dit « Montebourg ».

La tendance de la France à surtransposer ses obligations européennes n'allège pas le fardeau réglementaire et renchérit les coûts, disqualifiant nos entreprises sur les marchés : normes européennes en matière de poussières plusieurs fois plus basses que les normes françaises (comme cela a été dénoncé en Saône-et-Loire et en Corrèze), charge à l'essieu plus basse en France pour les camions à quatre essieux que dans les pays voisins...

Plus encore, l'application de ce maquis de normes semble aveugle : ainsi, en zone de montagne, la saisonnalité et la pente devraient être prises en compte, par exemple pour adapter l'exigence d'accessibilité pour personnes handicapées sur fond de neige ou pour ajuster la durée des formations professionnelles proposées à la saisonnalité des entreprises touristiques. Paradoxalement, en même temps que cette rigidité, nous entendons en même temps dénoncer le manque de cohérence entre régions dans l'appréciation des textes: dans les Hautes Alpes, on compterait ainsi autant de lectures que de massifs!

Une deuxième source de difficultés dans la relation des entreprises au système administratif tient à la complexité des dossiers à fournir pour candidater pour les marchés publics . A Tallard, la société ICARIUS indiquait qu'employer un technicien aéronautique signifiait l'emploi d'un administratif en conséquence... Cette société nous a même dit que la complexité administrative des marchés publics l'obligeait à candidater comme sous-traitant, notamment en raison des garanties administratives et financières exigées du candidat.

L'incompréhension des entreprises tient enfin au sentiment de décalage qu'elles ressentent à l'égard des services publics , y compris l'Éducation nationale. Ce décalage est d'abord temporel : le déplacement dans le Bas-Rhin a été particulièrement instructif de ce point de vue, puisqu'il a permis à la Délégation de rencontrer des entreprises frontalières qui comparaient la situation en France et en Allemagne. L'instruction d'un permis de construire va ainsi jusqu'à 27 mois en France contre 3 en Allemagne ! Un exploitant de grandes stations françaises de ski alpin a, pour sa part, indiqué qu'il lui était impossible d'anticiper la durée de la phase administrative d'un dossier d'aménagement ainsi que son coût, en raison des fouilles archéologiques, des études, des taxes, sans compter les possibles recours, dont certaines fédérations écologistes sont habituées et tirent leurs moyens de subsistance... Un de ses confrères a jugé qu'il fallait compter 3 à 5 ans pour réaliser un projet, avec un taux de succès de 40 %. Cette lenteur pèse sur l'attractivité de notre pays au moment de décider d'une implantation. De même, une entreprise de Saône-et-Loire a signalé son incompréhension à l'égard des délais que pratique la Coface pour accorder des préfinancements à l'export, délais qui restent aussi longs pour une seconde commande d'un même client. En Corrèze, une entreprise a indiqué que l'AFNOR délivrait des labels en quatre à six mois, que l'on peut obtenir en quinze jours dans les pays voisins.

Mais ce décalage est aussi et surtout culturel : à ce titre, plusieurs déplorent le manque d'échanges entre les entreprises et l'Éducation nationale, même si des expériences ponctuelles de passerelle nous ont été signalées. Lors de sa visite à la Fondation Entreprendre en janvier dernier, la Délégation a ainsi pu apprécier le travail important d'associations comme 100 000 entrepreneurs qui font intervenir des entrepreneurs dans les classes. Mais, lorsqu'elle entend un entrepreneur corrézien évoquer son passé étudiant et indiquer que l'enseignement reçu en économie se résumait à la lecture de Marx, la Délégation ne peut qu'approuver la nécessité de resserrer les liens entre entreprise et école : cela paraît indispensable pour améliorer l'orientation et pour répondre aux difficultés de recrutement que la Délégation a plusieurs fois touchées du doigt lors de ses déplacements dans le Nord, en Corrèze ou dans les Hautes-Alpes... Nombre d'entrepreneurs ont aussi appelé à changer l'image de l'entreprise chez les jeunes Français. À cet égard, mérite d'être saluée l'action d'une association comme Entreprendre pour apprendre, également rencontrée grâce à la Fondation Entreprendre, qui encourage les jeunes étudiants à créer leur entreprise.

L'apprentissage, qui peut résorber le chômage des jeunes, peut aussi jouer un rôle important en ce sens. Mais y recourir est aujourd'hui trop contraignant, selon les témoignages convergents des entreprises rencontrées. Notamment, les entreprises déplorent que les écoles leur imposent leurs horaires et planning ; de même, les représentants de la Fédération française du bâtiment de Saône-et-Loire soulignent que les certificats d'aptitude professionnelle (CAP) n'ont pas été révisés depuis quinze ans, ce qui ne permet évidemment pas de les ajuster aux besoins des entreprises. La Délégation a déjà travaillé ce sujet et synthétisé ses préconisations dans une proposition de loi 5 ( * ) , largement reprise par voie d'amendements dans le projet de loi « travail » tel qu'adopté par le Sénat en première lecture.

Un entrepreneur du Bas-Rhin avait résumé cela par une formule explicite : « en France, nous avons une culture de l'administration, pas une culture de l'entreprise ».

Un deuxième sujet qui entrave le développement des entreprises est, plus spécifiquement, l'inadéquation du droit du travail à leurs besoins, ce qui joue au détriment de l'emploi . Là aussi, le passage à Strasbourg fut éclairant en permettant une comparaison franco-allemande : un entrepreneur a indiqué avoir besoin de trois fois plus de personnel dans son équipe Ressources humaines en France qu'en Allemagne. Un autre, en Saône-et-Loire, nous indiquait qu'il n'avait d'autre choix que de sous-traiter l'établissement des feuilles de paie tant il est complexe. Le frein que constituent les seuils, notamment celui des 50 salariés, a encore été maintes fois dénoncé. Même les contrats aidés ratent leur cible, tant les entreprises sont rebutées par l'usine à gaz qu'ils constituent. Enfin, les entreprises estiment bien coûteux le système de formation professionnelle au regard des résultats qu'elles en tirent, et nombre d'entre elles réclament plus de liberté en ce domaine.

Il ne s'agit pas ici de revenir dans le détail sur les rigidités en matière de droit du travail qu'ont dénoncées les entreprises : notre collègue Annick Billon en a déjà fait état dans le rapport 6 ( * ) qu'elle a établi au nom de la Délégation, à l'occasion de l'examen du projet de loi travail. On rappellera brièvement que beaucoup d'entreprises sont entravées par la difficile modulation du temps de travail, le régime du temps partiel, la brièveté des contrats à durée déterminée (CDD), la longueur et les risques attachés au licenciement en contrats à durée indéterminée (CDI), la durée de l'indemnisation du chômage...

On peut néanmoins relever ici un point somme toute assez peu discuté lors des débats sur le projet de loi travail mais qui a émergé à plusieurs occasions cette année lors des déplacements de la Délégation: le pouvoir des syndicats, que les entreprises jugent disproportionné par rapport à leur représentativité, ainsi que le montant de leurs ressources, qui est indépendant du nombre de leurs adhérents . Plusieurs PME, notamment en Saône-et-Loire ou dans le Nord, indiquent ne pas être en mesure de faire vivre le dialogue social, faute de délégués syndicaux. Et nombreux ont été ceux qui nous ont alertés sur la dégradation de l'image de la France en raison des grèves à répétition... Un entrepreneur de Valenciennes a suggéré de travailler sur une obligation pour les salariés de se syndiquer pour améliorer la représentativité des syndicats ; un autre du Bas-Rhin a défendu la nécessité de limiter dans le temps le nombre de mandats syndicaux... Le président de International SOS, M. Arnaud Vaissié, que la Délégation a reçu au Sénat lors de la journée des entreprises, a bien synthétisé le défi à relever : faire en sorte que les syndicats s'intéressent à l'entreprise et non plus seulement aux salariés.

Le troisième sujet que les entreprises signalent à la Délégation lors de ses déplacements, c'est le poids financier que la sphère publique leur fait supporter , non seulement du fait du temps qu'elles consacrent à tenter de se mettre en conformité avec les règles et normes, mais aussi du fait de charges sociales très lourdes et de la fiscalité pesante. Dans le Bas-Rhin, le dirigeant d'une entreprise que nous avons visitée nous a même dit avoir dû emprunter pour payer ses impôts. La fiscalité locale est souvent dénoncée pour son poids croissant, notamment en Saône-et-Loire et dans les Hautes-Alpes. À cela s'ajoutent des taxes parafiscales, souvent mal comprises.

S'agissant de la pression fiscale, le régime applicable à la transmission d'entreprises a souvent été mis en cause : il semble insuffisant pour faciliter la transmission familiale et ne permet donc pas d'empêcher la perte de savoir-faire, comme l'ont regretté plusieurs entreprises, notamment dans le Bas-Rhin ou en Saône-et-Loire. Une entreprise du BTP des Hautes-Alpes a jugé que le prix à payer pour la transmission d'une entreprise, qui crée pourtant de l'emploi, est si élevé qu'il peut décourager la génération suivante de poursuivre. Dans le même département, il nous a été signalé que 70 % des entreprises seraient à reprendre d'ici dix ans, et qu'il était donc important de trouver le moyen d'accompagner des jeunes en capacité de reprendre.

Nombre d'entreprises ont également souligné le risque que représente pour elles le contrôle fiscal, notamment concernant le crédit impôt recherche (CIR). Une jeune entreprise de jeux vidéo rencontrée à Valenciennes a témoigné d'un contrôle fiscal intervenu trois ans après l'octroi du CIR, ce qui l'a déstabilisée. L'un des chefs d'entreprise, présent au Sénat le 31 mars pour la Journée des entreprises, a déploré le manque d'expertise des contrôleurs fiscaux et exprimé le souhait qu'ils aient une compétence sectorielle plutôt que territoriale. Le même jour, un entrepreneur déclarait qu'il avait pratiquement un contrôleur fiscal à demeure dans son entreprise.

Les entreprises reconnaissent pourtant les efforts que fait l'État pour alléger le fardeau : le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) a été unanimement salué, même si sa pérennité reste un sujet d'inquiétude et sa transformation en baisse de charges une demande constante ; le dispositif de suramortissement est également bien accueilli mais sa durée est jugée trop courte. Les entreprises considèrent qu'il vaudrait mieux baisser l'impôt à la source que l'alléger par divers artifices. Dans le même esprit, un entrepreneur des Hautes-Alpes estime que ce n'est pas à l'État de donner une prime pour l'emploi, mais plutôt à l'entreprise : c'est pourquoi il prône la mise en place de la TVA sociale pour alléger le poids des charges sociales et augmenter les salaires nets.

Par ailleurs, il nous a été signalé que les dispositifs de financement mis à disposition par l'Union européenne s'adressent plus à des entreprises de taille intermédiaire (ETI) qu'à des PME ou TPE puisque, selon une entreprise des Hautes-Alpes, il faut investir au moins un million d'euros pour accéder à un financement européen. En outre, l'accompagnement par la Banque publique d'investissement (BPI) a donné lieu à des appréciations plus mitigées que l'an passé. Si une société des Hautes-Alpes n'avait qu'à se féliciter de la BPI comme actionnaire minoritaire à son capital, la Délégation a relevé les critiques adressées en Saône-et-Loire à la BPI pour le financement du haut de bilan, consenti à des taux très élevés. Un entrepreneur du Valenciennois déplorait aussi que la BPI demande la caution du dirigeant, même simplement pour contre garantir un prêt bancaire. Globalement, l'accompagnement public des entreprises semble donc défaillant quand l'entreprise grandit ; il semble meilleur quand elle est déjà en difficulté (comme le montre le cas de la reprise de Caddie dans le Bas-Rhin), comme si notre administration savait mieux accompagner les agonisants que faire grandir les petits ou soigner les malades. En Corrèze, la Délégation a pu rencontrer une start up , Ecomeris, très soutenue à ses débuts, qui avait besoin de fonds pour passer à l'échelle commerciale et qui ne trouvait à ce stade aucun accompagnement public pour traverser cette « vallée de la mort ». Le financement de l'innovation et du capital-risque reste très lacunaire dans notre pays, et toute notre fiscalité encourage l'épargne sans risque (en direction du logement et de l'assurance-vie). Le CIR lui-même favorise le développement de la recherche et développement en France, mais, comme l'a rappelé Mme Valérie Létard en citant l'exemple de Vallourec dans le Nord, il ne permet pas de maintenir les savoir-faire industriels dans notre pays.

Le quatrième élément que les entreprises mettent en avant, c'est le défi permanent auquel elles sont confrontées : celui de la compétition européenne et mondiale.

Il semble que les pays voisins protègent leurs entreprises par une forme de « préférence nationale » tacite et les aident mieux à l'international. Ainsi, notre voisin allemand pratiquerait une forme de protectionnisme, parvenant à réserver autant que possible ses marchés publics aux entreprises allemandes. Les Länder allemands semblent aussi capables d'offrir des terrains aux entreprises pour faciliter leur implantation, selon les dires de l'entreprise Cafés Reck finalement implantée sur la berge française du Rhin. En Corrèze, un entrepreneur faisait observer que les homologues de Business France étaient intéressés aux marchés qu'ils décrochent alors que Business France n'a en France aucune obligation de résultats... Le retrait de la Coface lorsqu'une entreprise traverse une passe difficile a été aussi dénoncé dans le Nord et en Corrèze. La Délégation doit tout de même reconnaître que sa rencontre avec l'administration des douanes à Montreuil en janvier dernier a été réconfortante à l'égard de l'accompagnement public de nos entreprises à l'international : cette administration centrale du ministère des finances semble développer une nouvelle culture au service de l'entreprise.

Au-delà, le défaut d'harmonisation fiscale et sociale en Europe a été plusieurs fois regretté : nos entreprises sont concurrencées par leurs homologues européennes à l'extérieur et même sur notre territoire. En France, le salarié coûte à l'entreprise presque le double de ce qu'il touche en salaire net ! Plusieurs entrepreneurs dénoncent ainsi le dumping et la nécessité de lutter contre les offres anormalement basses en réponse aux appels d'offre. Le transport routier français, notamment en Saône-et-Loire, souffre par ailleurs de l'application des 35 heures face à la concurrence venue de l'Est. Certains transporteurs font aussi valoir qu'en France, le temps de travail inclut le temps d'arrêt pour livraison, ce qui n'est pas le cas ailleurs. De même, Amazon France se plaint de l'impossibilité du travail en continu, qui détourne le traitement de commandes françaises vers les entrepôts d'Amazon au Royaume Uni ou en Allemagne.

La France se tire aussi des balles dans le pied, par exemple quand elle s'apprête à adopter -dans le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, encore en navette- une taxation de la valeur tirée de l'usage des ressources génétiques naturelles, taxation dont le niveau risque de dissuader des entreprises comme Silab, que la Délégation a rencontrée en Corrèze, de tirer parti de la biodiversité de nos départements ultramarins.

Au niveau mondial aussi, l'Union européenne (UE) réglemente à rebours de ses intérêts : ainsi, la règle des minimis qui limite les aides d'État désavantage les entreprises européennes dans la compétition internationale. En outre, plusieurs entreprises regrettent le protectionnisme de pays comme la Chine ou les États Unis, et ne se sentent pas en retour protégées par l'UE. Plusieurs scieries bourguignonnes s'inquiètent ainsi de voir partir à l'export le quart des grumes françaises alors qu'elles manquent de matière première.

Il faut tout de même reconnaître que le prix moindre de l'énergie en France par rapport à ses voisins est un atout pour nos entreprises dans la compétition mondiale. D'autres points positifs sont à noter : globalement, les entreprises se félicitent souvent du soutien apporté aux clusters et pôles de compétitivité, permettant une fertilisation croisée bénéfique, ainsi que de l'accompagnement des collectivités territoriales. La Délégation a pu le voir particulièrement à Valenciennes, où les collectivités accompagnent activement les entreprises dans la reconversion entière d'un territoire.

Mais finalement, les entreprises ont appelé le législateur à effectuer un changement profond . Elles suggèrent de réaliser de vraies études d'impact, au plus près du terrain, ou de faire des expérimentations, avant d'adopter toute mesure nouvelle applicable aux entreprises, depuis les schémas de cohérence territoriale (SCOT) jusqu'aux lois. Elles demandent aussi que nous soyons capables, comme elles, de quantifier et d'analyser le résultat de nos actions et de remettre en permanence en cause les processus et règles qui deviennent obsolètes. Elles appellent la sphère publique à moins gaspiller et à mieux s'organiser pour désenclaver les territoires et éviter les doublons de compétences entre échelons territoriaux, notamment entre intercommunalités et département. Elles jugent que la France doit trouver les moyens de protéger ses entreprises et de les accompagner aussi bien que ses voisins, de préférence par la commande publique plutôt que par des subventions. Elles rappellent que la compétition est mondiale et que notre tendance à sur-réglementer ne nous protège pas de la mondialisation et de la numérisation. Surtout, la France doit faire entrer son administration dans une culture d'entreprise, qui passe aussi par des démarches de contrôle a posteriori plutôt qu' a priori pour gagner du temps sur les projets de développement et faire confiance. Les PME ont besoin de reconnaissance, à la fois de la part des autorités politiques, mais aussi des grandes entreprises qui négligent de les associer à leurs démarches export, et enfin de l'opinion publique, trop encline à assimiler les patrons à des « voyous ».

Attentive à ces nombreux besoins qu'expriment les entreprises, la Délégation a pris, parallèlement à ces déplacements de terrain, plusieurs initiatives à Paris.

Afin de contribuer à simplifier les normes , elle a déposé en décembre 2015 une proposition de loi constitutionnelle 7 ( * ) visant à favoriser la simplification législative pour les entreprises et une proposition de résolution 8 ( * ) tendant à favoriser la simplification réglementaire pour les entreprises. Elle a également organisé le 12 mai au Sénat une matinée d'étude 9 ( * ) de droit comparé consacrée à la simplification du droit, avec le Conseil d'Etat et la Société de législation comparée, matinée qui s'est appuyée sur une étude comparant les processus de simplification en direction des entreprises, dans plusieurs pays européens (Allemagne, Pays-Bas et Suède), que votre Délégation avait demandé à la Division de la législation comparée du Sénat de réaliser pour elle.

Elle a aussi porté des amendements au projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dit « Sapin 2 », afin de limiter les nouvelles obligations que ce texte prévoit d'imposer aux entreprises. À cette occasion, elle a fait connaître les grands traits de l'étude qu'elle a fait réaliser pour identifier le champ économique de la proposition de loi relative au devoir de « vigilance des sociétés-mères et des entreprises donneuses d'ordre » et défendu l'arrêt de la navette de cette proposition de loi qui rajouterait encore des obligations supplémentaires, d'ailleurs difficilement conciliables avec celles que va déjà créer la loi « Sapin 2 ».

Votre Délégation a par ailleurs porté des amendements au projet de loi de finances rectificative pour 2015, afin d'assurer une compréhension des enjeux des entreprises par le nouveau comité intervenant dans le contrôle fiscal du crédit impôt recherche (CIR).

Elle a travaillé sur les moyens de relancer l'apprentissage , d'abord en organisant une table ronde sur ce sujet le 1 er octobre dernier, puis en nommant en son sein un rapporteur chargé d'élaborer une proposition de loi : ce texte 10 ( * ) , visant à développer l'apprentissage comme voie de réussite, a été déposé en février 2016 puis largement intégré au projet de loi travail par voie d'amendements.

Elle est plus largement intervenue lors des débats sur ce projet de loi travail , en s'appuyant sur la consultation de son réseau d'entrepreneurs, sur le rapport 11 ( * ) que lui a ensuite présenté Mme Annick Billon, et sur l'étude 12 ( * ) qu'elle avait confiée à l'institut allemand IFO comparant les pouvoirs et la représentativité des salariés dans l'entreprise en France et en Allemagne.

Par les diverses actions qu'elle entend encore mener, la Délégation sénatoriale aux entreprises continuera de veiller à ne pas couper l'envie d'entreprendre en accordant de moins en moins de liberté aux entreprises et en leur imposant de plus en plus de contraintes.

Élisabeth LAMURE,

Présidente de la Délégation aux entreprises

COMPTES RENDUS DES DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LA DÉLÉGATION AUX ENTREPRISES ET DE LA JOURNÉE DES ENTREPRISES

A. COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 29 OCTOBRE 2015, SUITE AU DÉPLACEMENT DANS LE BAS-RHIN LE 23 OCTOBRE 2015

Mme Élisabeth Lamure, présidente .- Merci à tous pour votre présence à cette réunion qui va débuter par le compte rendu, par notre collègue Guy-Dominique Kennel, du déplacement que nous avons effectué dans le Bas-Rhin à son initiative.

M. Guy-Dominique Kennel .- Madame la Présidente, je vous remercie d'avoir accepté de proposer ce déplacement à Strasbourg, et je suis très heureux qu'aient pu y participer plusieurs d'entre nous. En effet, nous étions accompagnés de Mme Patricia Morhet-Richaud et de MM. Jacques Bigot et René Danesi. Nous ont également accueillis et accompagnés lors de cette visite nos collègues du Bas-Rhin, Mme Fabienne Keller et M. Claude Kern.

Notre journée a débuté par une table ronde à l'Agence de Développement Économique du Bas-Rhin (ADIRA) qui a réuni 12 entrepreneurs, représentatifs du savoir-faire et du dynamisme de l'économie alsacienne. Tous les secteurs étaient représentés : l'agro-alimentaire avec Alsace Lait, le secteur de l'automobile (L & L Products), celui de l'innovation industrielle (Entreprise Quiri spécialisée dans l'ingénierie hydraulique), celui du matériel agricole (Entreprise Kuhn) et du matériel électrique (Hager) sans oublier le secteur sensible du bâtiment et des travaux publics (Entreprises Wienerberger et Lingenheld) ou encore celui de la rénovation thermique et électrique (EBM thermique). Certaines de ces entreprises vous sont d'ailleurs certainement bien connues puisque figurait également à cette table-ronde l'entreprise Caddie, dont le nom est passé dans le langage courant pour désigner les charriots de supermarchés et qui, après avoir connu des années difficiles, a su renouer avec le succès international. Était également présente l'entreprise alsacienne de lavage de voiture Hypromat France que vous connaissez certainement sous son enseigne « Éléphant Bleu ».

Toutes symbolisaient la diversité et la spécificité du monde des entreprises alsaciennes, ancrées dans leur territoire, mais également ouvertes à l'extérieur et à l'international. Disposant toutes d'un lien ou d'un contact à l'étranger (par le biais de leurs maisons-mères, de leurs filiales, de leurs partenaires ou de leurs clients), elles étaient parfaitement à même d'établir des comparaisons et de nous présenter les avantages et les inconvénients d'une installation en France.

Et de fait, la discussion, qui aurait dû être centrée sur les spécificités des entreprises alsaciennes et l'attractivité de l'Allemagne, s'est très vite focalisée sur les freins à la croissance. Nous leur avions demandé de ne rien nous cacher et de nous dire tout ce qu'elles pouvaient avoir sur le coeur. La parole a été très libre et surtout très critique pour notre législation et notre réglementation. Une phrase prononcée par l'un des chefs d'entreprise à la fin de la réunion résume tristement l'ensemble des échanges que nous avons pu avoir : « En France, nous avons une culture de l'administration, pas une culture de l'entreprise ».

Si certains ont, malgré tout, salué l'action de l'État, leurs exemples se limitaient à l'accompagnement des entreprises en difficulté. Pour le reste, le discours était pratiquement unanime pour dénoncer les lourdeurs administratives, l'inadéquation de la législation fiscale et sociale et une prise en compte insuffisante des spécificités du monde de l'entreprise. Sur ces différents points, je vous propose de citer quelques exemples :

1) la lourdeur administrative et réglementaire : un des entrepreneurs nous a précisé ne plus être en capacité de lire l'ensemble des textes qui s'appliquent à son activité. Face au maquis réglementaire, qualifié d'inhumain, « nous sommes tous des délinquants en puissance » nous a-t-il déclaré. Le temps de traitement des dossiers par l'administration française, notamment sur les questions de permis de construire et d'installations classées, a notamment été dénoncé, allant jusqu'à 27 mois d'instruction en France contre 3 mois en Allemagne.

L'inflation des normes environnementales a été critiquée tant pour sa complexité que pour les coûts qu'elle engendre. Le prix des études préalables à la charge de l'entreprise dans le cadre d'appels d'offres est vécu comme exorbitant au regard du risque financier supporté par l'entreprise. Un des entrepreneurs nous a indiqué avoir dû payer 150 000 euros pour le transfert et la mise en conformité d'une machine qui fonctionnait parfaitement en Allemagne !

Toujours en matière environnementale, la surtransposition des directives européennes a été dénoncée comme un mal français qui nuit à notre économie comparativement aux autres pays de l'Union européenne. Les entrepreneurs ne comprennent pas l'obligation qui leur est faite d'analyser l'eau qui ruisselle sur leur parking ou, pire, de mesurer le bruit d'une usine qui fait moins de bruit que l'autoroute en face ! Ainsi, les nouvelles réglementations sur l'eau vont nécessiter pour une des entreprises présentes un surcoût d'investissement de 9,2 millions d'euros pour un gain environnemental qui ne semble pas avéré.

Cet environnement défavorable aux entreprises a pour conséquence de pénaliser la reprise économique en France. Un entrepreneur avait le choix entre une extension de son entreprise en Alsace ou la création d'une nouvelle usine à Prague avec 50 emplois de créés. Il a choisi la solution tchèque car en un an, il avait une usine opérationnelle qu'il n'aurait jamais pu obtenir dans le même temps en France, compte tenu des autorisations administratives préalables ;

2) la complexité du droit du travail français a unanimement été dénoncée. Un chef d'entreprise nous a déclaré qu'il avait besoin de trois fois plus de personnel dans son équipe dédiée aux Ressources Humaines en France qu'en Allemagne. Un autre nous a cité en exemple la simplicité de la législation du travail en Suisse qui, en rendant le licenciement plus simple, permet également de limiter les freins à l'embauche. Là-bas, un licenciement pour faute entraîne une réduction de l'indemnité chômage.

Le seuil des 50 employés que nous évoquons souvent au sein de la Délégation a encore une fois été dénoncé, avec l'exemple très concret d'une entreprise qui a fait le choix de s'installer en Allemagne plutôt qu'en France après avoir fait une analyse financière comparée des deux législations. Ce projet aurait pu créer 50 emplois supplémentaires en Alsace ;

3) la pression fiscale : le régime fiscal appliqué à la transmission des entreprises a unanimement été dénoncé comme une porte ouverte au démantèlement des entreprises françaises et de leur savoir-faire.

Les incitations fiscales ont été jugées largement insuffisantes ou contre-productives compte tenu des risques de contrôle fiscal, notamment concernant le Crédit Impôt Recherche. Les déductions fiscales liées au financement du secteur « Recherche et Développement » ont été jugées largement insuffisantes au regard de ce qui existe à l'étranger, le système français ne prenant en compte qu'une part des dépenses de recherche ;

4) une prise en compte insuffisante des besoins des entreprises : sur les délais de paiement, les entrepreneurs reconnaissent que la loi de modernisation de l'économie a amélioré les délais de paiement mais des niches continuent d'exister qui mettent à mal la trésorerie des entreprises. Par ailleurs, certains considèrent l'accompagnement du secteur bancaire et de la BPI comme pouvant être amélioré.

Il y a en Allemagne un réel accompagnement des entreprises pour leurs projets d'installation et d'extension qui n'existe en France que lorsque l'entreprise est déjà en difficulté. De fait, le seul entrepreneur reconnaissant un accompagnement efficace de l'État a cité le cas de la reprise de Caddie, au moment où l'entreprise était au plus mal. Or, il serait plus intéressant d'assurer la prévention plutôt que la guérison.

Les entreprises présentes ne souhaitaient pas nécessairement un médiateur qui se rajouterait entre les entreprises et l'enseignement ou les administrations mais plutôt des espaces de rencontres. Ils ont ainsi cité en exemple les enseignants qui font la démarche d'aller directement voir les entreprises et de travailler avec elles. Concernant le soutien à l'apprentissage, ils ont rappelé que 200 apprentis traversent le Rhin pour faire leur apprentissage en Allemagne. Il serait temps d'inverser cette courbe.

L'Union européenne et l'attitude de certains de nos partenaires ont également été dénoncées lors de la table-ronde. L'Allemagne pratiquerait, sans le dire, un certain protectionnisme qui limiterait notre capacité à y acquérir des parts de marché alors même que la France semble plus ouverte aux entreprises allemandes. Un entrepreneur expliquait devoir présenter des prix 20 % à 25 % moins chers pour pénétrer certains marchés de nos voisins européens. Le manque d'harmonisation fiscale et sociale au sein de l'Union Européenne a clairement été identifié comme un frein à l'expansion des entreprises françaises concurrencées par leurs collègues européens.

Après avoir dressé ce constat relativement pessimiste, les entreprises présentes nous ont suggéré quelques aménagements législatifs ou réglementaires plus favorables au monde de l'entreprise et à l'emploi. Certaines nécessiteront de notre part une analyse plus approfondie mais je vous présente quelques-unes des propositions qui nous ont été soumises :

1) exonérer la transmission d'entreprises jusqu'à 100 % en contrepartie d'un engagement de conservation de l'entreprise et de ses salariés sur 12 ans. Les chefs d'entreprise regrettent en effet une double imposition qui les oblige à vendre leur entreprise plutôt que de la transmettre à leurs enfants ;

2) assouplir la loi sur le temps partiel afin de prendre en compte les spécificités des entreprises qui ont une activité cyclique et très variable dans le temps, avec une attention particulière sur le travail le dimanche ;

3) mettre en place des études d'impact sur l'économie avant tout vote d'une loi nouvelle pour vérifier la soutenabilité financière des nouvelles normes pour les entreprises concernées ;

4) favoriser l'embauche des plus de 50 ans en permettant aux entreprises de les recruter sans risque de prise en charge de leurs maladies ;

5) encourager les collectivités à utiliser les possibilités offertes par les délégations de service public afin de favoriser les PME locales ;

6) modifier le décret du 14 mai 2014, dit décret « Montebourg », soumettant dès le premier euro les investissements étrangers dans certains secteurs à une procédure d'autorisation préalable pénalisant les petits projets locaux ;

7) permettre à la loi de modernisation de l'économie d'obtenir tous ses effets en matière de délais de paiement ;

8) de manière plus spécifique, un entrepreneur nous a évoqué la nécessité de répondre aux difficultés propres à l'Alsace-Moselle qui dispose d'un droit local qui, parfois, se surajoute à la complexité administrative française, avec notamment des jours de congés supplémentaires.

Plus globalement, les entrepreneurs nous ont reproché collectivement, élus et gouvernement, de ne pas savoir communiquer positivement sur la France. Sur la situation économique de notre pays, certains chefs d'entreprise n'ont pas été tendres : « Vous êtes collégialement responsables de la situation dans laquelle on est (...) Vous n'avez pas fait le job pour lequel vous avez été élus », a-t-on pu entendre !

Les autres pays font davantage confiance à l'entreprise en mettant en place des procédures de contrôle a posteriori et non a priori, simplifiant ainsi largement les démarches d'installation. Un entrepreneur a ainsi cité le cas concret d'une implantation d'une unité de production qui avait, en France, subi un retard de plus de deux ans, comparé à la création d'une usine similaire au Canada.

De nos différents échanges, on a retenu un sentiment de malaise parmi nos entreprises en France. Un entrepreneur expliquait qu'il était vu aux États-Unis comme une star, en Allemagne comme un héros et en France comme un voyou. Or, l'entreprise, ce n'est pas seulement un patron, c'est également des salariés, des fournisseurs, des clients. Retrouver la confiance, c'est aussi pour les entrepreneurs que nous avons rencontrés, changer cette mentalité française et faire en sorte de travailler ensemble dans la même direction en « cordée française » pour reprendre l'expression d'Emmanuel Macron citée lors de la table-ronde.

Pour résumer, une seule des entreprises présentes a annoncé la fermeture de son implantation allemande en expliquant que l'avantage comparatif de notre voisin outre-rhin s'essoufflait, notamment à la suite de la création du salaire minimum en Allemagne. Les autres entreprises présentes ont, au contraire, reconnu que leur fidélité à l'Alsace et à la France tenait plus à des raisons familiales et historiques qu'à des raisons sociales ou fiscales qui les inciteraient plutôt à s'implanter à l'étranger.

L'après-midi a été consacrée à la visite de l'usine des Cafés Reck, dont le modèle économique repose essentiellement sur l'originalité et la diversité de son offre de cafés sélectionnés avec soin dans le monde entier, mais torréfiés en Alsace selon une méthode quasi-scientifique de mélange des saveurs. Avec 35 salariés, cette entreprise est un exemple de réussite dans la région avec son Président Directeur Général, Thomas Riegert, dont le charisme et surtout le franc-parler n'ont certainement pas échappé à la délégation. Doté d'un talent oratoire certain, il a dénoncé, pêle-mêle, le blocage de notre économie par des syndicats qui ne représentent qu'une minorité d'actifs, le gaspillage que constitue le recoupement des compétences économiques des différents niveaux territoriaux, ainsi que le poids de la réglementation et de la pression fiscale. Il refuse de publier ses comptes et nous a indiqué avoir dû emprunter pour payer ses impôts. Nous gardons en souvenir certaines des formules-chocs qui résument sa pensée comme celle-ci que je livre à votre appréciation : « J'ai l'impression d'être un mouton que l'on tond mais on ne peut pas tondre un oeuf ». Plus précisément, il a regretté l'instabilité fiscale française, le manque d'accompagnement en France par rapport aux Länder allemands qui vont jusqu'à offrir des terrains aux entreprises, ainsi que la lourdeur de la réglementation qui incite l'entrepreneur à se mettre de fait hors-la-loi s'il souhaite survivre.

Pour ne pas finir sur une note trop négative, je dois tout de même signaler que notre visite a largement été appréciée par les chefs d'entreprise qui ont salué la volonté du Sénat et de la Délégation d'aller au-devant des entreprises pour comprendre leurs difficultés afin d'y répondre au mieux. L'enjeu pour nous est désormais de ne pas les décevoir et de proposer au Gouvernement les mesures de simplification et d'amélioration de notre système économique qui s'imposent.

Mme Élisabeth Lamure, présidente .- Merci pour ce compte rendu très fidèle de cette journée qui était, comme toutes les autres, très intéressante. Nous avons été interpellés, sans doute plus qu'ailleurs, sur le poids de l'administration, celui des normes et des règlements. Des comparaisons intéressantes ont été présentées, non seulement avec l'Allemagne, mais également avec d'autres pays comme la Suisse ou le Canada.

M. Gilbert Bouchet .- Je n'ai malheureusement pas pu participer à ce déplacement et vous prie de m'en excuser. Je souhaite vous remercier pour le rapport résumant notre action des six derniers mois. Il reflète bien l'activité de la Délégation. Je souhaiterais savoir s'il a été transmis aux autres institutions et au Gouvernement. Notre travail doit pouvoir être utile afin que chacun prenne ses responsabilités.

Mme Élisabeth Lamure, présidente .- Effectivement, c'est pourquoi notre travail se prolonge par des propositions, soit lors de l'examen des textes soumis par le Gouvernement, comme nous avons pu le faire avec la loi Macron, soit en prenant nous-mêmes l'initiative parlementaire.

M. Gilbert Bouchet .- Qu'en est-il du droit local en Alsace ?

M. Guy-Dominique Kennel .- En France, les chefs d'entreprise ont le sentiment d'avancer avec des boulets aux pieds alors qu'en Allemagne, on les écoute et on favorise l'entreprise et son développement. Les entreprises souhaitent tout simplement plus de souplesse et veulent qu'on les laisse respirer. Il nous appartient de répondre à cette demande. En Alsace, le droit local se surajoute effectivement au droit national et l'amplifie. Ce droit local doit être revu mais le Conseil constitutionnel nous a prévenus qu'il serait difficile de toucher à un paragraphe sans remettre en cause l'ensemble du droit local. Comme cette révision ne fait pas l'unanimité, personne n'ose faire de propositions concrètes sur le sujet. Surtout lorsque cela touche à des journées supplémentaires pour les salariés !

M. Claude Nougein .- Nous disposons désormais d'un diagnostic assez clair mais il faut passer à l'étape suivante. Nous devons faire connaître à nos partenaires, dont le Gouvernement, ce que nous avons découvert. Nous pourrions également organiser une rencontre avec les ministres concernés, leurs chefs de service ou leurs directeurs de cabinet, pour leur faire part de ce que nous avons appris lors de ces visites de terrain. Il est possible de trouver des points de consensus à peu de frais qui nous permettraient d'améliorer les choses. Les remarques des entreprises alsaciennes sont d'autant plus fortes qu'elles souffrent d'un comparatif négatif avec l'Allemagne.

Mme Élisabeth Lamure, présidente .- Nous ne devons pas confondre notre travail avec celui des commissions permanentes. Le Gouvernement est parfaitement conscient de ce que nous disent les entreprises. Notre rôle est de faire entendre ce que nous disent les entreprises sur le terrain afin de présenter des propositions adéquates permettant d'alléger ce poids administratif et réglementaire.

Mme Annick Billon .- Je regrette de ne pas avoir pu assister à ces échanges qui, visiblement, avaient le mérite du franc-parler. Les territoires frontaliers, tels que l'Alsace, font apparaître plus durement les problèmes que posent notre réglementation et la surtransposition des normes.

Le regard sur les entreprises, c'est aussi une culture. En France, il nous manque cette culture de l'entreprise. Elle doit s'apprendre dès le plus jeune âge, afin que le regard sur l'apprentissage et l'entreprise change, pour admettre qu'il n'y a pas forcément d'un côté les méchants chefs d'entreprise et de l'autre les gentils salariés ou les gentils administratifs.

M. Olivier Cadic .- Félicitations pour ce travail qui retranscrit fidèlement les problématiques avec une liste de propositions intéressantes. Elles doivent être étudiées avec discernement par la Délégation. Ainsi, pourquoi retenir un engagement de non-cession de douze ans comme condition pour une exonération de 100 % des droits de succession ? La reprise d'une entreprise est une lourde responsabilité et tous les enfants ne sont pas forcément intéressés. L'objectif de l'exonération doit être, avant tout, la pérennisation de l'entreprise.

La remarque sur le salaire minimum en Allemagne était très intéressante : dans mes propres visites en Norvège et en Suède, est régulièrement revenu le souhait de laisser cette thématique aux acteurs sociaux dans le cadre d'accords de branche.

Nous devons désormais travailler ensemble avec les entreprises et définir des priorités pour la suite. Nous devons pouvoir dépasser l'opposition entre le politique et l'entreprise et la caricature mutuelle. Le sentiment du mouton tondu dont fait part le dernier entrepreneur est un sentiment réel. J'ai pu moi-même, en tant qu'entrepreneur, ressentir cette « épée de Damoclès ». Pour faire écho aux entrepreneurs que vous avez rencontrés, je dirais qu'il est « plus facile de tondre le mouton français que l'alpaga des Andes ! ».

L'approche de notre Délégation est essentielle. Cela permet d'avoir un endroit au sein du Sénat où on travaille autrement, où on associe les acteurs avant de porter les textes. Et dans ce rapprochement, le politique ne peut être seul à agir : pour que le politique change, il faut aussi que les entreprises s'engagent et travaillent avec le politique.

Mme Élisabeth Lamure, présidente .- J'ai eu une conversation avec notre collègue Nicole Bricq sur les difficultés de la transmission des entreprises. Nous essaierons d'y répondre soit par un amendement au projet de loi de finances, soit par le biais d'une autre initiative.

M. Éric Jeansannetas .- Je regrette également de ne pas avoir pu participer à ce déplacement mais le compte rendu nous permet d'imaginer largement les échanges que vous avez eus. La proximité de l'Allemagne et de la Suisse a dû amplifier les critiques du système hyper-administratif à la française. Dans le cadre des travaux de la commission des affaires sociales, nous sommes récemment allés en Autriche pour y étudier le secteur de l'apprentissage. Nous y avons rencontré les corps intermédiaires, dont les chambres de commerce et d'industrie. En Autriche, les chambres consulaires sont plus présentes aux côtés de leurs mandants. Il faudrait voir comment les entreprises et leurs chambres pourraient travailler en ce sens en France, en étant moins spectatrices. Sur l'apprentissage, il faut relever que les jeunes Allemands ne rêvent plus de l'entreprise : il y a donc également des difficultés de recrutement en Allemagne où les familles privilégient pour leurs enfants les carrières de « cols blancs ».

Partout en France, nous entendons toujours les mêmes revendications de la part des entrepreneurs. Nous leur répondons que le travail de simplification avance mais, à chaque rapport parlementaire, le constat de complexité demeure. Notre travail doit pouvoir se traduire en propositions, même je suis conscient des difficultés.

Mme Élisabeth Lamure, présidente .- Oui, on aurait envie d'entrer plus rapidement dans le concret.

M. Jérôme Durain .- Je regrette de ne pas avoir pu me joindre à vous lors de ce déplacement. Quelles suites souhaitons-nous donner au travail de la Délégation ? Si nous ne pouvons pas utiliser ce que nous avons recueilli sur le terrain, la déception sera grande. Il ne sert à rien d'avoir des mains pures, si nous n'avons pas de mains ! Ne pourrions-nous pas auditionner un ministre pour lui rendre compte des échanges que nous avons eus sur le terrain ?

M. Gilbert Bouchet .- Nous pourrions en effet rencontrer les ministres et communiquer leurs réponses aux chefs d'entreprise rencontrés.

M. Guy-Dominique Kennel .- Merci aux collègues qui ont fait part de leurs regrets de ne pas avoir pu se joindre à nous. Une journée est très courte pour aborder toute une économie régionale et j'aurais voulu vous faire voir plus de choses. Pour ce qui est de l'apprentissage, c'est un secteur que je connais bien en tant qu'ancien directeur de centre de formation d'apprentis et inspecteur chargé de l'apprentissage. En France, l'apprentissage est plus centré sur le diplôme que sur l'entreprise. C'est là que réside la différence avec l'Allemagne.

Il y a tout de même des éléments positifs à retenir de notre visite : l'introduction du salaire minimum en Allemagne rend certains acteurs français plus concurrentiels ; notre énergie est également 25 % moins chère qu'en Allemagne et des entreprises allemandes énergivores s'installent en France. Nous avons des atouts dans cette grande région du Nord-Est. Tout n'est pas négatif : les chefs d'entreprise ont juste voulu mettre en exergue ce qui peut être amélioré !

B. COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 11 FÉVRIER 2016, SUITE AU DÉPLACEMENT DANS LE NORD LE 13 NOVEMBRE 2015

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Mes chers collègues, compte-tenu de l'ordre du jour particulièrement dense et de l'horaire, nous allons tout de suite commencer par le compte-rendu du déplacement dans le Nord, le 13 Novembre 2015, date funeste.

Mme Valérie Létard . - Merci madame la Présidente. Le 13 novembre dernier, une dizaine d'entre nous se sont rendus à Valenciennes, dans le département du Nord. J'ai été très heureuse de pouvoir accueillir cette partie assez significative de la délégation à la communauté d'agglomération de Valenciennes Métropole que j'ai eu l'honneur de présider jusqu'à mon élection récente au Conseil Régional. Je remercie encore Élisabeth Lamure d'avoir bien voulu organiser ce déplacement, qui avait un relief particulier du fait qu'y a également participé le président du Sénat, Gérard Larcher. Nous accompagnaient aussi Olivier Cadic, Michel Canevet, Jacky Deromedi, Jacques Legendre, Patricia Morhet-Richaud, Claude Nougein, Sophie Primas et Michel Vaspart.

Le Nord est le département le plus peuplé de France, avec plus de 2,6 millions d'habitants. C'est une terre d'industrie en perpétuelle mutation et c'est ce que j'espère vous avoir fait toucher du doigt au cours de cette journée. Les dernières décennies ont été marquées par le double séisme qui a touché la sidérurgie et les mines, et qui a eu des conséquences sur 40 000 emplois directs sur un arrondissement de 400 000 habitants. Le taux de chômage a ainsi grimpé à 22 % sur l'arrondissement de Valenciennes, avec des poches à 35 %. Pour vous donner un ordre d'idée, des villes comme la commune de Denain sont passées du plein emploi à aucun emploi. Sont restés les gens qui étaient prisonniers de leur condition.

Une reconversion industrielle a été engagée au début des années 1990. Les collectivités territoriales ont accompagné les entreprises dans cette reconversion du territoire, en s'appuyant notamment sur l'université de Valenciennes et du Hainaut qui joue un rôle particulier. Cette université a vocation à attirer de nouvelles industries, former leurs personnels d'encadrement et permettre aux jeunes des familles modestes d'accéder à l'enseignement supérieur. La particularité de cette université qui est très ouverte au secteur économique est d'être née d'un IUT ; elle a toujours entretenu des liens avec les acteurs économiques du territoire jusqu'à devenir une grande université.

La communauté d'agglomération, créée il y a dix ans, n'a eu qu'une seule stratégie : l'investissement. Elle a ainsi entrepris de raser les friches industrielles, de les dépolluer, de les aménager, de les fibrer... Nous avons fait de Valenciennes une agglomération de projet plutôt qu'une agglomération de service, tout simplement parce que l'on partait d'une situation qui nécessitait de restructurer des friches sans lesquelles on ne pouvait pas bâtir de reconversion économique. 170 personnes y travaillent, pratiquement 50 % de cadres avec des ingénieurs et des chargés de mission, typiquement sur un modèle d'agence d'urbanisme et développement, avec pour priorités : la mobilité, l'accessibilité, les grands équipements... 15 % des revenus de l'agglomération viennent de l'autofinancement, alors que c'est un territoire extrêmement pauvre bénéficiaire du Fonds de péréquation. Je citerais quelques une de nos grandes réalisations : Transalley, le technopôle des mobilités innovantes et durables développé autour de grands acteurs automobiles et ferroviaires, d'une université et d'un pôle de recherche aménagé sur une zone de 25 hectares; les Rives créatives, pôle d'excellence numérique et technologique que nous avons aménagé sur les rives de l'Escaut, sur une friche Vallourec, située sur 27 hectares en plein coeur de ville, qu'il a fallu raser, dépolluer, aménager pour en faire un pôle d'excellence numérique qui bénéficie d'un data-center et d'une école supérieure de 900 étudiants dans le domaine du numérique ; enfin, le terminal à conteneurs au bord de l'Escaut, premier port de fret régional au service de la logistique durable. L'enjeu, pour nous, c'est de structurer des filières et de spécialiser les territoires, en créant des dynamiques locales sur des niches ou autour de clusters rapprochant les étudiants, les laboratoires de recherche, les entreprises... Ainsi, la Picardie mise sur l'agroalimentaire, particulièrement les céréales, le sud du département sur la mobilité durable, la côte sur les énergies renouvelables et la métropole lilloise sur la Silver economy.

Une fois dressé ce bref panorama, nous avons pu entendre une petite vingtaine de chefs d'entreprise, qui représentaient bien la diversité industrielle qui caractérise le Valenciennois : des grands employeurs du monde des transports comme Toyota ou Alstom, aux jeunes entreprises innovantes du numérique ou du développement durable, en passant par des entreprises de taille intermédiaire du monde de la mécanique, de la logistique ou de la fabrication, ou encore des sous-traitants du ferroviaire ou de l'automobile.

Ils ont témoigné de plusieurs difficultés qui avaient déjà été signalées à la Délégation lors de ses précédents déplacements :

- la complexité juridique : le « choc de simplification » reste insensible sur le terrain ; les entrepreneurs ont la sensation que nous légiférons sans arrêt pour peu de choses ; ils ont notamment dénoncé la complexité du droit social, et notamment du compte pénibilité et du compte personnel de formation, dont ils ne voient pas l'utilité. Ils estiment que cette complexité mobilise des armées au sein des entreprises comme au sein des services de l'État. La numérisation est vue comme une piste pour favoriser la simplification : l'un des participants a ainsi insisté sur la nécessité de numériser les greffes pour alléger les formalités des entreprises ;

- la frilosité de l'administration : aux yeux des entrepreneurs - je relate stricto sensu ce qui a été dit -, le fonctionnaire, même efficace, a peur et, de ce fait, ne prend de risques que sur ordre du préfet ;

- le manque de flexibilité du droit du travail : si les entrepreneurs ont salué la possibilité de renouveler les CDD, ils ont jugé que la durée des CDD (18 mois maximum) était trop courte, même doublée par le renouvellement: ainsi, le directeur général de Toyota a estimé que doubler la durée du CDD pour la porter à 36 mois serait un bon facteur de relance ; un entrepreneur a aussi proposé que les entreprises puissent adapter les contrats de travail de leurs employés en fonction des contrats qu'elles concluent avec leurs clients ; un autre a indiqué être obligé de recourir à l'intérim pour des contrats clients de deux ans, ce qui n'était satisfaisant pour personne, à commencer par l'entreprise, obligée de former les intérimaires ; le représentant d'Alstom a jugé que le défaut de flexibilité et le recours à l'intérim représentaient une difficulté centrale pour l'industrie ferroviaire. Sur ce point, le patron de Toyota nous a expliqué que sur l'arrondissement de Valenciennes qui connaît 15 % de chômeurs, la limitation des contrats empêchait des demandeurs d'emplois valenciennois qualifiés et ayant déjà travaillé chez Toyota d'y occuper des emplois à durée déterminée. L'entreprise est obligée d'aller recruter à l'extérieur de l'arrondissement. Les travailleurs viennent ainsi de plus en plus loin pour travailler chez Toyota du fait de la nature des contrats. Dans l'industrie automobile, Toyota emploie 4 000 CDI mais également 800 CDD composant ses équipes de nuit qui représentent une variable d'ajustement utile ;

- la durée d'indemnisation du chômage : un dirigeant de PME a déploré que certains ouvriers fassent tout pour être licenciés et bénéficier d'indemnités chômage pendant deux ans. Il a aussi voulu souligner que d'autres ouvriers se donnaient sans compter et regretté que ceux-là entendent parler de parachutes dorés ;

- les distorsions de concurrence intra-européennes : le secteur de la logistique a particulièrement souligné les écarts croissants entre les législations française et européenne, encore plus sensibles dans une région frontalière. Ainsi, les charges sociales, la fiscalité, la rigidité du droit du travail disqualifient la France par rapport aux autres pays européens. Notamment, la définition du temps de travail diffère entre la France et les pays voisins : par exemple, un chauffeur français est payé le temps de ses arrêts pour une livraison, alors que ce temps de repos n'est pas rémunéré à l'étranger ; un entrepreneur ayant démarré son activité en Belgique a indiqué que la différence de charges sociales avec la Belgique était telle que les coûts salariaux étaient 30 % plus élevés en France qu'en Belgique;

- les difficultés de financement des entreprises : plusieurs ont dénoncé la frilosité des banques qui demandent des garanties importantes alors qu'elles prennent des risques qu'ils jugent minimes. Le rôle facilitateur de la BPI a été souligné, même s'il a été indiqué que la BPI aussi demandait la caution du dirigeant, ne serait-ce que pour contre garantir le prêt bancaire. L'un des entrepreneurs présents a même confié être caution à hauteur de 15 fois sa maison, donc ne plus craindre de l'être encore!

- les difficultés liées au contrôle fiscal du crédit impôt recherche (CIR), contrôle qui intervient trop tardivement : ainsi, une start up qui développe des jeux vidéo a témoigné d'un contrôle intervenu trois ans après l'octroi du CIR, ce qui est très déstabilisant pout une petite entreprise en cas de redressement ;

- le défaut de reconnaissance des chefs d'entreprise : un dirigeant de PME, fier de prendre des risques, a regretté d'être stigmatisé comme chef d'entreprise ; il considère que la France ne sait pas garder ses chefs d'entreprise et doit cesser de nourrir un regard de jalousie sur la réussite, qui donne envie aux entrepreneurs de quitter le pays. Je ne fais ici que reprendre des propos qui ont été tenus. Plusieurs ont aussi déploré que le système éducatif français n'éveille pas à l'entrepreneuriat.

Ces constats, nous les avons déjà entendus. Il est important de les rappeler, même s'ils sont connus, car cela nous dit quelles doivent être nos priorités. Mais il est intéressant de noter que les entrepreneurs du Valenciennois ont mis en avant des sujets plus spécifiques:

- la pénurie de main d'oeuvre bien formée qui est un vrai défi : les entreprises du Valenciennois recherchent des savoir-faire, mais surtout, nous ont-elles dit, des savoir-être. C'est un sujet qui n'avait pas émergé dans nos précédents déplacements et l'un des intervenants a indiqué ne pas rencontrer ce type de difficultés dans son établissement situé en Rhône-Alpes. Cela est lié aussi à la réalité socio-économique d'un territoire, qu'il faut prendre en considération. La plupart ont estimé que notre main d'oeuvre, particulièrement sa frange la plus jeune, présentait des difficultés en termes d'employabilité : ainsi, le représentant de Toyota France a indiqué avoir embauché 500 intérimaires l'an dernier et déploré un taux de turn over de 30 %, de plus en plus de salariés jugeant trop dur de travailler sur une chaîne de fabrication pour 1 500 euros par mois. Un dirigeant de PME a lui aussi indiqué rencontrer des difficultés équivalentes : il a mis en place, avec Pôle Emploi, des formations à ses propres métiers mais, sur les 35 personnes sans qualification qui ont bénéficié de cette formation, l0 ont été recrutées et il n'en reste aujourd'hui que 3 qui travaillent encore dans l'entreprise. Cet enjeu de la formation est souvent revenu dans les échanges, plusieurs dénonçant le coût de l'alternance et de la formation professionnelle au regard des résultats ; pour éviter aux entreprises de payer deux fois pour la formation, l'une d'elles a suggéré d'alléger les taxes sur la formation (2 % de la masse salariale) et de laisser aux entreprises plus de liberté pour former leur personnel ;

- le rôle des partenaires sociaux : les plus gros employeurs du département souhaiteraient travailler avec eux dans une confiance mutuelle et un investissement partagé, pour assurer la qualité des relations sociales dans l'entreprise et mieux saisir les opportunités. L'un a estimé que les lois en matière de dialogue social ressemblaient à des « armes de destruction massive remises dans les mains de personnes qui n'ont pas toujours la compétence ou la volonté pour les utiliser de manière raisonnable pour l'entreprise »; plusieurs entrepreneurs ont déploré le manque de représentativité des instances représentatives du personnel : en effet, beaucoup de salariés ne veulent pas se syndiquer et il est souvent difficile d'atteindre le quorum aux élections professionnelles. C'est ainsi qu'un entrepreneur s'est trouvé empêché de conclure un accord d'entreprise, faute de délégués syndicaux. Un des participants a d'ailleurs proposé de travailler sur une obligation pour les salariés de se syndiquer, afin d'améliorer la représentativité des syndicats ; un autre a estimé que les ressources des syndicats ne dépendant pas du nombre de leurs adhérents, les syndicats étaient incités à vivre pour eux-mêmes, pas au service du bien collectif - je continue à relater les propos tenus - ;

- la commande publique : c'est en effet un levier de croissance que les petites entreprises ont mis en avant. Notamment les jeunes entreprises numériques, qui ont indiqué qu'elles avaient plus besoin de la commande publique que de subventions, d'autant que celles-ci ne peuvent dépasser 200 000 euros sur 3 ans, en application de la règle européenne de minimis en matière d'aides d'État, règle qui désavantage d'ailleurs les entreprises européennes dans la compétition internationale ;

- le nécessaire encouragement à l'investissement industriel : tous les intervenants sont convenus de la nécessité de transformer l'industrie française en industrie à valeur ajoutée. Ainsi, le représentant de Toyota a jugé nécessaire de miser sur l'hybride et l'hydrogène, qui sont l'avenir de l'automobile. Une des clefs pour accompagner cette transformation est assurément de soutenir l'investissement. L'un des entrepreneurs a d'ailleurs imaginé à cette fin que l'amortissement du matériel puisse se faire sur la même durée que celles des contrats clients ; il regrettait de ne pouvoir profiter du dispositif créé dans cet esprit par la loi Macron.

Ces pistes ouvertes à Valenciennes sont à creuser pour favoriser le développement de nos entreprises. Nous pouvons au moins nous féliciter d'un point positif : plusieurs des participants ont salué la façon dont les collectivités territoriales accompagnent leurs entreprises, pas seulement par la création de zones franches urbaines. C'est la dynamique impulsée au niveau de l'agglomération qui permet de renforcer l'attractivité territoriale, notamment pour répondre aux difficultés que rencontrent les entreprises en matière de recrutement mais aussi à leur besoin d'accompagnement dans les dossiers à monter pour pouvoir s'implanter sur un territoire de proximité.

Après le déjeuner, nous avons visité deux entreprises industrielles. Nous nous sommes tout d'abord rendus dans l'usine HAMON D'HONDT installée à Fresnes sur Escaut, filiale du groupe belge, HAMON & Cie. Ce groupe est un acteur mondial en ingénierie et fabrication de grands équipements, dans quatre domaines principaux : les systèmes de refroidissement, les systèmes de dépollution de l'air, les systèmes de récupération d'énergie et les échangeurs de chaleur.

Nous avons visité l'usine historique du groupe, lequel compte aussi des sites en Arabie Saoudite, en Corée et en Belgique. Sur le site de Fresnes, travaillent près de 150 personnes, pour des clients, qui sont des grands donneurs d'ordres dans des projets internationaux, comme Kawasaki ou Eni, aux utilisateurs finaux, comme Total ou Shell. Le chiffre d'affaires de ce site, qui est de l'ordre de 50 millions d'euros, se fait pour 95 % à l'export. La société travaille sur plusieurs projets de R&D : refroidissement pour centrales solaires, stockage de l'énergie thermique... Elle participe d'ailleurs au concours mondial de l'innovation 2030.

Les dirigeants de l'entreprise ont attiré notre attention sur deux points majeurs :

leurs difficultés de financement : cette entreprise a besoin d'investir dans son parc industriel pour remplir un objectif de prises de commandes de 68 millions d'euros pour le site de Fresnes, ce qui devrait créer une trentaine d'emplois stables supplémentaires. Les dirigeants nous ont particulièrement sollicités pour appuyer leur demande auprès de la BPI de financement pour un investissement à hauteur de 2 millions d'euros qu'ils n'arrivent pas à obtenir alors que cet investissement, utilisé pour le matériel en fin de chaîne de production, permettrait de créer immédiatement 30 emplois. Il faut avancer, puisque dans ce cas, l'entreprise n'a pas de difficultés avec son carnet de commande mais c'est l'investisseur public qui manque de confiance envers l'entreprise ;

leur besoin d'accompagnement à l'export : mis à part les 9 VIE qui leur sont très précieux, ils ne se sentent pas soutenus dans leur développement à l'export. La Coface a aidé l'entreprise quand elle était florissante, mais elle se retire maintenant qu'elle rencontre des difficultés, ce qui accentue la tension sur la trésorerie. En comparaison, ils estiment que les autres pays protègent mieux et aident mieux leurs entreprises. Ils regrettent aussi que les entreprises entre elles ne s'entendent pas sur une approche groupée, à l'allemande.

La Délégation sénatoriale aux entreprises s'est ensuite rendue sur le site de Valenciennes du groupe HIOLLE INDUSTRIES, lequel compte 11 sites de production, principalement en région Nord Pas de Calais Picardie ; l'entreprise familiale réalise un chiffre d'affaires de 70 millions d'euros et emploie 650 personnes dans des domaines variés. De grands donneurs d'ordre lui font confiance comme General Electric, EDF, Siemens, Alstom ou Areva, par exemple. Ces grands groupes dépendent de la commande publique, celle des régions notamment, dans les secteurs du transport et du ferroviaire. Ces entreprises à l'actionnariat familial font preuve de leur capacité à s'adapter à un marché très diversifié mais fragile.

Voilà à grands traits ce que nous avons vu, ce qui a été le témoignage d'entreprises, des grands groupes très solides à des start-ups du numérique en passant par des PME qui gravitent autour. Beaucoup d'innovations engagées, nos espoirs en matière logistique et la position de notre territoire au carrefour de l'Europe du Nord constituent autant d'atouts, mais des freins subsistent. J'ai essayé d'exprimer de façon directe quelles sont les inquiétudes, les préconisations et les attentes en direction de la Délégation aux entreprises.

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Ceux qui faisaient partie de ce déplacement s'en sont bien rendu compte : la reconversion de ce bassin industriel et la dynamique déployée notamment par Valenciennes métropole sont assez spectaculaires. Par ailleurs, les témoignages des chefs d'entreprise furent très directs, comme à chaque déplacement : ils nous ont dit ce qu'ils avaient sur le coeur, charge à nous de tenir compte de leurs messages dans notre action parlementaire.

M. Michel Cavenet . - Nous avons été très bien reçus. Merci encore.

Mme Annick Billon .- Je regrette de n'avoir pu participer à ce déplacement.

C. COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 11 FÉVRIER 2016, SUITE AU DÉPLACEMENT À MONTREUIL ET PARIS LE 14 JANVIER 2016

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Nous allons pouvoir rendre compte maintenant de la matinée du 14 Janvier où nous étions nombreux à participer à un déplacement composé de deux visites. Nous nous sommes tout d'abord rendus à Montreuil pour rencontrer la Direction générale des Douanes et des droits indirects, puis à Paris pour découvrir la Fondation Entreprendre. Ces deux rencontres, bien que différentes, ont fait souffler un vent d'optimisme. Nous avons trouvé d'abord une administration centrale du ministère des finances en train de développer une nouvelle culture tournée vers l'entreprise.

Les Douanes préparent actuellement l'entrée en vigueur du nouveau code des douanes de l'Union à compter du 1 er mai 2016. Cette réforme prévoit notamment un dédouanement centralisé au niveau national, qui permettra à une personne de déposer auprès d'un bureau de douane une déclaration concernant des marchandises présentées dans le ressort d'un autre bureau. En outre, le nouveau code des douanes de l'Union permettra d'accomplir toutes les formalités et tous les actes douaniers en représentation directe ou indirecte : autrement dit, le monopole des professionnels du dédouanement agréés sera levé. C'est vraiment une simplification notable. Derrière ces questions très techniques se cache un enjeu majeur : renforcer l'attractivité des plates-formes logistiques françaises et la domiciliation du dédouanement en France. Cela fait le lien avec notre déplacement dans le Nord, zone frontalière où l'activité logistique est essentielle et où l'on connaît la compétitivité des ports d'Anvers et de Rotterdam.

Par ailleurs, les Douanes ont engagé une mutation qui les voit compléter leur mission traditionnelle de contrôle et de surveillance des flux commerciaux par l'exercice d'une nouvelle mission de conseil, de facilitation et d'accompagnement des entreprises tant à l'import qu'à l'export. Elles ont notamment mis en place une certification d'« opérateur économique agréé ». Après un audit douanier destiné à s'assurer de sa fiabilité, de sa solvabilité et du respect de standards de sûreté, l'entreprise labellisée obtient des avantages : ses contrôles douaniers sont réduits, elle est prévenue à l'avance des contrôles de marchandises, elle est traitée prioritairement en cas de contrôle ou de tests en laboratoire, elle choisit partiellement son lieu de contrôle, etc. Fin 2015, 1 400 entreprises étaient labellisées. De même, il existe un statut d'exportateur agréé qui permet notamment à l'entreprise de devenir certificatrice de l'origine des marchandises : 5 800 entreprises en bénéficient, ce qui leur offre des garanties contre des ennuis juridiques ou tarifaires dans le pays d'exportation.

L'administration des Douanes s'est lancée dans un Tour de France : il s'agit de présenter aux entreprises les procédures à suivre, les faire participer à des ateliers pratiques concrets et leur fournir des conseils personnalisés. Je vous rappelle les prochaines étapes de ce Tour de France des experts de la Douane : Lille - Tourcoing le 18 février, Rouen le 3 mars et Bordeaux, le 10 mars.

Vous le voyez, une vraie dynamique positive s'est mise en marche, même s'il reste des points de blocage que nous avons librement évoqués dans nos questions :

- encore trop peu de PME et d'ETI se saisissent des nouvelles facilités douanières. Il y a encore un travail de communication à faire et le tour de France est le bienvenu ;

- les flux illégaux, par exemple de médicaments en provenance d'Asie, explosent au même rythme que l'e-commerce ;

- les ports français manquent de compétitivité et se font une très forte concurrence, sans que le ministère des transports en tant que tutelle parvienne à les coordonner ;

- les règles d'origine, fixées par l'Union européenne et appliquées par les Douanes, bloquent le développement du label « made in France » pour de nombreuses entreprises.

Notre rencontre avec la Fondation Entreprendre nous a permis de découvrir un très bel endroit, la Filature, un exemple de réhabilitation réussie du patrimoine manufacturier parisien. Elle nous a surtout permis de rencontrer des associations et des chefs d'entreprise, dynamiques et très engagés dans le développement de l'esprit d'entreprise et dans le soutien actif aux jeunes créateurs d'entreprise.

L'association 100 000 entrepreneurs a pour but de transmettre aux jeunes de 13 à 25 ans la culture de l'entreprenariat, en faisant intervenir des entrepreneurs dans des classes à partir de la 4 e . Grâce à un réseau de 80 entreprises qui travaillent avec 4 000 enseignants sur toute la France, 63 000 jeunes ont été sensibilisés. Ces interventions sont couplées avec la réalisation d'un projet collectif. Elles sont particulièrement bien accueillies chez les élèves qu'on a un peu trop tendance à reléguer par défaut dans la voie professionnelle comme dans une voie de garage, notamment dans les zones d'éducation prioritaire.

Dans un deuxième temps est intervenue l'association Entreprendre pour apprendre qui développe des programmes comme la mini-entreprise : il s'agit d'amener des jeunes, en BTS typiquement, à faire toutes les démarches de création d'entreprise à partir d'une idée, d'un concept qu'ils ont défini au cours d'une année scolaire. 25 000 jeunes ont participé à une mini-entreprise. Nous avons bénéficié du témoignage de l'un d'entre eux qui, grâce à cette immersion concrète dans la vie de l'entreprise, s'est découvert une vraie vocation après avoir été orienté en BEP puis en bac pro par défaut. Il a finalement créé sa propre entreprise de sécurité informatique et participe désormais comme tuteur au programme. Deux autres associations En Actes et Les entrepreneuriales nous ont été présenté : elles agissent dans le monde universitaire pour diffuser la culture de l'entreprise et contribuent à la popularisation du statut d'étudiant-entrepreneur, créé il y a un an et demi.

Enfin, nous avons découvert le Réseau Entreprendre Paris . Il appartient à la fédération nationale qui a été créée en 1985 dans le Nord par André Mulliez et qui regroupe 6 000 chefs d'entreprise bénévoles pour soutenir 800 projets par an. Le Réseau entreprendre apporte un soutien financier sous forme de prêt à taux zéro et de garanties apportées aux banques. Il offre aussi aux créateurs d'entreprise un espace de dialogue et d'échanges pour rompre l'isolement et aborder toutes les difficultés du quotidien. Ces échanges sont réalisés avec un mentor qui suit spécifiquement une entreprise et dans le cadre d'un cercle informel où se réunissent tous les entrepreneurs soutenus par le réseau. Les résultats parlent d'eux-mêmes : au cours de l'accompagnement par le Réseau entreprendre, les entreprises passent en moyenne de 1 ou 2 salariés à 20 salariés. Un programme complémentaire appuyé par la Caisse des dépôts vise ensuite à croître au-dessus de 100 salariés pour les plus performantes. Nous avons pu échanger avec deux jeunes lauréats qui ont fondé les sociétés See Concept sur le marché des lunettes de lecture et Guest to Guest , devenu leader mondial de l'échange gratuit d'appartements.

Nous les retrouverons, je l'espère, lors de notre Journée de l'entreprise du 31 mars 2016, car ils nous ont envoyé un vrai message d'espoir et de confiance : les choses peuvent bouger dans notre pays, notamment grâce à un écosystème favorable aux start-ups et un soutien réel des collectivités, pour peu que l'on fasse confiance aux chefs d'entreprise, que l'on stabilise le cadre réglementaire et que l'on fluidifie la législation du travail. Ces messages nous sont désormais familiers. Il nous revient de les écouter.

M. Henri Cabanel . - La semaine dernière se déroulait un colloque à Bercy entre les douanes et la filière viti-vinicole. J'ai trouvé cela très intéressant. Dans le cadre de la simplification, une volonté politique, partagée par les acteurs économiques, a beau se manifester sur les bancs des hémicycles, l'administration elle-même ne connaît pas toujours le même élan. S'il n'y a pas de volonté de leur côté, cela ne se fera pas. C'est pourquoi je me félicite que la directrice générale des douanes fasse preuve d'une réelle volonté de créer des ponts entre administration et entreprises.

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Il faut en effet saluer ce que font les douanes avec leur tour de France, qui leur permet de rencontrer les chefs d'entreprises dans les principales villes. Cette nouvelle culture de l'administration, en direction des entreprises, est un grand pas en avant.

Mme Nicole Bricq . - Effectivement. Cela permet à l'administration des douanes de monter en gamme et en compétences. La rencontre avec la fondation Entreprendre était aussi très intéressante. Ce n'est pas la seule fondation à agir, mais elle fait beaucoup pour les jeunes.

Nous travaillons au sein de la Délégation sur la question de la croissance des entreprises françaises ; nous sommes encore organisés dans un capitalisme vertical, où dominent les grands groupes, et notre industrie est importante mais fragile. La filière pétrolière, qui a été évoquée par le biais de Vallourec tout à l'heure, est soumise aux aléas géopolitiques. C'est également vrai pour Alstom, qui affronte une concurrence féroce. Derrière cette problématique, il y a des emplois, des savoir-faire à préserver.

Par ailleurs, nous devrions travailler sur la création d'entreprises. La Seine Saint Denis est le département où l'on crée le plus d'entreprises, notamment des TPE/ PME. Toutefois, la création d'entreprise reste compliquée en France ; les entreprises doivent payer avant même d'avoir fait entrer dans leurs caisses la moindre somme d'argent. Les méandres de la protection sociale et la multiplicité des divers statuts de société constituent d'autres facteurs de complexité. Nous n'aurons pas de loi sur les nouvelles opportunités économiques (NOÉ), mais certains éléments de réforme devraient apparaître dans le projet de loi défendu par Myriam El Khomri. La Commission qui sera saisie sera la Commission des Affaires Sociales, notamment pour les questions du droit du travail, mais notre délégation peut aussi jouer un rôle fédérateur sur ces sujets. Il n'y a pas seulement les start-ups parmi les entreprises, même si le numérique est un domaine important et que la numérisation de l'économie est un vrai sujet sur lequel nous sommes très en retard, au détriment de la compétitivité de nos entreprises.

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - J'ai interpellé le Ministre du Commerce extérieur sur ce sujet lors de son audition. La grande faiblesse de nos PME provient de leur manque de visibilité en ligne. Malgré tout, il y a en France près de 500 000 créations d'entreprise par an. Le statut de l'auto-entrepreneur, bien que décrié, a apporté une simplification majeure. L'idée était de pouvoir créer son entreprise d'un clic. Il reste néanmoins, vous avez raison, encore beaucoup de choses à simplifier.

Mme Nicole Bricq . - Ce statut a été complexifié depuis. Je le reconnais d'autant plus que nous en y avons contribué.

M. Jean-Marc Gabouty . - On peut être réservé sur le statut d'auto-entrepreneur ; tant que l'activité d'auto-entrepreneur était une activité complémentaire pour certaines catégories et un sas vers la création d'entreprise effective pour d'autres, l'idée était intéressante. Mais vous connaissez la lutte qui existe dans certaines professions entre artisans et auto-entrepreneurs. Créer une entreprise en une heure, avec un bout de papier, un euro et un clic est quelque chose d'excessivement dangereux. Ce n'est pas créer une entreprise qui est difficile, mais la faire durer et fonctionner correctement. Pour la création, il existe des statuts-types. Ce n'est pas insurmontable, avec un expert-comptable qui peut intervenir en la matière. La complexité se situe plutôt dans l'ensemble de nos institutions. Nous avons voté il y a une semaine la loi ratifiant l'ordonnance sur la diminution du nombre minimum d'actionnaires dans une société anonyme. L'ordonnance traite toute la question sur une page et demie. Il a fallu pourtant 14 mois pour la mettre en oeuvre, sur un sujet simple et sans opposition professionnelle. Il faut donc réfléchir à ces délais. Nous avons participé récemment avec Valérie Létard à une remise de prix en matière d'innovation à des entreprises. L'un des lauréats est de ma ville. Il m'a parlé des contacts qu'il avait pris, pour vendre son projet, avec l'opérateur Orange en France et avec le premier opérateur américain. Aux États-Unis, ces affaires se traitent en quinze jours et dans notre pays, elles se traitent en deux ans. C'est cet effet d'enlisement qui plombe notre économie, que l'on soit dans le secteur privé ou dans le secteur public. Je voudrais faire observer que les statistiques concernant les créations d'entreprise sont faussées car elles comprennent également les auto-entrepreneurs.

M. Olivier Cadic . - Effectivement, la visite à la fondation Entreprise était revivifiante. Elle avait un côté très dynamique qui invitait à l'optimisme. Une réserve néanmoins : un entrepreneur face aux parlementaires a tenu à parler médecine du travail et tickets restaurant. C'est ce qui le préoccupait. Lorsque nous avons rencontré Madame Clotilde Valter avec le bureau de la délégation, elle nous a présenté comme mesure de simplification un logiciel permettant pour une entreprise de savoir, en donnant son code postal, quel est le montant total des aides auxquelles elle a droit. Il existe un décalage entre les préoccupations des entrepreneurs et la simplification vue par l'administration. Les chefs d'entreprise sont conscients de la complexité et du nombre d'aides, mais la solution apportée est un logiciel qui ne fait que perpétuer le système plutôt que le réviser. Comment changer cet état d'esprit ? Lundi, je suis allé voir des entreprises du Kent, dont un entrepreneur français qui avait créé son entreprise en France et qui a dû la fermer à cause de la complexité de la réglementation et de la pression fiscale. Certains jettent l'éponge et s'en vont. Il m'a affirmé qu'il avait payé plus d'impôts en France, où il n'avait recruté personne, qu'au Royaume-Uni, où il avait 20 salariés. Il n'arrive pas pourtant pas à fermer son entreprise en France. Une fois dans le système, le plus difficile est d'en sortir : il faudra que l'on examine aussi ce processus de sortie.

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Nous sommes tout à fait dans le sujet de la simplification. Tout le monde est demandeur. Il sera d'ailleurs abordé largement lors de notre journée des entreprises.

M. Francis Delattre . - Je souhaiterais juste poser une question à Valérie Létard concernant le Crédit Impôt Recherche (CIR) et ses difficultés. Il a été très simplifié en 2008-2009, ce qui lui a donné un nouvel élan. Les entreprises bénéficient aujourd'hui de plus de 5 milliards d'euros. Les difficultés que l'on a répertoriées au cours de notre commission d'enquête étaient liées aux faiblesses du financement de l'innovation et du capital-risque dans notre pays. D'après l'association des banques françaises, 80 % des investissements pour les PME / PMI / ETI sont d'origine bancaires. Les banques appliquent les critères de fonds propres de Bâle III, ce qui stérilise une partie de leur réserve, qui n'est pas injectée dans l'économie. C'est un vrai souci. En outre, la France est le pays le plus mis à contribution au titre du Fonds de Garantie européen, à hauteur de 18 milliards. Nous sommes confrontés à un défaut de capacité capitalistique des banques pour soutenir les entreprises. Nous devrions avoir une réflexion de nature fiscale, car notre système est tout de même orienté vers une épargne sans risque : le logement et l'assurance vie captent pratiquement 80 % de l'épargne du pays. Il faut donc avoir également des propositions pour développer l'épargne plus risquée mais plus stimulante pour l'activité. Le CIR fonctionne bien, mais nos start-ups n'ont qu'une idée : se vendre à l'étranger. J'étais allé à une exposition il y a deux ans aux États-Unis ; les Canadiens, les Allemands et les autres rachètent beaucoup de nos start-ups et profitent en réalité de notre système fiscal et du CIR.

Mme Valérie Létard . - L'entreprise que nous avons rencontrée a bénéficié du CIR mais elle a exprimé des réserves à son sujet car elle a subi un contrôle et un redressement trois ans après l'avoir obtenu. Ce décalage temporel est terrible pour l'entreprise. Si pour les grandes entreprises, le système fonctionne parfaitement, pour les PME, reconnaissons que c'est un peu plus compliqué. Souvent, celles-ci n'ont pas l'ingénierie nécessaire pour solliciter le Crédit Impôt Recherche. Beaucoup d'organismes de conseil ne sont soumis à aucun label ou à aucun agrément de quelque nature que ce soit, et vendent le CIR comme un produit de défiscalisation, même si cela a certainement évolué.

Mme Nicole Bricq . - Le contrôle peut intervenir jusqu'à la fin de la troisième année mais pas après, car il y a prescription.

Mme Valérie Létard . - Tout juste en tout cas, puisqu'ici l'entreprise s'est faite redresser trois ans plus tard.

Mme Nicole Bricq . - C'est la même chose pour les particuliers.

M. Francis Delattre . - N'oublions pas la solution du rescrit fiscal.

Mme Valérie Létard . - Certes, mais le rescrit est quelque chose de complexe à mettre en pratique qu'il faudrait rendre plus efficient. Pour revenir à la défiscalisation, je voudrais prendre l'exemple de Vallourec ; 550 millions d'euros de la BPI sont ainsi réinjectés dans Vallourec Monde, fleuron français. Il existe deux unités de production en France, Saint Saulve (Valenciennes) et Déville-lès-Rouen, qui sont envoyées en Allemagne malgré le refinancement. Dans le même temps, l'entreprise achète pour 180 millions d'euros une aciérie en Chine. En revanche, elle a du mal à soutenir le maintien et la recapitalisation, avec un nouveau partenaire industriel, de l'aciérie Valenciennes - Saint Saulve, qui n'est pas sauvée et qui compte 350 salariés. Si l'aciérie meurt, c'est le reste de la tuberie et du laminoir, et ses 350 autres emplois, qui peut-être demain disparaîtront. Si meurt cette aciérie qui est la plus moderne de France et d'Europe et qui a bénéficié de 250 millions d'euros d'investissement par Vallourec depuis 2008, alors c'est tout le processus de production qui meurt. Par contre à Aulnoye-Aymeries, dans l'autre unité du Nord, le nombre de chercheurs en recherche et développement augmente, car ceux-ci bénéficient de la défiscalisation française.

Paradoxe : l'acier sera fabriqué à Saint-Saulve, avant que les tubes soient envoyés en Allemagne, d'où ils seront renvoyés pour les finitions à Saint-Saulve. Nous devons faire attention à protéger les outils de production sur notre sol et nous interroger sur la stratégie française qui vise à maintenir des fleurons qui n'ont de français que le nom, alors que la production se fait ailleurs. Soit cela ne sert à rien d'injecter les 550 millions de la BPI, soit on nous assure de la pérennité de l'unité de production et de sa modernisation. Il ne faut pas confondre stratégie industrielle et politique fiscale.

M. Jean-Marc Gabouty . - Juste un mot pour compléter : depuis 25 ans, nous ne faisons plus de politique industrielle. Nous ne sommes désormais plus en mesure de suivre des politiques de filières. Ce qu'il y a de plus dangereux en France, ce ne sont pas les difficultés des entreprises mais c'est surtout que, dans certains secteurs d'activité, on ne peut même plus relocaliser car il manque des pans entiers de savoir-faire.

Mme Valérie Létard . - Il manque juste 15 millions pour moderniser le laminoir en France, alors qu'il n'y a pas besoin de moderniser le laminoir allemand... Mais on peut tout de même acheter une aciérie en Chine.

Mme Nicole Bricq . - On pourrait aussi parler d'Areva et d'autres grosses entreprises comme celles-ci qui se retrouvent en grande difficulté. Areva est un drame national, pas seulement en termes d'emploi, mais également au niveau de la technologie et du savoir-faire. Beaucoup d'entreprises qui travaillent à l'international, réfléchissent par rapport à leur chaîne de valeur. Une grande compagnie comme Airbus, qui est à la fois française, espagnole, allemande, anglaise et italienne choisit les lieux de fabrication des divers morceaux de ses avions pour optimiser sa chaîne de valeur. Les nez des Airbus sont fabriqués en Tunisie, car ce n'est pas le nez qui rapporte de l'argent, tout comme les composants qui sont fabriqués en Asie du Sud Est. Ce qui compte, et les Allemands sont bien organisés de ce point de vue, c'est comment capter le maximum de valeur ajoutée. En France, à Toulouse, on fait de l'assemblage. On capte l'essentiel de la valeur ajoutée dans cet assemblage, mais aussi dans le design, le bureau d'études de faisabilité... Il faut donc s'habituer à cela car beaucoup de grandes entreprises réfléchissent comme cela. Le rapatriement de la valeur ajoutée, par ces entreprises très souvent patriotiques, est fait sur le sol national. Je me place du point de vue de cette grande entreprise. C'est cela qui fera qu'elle restera en France, malheureusement ou heureusement.

Mme Valérie Létard . - Il faut faire attention, comme cela a été dit, de ne pas perdre des savoir-faire sur des industries essentielles qui peut-être demain seront de nouveau utiles sur le territoire national. Si l'on va trop loin dans la désindustrialisation, et le Commissariat à l'énergie atomique est très inquiet à ce sujet, nous n'aurons plus les savoir-faire sur la filière acier et nous nous exposons aux difficultés liées à l'éloignement, aux enjeux environnementaux, aux éventuelles fiscalités carbone...

D. COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 17 MARS 2016, SUITE AU DÉPLACEMENT EN SAÔNE-ET-LOIRE LE 7 MARS 2016

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Mes chers collègues, nous allons commencer par le compte-rendu de notre récent déplacement en Saône-et-Loire, un département très industriel. Avant de donner la parole à notre Jérôme Durain qui nous y a accueillis, je vous propose de regarder la vidéo retraçant notre déplacement, élaborée par la direction de la communication du Sénat et accessible sur le site internet du Sénat.

[Diffusion de la vidéo]

Cela donne une idée vivante de ce qu'a été notre déplacement.

M. Jérôme Durain . - Je voudrais d'abord vous remercier, Madame la Présidente, d'avoir retenu la Saône-et-Loire pour ce déplacement de la Délégation et remercier tous ceux qui ont contribué à la bonne réussite de cette journée dont le programme était dense et qui s'est bien déroulée. Lundi 7 mars, une dizaine de sénateurs de notre délégation se sont donc rendus en Saône-et-Loire. J'ai eu ainsi l'honneur de recevoir avec vous, Madame la Présidente, Guillaume Arnell, Henri Cabanel, Michel Canevet, Jacky Deromedi, Eric Jeansannetas, Patricia Morhet-Richaud et Claude Nougein. Nos collègues Marie Mercier et Jean-Paul Emorine, qui n'appartiennent pas à notre délégation mais sont sénateurs de ce même département, nous ont également rejoints.

La Saône-et-Loire est marquée par une longue tradition agricole ; elle appartient aussi à la région la plus industrielle de France. Ce département a une longue tradition en extraction minière et en métallurgie, notamment, avec Schneider ou Creusot Loire. De grandes entreprises comme Arcelor, Areva ou Alstom font perdurer ces savoir-faire locaux dans le département... Et un tissu de PME s'est développé tout autour. La Saône-et-Loire est aussi un carrefour européen majeur. 40 % du trafic routier européen transite par ce département. Le commerce, les transports et les services y font vivre d'ailleurs 52,5 % des entreprises.

Le territoire regroupe également différents pôles de compétitivité et clusters. Le premier d'entre eux est le Pôle Nucléaire de Bourgogne (PNB), seul pôle de compétitivité français dédié au nucléaire civil. Fondé en 2005, il regroupe 200 acteurs de la filière, des PME aux grands groupes. D'autres pôles, comme Mecateam Cluster (spécialisé dans les métiers du rail), Vitagora (industrie agroalimentaire) ou GA2B (Bâtiment) témoignent de l'importance du département dans tous ces secteurs.

Nous avons commencé notre journée par la visite de l'entreprise FrancÉole au Creusot. FrancÉole est contrôlée par le groupe Pélican. Elle est le seul fabricant français de mâts d'éolienne en acier. Sur 500 mâts installés par an en France, 150 le sont par FrancÉole. Durant cette rencontre, nous avons évoqué les difficultés que rencontre l'entreprise. En 2015, l'Allemagne a installé 47 % des éoliennes en Europe, la Pologne 9,9 % et la France 8,4 %. C'est assez faible. Depuis 15 ans, en Europe, c'est pourtant la puissance éolienne qui a été le plus installée, tandis que la puissance énergétique produite par le nucléaire, le charbon et le fuel a reculé. Aujourd'hui, sont implantées en France 5 000 éoliennes, qui produisent 10 gigawatts ; on en compte deux fois plus en Espagne et quatre fois plus en Allemagne. Les freins sont nombreux dans notre pays : les critères d'implantation des éoliennes sont conditionnés à l'absence d'installations météorologiques, de défense, de navigation aérienne, de radars divers, ou de monuments historiques. Durant la visite, on a attiré notre attention sur l'amendement voté au Sénat en février dernier, au projet de loi « Liberté de création, architecture et patrimoine », qui met en place une zone d'exclusion de 10 kilomètres autour des monuments historiques ; cumulées, ces zones représenteraient 21 fois la superficie de la France ! Cela empêche tout développement ultérieur de l'éolien. C'est un sujet sur lequel il nous faudra être très attentif lorsque le texte reviendra en deuxième lecture au Sénat.

Après cette visite de l'usine FrancÉole, nous nous sommes rendus à Chalon sur Saône pour participer à une table ronde avec une quinzaine d'entrepreneurs représentatifs de l'économie départementale. Plusieurs thématiques ont été évoquées, dans la droite ligne d'ailleurs de ce qui nous avions pu entendre lors de nos déplacements précédents.

D'abord, la complexité administrative : le terme « trop » revient régulièrement. Trop de normes à respecter, trop de déclarations à faire, trop de paperasse, une feuille de paie trop longue (deux pages en France contre six lignes au Luxembourg), une portabilité des mutuelles incompréhensible, trop d'obligations (ainsi, le versement obligé d'un chèque santé, même pour un vendangeur qui ne travaille qu'une semaine - nous avons une production viticole de premier plan dans le département)... Certaines entreprises jugent le système de paie ou celui des prélèvements tellement complexes qu'elles n'ont d'autres alternatives que de les faire sous-traiter. Dans des secteurs comme la métallurgie, les conventions collectives sont territorialisées: si bien que les ouvriers et techniciens d'une entreprise ayant deux sites de productions qui exercent la même activité, mais dans deux départements bourguignons distincts, sont couverts par des conventions collectives différentes. C'est le cas pour FrancÉole qui a un site à Dijon et un site au Creusot. C'est encore une source de complexité. Le compte pénibilité est jugé « inextricable », une « hérésie impossible à mettre en place » selon plusieurs entreprises. Certains employés devront porter des capteurs pour savoir ce qu'ils respirent toute la journée, notamment vis-à-vis des poussières de bois. D'autant qu'en matière de poussières, les normes européennes sont cinq fois plus basses que celles que la France veut imposer, selon la FFB. La complexité en matière fiscale est telle qu'elle entraîne à chaque fois un redressement, sans qu'il y ait forcément une mauvaise volonté de la part de l'entreprise.

L'instabilité normative et les lois « tous les 15 jours » sont coûteuses pour les entreprises. Les entrepreneurs déplorent qu'« on en rajoute sans en enlever ». En matière de simplification, des efforts de communication restent donc à faire. Les entrepreneurs s'inquiètent de la stabilité des aides : l'un d'eux qui a bénéficié du Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et joué le jeu en embauchant des salariés à temps plein, sous contrats à durée indéterminée (CDI), se demande quelle sera la pérennité de ce crédit d'impôt... De même, la réglementation sociale est en perpétuelle évolution, ce qui occasionne des contentieux involontaires.

La complexité a été particulièrement illustrée par les entreprises du bâtiment : dans ce secteur, plus de 4 000 normes sont à respecter (RGE pour l'environnement, RT2012 pour la réglementation thermique,...). Les bâtiments à énergie positive -« BEPOS »- ajoutent leur lot de normes, qui renchérissent la construction de 15 à 20 % alors que, semble-t-il, il serait quatre fois plus efficace d'investir dans la rénovation des bâtiments les moins performants.

Les autorisations sont vues comme un frein au développement de l'activité économique. Il faut ainsi cinq ans pour obtenir l'autorisation d'installer ou d'agrandir une grande surface. En 2008, une circulaire a ouvert une brèche de six mois en rendant possible l'agrandissement pour une surface de moins de 1 000 m² supplémentaires sans autorisation : plus de 5 millions de m² ont été construits pendant ce semestre ! Aujourd'hui, la loi Pinel superpose le contrôle des commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) et celui des élus : le permis de construire ne peut être délivré que si la CDAC, ou la CNAC -commission nationale qui est l'instance de recours des CDAC-, a elle aussi émis un avis favorable sur l'implantation commerciale.

Deuxième sujet qui est à nouveau ressorti : la rigidité du droit du travail. Plusieurs entreprises ont expliqué pourquoi elles n'embauchaient pas. D'abord, elles peinent à « se séparer d'un salarié incompétent » - je cite -. C'est un vrai frein à l'embauche, et cela diminue la performance de l'entreprise. Ensuite, la longueur des procédures de licenciement (10 mois chez FrancÉole) ne profite à personne, pas plus à l'entreprise qu'au salarié dont elle se sépare. Et les risques accompagnant la procédure de licenciement sont nombreux, quel que soit le motif de licenciement. Enfin, les indemnités de rupture peuvent être très élevées et génèrent parfois beaucoup d'incompréhensions. De ce fait, le bâtiment se tourne de plus en plus vers l'intérim (- 16 % de CDI, + 19 % d'intérim dans le bâtiment) ou sous-traite une partie du travail à des auto-entrepreneurs. Cela permet de limiter les frais en cas de rupture.

Plusieurs dénoncent aussi la rigidité des règles en matière de durée du travail ; ainsi, FrancÉole aurait besoin de plus de flexibilité pour recourir au travail temporaire et pour les horaires journaliers et hebdomadaires de travail. Les 35 h sont jugées « catastrophiques » dans le domaine du transport routier ; car chaque chauffeur est assigné à un camion, et le fait de ne pouvoir moduler les heures de travail bloque les camions, face à la concurrence toujours plus forte des pays de l'Est.

Troisième point évoqué dans les discussions, les dysfonctionnements du dialogue social dans les PME: la loi donne la possibilité de négocier de plus en plus au niveau de l'entreprise, mais encore faut-il des délégués syndicaux, formés et représentatifs... Aux dernières élections, FrancÉole qui compte près de 200 salariés n'a pas eu de représentation syndicale.

Quatrième point qui a ressurgi, le poids des charges et de la fiscalité : le salarié coûte à l'entreprise presque le double de ce qu'il touche en salaire net. Cela disqualifie une entreprise comme FrancÉole par rapport à ses concurrents européens (Espagne, Italie, Pologne...). La lourdeur de la fiscalité locale est aussi dénoncée : l'une des entreprises a indiqué que la somme de la cotisation foncière des entreprises (CFE), la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et la taxe foncière représente 1,7 % de son chiffre d'affaires. Ceux qui doivent aussi s'acquitter de taxes parafiscales au profit du « comité de coordination des centres de recherche en mécanique » (COREM) ne comprennent pas pourquoi. Les coups de pouce de l'État sont insuffisants : le suramortissement est intéressant mais il n'est possible que sur un an, pour des projets qui sont pluriannuels ; pour un autre, le CICE ne sert qu'à payer la TASCOM (taxe sur les surfaces commerciales). Globalement, les entreprises ne demandent pas plus d'aides mais un prélèvement moindre à la source.

Cinquième point évoqué, le défaut de formation initiale : les entreprises sont obligées de prendre en charge ses insuffisances. Le recours à l'apprentissage est jugé trop contraignant du fait des tâches interdites à l'apprenti, de l'instabilité des aides, de la rigidité de l'inspection du travail et de la médecine du travail... 1 700 apprentis sont formés dans le département : la Chambre de commerce souhaite améliorer ce chiffre, car 80 % des jeunes apprentis ont un emploi, six mois après.

D'autres sujets que nous avons déjà entendu évoquer sont revenus : la question des délais de paiements, les PME jouant le rôle d'amortisseur entre les fournisseurs et les clients, c'est-à-dire entre des entreprises qui veulent être payées alors que les clients paient le plus tard possible ; le dumping et la nécessité de lutter contre les offres anormalement basses, lors des appels d'offre notamment... Cette préoccupation était particulièrement vive chez le représentant du secteur du bâtiment.

Je relèverais aussi quelques points que nous n'avions pas encore vu ressortir.

Tout d'abord, les problématiques spécifiques des coopératives, dont plusieurs étaient représentées à la table ronde : les coopératives se sentent trop souvent considérées, à tort, comme ayant une relation commerciale avec leurs coopérateurs. À ce titre, les pouvoirs publics veulent leur imposer des obligations de transparence, de délais de paiement... Cela illustre, pour les coopératives, le fait que leur fonctionnement est méconnu des pouvoirs publics. Certaines coopératives ont aussi déploré le fait qu'elles n'aient pas accès au CICE ou au suramortissement, alors qu'elles sont le prolongement de l'activité agricole. Pour autant, elles ne demandent pas à être assimilées à une société, sinon le coopérateur serait taxé à deux étapes sur ses revenus.

Ensuite, des intervenants ont déploré que des organismes publics ne remplissent pas leur rôle.

Ainsi, la Banque Publique d'Investissement (BPI) est contestée pour son rôle en haut de bilan. La BPI pratique des taux très élevés, jusqu'à 12 voire 15 %, pour ses financements en capital développement, sous la forme d'obligations convertibles. Certains ont qualifié ces taux d'« usuraires ». En outre, une petite entreprise a déploré ne pas pouvoir bénéficier de toutes les aides de la BPI : en effet, parce qu'elle est détenue majoritairement par des fonds d'investissements, elle n'entre pas dans la définition des PME par la BPI, alors qu'elle est une société industrielle qui a autant besoin de soutien que les sociétés appartenant à des groupes ou que celles détenues par des actionnaires institutionnels. Enfin, certains déplorent que la BPI refuse de financer le CICE 2015 avant d'avoir les comptes 2015 certifiés, alors qu'elle a déjà en main la liasse et les déclarations sociales.

De même, l'Office National des Forêts a été critiqué pour sa gestion du parc naturel français. En effet, selon une entreprise, le quart des grumes françaises est exporté sans valeur ajoutée, alors que les scieries françaises sont touchées par un manque de matière première, dû à l'instauration de quotas et au protectionnisme de pays comme la Chine, les États-Unis ou le Canada... La France et l'Europe devraient mieux protéger leurs forêts et la filière sylvicole.

S'agissant de la Coface, plusieurs dénoncent cette « boite noire », avec des délais de réponse très longs pour le préfinancement de l'export, délais qui restent aussi longs pour une seconde commande avec le même client ! Il faudrait donc améliorer l'accompagnement à l'export des entreprises françaises, particulièrement celles choisies par des clients étrangers.

Enfin, concernant la Banque de France, le préfet a indiqué que la notation des entreprises par la Banque de France pouvait avoir des inconvénients, en disqualifiant certaines d'entre elles qui survivaient pourtant plusieurs années, avec ce plomb dans l'aile.

Je veux aussi signaler les points positifs qui ont été évoqués : le rôle bénéfique que jouent les clusters, qui facilitent la coopération interentreprises sur un territoire donné ; l'accompagnement du Conseil régional ; et le souci manifesté par le préfet de Saône-et-Loire d'appliquer les circulaires du Premier Ministre qui encouragent à une interprétation facilitatrice des normes.

Après cette table ronde très riche, nous nous sommes rendus l'après-midi sur le site d'Areva à Saint Marcel. Cette usine, la plus étendue du groupe, est spécialisée depuis 40 ans dans la fabrication de composants lourds des centrales nucléaires.

Le groupe Areva a été créé en 2001 en réunissant Cogema, Framatome et CEA Industrie. Nous connaissons tous ici la situation difficile que connaît ce groupe aujourd'hui, je ne reviendrai pas dessus, car ce n'était pas l'objet de notre visite.

Areva est le premier employeur de Saône-et-Loire, avec environ 2 000 salariés. 1 000 d'entre eux travaillent sur le site de Saint-Marcel, qui dispose de 40 000 mètres carrés d'atelier et d'une capacité de levage de 1 000 tonnes débouchant sur un bassin relié à la Saône, ce qui facilite le transport et l'export des composants. Au cours de notre visite, nous avons suivi la fabrication de générateurs de vapeur. Nous avons pu mesurer l'exigence du processus de production en termes de qualité et de sûreté : 1 h de contrôle est requise pour 3 h de fabrication en moyenne. Le site a à son actif la livraison de plusieurs centaines de composants nucléaires qui équipent une centaine de réacteurs dans 11 pays.

Après cette visite, nous nous sommes rendus sur le site d'Amazon à Sevrey. Il s'agit d'un entrepôt immense, dont la superficie dépasse 40 000 m 2 et équivaudrait à huit terrains de football. Il héberge 5 millions de produits, correspondant à 1 million de références. L'organisation de l'entrepôt vise à optimiser l'occupation de l'espace et à minimiser le temps de trajet de l'employé chargé de « picker » donc de rassembler les divers articles commandés par un client en vue de leur expédition. Le directeur du site nous a expliqué que ce n'était pas la commande du client qui déclenchait l'approvisionnement de l'entrepôt : en traitant les données en ligne, Amazon parvient à anticiper sur les commandes et à s'approvisionner en amont. C'est ce qui permet à Amazon de livrer en 24 h la plupart des commandes. Le directeur a soulevé deux freins au développement de l'activité du site, qui connaît pourtant une croissance de 25 % par an et qui va se spécialiser, au sein d'Amazon, dans la distribution des chaussures et vêtements pour toute l'Europe du Sud : d'abord, l'impossibilité d'y travailler en continu. En effet, les clients passent généralement commande de chez eux entre 19 et 23 h, alors que le site n'a pas le droit de fonctionner entre 21 h et 6 h. Si bien que certaines commandes passées en France sont traitées par des entrepôts étrangers qui n'ont pas les mêmes contraintes réglementaires : Amazon compte 4 sites en France, 10 au Royaume-Uni et 11 en Allemagne, ce qui représente 3 000 salariés permanents en France contre 10 000 chez les pays voisins. Pour un site comme celui d'Amazon à Sevrey, la concurrence vient, de fait, d'Amazon UK ou Allemagne : le directeur du site nous a ainsi fait valoir que les sites français pourraient créer plus d'emplois sur notre territoire si la règlementation y permettait le travail continu.

Deuxième facteur d'inquiétude pour Amazon, et globalement pour l'avenir du e-commerce : les contraintes de construction en hauteur, qui sont beaucoup plus fortes en France et rendent les constructions moins rapides en France que dans les pays voisins, alors que les exigences de sécurité sont les mêmes. C'est un sujet récurrent, sur lequel se penche aujourd'hui le groupe de travail créé au Sénat en début d'année pour simplifier les règles en matière de construction.

Avant de conclure ce propos, je dois avouer que j'ai trouvé cette visite à la fois passionnante et inquiétante. Je ne suis pas certain que l'avenir de notre commerce passe uniquement par Amazon. C'est néanmoins utile de connaître ce nouveau système de distribution.

Je vous remercie pour votre attention.

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Merci pour ce compte-rendu et pour l'organisation de la journée sur place. Les visites et la table-ronde étaient intéressantes, comme chaque fois, et nous avons retrouvé des sujets récurrents, mais pas seulement. On découvre à chaque déplacement des éléments nouveaux, comme le fait que les conventions collectives ne soient pas les mêmes entre deux départements. Personnellement, j'ai également trouvé la visite chez Amazon intéressante mais assez effrayante en termes de nouvelle économie. Au vu du nombre important de références proposées -plusieurs millions d'articles sont traités-, l'on est en droit de s'interroger : que vont devenir nos commerces, qu'ils soient petits ou grands ? Assouplir le recours au travail de nuit, comme le souhaiterait Amazon, demande à ce titre une vraie réflexion, d'ordre économique mais aussi social.

M. Jérôme Durain . - Je relève à ce propos que, si le principe de nos déplacements est d'écouter les entreprises qui nous font part de leurs doléances, une journée comme celle du 7 mars n'est pas sans contradiction interne. Lorsque le représentant de la Fédération Française du Bâtiment déclare qu'il faut apprendre à payer le juste prix et non recourir à des offres anormalement basses, la visite chez Amazon qui fonctionne à mes yeux sur le modèle inverse pose des questions sur le modèle de société que nous souhaitons avoir. Il y a sans doute un juste milieu entre ces revendications.

M. Claude Nougein . - Merci pour l'organisation de cette journée très intéressante. J'ai découvert un département beaucoup plus industriel que je ne l'imaginais, au sein d'une région que je pensais surtout rurale et viticole. Durant la table ronde, même s'ils nous ont fait part de leurs difficultés, les entreprises m'ont semblé plutôt optimistes. Nous étions loin du désespoir que nous pouvons rencontrer dans d'autres régions françaises. D'ailleurs, Amazon et Areva ne sont pas véritablement en prise avec les difficultés des PME. Nous avions un échantillon représentatif assez large, mais peut-être à l'avenir faudra-t-il l'élargir davantage au secteur tertiaire et éviter de trop se concentrer sur le secteur industriel. En effet, le secteur tertiaire prend une part importante dans l'économie française en termes d'emplois et d'activités. Il y a malheureusement de moins en moins d'usines en France.

Concernant Amazon, il y a donc 10 sites en Grande-Bretagne, 10 en Allemagne et 4 en France. Les débats franco-français sur les CDAC ou CNAC, où l'on passe des journées en commission pour ouvrir un magasin de 400 m² dans une commune, sont en décalage avec les pratiques des consommateurs qui achètent via Amazon sans se soucier de l'emploi local.

De la même façon, se pose la question de la fiscalité : pour les PME, le taux de l'impôt sur les sociétés est en France de 33 % et, même, de 38 % pour les ETI, le taux le plus fort d'Europe. Amazon, comme beaucoup de sociétés internationales, répartit son bénéfice entre ses différents pays d'implantation, comme elle le souhaite. A-t-on intérêt à développer des sociétés comme celles-ci sur notre sol national ?

On peut également se poser la question du travail du dimanche. Le consommateur qui, le dimanche, est devant son ordinateur pour faire ses achats, ne se pose pas la question : il fait ses achats quand il le souhaite. Nous restons focalisés sur de vieilles lunes : contrôle des surfaces de vente, contrôle des horaires du soir et du dimanche... Tout cela vole en éclat avec cette nouvelle distribution hors norme. Ce nouveau type de vente, qui renouvelle la vente par correspondance - le terme n'est pas moderne-, reste encore une niche. Mais à terme, avec notamment l'entrée récente d'Amazon sur le marché de la distribution alimentaire, tout cela risque de voler en éclat.

Les participants nous ont fait part de contraintes, et même s'ils en ont signalé de nouvelles, nous en connaissions la plupart. Si nous avions les mêmes règles d'économie de marché que le Royaume-Uni ou l'Allemagne, nous serions les champions du monde.

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Dans tous nos déplacements, nous n'avons effectivement pas rencontré le désespoir. Nous avons rencontré des entreprises qui se portaient plus ou moins bien. Elles ont exprimé des demandes, mais les témoignages d'entrepreneurs au bord de l'asphyxie étaient rares.

M. Jérôme Durain . - En réponse à Claude Nougein, j'indique que, si nous avons rencontré plus d'entreprises industrielles, c'est que mon département a une longue tradition industrielle. Nous avons rencontré plusieurs grands groupes, comme Areva ou Amazon, et visité le site de FrancÉole dont la dimension est saisissante. Mais nous avons la chance d'avoir aussi un tissu industriel de PME assez dense. Ces petites entreprises, elles, sont vraiment inquiètes, car elles sont enclavées et rencontrent des difficultés pour recruter de la main d'oeuvre. Ces entreprises risquent de mettre la clé sous la porte, faute de salariés, dans des territoires ruraux qui ne sont pas toujours très attractifs.

Il y a également une vraie dynamique liée au volontarisme des territoires. Le Creusot est devenu la tête de gondole de l'industrie française. Chaque président de la République passe au Creusot pour ses usines, ses forges et son acier en fusion, ses grosses pièces... Ce n'est pas un hasard : cela repose aussi sur des politiques publiques. Les entrepreneurs auraient pu faire remarquer qu'ils avaient bénéficié d'aides publiques. Il aurait ainsi été intéressant que FrancÉole nous dise ce que son installation sur ce site devait à la largeur des routes dimensionnées pour le transport de ses pièces, qu'on évoque aussi les efforts de formation qui ont été faits à l'initiative des élus locaux pour répondre aux besoins des entreprises, assurer une vraie continuité dans les métiers et permettre des contrôles non-destructifs dans une entreprise comme Areva, où il y a une heure de contrôle pour trois heures de fabrication. L'industrialisation de notre département est donc aussi portée par les pouvoirs publics.

Concernant Areva, il y a du souci à se faire. La filière nucléaire est portée uniquement par la puissance publique. Pour que ce soit rentable, il faut une production en série, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Si Areva dépose le bilan, c'est tout le département qui risque d'en subir les conséquences.

Mme Annick Billon . - Je regrette de n'avoir pas pu assister au déplacement, mais la vidéo nous a permis de nous rendre compte de l'ambiance de cette journée. On oppose trop souvent le développement économique à la protection de l'environnement et du patrimoine, si bien que l'on déploie les normes comme un « parapluie » dans notre pays, et nous constatons le frein qu'elles représentent pour l'éolien, ou en matière d'urbanisme... Même si notre pays détient les technologies d'avenir, par exemple dans l'économie bleue, l'excès de contraintes empêche leur développement. On ne pourra pas continuer d'innover dans ces conditions !

J'ai relevé également la problématique bancaire. Lors d'une réunion entre agriculteurs et parlementaires la semaine dernière, nous nous sommes aperçus que les banques ne jouaient pas leur rôle ; d'ailleurs, les banques qui suivent le moins les agriculteurs sont les banques dont c'est la mission première, ce qui est extraordinaire. Les banques doivent faciliter la vie des entreprises.

Pour rebondir sur les propos de Claude Nougein, je pense que l'e-commerce révolutionne déjà les méthodes de vente et l'aménagement de nos territoires. Un site Amazon sans rien autour, c'est un peu l'agriculture à l'américaine, avec des animaux au milieu de nulle part ! Les grandes surfaces adaptent leurs méthodes de commercialisation mais les centres-villes historiques sont menacés par le e-commerce.

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - En tant que législateur, nous ajoutons des couches successives de protection. C'est ce que nous faisait remarquer FrancÉole avec la protection des monuments historiques. Je ne suis pas sûre que l'on se rende bien compte, lorsque l'on vote des textes, de leur impact sur l'économie.

M. Michel Forissier . - La Saône-et-Loire est un département exemplaire dans le développement économique : l'aide est donnée au démarrage, ce n'est pas une mise sous perfusion, comme on a pu le faire dans le monde agricole. Ce qui manque en France, c'est l'organisation des filières pour permettre au fabricant de garder la marge, sans qu'elle soit absorbée par les intermédiaires, qu'il s'agisse des grandes surfaces ou des acteurs du e-commerce... Il faut donc se méfier du tertiaire : l'enjeu premier pour la France, c'est l'industrialisation. Notre pays ne peut pas ressembler au Liban, pays de banques, d'intermédiaires et d'import-export. J'ai participé à l'organisation de filières dans le secteur des pompes funèbres en France face à des entreprises américaines. Les PME en se regroupant et en s'organisant ont pu gagner la bataille.

J'ai créé ma première entreprise le 1 er mai 1968, c'est symbolique. J'ai connu des difficultés, comme tous les chefs d'entreprise, y compris sans doute la présidente de notre délégation. C'est ce tissu de PME qui fait vivre notre pays et il faut y faire attention dans nos politiques publiques. Dans notre pays, le plus complexe n'est pas de créer une entreprise, mais plutôt de trouver du financement en capital-risque quand le recours au secteur bancaire n'est pas possible. Il ne faut pas tout attendre de l'État, sauf en ce qui concerne les domaines régaliens : c'est aux filières de s'organiser.

M. Jean-Pierre Vial . - Il est vrai que les chefs d'entreprise ne manifestent pas de signes de désespoir. Ces chefs d'entreprises qui se battent font la force de notre économie.

On voit également que ce qui fait la richesse d'un tissu d'entreprises, notamment pour les plus petites d'entre elles, c'est de pouvoir s'appuyer sur un réseau d'entreprises. La mise en place des nouvelles régions est à cet égard fondamentale. Il faut veiller à ce que les filières soient bien accompagnées, surtout dans les secteurs qui risquent d'être fortement ébranlés.

Je ne voudrais pas rentrer dans une énumération à la Prévert mais les choses qui ont été soulevées sont tout de même des constantes : les prix bas, les marchés publics, la formation sont des fondamentaux lourds. À la commission des lois hier, nous avons examiné l'ordonnance concernant les marchés publics. Les nouvelles règles sont susceptibles de durcir l'accès des petites entreprises aux marchés publics. En 15 ans, notre pays a perdu 10 points de PIB en matière industrielle : nous étions à égalité avec l'Allemagne, nous avons aujourd'hui la moitié de l'industrie allemande. Notre délégation aurait intérêt à apporter sa contribution lorsque sont examinés de tels textes comme cette ordonnance : l'enjeu est juridique mais aussi économique.

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Concernant les normes et la surtransposition, je rappelle qu'une proposition de loi constitutionnelle a été signée par nombre d'entre nous et qu'elle comporte deux dispositions : la suppression d'une norme législative pour toute une norme créée, et la fin de la surtransposition des règles communautaires. Je ne sais pas quand cette proposition de loi sera à l'ordre du jour.

M. Jean-Pierre Vial . - J'ai été rapporteur pour la Commission des lois pour une proposition équivalente mais concernant les collectivités territoriales. La rigueur de l'analyse juridique fait que le texte sorti de la Commission ne correspond plus vraiment à l'intention des auteurs. J'ai souligné qu'il serait bon de trouver une solution efficace pour la proposition de loi constitutionnelle déposée par la délégation.

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Effectivement, l'efficacité est une priorité de notre action.

M. Éric Jeansannetas . - Pour revenir sur le déplacement, je souhaitais également remercier Jérôme Durain pour la qualité de l'organisation et des visites. Le Creusois que je suis a découvert en Saône-et-Loire un tissu industriel fortement développé, avec des gens passionnés par leur production. Durant cette journée, une entreprise de bois cédée de père en fils a évoqué les difficultés qu'elle rencontrait pour la transmission de l'affaire : c'est un sujet qui mériterait étude. J'ai, pour ma part, ressenti une certaine désespérance dans le secteur du bâtiment, les commandes publiques comme privées n'étant pas au rendez-vous.

M. Michel Forissier . - Dans la ligne de ce que vient de dire Jean-Pierre Vial, je pense qu'en France, nous avons tendance à trop vouloir réglementer, à trop vouloir codifier comme dans le reste des pays latins. Dans le cadre des marchés publics, si je pouvais acheter comme j'achetais comme chef d'entreprise, je gagnerais 15 % sur les achats de ma commune. Il serait intéressant que la négociation dans les marchés publics soit introduite le plus en amont possible, avant que soient éliminés les candidats qui pourraient participer à cette négociation. Cela favoriserait aussi les circuits courts.

E. COMPTE-RENDU DE LA JOURNÉE DES ENTREPRISES AU SÉNAT (LE 31 MARS 2016)

Le jeudi 31 mars 2016, sous la présidence de Mme Élisabeth Lamure, présidente, la Délégation aux entreprises a organisé la Journée des entreprises. Elle a présenté ses initiatives en réponse aux rencontres effectuées sur le terrain avec les entrepreneurs.

Mme Élisabeth Lamure , présidente . - C'est avec une très grande joie que je vous accueille au Sénat, au nom de la Délégation aux entreprises, que j'ai l'honneur de présider. Je me réjouis vraiment de votre présence, malgré vos obligations professionnelles et les difficultés de transport. Vous venez des quatre coins de France, et représentez ici une trentaine de départements français. Certains ont même traversé la Manche et viennent du Royaume-Uni. Un grand merci à chacun et chacune d'entre vous.

Nous vivons ensemble une grande première : une journée des entreprises, au Sénat ! C'est un moment important, puisqu'il manifeste concrètement l'attention particulière que le Sénat porte aux entreprises. Son président, Gérard Larcher, a souhaité rapprocher le Sénat de l'entreprise. Dès sa réélection à la présidence du Sénat, il a donné cette impulsion, qui a conduit, fin 2014, à la création de la Délégation aux entreprises, qui rassemble 42 sénateurs désignés à la représentation proportionnelle des groupes politiques. Elle a pour mission d'informer le Sénat sur la situation des entreprises, de recenser les obstacles à leur développement et de proposer des mesures afin de favoriser l'esprit d'entreprise et de simplifier les normes applicables à l'activité économique, en vue d'encourager la croissance et l'emploi dans les territoires. Si cette délégation a vu le jour, ce n'est pas que les sénateurs soient aussi éloignés de l'entreprise que certains pourraient le croire. Nous avons réalisé une enquête interne : deux tiers des sénateurs ont une expérience en entreprise - c'est-à-dire exercent ou ont exercé une activité de créateur ou chef d'entreprise, cadre, salarié, profession libérale, indépendant ou exploitant agricole - ; et un sénateur sur cinq est ou a été chef d'entreprise. Ce n'est pas neutre ! Mais l'entreprise peut avoir le sentiment que le législateur ne prend pas en compte ses besoins et ne fait qu'alourdir les règles. Pour leur part, les sénateurs peuvent perdre de vue l'impact cumulé des lois sur les entreprises, même si chacune de ces lois répond sans doute à une demande sociale légitime. Ainsi, chacune des commissions du Sénat - celle des affaires économiques, celle du développement durable, celle des affaires sociales, celle des finances ou encore celle des lois - examine les textes de lois qui ressortent de son champ de compétences et s'emploie naturellement à enrichir ces textes par des amendements. Mais, il n'y avait nulle part, au Sénat, un regard transversal sur l'ensemble de ces lois, pour se préoccuper de savoir comment tout cela était vécu par les entreprises.

L'objectif de la Délégation sénatoriale aux entreprises est de combler cette lacune, de comprendre le point de vue des entreprises et de tisser avec elles des liens de confiance. Cela passe par une meilleure connaissance mutuelle, entre les sénateurs et les entreprises. Pour cela, nous allons à la rencontre des entrepreneurs dans les territoires, qui forment un trait d'union entre nous : vous, entrepreneurs, vous faites vivre les territoires, vous contribuez à leur équilibre économique et social ; nous, sénateurs, nous sommes élus de ces territoires, nous en sommes les porte-paroles dans la recherche de l'intérêt général. Le Sénat tout entier a précisément reçu de la Constitution la mission spécifique d'assurer la représentation des collectivités territoriales de la République.

Il est donc logique que ce soit sur les territoires qu'aient lieu nos rencontres. Notre délégation a ainsi commencé une sorte de tour de France, pour dialoguer avec les entreprises là où elles sont : elle s'est déjà rendue dans dix départements - la Vendée, la Drôme, le Rhône, l'Hérault, la Seine-et-Marne, le Pas-de-Calais, le Bas-Rhin, le Nord, Paris et la Saône-et-Loire. Elle s'est aussi rendue à Londres l'an dernier, à l'invitation d'un de ses membres, représentant les Français établis au Royaume-Uni. Nous avons rencontré un grand nombre d'entre vous lors de tous ces déplacements, soit à l'occasion des tables rondes que nous organisons à chaque fois, soit parce que vous avez bien voulu nous accueillir dans votre entreprise. Lors de nos échanges, nous veillons à vous écouter, sans débattre. Nous avons consigné ces échos recueillis sur le terrain dans des rapports, qui font partager à l'ensemble du Sénat, et même au-delà, votre ressenti, le plus fidèlement possible.

Il ne s'agit pas, pour notre délégation, de se faire l'écho auprès du Sénat des lobbies patronaux, ni de relayer les préoccupations des seules entreprises du CAC 40, qui ont souvent les moyens de se faire entendre au Parlement.

Depuis sa création, la délégation n'a jamais auditionné à Paris les grandes organisations patronales. Notre méthode, c'est de faire remonter les témoignages directs que nous entendons sur le terrain, puis de dégager, de manière pragmatique, des moyens utiles pour lever les verrous identifiés grâce à vous et qui freinent la croissance des entreprises. Nous voulons qu'ainsi, la loi élaborée ici soit plus efficace, qu'elle réponde mieux à vos besoins, là où vous êtes. Nous voulons accompagner le développement de vos entreprises, et contribuer ainsi à la constitution en France d'un tissu d'entreprises de taille intermédiaire (ETI), comparable à celui qui fait la force économique de notre voisin allemand.

Nous voulons en finir avec les lois qui, une fois adoptées, se révèlent inapplicables ou provoquent des effets qui n'étaient pas anticipés. C'est pourquoi nous nous sommes dotés d'une capacité d'étude de l'impact des dispositions des projets ou propositions de loi soumis au Sénat et qui concernent l'entreprise. Nous sommes en train d'examiner les dispositions du projet de loi de réforme du droit du travail et nous comptons étudier de manière approfondie l'impact de l'une ou l'autre de ses dispositions-phares, avant son adoption définitive. La réforme du droit du travail, c'est pour nous tous un enjeu de taille. Notre délégation compte bien peser sur l'examen de ce projet de loi au Sénat, en donnant de l'écho à vos témoignages.

Elle établira un rapport qui synthétisera ce qu'elle a entendu sur le terrain à ce sujet et fera des préconisations pour prendre en compte les attentes des entreprises, lors de l'examen du texte. Nous vous consulterons prochainement sur les points clés du texte El Khomri pour recueillir en direct vos réactions et vos suggestions. Co-construire ce texte ensemble, c'est le meilleur moyen de le rendre utile dans la lutte contre le chômage, qui doit absolument être notre objectif principal et partagé.

C'est vous qui créez des emplois, c'est vous qui êtes la source de richesse pour chacun de nos territoires, c'est vous qui risquez et qui innovez, et qui faites avancer la France dans l'économie mondiale. Vous pouvez en être fiers ! Ce qui est bon pour les entreprises est bon pour la France ! Le jour où chacun sera convaincu de cela, au-delà de toute posture idéologique, nous aurons fait un grand pas vers un progrès commun, au bénéfice de tous.

Jean Jaurès disait en 1890 que « le patronat a ses misères qui ne sont pas les mêmes que celles de l'ouvrier ». Plus de 125 ans plus tard, il serait temps de voir l'entreprise autrement, comme une aventure commune, où salariés et dirigeants sont embarqués ensemble et solidaires. Quand considérera-t-on que la réussite de cette aventure est l'affaire de tous, et qu'elle profite à tous ? J'aimerais que cette journée, qui vous est dédiée, y contribue. Nous vous recevons pour vous manifester notre gratitude envers l'action que vous menez au quotidien ; nous nous engageons à vos côtés pour gagner la bataille de l'emploi.

La première table ronde vous montrera la façon dont nos rencontres de terrain inspirent notre action au Sénat. Plusieurs dirigeants que nous avons rencontrés ces derniers mois présenteront quels sont les freins majeurs au développement de leur entreprise. Au nom de la délégation, je leur donnerai la réplique pour vous faire connaître quelles initiatives nous avons prises. Puis nous approfondirons nos échanges autour du thème de la simplification : la plupart d'entre vous nous avez fait sentir combien vous étouffiez sous le poids des normes réglementaires ; nombre d'entre vous n'arrivez plus à suivre le flux des nouvelles normes qui s'ajoutent ou qui modifient l'existant. Certains, même, nous ont déclaré avoir carrément renoncé, se mettant de fait hors-la-loi... Il nous a paru important de faire le point sur le choc de simplification annoncé le Président de la République en 2013, et sur la façon dont notre pays s'organise pour simplifier la vie des entreprises.

Lors du déjeuner, vous pourrez circuler librement pour nouer des contacts, puis nous profiterons du retour d'expérience de ceux d'entre vous qui sont partis faire du business outre-Manche. Vous assisterez ensuite à la séance de questions d'actualité au Gouvernement, qui a lieu chaque semaine au Sénat. Nous nous retrouverons ensuite pour une fin d'après-midi organisée avec le groupe AFNOR afin que, malgré les freins et difficultés identifiés ensemble, vous puissiez entrevoir que la réussite est possible. Plusieurs entreprises en attesteront ; leurs histoires pourront vous inspirer et vous aider à trouver vos propres clefs de réussite. Nous terminerons la journée par un moment festif, en présence du président du Sénat et du directeur général de l'AFNOR : Gérard Larcher remettra plusieurs prix à des entreprises sélectionnées par l'AFNOR pour leur performance durable et l'exemplarité de leur démarche managériale.

J'espère que chacun pourra trouver son compte dans ce riche programme, et vous souhaite une excellente et fructueuse journée.

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - Chaque entrepreneur exposera les problèmes auxquels il est confronté. Vous aurez la parole, dans la salle, à la fin de chaque fin de thème pour vous exprimer et poser vos questions.

Monsieur Nicolas Aubé, vous êtes fondateur et président de Céleste, opérateur télécoms situé en Seine-et-Marne. Vous évoquerez les effets de seuils, puisque votre entreprise compte 49 salariés ; vous pourriez en recruter une dizaine de plus, mais vous restez à ce chiffre. Vous pouvez parler sans langue de bois....

M. Nicolas Aubé, fondateur et président de Céleste (Seine-et-Marne) . - Céleste est un fournisseur d'accès internet pour les entreprises, spécialiste de la fibre optique. Créée il y a 15 ans, l'entreprise connaît une croissance de 20 % par an. Nous investissons beaucoup, tout notre résultat et même plus. Nous arrivons à ce chiffre fatidique de 49 salariés ; cela fait quelques mois que nous n'arrivons pas à franchir ce seuil, et nous ne le ferons pas en 2016.

Franchir le seuil des 50 salariés a d'importantes conséquences, et d'abord, pour la représentation du personnel : nous comptons 4 délégués du personnel. Avec 50 salariés, nous devrions avoir environ 10 représentants du personnel, même si cela reste à confirmer avec la loi votée l'année dernière qui instaure la délégation unique du personnel - soit la possibilité de fusionner les délégués du personnel, le comité d'entreprise, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Nous devrions donc avoir 20 % de nos effectifs comme représentants du personnel. C'est comme si nous avions 12 millions de parlementaires pour représenter 60 millions de Français ! Cette proportion énorme n'est même pas demandée par les salariés, nous manquerons de candidats. Ce seraient des salariés protégés, ce qui serait lourd pour notre entreprise, d'autant que nous devrions faire 22 réunions annuelles avec les divers comités, même si la loi de 2015 devrait réduire leur nombre. Nous sommes deux associés, mais n'avons pas de directeur des ressources humaines. Nous devrions avoir un délégué syndical, et verser au comité d'entreprise 60 000 euros par an, qu'il ne pourrait pas reverser aux salariés. Nous devrions faire des démarches supplémentaires : une déclaration mensuelle des mouvements de main d'oeuvre, une négociation annuelle, et verser un tiers du résultat aux salariés comme participation. Depuis 10 ans, nous avons déjà mis en place un plan d'épargne d'entreprise et de l'actionnariat salarié - des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BSPCE) pour les managers. Nous investissons 3 millions d'euros par an - l'intégralité de notre résultat et 2 millions d'euros empruntés. L'instauration de la participation représenterait une augmentation de salaire de 10 % pour tous les salariés. Quelle entreprise supporterait une telle augmentation ? Elle aurait le même impact pour nous que les 35 heures !

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - Je pensais que vous hésitiez pour l'embauche de deux ou trois salariés, mais vous auriez besoin de 20 salariés, et vous ne les embauchez pas ! Vous ne pourrez pas passer de 50 à 100 salariés.

M. Nicolas Aubé, fondateur et président de Céleste (Seine-et-Marne) . - Nous avons besoin de ces embauches, mais nous nous retenons depuis un an, et nous n'embaucherons pas cette année.

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - Vous souffrez aussi de l'insécurité juridique ?

M. Nicolas Aubé, fondateur et président de Céleste (Seine-et-Marne) . - Oui, nous ne savons pas exactement combien de représentants du personnel nous devrions avoir. Les règles sur la participation datent de 1967 ; le général de Gaulle souhaitait faire participer les salariés au capital. Au départ, la participation concernait les entreprises de 100 salariés, sans charges sociales. Aujourd'hui, elle s'applique aux entreprises de plus de 50 salariés, avec 20 % de charges en plus, et ne peut prendre la forme du don d'actions. L'esprit de la loi de 1967 a été transformé en une obligation de plus, alors que le salaire est négocié avec chaque salarié lors de l'embauche ainsi qu'à chaque négociation annuelle. Cette obligation s'ajoute au salaire prévu.

Mme Élisabeth Lamure , présidente . - Les seuils sont l'un des premiers sujets évoqués lors de nos déplacements. En Vendée, un des entrepreneurs rencontrés dirigeait quatre entreprises de 49 salariés : le choc de la réalité ! Passer ce seuil lui imposerait 35 obligations, nous a-t-il confié. Nous avons fait réaliser par l'IFO, institut de recherche allemand, une étude comparative : autant la répartition du nombre d'entreprises selon le nombre de salariés est très régulière en Allemagne, autant elle chute en France avec le seuil de 50 salariés. La France compte 2,5 fois plus d'entreprises de 49 salariés que d'entreprises de 50 salariés. Soit l'entrepreneur crée une autre société, soit il renforce la mécanisation, soit il a recours à l'intérim pour ne pas franchir le seuil.

Nous avons déposé des amendements aux projets de loi Macron et Rebsamen pour doubler ces seuils, et notamment augmenter celui de 50 à 100 salariés, sans succès. Au cours du débat avait été proposé un gel des seuils durant trois ans, mais cette mesure a disparu dans la navette parlementaire, avec un retour à la case départ. Sans doute profiterons-nous du projet de loi El Khomri pour présenter de nouveau nos propositions.

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - Avez-vous des réactions ou des questions sur ce sujet ?

M. Jean-Marc Barki, président-directeur-général de Sealock . - Je suis industriel dans le Pas-de-Calais. Merci d'avoir osé briser la glace et évoquer ce tabou. Il n'y a pas que le seuil des 50 salariés ; il existe aussi des seuils à 10 ou 20 salariés. Notre seule possibilité de s'en sortir, pour passer outre les dispositions imposées par la loi, c'est d'établir des procès-verbaux de carence, ce qui peut se faire dans les entreprises qui ont un bon climat social. En France, il y a trois millions de PME de moins de 250 salariés. En moyenne, elles ont 20 salariés et font 4 millions d'euros de chiffre d'affaires : on est très loin des entreprises de taille intermédiaire. Faisons passer le premier seuil de 0 à 50 et laissons les entreprises libres de fonctionner. C'est cela la réalité !

M. Emmanuel Arnaud, président de Guest To Guest . - Je dirige une entreprise de 25 salariés. Pourquoi ne pas établir le seuil sur des critères économiques - le chiffre d'affaires ou la marge brute - plutôt que sur le nombre de salariés, ce qui incite à ne pas embaucher ? Je ne connais aucun entrepreneur qui chercherait à réduire volontairement son chiffre d'affaires ou sa marge brute !

Mme Élisabeth Lamure , présidente . - C'est une bonne idée, mais ce critère de 50 salariés répond à l'impératif du dialogue social, auquel nous sommes très attachés en France.

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - Dialogue ou monologue social ? Cela dépend des fois... Mme Hélène Rouquette, vous êtes fondatrice et présidente d'IDD Biotech, entreprise du Rhône développant des anticorps thérapeutiques innovants. Vous bénéficiez du crédit d'impôt recherche (CIR), et vous en étiez très satisfaite jusqu'au moment où vous avez subi des contrôles déconnectés de la réalité...

Mme Hélène Rouquette, fondatrice et présidente d'IDD Biotech . - Le CIR est un outil extrêmement précieux pour une PME de biotechnologie, afin de lever des fonds. Mais on doit faire face à plusieurs incertitudes.

Certaines difficultés, levées depuis en partie, sont liées à son aspect déclaratif et fiscal. Désormais, le guide du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche définit bien le dispositif et le cadre des domaines concernés par le CIR. Les incertitudes viennent surtout durant le contrôle fiscal. Sur les huit ans de mes deux entreprises, j'ai eu trois contrôles fiscaux, avec à chaque reprise un focus sur le CIR. L'interprétation de ce qui relève de la recherche est aléatoire. A priori, la recherche fondamentale et la recherche appliquée sont légitimes. Mais l'interprétation du développement industriel et des essais expérimentaux est très large... Dans un premier temps intervient l'inspecteur fiscal qui, après la validation du cadre déclaratif, se retranche derrière son incompétence sur l'objet de la recherche ou sur le domaine du médicament pour demander la nomination d'un expert du ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur. Et là, c'est la bonne ou la mauvaise pioche, en fonction de la région...

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - C'est comme pour l'inspection du travail !

Mme Hélène Rouquette, fondatrice et présidente d'IDD Biotech . - Un expert peut être légitime dans son domaine de recherche fondamentale mais parfois il ne sait rien des projets collaboratifs, des relations entre les secteurs public et privé, des expérimentations... Ainsi, il peut estimer qu'un projet est légitime dans un domaine de recherche, mais que son périmètre ou les activités liées à ce projet de recherche ne relèvent pas du CIR.

Jusqu'à présent, la situation était bloquée : impossible de dialoguer avec l'expert. C'était très frustrant, alors que la mise en place des outils de contrôle prend plusieurs jours. L'expert se retranchait derrière son expertise tandis que l'administration fiscale se retranchait derrière le dire d'expert... Un dialogue de sourds !

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - Quel était l'enjeu en cas de refus ?

Mme Hélène Rouquette, fondatrice et présidente d'IDD Biotech . - Mon entreprise de recherche en région lyonnaise, avec une masse salariale de 800 000 euros, sollicite un CIR de 500 000 euros. Ma société d'exploitation commerciale, à Paris, avec 800 000 euros de masse salariale, peut demander un CIR de 100 000 euros. À titre comparatif, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) pour mes deux entreprises représente 6 000 euros. L'enjeu du CIR est essentiel. Oui, il faut garantir une bonne utilisation de l'argent public, mais il est important qu'il y ait un dialogue.

J'ai été surprise de constater qu'à aucun moment, l'administration fiscale n'a montré d'intérêt pour l'impact économique des projets bénéficiant du CIR. Ce n'est pas compliqué de prêter attention au nombre de salariés, directement ou indirectement. Nous avons créé un outil industriel indépendant !

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - C'est l'obsession de l'administration fiscale : partir à la chasse aux effets d'aubaine, dans des proportions déraisonnables...

Mme Élisabeth Lamure , présidente . - Le CIR est un dispositif loué par toutes les entreprises, qui nous demandent de ne pas le supprimer, mais de limiter ses effets pervers : les contrôles fiscaux sont certes légitimes, mais ils arrivent parfois tardivement et ne permettent pas d'échanges avec l'administration.

Le projet de loi de finances rectificatif pour 2015 a voulu rectifier le tir en créant un comité consultatif sur le CIR et le crédit d'impôt innovation, qui intervient avant la fin du contrôle fiscal pour permettre un dialogue entre l'administration et le contribuable. Notre amendement, qui demandait qu'un représentant du monde économique soit présent dans ce comité, n'a pas été retenu. Y sont seulement présents les fonctionnaires des services fiscaux ou du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est extrêmement dommage.

M. Bruno Amic, directeur d'Hommes et formations . - Je suis entrepreneur dans les Bouches-du-Rhône depuis 2001. Dans les PME, nous subissons des contrôles fiscaux tant professionnels que personnels. Les contrôleurs fiscaux ont des compétences uniquement territoriales : il faudrait non seulement les former en psychologie, mais aussi remplacer la compétence territoriale par une compétence sectorielle. Environ huit contrôleurs fiscaux contrôlent les alentours d'Aix-en-Provence et de Marseille, tandis qu'on compte dans cette salle près de 40 secteurs représentés, dont nous sommes tous les experts. Qui peut imaginer qu'un contrôleur fiscal puisse être compétent sur tous les secteurs ? C'est impossible ! Il est urgent que les contrôleurs aient une compétence sectorielle, en sus d'une formation au management, à la psychologie et au monde du travail.

M. Jean-Marc Barki, président-directeur-général de Sealock . - Lors de la précédente mandature, il avait été proposé que les PME bénéficient d'une avance non remboursable dès lors que le crédit d'impôt était accepté par les services fiscaux, afin de ne pas courir le risque d'avoir à rembourser les fonds lors d'un contrôle fiscal, alors même qu'ils ont déjà été investis ! C'est bien ce qui nous est arrivé. Quand une entreprise déclare plus de 10 000 euros au titre du CIR, en effet, elle devient une cible pour le fisc. Sur 550 000 euros, celui-ci nous en a réclamé 330 000. On a fait appel, sans succès. L'État a fait valoir son privilège, ce qui a failli nous couler. Heureusement nous avions la confiance de nos banques. Nous avons embauché un cabinet d'avocats fiscalistes. Il a fait un deuxième appel. Il a reçu la même réponse que lors du premier, à la virgule près... preuve que l'instruction est à charge.

Mme Hélène Rouquette, fondatrice et présidente d'IDD Biotech . - Pour l'anecdote, nous avions demandé une contre-expertise. Elle a été faite par le même expert...

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - On constate que tous les patrons ressentent une sorte d'hostilité de la part de la puissance publique, hostilité de nature presque philosophique...

Mme Élisabeth Lamure , présidente . - L'État doit changer d'état d'esprit. L'administration doit accompagner les entreprises.

M. Nicolas Aubé, fondateur et président de Céleste (Seine-et-Marne) . - Pour ma part, je n'ai pas senti d'hostilité de la part de l'État. On peut créer une entreprise en France et être aidé, notamment par la BPI. Ne nous mettons pas de barrières psychologiques.

M. Michel Canevet , sénateur . - Le CIR bénéficie à 21 000 entreprises. Il coûte 5,6 milliards d'euros. En 2014, il y a eu 1 300 rappels fiscaux, pour un montant de 200 millions d'euros. L'administration fiscale ne fait pas la chasse aux entreprises en la matière. Il est vrai que les grandes entreprises sont davantage contrôlées que les autres, mais les principaux bénéficiaires sont les petites entreprises. Le problème est que l'on ne compte que 680 experts. C'est insuffisant.

Mme Nicole Bricq , sénatrice . - Le CIR est une dépense fiscale qui coûte 6 milliards à l'État. Il est normal de faire des contrôles. Toute niche fiscale crée des effets d'aubaine. Je voudrais attirer l'attention des entreprises sur le rescrit fiscal qui n'est pas assez utilisé. Il permet de se mettre d'accord avec l'administration fiscale sur une situation et l'interprétation des règles afférentes.

M. Bruno Amic, directeur d'Hommes et formations . - L'engagement de l'administration fiscale, c'est bien. Mais les élus devraient aussi s'engager sur une certaine stabilité, notamment fiscale, par exemple pour le régime du mandataire en matière de services à la personne : TVA, réduction horaire, etc. Le régime ne cesse d'évoluer !

M. François Laurent, directeur général de Covestro France (Hauts-de-Seine) . - Je salue l'initiative ambitieuse et pragmatique de la Délégation aux entreprises. Je suis heureux de constater la part d'entrepreneurs parmi les sénateurs ; c'est un facteur d'espoir.

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - Ils y sont plus nombreux qu'à l'Assemblée nationale !

M. François Laurent, directeur général de Covestro France (Hauts-de-Seine) . - Covestro était anciennement Bayer MaterialScience. La division est devenue une société indépendante en 2015. Bayer en est l'actionnaire principal. L'apprentissage est un enjeu de société crucial lorsque le taux de chômage des jeunes atteint des taux accablants en France, à la différence de l'Allemagne, où il n'est que de 6 ou 7 %. Depuis 2012, malgré les déclarations de principe, l'apprentissage est en perte de vitesse. La Cour des comptes a aussi regretté l'échec du contrat de génération. Les causes sont multiples. D'abord, l'apprentissage est trop souvent centré sur l'obtention d'un diplôme qui ne correspond pas toujours aux besoins des entreprises. Ensuite il souffre d'une mauvaise image. Peu de relais d'opinions s'en font l'écho. Ensuite, le dispositif souffre de rigidités. En Allemagne, il est possible de quitter le système scolaire à 16 ans pour rejoindre une entreprise en apprentissage. Le président de Bayer, d'ailleurs, a commencé à 16 ans en apprentissage. En France, un apprenti peut difficilement revenir dans un parcours scolaire « noble », alors qu'en Allemagne, il peut revenir passer le baccalauréat à 19 ans. L'apprentissage y est une voie d'intégration. Les entreprises cherchent à conserver en leur sein les salariés qu'elles ont formés. Les grandes entreprises, d'ailleurs, prennent plus d'apprentis qu'elles n'en ont besoin, car ceux-ci peuvent ensuite aller travailler chez des sous-traitants.

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - Que faire ?

M. François Laurent, directeur général de Covestro France (Hauts-de-Seine) . - Il faudrait travailler sur l'image, mais c'est un combat de longue haleine ! En Allemagne, l'Éducation nationale publie un fascicule de 50 pages, en allemand et en anglais, à l'attention des familles pour vanter l'apprentissage.

Mme Élisabeth Lamure , présidente . - Triste règle de trois : on compte trois fois moins d'apprentis en France qu'en Allemagne, ils coûtent trois fois plus cher, et le taux de chômage des jeunes est trois fois plus élevé ! En octobre dernier, nous avions organisé une table ronde sur l'apprentissage, qui a réuni tous les acteurs concernés. Nous avons poursuivi le travail cet hiver par de nombreuses auditions. Peu après, j'ai déposé, avec M. Michel Forissier, une proposition de loi pour favoriser le développement de l'apprentissage comme voie de réussite. Elle met l'accent sur l'insertion plutôt que sur le diplôme, demande l'engagement de toutes les parties prenantes dans un pacte définissant des objectifs nationaux à déclinaison régionale, renforce la capacité de pilotage des régions, prévoit que les programmes sont élaborés conjointement par l'État et les branches professionnelles, affirme le principe de la liberté de création de centre de formation des apprentis (CFA), rétablit des classes de préparation à l'apprentissage en quatrième et en troisième, autorise le travail de nuit des apprentis dans certaines conditions, simplifie les modalités de rupture du contrat d'apprentissage, etc. La loi sur la réforme du droit du travail est muette sur l'apprentissage. J'espère que notre proposition de loi sera inscrite bientôt à l'ordre du jour.

M. Charles Colvez, président de l'entreprise Duperrier . - J'ai été président d'un CFA. Le problème en France se situe au niveau du collège : un bon élève doit rester dans l'enseignement général ! En Allemagne il n'y a pas compétition entre l'enseignement général et apprentissage : c'est l'Éducation nationale qui s'occupe des deux.

M. Gérard Huot, président honoraire de la CCI de l'Essonne, membre du Conseil de simplification pour les entreprises . - On emploie volontiers des apprentis quand l'activité est là. Moins quand l'activité baisse...

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - Mais le but de l'apprentissage n'est pas de fournir une main d'oeuvre bon marché.

M. Gérard Huot, président honoraire de la CCI de l'Essonne, membre du Conseil de simplification pour les entreprises . - Je veux dire qu'il est plus difficile de former les apprentis quand l'activité baisse. En France, l'apprentissage est considéré comme une voie de garage. Les formations ne sont pas en adéquation avec les besoins des entreprises. Je suis membre, comme Mme Nicole Bricq, du Conseil de simplification pour les entreprises. À notre initiative, les apprentis peuvent désormais travailler en hauteur, sans autorisation préalable de l'Inspection du travail ; de même une déclaration suffit pour le travail sur des machines dangereuses, sous réserve évidemment de précautions de sécurité.

M. Serge Dassault , sénateur . - On a supprimé le certificat d'études et tous les enfants vont au collège. Certains s'y ennuient. On pousse tout le monde à passer le bac. Mais le bac ne donne pas un emploi. Il est inutile si l'on ne poursuit pas des études supérieures. Or tout le monde n'est pas fait pour ça ! Résultat, 150 000 jeunes sortent sans diplôme du système scolaire, et nombre d'entre eux errent dans leur quartier. Il est temps de supprimer le collège unique et de rétablir le certificat d'études !

M. Hervé Lamorlette, directeur général d'EBM Thermique SAS (Bas-Rhin) . - Je suis directeur général de la filière française d'un groupe suisse. À vous écouter, je me sens moins seul ! Je connais bien le problème des seuils. Mon actionnaire suisse refuse de passer au-delà des 50 salariés ! Je ne lui dirai pas que nous avons été victimes des grèves dans les transports ce matin. Voilà aussi qui nuit à l'image de la France et à l'investissement des entreprises étrangères. De même, j'exagère à peine en disant que j'ai un contrôleur fiscal à demeure dans mon entreprise...

Lorsque la société s'est créée, nous avons monté un projet de valorisation du biométhane dans une petite station d'épuration. Le projet était très modeste : 200 kW, soit la puissance d'un moteur de voiture ! Il a fallu obtenir une autorisation au titre des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), faire une enquête publique, une étude risque, etc. Cela a duré un an. Il a fallu aussi obtenir une autorisation de raccordement à un réseau public d'électricité pour revendre l'électricité, faire une demande de proposition technique et financière, obtenir une convention d'exploitation auprès d'ERDF, une convention de raccordement, un contrat CARD, un certificat ouvrant droit à une obligation d'achat, une autorisation de rattachement, un contrat d'achat d'électricité, faire un dossier de déclaration auprès d'un service qui a changé, puis obtenir la validation d'un plan de comptage pour deux compteurs... Les agents d'EDF ont eu pitié et m'ont aidé à ce moment-là !

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - Une administration bienveillante !

M. Hervé Lamorlette, directeur général d'EBM Thermique SAS (Bas-Rhin) . - Chaque demande représentait un nouveau dossier. Il a fallu un an et demi pour un investissement de 250 000 euros !

Un mot ensuite sur le décret Montebourg, texte attrape-tout, pris à la hâte après le rachat d'Alstom par General Electric, pour protéger les intérêts stratégiques français. Ce texte est certainement clair pour ceux qui l'ont écrit, mais non pour le profane ! Ses dispositions sont très floues. On ne sait pas si nous y sommes soumis. Faut-il une autorisation pour acheter des panneaux photovoltaïques en France ? Pour tout investissement, il est nécessaire d'interroger le ministre. Pourquoi ne pas préciser la rédaction, qui est trop large en visant toutes les filières énergétiques, ou alors fixer un seuil en-deçà duquel un investissement étranger ne requiert pas d'autorisation ministérielle ? Cela serait plus clair pour les éventuels investisseurs, qui risquent d'investir ailleurs.

Mme Élisabeth Lamure , présidente . - Malheureusement, votre exemple n'est pas une caricature. Nous croulons en France sous les normes. Nous avons rédigé deux textes, signés par une majorité des membres de la Délégation. Dans une proposition de résolution, nous invitons le Gouvernement à simplifier certaines dispositions réglementaires, et à supprimer notamment l'autorisation d'autorisation préalable pour les projets d'investissements étrangers de faible montant. Dans une proposition de loi constitutionnelle ensuite, nous proposons d'écarter la surtransposition de normes européennes et prévoyons l'application du principe britannique du « one in, one out » (pas de norme législative nouvelle sans suppression d'une norme ancienne de charge équivalente). Nous espérons l'inscription à l'ordre du jour de ces textes dans les prochains mois.

Mme Nicole Bricq , sénatrice . - Je partage vos propos sur la nécessaire simplification et je représente le Sénat au sein du Conseil pour la simplification. Je tiens à préciser toutefois que la définition des secteurs stratégiques ne date pas du décret Montebourg, mais a été définie à l'époque du gouvernement Balladur, lorsque plusieurs grands groupes français étaient sous la menace d'une OPA hostile. Il n'en demeure pas moins que le décret pourrait être clarifié.

J'attire aussi l'attention sur les procédures en matière d'urbanisme, notamment industriel ou commercial, qui durent, en France, des années, bien plus que chez nos voisins. Cela nuit à l'attractivité de notre pays.

La Délégation aux entreprises a ensuite organisé une table ronde sur la simplification pour les entreprises.

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - Nous allons maintenant creuser ensemble cette question de la simplification. Le Président de la République et le Premier ministre semblent avoir donné une impulsion claire. Monsieur Huot, vous siégez au Conseil de simplification ? Où en sommes-nous ?

M. Gérard Huot, président honoraire de la CCI de l'Essonne, membre du Conseil de simplification pour les entreprises . - Le Premier ministre avait demandé, en 2014, au député Thierry Mandon de rédiger un rapport sur la simplification de l'environnement réglementaire et fiscal des entreprises. C'est dans ce cadre que j'ai été consulté. M. Jean-Luc Warsmann, lors de la précédente mandature, avait également fait des propositions. Le Président de la République s'est engagé. Depuis sa création en janvier 2014, le Conseil de la simplification, est co-présidé par un parlementaire (Thierry Mandon, puis Laurent Grandguillaume) et un chef d'entreprise (Guillaume Poitrinal puis Françoise Holder). La moitié de ses membres vient de l'entreprise, l'autre est constituée de personnalités issues de l'administration. Nous avons créé des ateliers traitant des moments clefs de la vie des entreprises et déjà formulé plus de 200 propositions ; seules 53 % ont été mises en oeuvre à ce jour, à cause des lourdeurs administratives...

Mme Lamure a évoqué le « one in, one out ». En fait, les Anglais sont déjà passés « au one in, two out » ! Notre première mesure était de poser le principe selon lequel une nouvelle norme ne devait s'accompagner d'aucune charge nouvelle. C'est très difficile à faire accepter ; l'administration ne veut pas que l'on mette le nez dans ses affaires. Nous avons aussi voulu créer un « comité d'impact entreprises », à l'image des comités similaires qui existent en Allemagne ou en Angleterre, où des chefs d'entreprise accompagnés d'experts évaluent le coût des normes. Ce fut un tollé dans les ministères, si bien qu'a finalement été créé un « atelier impact entreprises » qui ne peut faire connaître ses remarques directement au public et se borne à faire remonter ses remarques à l'administration...

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - Un « tollé » de qui ?

M. Gérard Huot, président honoraire de la CCI de l'Essonne, membre du Conseil de simplification pour les entreprises . - Plusieurs ministres sont montés au créneau, craignant un ralentissement de leur action, alors même que l'on ne note aucun retard en Allemagne et en Angleterre, où a été mise sur pied une évaluation préalable des normes sur le modèle du « Standard cost model » .

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - En somme, il ne faudrait pas ralentir l'usine à fabriquer des lois !

M. Gérard Huot, président honoraire de la CCI de l'Essonne, membre du Conseil de simplification pour les entreprises . - Oui, alors qu'il faudrait plutôt commencer par vider le stock de normes. Toutefois, il y a aussi eu des avancées : le rescrit fiscal, le principe selon lequel silence vaut accord, la non-rétroactivité des textes fiscaux, etc. Enfin, je voudrais citer l'exemple d'un grand patron issu de l'apprentissage : M. Jean-François Dehecq, ancien patron de Sanofi.

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - Merci. Monsieur Arnaud, vous considérez que l'herbe n'est pas plus verte ailleurs ?

M. Emmanuel Arnaud, président de Guest to Guest, membre du groupe de travail «Innover & Collaborer » du Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP) placé sous l'autorité du Premier Ministre . - Absolument. Merci tout d'abord pour l'organisation de cette journée. Toutefois, autant je suis heureux que cet évènement ait lieu, autant je me demande ce qui se passe le reste de l'année. Ma femme m'a dit qu'elle ressentait la même chose le 8 mars... Plus sérieusement, en tant qu'entrepreneur du web , je dois souligner que les créateurs de start-up sont bien aidés en France. Cessons de croire que tout est meilleur ailleurs. La Silicon valley est une exception. Toutefois, même si la volonté de simplifier est là, je suis inquiet. Notre capacité à produire de la complexité est beaucoup plus forte que notre capacité à simplifier.

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - Les structures sur la simplification sont déjà très complexes : Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP), chargé de simplifier le stock de normes, secrétariat général du gouvernement qui traite les normes nouvelles, Conseil de simplification pour les entreprises, etc.

M. Emmanuel Arnaud, président de Guest To Guest . - En effet, il y a des blocages à tous les niveaux : ministères, Urssaf, experts, etc. Chaque niveau peut créer de la complexité. Celle-ci pèse plus sur les petites entreprises que sur les grandes qui ont les moyens financiers de la gérer. Il serait bon de faciliter les échanges entre les décideurs et les représentants des petites entreprises et leurs réseaux, comme le Réseau entreprendre, auquel j'appartiens. Au sein du SGMAP, il y a des échanges. Mais le numérique, qui offre des possibilités d'échanges asynchrones, pourrait faciliter la remontée des remarques et des suggestions du terrain. Ensuite, il faut que le processus de décision politique se modernise pour incarner lui-même la simplification. J'invite tous les parlementaires à venir dans ma start-up pour se familiariser avec des processus de décision beaucoup plus souples et incarner la simplification. J'ai déjà accueilli des représentants de grandes entreprises.

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - Êtes-vous satisfait de la qualité des travaux au sein du SGMAP ?

M. Emmanuel Arnaud, président de Guest To Guest . - Oui. Nos interlocuteurs au sein de l'instance sont très motivés, et font venir les représentants idoines de Bercy, de la Banque publique d'investissement et d'autres organismes ; mais ils manquent de soutien. Et ils ne sont pas assez nombreux. Les amendements sur les seuils, sur le CIR ont été retoqués, comme l'a rappelé Mme Lamure. Il n'y a pas de lobby assez puissant pour défendre la simplification. Beaucoup d'acteurs ont intérêt à la complexité. Les pratiques de ceux qui prônent la simplification doivent aussi être simples...

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - Monsieur Fabrice Ivara, vous avez signé une tribune remarquée dans les Échos intitulée « Dix propositions pour simplifier la vie des entreprises ». Quelles sont les plus urgentes ?

M. Fabrice Ivara, cofondateur de l'agence d'e-reputation Reputation Squad . - Cette tribune n'exprimait que le ressenti d'un entrepreneur qui emploie une cinquantaine de salariés. En commençant par ce qui fonctionne, je dois reconnaitre que la fluidité du parcours de création d'entreprise en France n'a rien à envier à nos voisins allemands ou anglais. Pour l'apprentissage, c'est tout autre chose : je dois payer 1 550 euros bruts pour un apprenti diplômé d'une école de commerce de niveau moyen et présent les deux tiers du temps. En surplus, nous devons verser un complément pour la formation. Il est hors de question pour un entrepreneur de payer, en équivalent temps plein, plus de 2 000 euros pour un apprenti !

Quant au CDD, il me semble complètement inutile. Les entreprises ne sont pas des monstres ! On pourrait s'accorder avec un salarié sur un CDI pour six mois ou un an - et sans faire un rapport à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) - et lui verser une indemnité à son départ. Cela fonctionne très bien dans certains pays.

Sujet peu abordé, l'immobilier est un véritable enfer pour une start-up qui, en atteignant cinq ou six salariés, doit quitter son incubateur. Entre les frais d'agence et les garanties diverses, ce sont quinze mois de loyer qu'il faut débourser. C'est presque impossible.

Le seuil de création d'une délégation du personnel au-delà de vingt salariés est aussi un frein au développement pour des sociétés comme les nôtres, où la moyenne d'âge est très basse. C'est un système d'un autre âge ; il faudrait porter le seuil à deux cents.

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - Les pistes de simplification évoquées par les autres intervenants vont-elles dans le bon sens ?

M. Emmanuel Ivara, cofondateur de l'agence d'e-reputation Reputation Squad . - Oui, mais nous ne voyons rien arriver... Le ratio des charges sociales sur les salaires est de 42 %, comme il y a quinze ans. Nous embauchons des bac + 7 pour gérer la paperasse administrative, et même eux ont du mal ! Tout le monde souhaite évoluer vers un système proche de ceux de l'Allemagne ou de l'Angleterre ; au moins, nous ne croyons plus être les meilleurs... Mais rien ne se passe.

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - Je me tourne maintenant vers ceux qui ont mis en oeuvre cette simplification, pour qu'ils nous fassent part de leur retour d'expérience : Jean-François Rime, vous présidez le comité directeur de l'Union suisse des arts et métiers.

M. Jean-François Rime, président du comité directeur de l'Union suisse des arts et métiers . - Merci pour votre invitation. Moi-même ancien industriel, j'ai trois fils dirigeants d'entreprise. Notre gouvernement a engagé un effort de simplification voici quelques années avec la création du Forum PME, un groupement d'industriels co-présidé par un représentant du Département d'économie et par moi-même qui se réunit quatre à six fois par an pour discuter des avant-projets ou projets de loi soumis au Parlement. Notre fonctionnement bicaméral diffère du vôtre, si bien qu'une loi qui n'est pas votée en termes identiques dans les deux chambres est abandonnée, à l'exception du budget. Mais la charge administrative augmente encore. Les entreprises se plaignent moins des lois elles-mêmes que des ordonnances d'exécution, qui alourdissent cette charge administrative : ainsi de la loi sur les produits alimentaires, avec ses ordonnances de trois mille pages. L'administration fait valoir que c'est nécessaire pour reprendre en partie les réglementations de l'Union européenne, tout particulièrement pour les entreprises de l'alimentaire qui exportent dans l'Union.

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - Les 80 pages du code du travail suisse cachent-elles les mêmes complexités ?

M. Jean-François Rime, président du comité directeur de l'Union suisse des arts et métiers . - Notre code du travail a conservé une certaine mesure. Nos relations avec les centrales syndicales, que je rencontre régulièrement, sont plutôt bonnes. De manière générale, les négociations se déroulent au niveau de contrats collectifs de branche, qui prennent force obligatoire s'ils réunissent plus de 50 % des entreprises et 50 % des salariés syndiqués.

L'un de nos sénateurs, Jean-René Fournier, demande la création d'un organisme pour analyser l'impact des nouvelles lois. Nous avons aussi demandé un droit de regard du Parlement sur les ordonnances. Nous voudrions enfin introduire un système de compensation des nouvelles charges analogue à celui du Royaume-Uni, le « one in, one out » devenu « one in, two out » .

M. Serge Dassault , sénateur . - Les syndicats et les étudiants qui manifestent aujourd'hui contre la loi El Khomri n'ont rien compris : ils croient que l'on n'embauche que pour mieux licencier, alors que les entreprises cherchent avant tout à se développer ! La flexibilité est indispensable : sans avoir la possibilité de licencier, elles n'embaucheront pas. Les États-Unis - qui comptent 5 % de chômeurs - ont des contrats de projet, où l'on embauche pour une tâche précise, de manière limitée dans le temps.

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - Les questions de la flexibilité et de la complexité se rejoignent-elles ?

M. Gérard Huot, président honoraire de la CCI de l'Essonne, membre du Conseil de simplification pour les entreprises . - Pas tout à fait. Le Conseil de la simplification s'attaque avant tout aux lourdeurs et complexités administratives, alors que la réflexion sur la flexibilité aborde les questions de seuils et d'encadrement des licenciements.

M. Jean-François Rime, président du comité directeur de l'Union suisse des arts et métiers . - L'embauche et le licenciement bénéficient en effet, en Suisse, d'une certaine flexibilité, même si je ne suis pas favorable à une absence totale de règles. Il est significatif qu'en Suisse alémanique, les prudhommes aient beaucoup moins d'affaires à traiter qu'à Genève ou Neuchâtel, où travaillent de nombreux transfrontaliers...

Je suis cependant choqué lorsque des entreprises cotées en Bourse décident, pour des raisons de rentabilité, de licencier plusieurs milliers de personnes, comme le Crédit suisse dernièrement. Dans ma petite ville, où tout le monde se connaît, les patrons de PME ne licencient que lorsqu'ils y sont obligés.

M. Olivier Cadic , sénateur . - Sénateur représentant les Français hors de France, j'ai établi mon entreprise au Royaume-Uni voici vingt ans. Les bonnes intentions se heurtent parfois à la réalité de terrain : on a étendu la durée de validité de la carte d'identité de dix à quinze ans, mais comme cela n'apparaît pas sur les cartes en cours de validité, les problèmes se sont multipliés à l'étranger...

Le travail de simplification prend l'allure d'un bêtisier de l'administration. Lorsque mon entreprise était encore installée en France, je disais au fonctionnaire chargé de m'assister qu'il m'aidait avec mon argent... La simplification devient elle-même compliquée. Au lieu de réduire à une ou deux le nombre d'aides aux entreprises, on a créé un logiciel sur lequel les entreprises, en fonction de leur localisation géographique, pourront calculer le montant auquel elles ont droit... Combien de temps ce logiciel sera-t-il à jour ?

Vous l'avez dit, pour certains lobbies, la complexité est un business . Sénateur entrepreneur, je parle la même langue que vous ; mais la politique est plus complexe que les affaires. Après avoir rencontré les entrepreneurs dans toute la France, nous avons souhaité les faire venir au Sénat. Vous demandez à être compris ; je souhaiterais de mon côté que les entrepreneurs comprennent le monde de la politique. Ainsi, nous avancerons tous ensemble.

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - Ce ne serait pas le premier logiciel mis en échec par les complexités de l'administration !

M. Gérard Huot, président honoraire de la CCI de l'Essonne, membre du Conseil de simplification pour les entreprises . - Le déploiement de ce logiciel, « Aide publique simplifiée », a été bloqué ; nous sommes en train le retravailler. Il faut signaler que les conseils départementaux ne clarifient pas toujours leurs systèmes d'aides...

M. Emmanuel Arnaud, président de Guest To Guest . - Faute de pouvoir simplifier le fond, on simplifie l'interface. C'est déjà un progrès, mais c'est aussi une déception.

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - Le médecin soigne-t-il réellement, ou se contente-t-il de calmer la douleur ?

M. Alain Gargani, Président de la CGPME des Bouches du Rhône . - Je suis entrepreneur et président de la CGPME des Bouches-du-Rhône depuis trois ans. Tous les jours, nous essayons de faire bouger les lignes. Nous avons fait venir des parlementaires pour passer une journée à la place d'un chef d'entreprise. Un sénateur sur cinq a été entrepreneur ; mais y a-t-il une véritable volonté politique ? La loi El Khomri comporte des mesures de bon sens comme le plafonnement des indemnités de licenciement, la clarification des règles du licenciement économique. Ce matin, je n'ai entendu que des propos de bon sens, mais sans volonté politique, nous n'y arriverons pas.

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - Les PME sont les grandes perdantes de la dernière mouture du projet de loi. Le problème n'est-il pas l'absence de maîtrise du jeu politique par les petits entrepreneurs, face aux syndicats ou même au Mouvement des Entreprises de France (Medef) ?

M. Alain Gargani, Président de la CGPME des Bouches du Rhône . - Tout le monde est perdant... Indéniablement, les entrepreneurs ont un temps de retard sur les syndicalistes. Ce n'est pas leur métier. Cela ne nous empêche pas de nous exprimer, mais nous ne sommes pas entendus. Les TPE-PME représentent plus de quinze millions d'emplois, les grands groupes seulement quatre millions. Essayons d'insuffler l'énergie nécessaire à nos sénateurs.

M. Jean-Claude Luche , sénateur . - Je suis, moi aussi, un sénateur passé par l'entreprise. Je préside également le conseil départemental de l'Aveyron, qui emploie 1 700 agents. Le Premier ministre a décidé la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires après avoir passé, nous dit-il, cinq heures de négociation avec les syndicats. Les dirigeants de collectivités n'ont pas été conviés... La mesure coûte 579 000 euros à mon département, soit un point de fiscalité. Ceux qui défilent aujourd'hui dans la rue, avec le coût que cela représente pour la collectivité, ont été mobilisés par les syndicats. Nos jeunes se laissent entraîner par méconnaissance... La ministre du travail voulait bien faire, mais une nouvelle occasion de répondre à vos préoccupations, vous qui générez du PIB et de la croissance, a été manquée. Ce sont les collectivités et les entreprises qui en pâtissent, et le chômage qui progresse.

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - Et ceux qui défilent ne sont pas les plus touchés par la réforme...

M. Karim El Boudali, fondateur, directeur associé de Collectibus . - Un chef d'entreprise a vocation à créer de la valeur ajoutée, pas à faire de l'administratif. Or nous y passons beaucoup de temps. Les jeunes, monsieur Dassault, sont plus sages que vous ne le pensez. Ils manifestent parce qu'ils ne rêvent plus. Nous nous heurtons aux arcanes des institutions - Sénat, Assemblée nationale, conseils départementaux. Et parfois à un défaut de formation : les fonctionnaires auxquels nous avons affaire sont rarement au fait et peuvent être mutés d'un service à l'autre, ils ne nous comprennent pas et nous perdons un temps précieux qui devrait être consacré au chiffre d'affaires et à la recherche de clients.

Inutile de chercher à copier les Allemands ou les Anglais : les mentalités sont différentes, l'exemple des transfrontaliers en Suisse le montre. Mieux nous serons armés, mieux l'on nous aidera. Je ne crois pas, comme un autre intervenant, qu'il soit facile de créer une entreprise en France. Petites ou grandes sociétés, nous avons tous les mêmes difficultés. Avec toutes ces complexités, on est en train de tuer notre marché.

M. Jean-Marc Barki, président-directeur-général de Sealock . - En France, le financement des syndicats est disproportionné au regard de leur poids réel. Un grand nombre de PME n'ont pas besoin de représentation syndicale : ce n'est pas une question de mauvaise volonté. Le système est-il plus souple en Suisse ?

M. Jean-François Rime, président du comité directeur de l'Union suisse des arts et métiers . - Le taux de syndicalisation est bas en Suisse. C'est dans la construction qu'il est le plus élevé. Le cadre de nos relations sociales est plus proche du modèle allemand : les syndicats sont largement représentés au Parlement et nous avons des contacts réguliers avec eux, en particulier depuis la crise du franc fort. Les syndicats veulent avant tout éviter les baisses de salaires et garantir l'emploi, ce qui est normal. En revanche, leur revendication d'une protection supplémentaire pour les plus de 50 ans me paraît contre-productive et dangereuse.

M. Fabrice Beillevaire, directeur de la Fromagerie Beillevaire UK Ldt . - Après avoir fait mes classes au sein de la PME familiale, dans l'Ouest de la France, je suis parti en Angleterre où j'ai beaucoup appris. On parle de simplification, mais on oublie le mot « essayer ». Les lois ne sont pas appuyées sur des expérimentations. Nous connaissons tous la méthode projet : quand on veut tester un produit, on l'essaie dans un département ou une région, avant de lancer le développement. Pourquoi ne pas baser nos lois sur des faits ?

M. Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business . - La simplification figure dans tous les programmes politiques. Est-ce une volonté durable, qui survivra au gouvernement actuel ?

M. Gérard Huot, président honoraire de la CCI de l'Essonne, membre du Conseil de simplification pour les entreprises . - L'engagement de la majorité précédente a déjà été conforté par le Président de la République. Je ne peux faire de prédiction, mais l'attente est telle que nous ne pouvons la décevoir.

M. Emmanuel Arnaud, président de Guest To Guest . - J'imagine mal un candidat élu sur un programme de complexification et d'alourdissement des charges !

L'instabilité et l'insécurité sont des facteurs de complexité. Les prudhommes s'apparentent à une loterie ; les entreprises ne savent pas ce qu'il adviendra du crédit impôt recherche. Même dans un objectif d'allègement, les changements réguliers de réglementation aggravent la complexité. Quant à l'expérimentation, j'y suis personnellement tout à fait favorable.

M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État à la réforme de l'État et à la simplification . - Je suis d'autant plus heureux d'être parmi vous que vous savez combien la maison Sénat m'est chère.

Portons un regard pragmatique sur la simplification. Faisons preuve de bon sens et d'efficacité, au-delà des clivages politiques. Mes prédécesseurs, François Baroin et Valérie Pécresse comme Marylise Lebranchu, Thierry Mandon et Clotilde Valter, avaient les mêmes préoccupations. La plupart des pays européens ont désormais un ministre chargé de la simplification. Face à la mondialisation, ce n'est pas seulement une nécessité budgétaire. Nous nous sommes emparés de ce thème autrefois peu familier à la gauche. La montée des pays émergents, dont certains sont déjà émergés, nous oblige à adopter une vision stratégique. D'où le choc de simplification voulu par le Président en mars 2013.

Je vous le dit sans ambages, je ne compte pas réinventer ma fonction. C'est vous qui connaissez les blocages, les difficultés. Le Conseil de simplification, qui réunit quatorze chefs d'entreprise et plusieurs parlementaires, produit de très nombreuses propositions qui, tous les six mois, sont mises en oeuvre après une annonce du Président ou du Premier ministre. C'est un travail complexe qui nécessite des arbitrages à haut niveau politique ; or nous nous heurtons parfois à des pesanteurs, des habitudes dans certaines administrations... C'est le tonneau des Danaïdes. Mon travail consiste à inciter les ministres à faciliter, à leur niveau, la vie des entreprises.

Nous avons présenté, au total, environ 420 mesures de simplification dont 70 % ont été mises en oeuvre. L'un de mes objectifs consiste à supprimer le stock restant. Une fois la mesure validée en réunion interministérielle puis annoncée, elle est rendue effective par la loi, par ordonnance ou par décret, parfois après un long délai.

Ce travail n'est peut-être pas assez visible, mais nous avons fait beaucoup : le rescrit roulant, la clarification des règles de propriété intellectuelle, l'allègement des normes fiscales et comptables, les marchés publics simplifiés, la non-rétroactivité fiscale, le développement, très attendu, du rescrit de branche, le titre emploi service entreprise (Tese) en sont quelques exemples. Il convient de traiter les PME, PMI et TPE de manière plus différenciée. Nous introduisons des éléments de simplification dans chaque texte en discussion.

Nous avons aussi simplifié les règles de qualification professionnelle, adopté la déclaration sociale nominative et assoupli la procédure d'emploi des apprentis en matière de travaux dangereux. Nous souhaitions aligner les horaires des apprentis sur ceux des employés, mais la mesure n'a pas abouti. Les normes de construction ont fait l'objet d'un travail important de Guillaume Poitrinal, premier co-président du Conseil de simplification. En matière de réglementation thermique, de parkings, les efforts ont été nombreux. Construire un local de vélo est désormais plus simple. L'extension de petites surfaces ne nécessite plus une étude thermique complexe et coûteuse.

L'effort doit aussi venir des parlementaires qui ont tendance à multiplier les amendements, alourdissant ainsi les textes.

Nous poursuivons, avec le Conseil national d'évaluation des normes, la réflexion sur la diminution des normes appliquées aux collectivités territoriales.

Le Président et le Premier ministre sont directement impliqués dans ce travail. À l'étranger, Matteo Renzi en a fait une priorité absolue. Avant la fin de l'année, la fusion des régions, la transformation numérique, la dématérialisation des procédures de neuf formalités administratives sur dix auront été menées à bien. Le portail unique de l'administration en ligne, France Connect, sera simplifié et participatif. On pourra désormais recevoir ses documents d'identité à domicile au terme d'une procédure dématérialisée. Plutôt que le coup de rabot général, nous avons choisi la déconcentration, à travers le numérique et la proximité. Les maisons de services au public, implantées dans les territoires ruraux et les banlieues populaires, seront très utiles aux entreprises. Un État plus efficace, proche, rapide, innovant : voilà ce que nous proposons.

Nous poursuivons la promotion des idées innovantes avec le médiateur des entreprises, Pierre Pelouzet. Le crédit impôt recherche sera maintenu, avec peut-être un traitement différencié des PME et PMI.

Il a toujours été difficile de réformer à l'approche des échéances électorales ; nous avons choisi de continuer le travail. Au mois de juin, les trois ans du choc de simplification seront l'occasion d'un retour sur expérience et d'une auto-évaluation. Nous voulons savoir si vous percevez la réalité de notre action. Nous avons mis au point une méthode fondée sur la remontée du terrain, et une mise en place effective aussi vite que possible. Quelle que soit la prochaine majorité, nous espérons qu'elle perdurera.

L'économie sociale et solidaire représente 10 % de nos emplois : elle ne sera pas laissée de côté. Les start-up , en particulier celles du numérique, feront l'objet de plusieurs mesures du projet de loi El Khomri. Enfin, l'économie verte est un sujet majeur. Il faut sept ans pour construire une éolienne, contre trois ans en Allemagne. J'ai missionné sur ce dossier le député Denis Baupin qui rejoindra le Conseil de la simplification pour les entreprises. Soucieux d'entendre les acteurs, je vais rencontrer Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables, qui me fera part de ses idées.

Je veux vous être utile, vous aider à gagner de l'argent et à créer des emplois. Nous nous tournons vers les acteurs et tentons d'adopter ainsi la méthode de participation mise en oeuvre au sein du groupe Dassault : un tiers des bénéfices pour le patron, un tiers pour les salariés et un tiers pour l'investissement. C'est aussi ce que je vous souhaite pour cette année.

Puis, la Délégation aux entreprises a organisé un déjeuner d'échanges entre entrepreneurs français, installés au Royaume-Uni ou implantés sur le territoire national.

M. Olivier Cadic , sénateur des Français de l'étranger . - Comme vous le savez sans doute, la délégation aux entreprises parcourt la France pour comprendre les préoccupations et les difficultés des entreprises et tenter de faire évoluer la législation. Nous nous sommes également rendus à Londres en avril dernier pour rencontrer les entreprises francophones installées de l'autre côté de la Manche.

Je suis moi-même entrepreneur depuis plus de vingt ans. J'ai développé mon entreprise et je l'ai revendue. J'ai par la suite réinvesti cet argent dans d'autres projets ; aujourd'hui, Lucky Luke en anglais, c'est moi. Lors de notre visite à Londres, nous avons été accueillis par Arnaud Vaissié, que je qualifierais de Richard Branson français, et à qui je laisse la parole.

M. Arnaud Vaissié, président directeur général d'International SOS . - Bonjour à tous. Lorsque je suis parti en Grande-Bretagne, le pays connaissait les mêmes difficultés que nous aujourd'hui ; c'était un pays bloqué.

À la suite de Margaret Thatcher, Tony Blair, Gordon Brown ou David Cameron, ont mis l'entreprise au coeur du système, comme le dit le think tank le Cercle d'Outre-Manche.

Il faut changer la relation entre l'administration et le privé. Il faut aussi faire en sorte que les syndicats s'intéressent à l'entreprise et non plus seulement aux salariés, et diminuer la dépense publique. Il y a ainsi en Grande-Bretagne, trois fois plus d'entreprises, par rapport à la France, qui valent plus de 100 millions de dollars dans le domaine de la technologie. Il n'y a donc aucune fatalité ; la France peut repasser devant la Grande-Bretagne d'ici cinq ans.

M. David Blanc, associé chez Vestrawealth et président de l'UFE Corporate GB . - J'ai traversé la Manche en 1994, à l'âge de 24 ans, comme des dizaines de milliers de jeunes ont pu le faire. Il n'est d'ailleurs pas anodin qu'il y ait 400 000 Français à Londres. Pour éviter cette fuite, il faut aider les jeunes Français en France qui se lancent dans l'aventure de l'entrepreneuriat. Comme nous l'avons identifié au sein de la section britannique de l'Union des Français de l'étranger, dont Olivier Cadic fut président, la réussite au Royaume-Uni tient à la règle des 3F : facilité (de création de l'entreprise), flexibilité (des contrats), fiscalité (entre 0 et 10 %). Concernant ce dernier point, l'administration britannique est pragmatique, et il existe un véritable dialogue avec les organismes fiscaux d'outre-manche, qui aident les entreprises.

M. Fabien Suant, avocat, directeur de CBC Legal . - Je suis arrivé à 20 ans en Angleterre, sans avoir l'envie d'entreprendre. Ce n'est qu'à la suite d'opportunités et de facilités que je me suis lancé dans l'aventure. L'entreprise est une prise de risques et attend un soutien des autorités administratives mais également des citoyens. En tant qu'entrepreneurs, nous n'avons pas peur de prendre des risques, nous en sommes même assez heureux. Nous sommes heureux de venir au travail, et nous devons faire en sorte que ce sentiment soit partagé.

M. Olivier Cadic , sénateur . - Un soutien plus important de la part de l'administration serait effectivement le bienvenu. Aujourd'hui, nous avons plutôt, en France, le sentiment d'avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête lorsqu'arrivent les contrôles fiscaux. Les entreprises ont toujours une certaine crainte lorsqu'il s'agit d'entrer en rapport avec l'administration, tant à cause de cette épée de Damoclès, que du fait du manque de visibilité à long terme du à un environnement incertain.

Mme Patricia Connell, directeur général de France in London . - Je suis arrivée en 1980, à 20 ans, à Bristol en Angleterre. J'ai eu l'impression d'arriver dans un pays du Tiers-Monde, où l'hygiène et la qualité des restaurants étaient déplorables. Depuis, un changement impressionnant a eu lieu. France in London est ma cinquième société. Elle existe depuis 18 ans et n'emploie que des jeunes Français qui ont fait de grandes écoles. Les horaires au sein de l'entreprise sont assez fluides et flexibles ; il arrive parfois que l'on ne prenne pas de pause déjeuner car notre travail en décide autrement. Il est très facile de créer une société sans apport, en 2 jours. Mais surtout, lorsque l'on appelle les impôts, on peut véritablement leur demander des conseils sans qu'il y ait derrière une suspicion de leur part.

M. Fabrice Beillevaire, directeur de la Fromagerie Beillevaire UK Ldt . - En 2010 a eu lieu le début de l'aventure en Angleterre. Notre boutique fût un échec ; elle n'était pas adaptée au marché local. Nous nous sommes alors remis en cause et dirigés vers un développement autour des hôtels de luxe. Paradoxalement, l'échec est bien vu en Angleterre, il fait partie du processus d'apprentissage.

Mais d'autres différences existent avec la France. Nous avons construit un bâtiment en France, et acheté une vieille fabrique en Angleterre. En France, nous n'avons toujours pas le numéro d'agrément, bien que le bâtiment soit neuf et que nous ayons reçu une visite de l'administration sanitaire. En Angleterre, nous avions assez peu de moyens suite à notre échec, mais l'administration nous a accompagnés de manière régulière pour la constitution et l'avancement de notre dossier et en nous fournissant périodiquement des rapports. La question de nos maigres finances n'a pas été un obstacle et nous avons reçu l'agrément un an plus tard, alors même que c'était un bâtiment ancien. Cependant, il ne faut pas désespérer, la France dispose de grands atouts pour faire face aux défis qui se présentent.

M. Arnaud Vaissié, président directeur général d'International SOS . - Le système d'accompagnement des entreprises britanniques devrait d'ailleurs leur permettre de réussir mieux qu'elles ne le font actuellement. Je dirais qu'il y a finalement assez peu d'écarts entre la France et la Grande Bretagne. Ce qui fait la différence est qu'en France, il y a un fort intérêt pour le produit. En Angleterre, l'intérêt est porté à la transaction elle-même. Le lien entre le salarié et l'entreprise est également moins fort. D'autres défauts pèsent sur la Grande-Bretagne ; il pleut, la vie y est plus chère, et le système de santé, trop centralisé, ne fonctionne pas.

M. Olivier Cadic , sénateur . - Merci à tous pour vos témoignages. Il ne s'agit pas aujourd'hui de dire que « c'est mieux en Angleterre », il s'agit de montrer les différences qui peuvent exister entre nos deux pays. Et de ne pas oublier que la Grande-Bretagne est notre meilleur client.

Après que les entrepreneurs ont assisté en tribune à une séance de question d'actualité au Gouvernement dans l'hémicycle du Sénat, la Délégation aux entreprises a organisé une table ronde sur les facteurs du succès, selon plusieurs entreprises performantes, en partenariat avec le groupe AFNOR, distributeur en France du modèle EFQM ( European Foundation for Quality Management ).

Animation : M. David Ascher, directeur des publications Actu-Environnement.com et Environnement & Technique, modérateur.

M. David Ascher, modérateur . - Notre table ronde est consacrée au modèle EFQM ( European Foundation for Quality Management ), un outil de management, utilisé par plus de 30 000 organisations en Europe pour améliorer leurs performances. Selon ses concepteurs, il s'agit d'un outil d'excellence, qui encourage les organisations à devenir des structures agiles, mieux adaptées aux rigueurs du contexte économique mondial actuel. Monsieur Jean-Luc Grisot, vous êtes un chocolatier à succès. Cette méthode vous a-t-elle aidé ?

M. Jean-Luc Grisot, directeur général de Valrhona . - Absolument. Je tiens tout d'abord à remercier Madame Lamure de nous accueillir en ces lieux. La délégation aux entreprises était déjà venue visiter nos locaux à Tain-l'Hermitage. Depuis 15 ans nous avons adopté le modèle d'auto-évaluation généralisé de l'EFQM. Nos collaborateurs sont heureux, tout comme nos clients et nos actionnaires, car les résultats sont là. L'EFQM n'est pas un simple business plan uniquement destiné à gagner des parts de marchés, mais une manière de placer l'humain au coeur de l'entreprise, de donner du sens à son action. Les entreprises utilisant ce modèle ont de meilleurs résultats que les autres. On a commencé il y a 15 ans à nous auto-évaluer pour progresser. Puis on a eu recours à des consultants. Nous nous évaluons sans cesse. Chaque année, nous fixons une priorité et procédons à une enquête, sur la base de questionnaires que nous adressons à nos collaborateurs, à nos clients, à tous nos partenaires, comme peut en témoigner Gilbert Bouchet, sénateur de notre département. Dès qu'un problème est identifié, nous travaillons ensemble à l'améliorer avec des plans d'action, dans un cercle d'amélioration continue.

M. David Ascher, modérateur . - Vous procédez par sondages ?

M. Jean-Luc Grisot, directeur général de Valrhona . - Il s'agit plutôt d'une auto-évaluation exhaustive des parties prenantes. On décline ensuite un plan d'action grâce aux réponses des questionnaires. Les résultats sont là et le chiffre d'affaires a été multiplié par quatre en 15 ans sans demander d'aides à personne. Si toutes les entreprises utilisaient ce modèle, on compterait en France davantage d'entreprises de taille intermédiaire (ETI). De même, nous figurons depuis six ans au palmarès Great place to work, où nous sommes classés 12 e .

M. David Ascher, modérateur . - Weave est un cabinet de conseil stratégique en passe de devenir une ETI.

M. Didier Rousseau, président de Weave . - Weave est un cabinet de conseil ; on considère qu'il fait partie des « licornes » françaises. L'entreprise a presque la taille d'une ETI. Nous avons voulu créer une entreprise innovante, libérée, agile, sans cadre. L'évolution a été rapide. L'équipe est passée de deux personnes à 250 collaborateurs. Il a fallu développer un management résilient. L'EFQM est une méthode intéressante grâce à son mode d'évaluation à 360 degrés. Nous avons pu nous faire évaluer par des tiers. Les résultats ont été bons tout de suite car la démarche était inhérente à notre projet. Mais nous avions besoin d'un regard tiers. Beaucoup d'entreprises oublient la culture de l'exploration au détriment de la culture d'exploitation. Or il importe sans cesse d'étudier les évolutions de son univers concurrentiel, d'anticiper les tendances de demain, les nouveaux entrants même si ceux-ci viennent d'autres univers - voyez Booking et Airbnb pour Accor par exemple. Notre métier est d'accompagner nos clients en la matière. Mais pour ce faire il nous fallait une construction résiliente et une culture d'exploitation résiliente. L'EFQM permettait de nous évaluer à cet égard. De plus, après discussion avec les experts d'EFQM, nous avons compris que nous devions mieux incarner l'innovation. C'est pourquoi nous avons décidé d'ouvrir une plateforme à San Francisco, haut lieu de l'innovation, où nous envoyons pendant plusieurs mois nos consultants pour se former.

M. David Ascher, modérateur . - Qu'appelez-vous une entreprise libérée ?

M. Didier Rousseau, président de Weave . - Mieux vaut courir dans le désordre que marcher dans l'ordre ! C'est une entreprise qui n'est pas bureaucratique, où les gens ont le pouvoir. Nous n'avons ainsi pas de direction des ressources humaines. Pour compenser, nous avons besoin d'un référentiel et d'un cadre partagés.

M. Jean-Luc Grisot, directeur général de Valrhona . - Valrhona aussi est une entreprise libérée, c'est-à-dire une entreprise qui permet aux individus d'exprimer leur personnalité dans l'entreprise, quel que soit le poste, d'agir, comme on le dit, avec la tête, le coeur, les « tripes » !

M. David Ascher, modérateur . - Les nuances semblent minces entre vous !

M. Jean-Luc Grisot, directeur général de Valrhona . - La différence est qu'à mon avis la présence d'une direction des ressources humaines est importante, ainsi que la hiérarchie. Les managers ont un rôle important, ce qui ne signifie pas qu'ils se limitent à donner des ordres top-down .

M. Didier Rousseau, président de Weave . - Chez nous, les managers sont avant tout des capteurs tenaces du sensible. Pour être efficaces, ils doivent disposer de la plénitude de leurs attributions. Je le vois dans les ETI et les grands groupes : l'enjeu est de remettre de la vitesse dans la chaine de décision. L'entreprise libérée responsabilise l'ensemble des collaborateurs. Weave n'a pas de salariés mais des personnes qui vivent une expérience au sein de l'entreprise et s'y enrichissent. Pour faire travailler ensemble des designers, des data-miners, des consultants, il faut une intelligence collective, un cadre partagé. Le modèle EFQM y contribue grâce à une sémantique commune, des enquêtes à 360 degrés, tout en laissant une grande liberté à chacun.

M. Philippe Bernand, président du directoire de l'aéroport de Lyon Saint-Exupe'ry . - Mon entreprise évolue dans un cadre très régulé, comme chacun le sait. Notre défi était de faire progresser l'entreprise en libérant les énergies. Pour cela il fallait conduire nos experts à travailler ensemble, à prendre en compte les conséquences de leurs décisions sur les autres divisions, sur les clients, sur l'environnement, etc. L'EFQM est apparu comme un vecteur de changement et le personnel a adhéré. Ma fille qui a étudié aux États-Unis me dit que la principale différence est que là-bas, à l'école, l'accent est mis sur ce que les élèves font de bien, alors qu'en France on met l'accent sur ce qu'ils ne font pas bien. L'EFQM participe de la même démarche. Il faut d'abord s'appuyer sur les talents qui existent au sein de l'entreprise. Mieux vaut en effet courir de travers, que ne pas bouger. Ce faisant, peu à peu on progresse et on avance.

M. David Ascher, modérateur . - Existe-t-il un club des entreprises utilisant l'EFQM ? Comment échanger-vous les bonnes pratiques ?

M. Jean-Luc Grisot, directeur général de Valrhona . - Il y a beaucoup d'échanges entre entreprises. Les évaluateurs sont d'ailleurs souvent des entrepreneurs, même s'ils peuvent exercer dans d'autres secteurs d'activité. Le benchmark est au coeur de l'EFQM.

M. Philippe Bernand, président du directoire de l'aéroport de Lyon Saint-Exupe'ry . - On ne perd jamais son temps à voir ce qui se passe ailleurs. Lorsque nous avons installé un centre de commandement opérationnel, nous sommes allés voir comment avaient fait d'autres aéroports, mais aussi la RATP, Vinci, les entreprises de la Défense, etc.

M. Patrick Meillaud, directeur économique de Robert Bosch, Usine de Rodez . - La philosophie de l'EFQM est share what works. L'échange des bonnes pratiques est fondamental. On gagne toujours à aller voir ce qui se passe dans d'autres structures, même celles qui exercent dans des environnements différents.

M. David Ascher, modérateur . - Dans une entreprise, les profils, les compétences, les niveaux de qualification, les responsabilités sont variées. Comment faire pour que chacun adhère à la démarche ?

M. Philippe Bernand, président du directoire de l'aéroport de Lyon Saint-Exupe'ry . - Toutes nos décisions résultent d'une double démarche à la fois top-down et bottom-up . De la sorte chaque collaborateur s'approprie le sens des décisions car il a participé à leur élaboration. Résultat, aux aéroports de Lyon, 80 % des collaborateurs se déclarent heureux.

M. David Ascher, modérateur . - Vos collaborateurs restent-ils plus longtemps que la moyenne dans vos entreprises ?

M. Patrick Meillaud, directeur économique de Robert Bosch, Usine de Rodez . - Chez nous, les collaborateurs sont tellement bien que nous devons insister pour les convaincre d'accepter des mobilités ! Il est vrai que nous sommes installés à Rodez, dans une région avec un enracinement local très fort. Le taux de fierté et de satisfaction s'établit à 89 % !

M. David Ascher, modérateur . - L'excellence de Bosch à Rodez est reconnue. Vous recevrez bientôt une récompense à ce sujet. Comment l'expliquez-vous ?

M. Patrick Meillaud, directeur économique de Robert Bosch, Usine de Rodez . - Notre site est avant tout une usine de production. Le bureau d'études est très réduit. Nous n'avons pas de commerciaux, ni de marketing. Nous sommes tributaires des décisions du groupe. Le secteur automobile est très concurrentiel, surtout en Europe de l'Ouest. C'est pourquoi nous devons trouver des solutions pour être attractifs. Le modèle EFQM ne fournit aucune solution directement mais nous incite à travailler ensemble, avec tous les collaborateurs, pour en trouver, définir en commun des lignes directrices, des axes d'action, travailler selon une logique de cause à effet pour identifier ce qui a fonctionné, ce qui peut être amélioré. Nous fabriquons un moteur diesel de haute technologie. 60 millions ont été investis sur le site l'an dernier. C'est important. Mais les bons ingénieurs ne suffisent pas à faire travailler ensemble les salariés. L'EFQM est une aide indispensable, au même titre que dans un cabinet de conseil, constitué de consultants experts en nouvelles technologies, comme Weave ! Même dans notre usine, le travail des ressources humaines a considérablement évolué, au-delà des aspects juridiques, de la définition du temps de travail ou des contrats de travail.

M. David Ascher, modérateur . - Votre univers est plus normé que celui du consulting.

M. Patrick Meillaud, directeur économique de Robert Bosch, Usine de Rodez . - Sans doute. Il est vrai qu'il faut tenir compte de l'avis des représentants du personnel, ou des collectivités car nous sommes le premier employeur privé de la région. Toutefois tout un volet, auparavant assuré par la DRH, a été transféré aux managers comme la gestion de la motivation ou des conflits. Notre directeur des ressources humaines aime mesurer la qualité du climat social au nombre des questions lors des réunions des institutions représentatives du personnel. La DRH peut faire remonter des questions, des inquiétudes, mais laisse aux managers le soin d'agir.

M. David Ascher, modérateur. - M. Christian Etchebest, vous êtes le chef cuisinier de quatre restaurants et encadrez 50 personnes. Quel est votre regard sur l'EFQM, vous qui êtes le seul à ne pas l'appliquer, dans un secteur d'excellence ?

M. Christian Etchebest, chef cuisinier. - Je ne connaissais pas ce modèle, mais lorsque j'ai vu le descriptif, il m'a semblé que je l'avais développé naturellement. Mon histoire est différente : j'ai arrêté l'école très jeune, mais je me suis donné des objectifs élevés et les moyens de les atteindre. Je me suis installé il y a 18 ans, mais j'ai attendu neuf ans pour ouvrir mon deuxième restaurant ; à 28 ans, j'ai réfléchi aux moyens de développer mon entreprise. Mon rôle est de transmettre la valeur travail, pour moi très importante. C'est grâce au travail et à la rigueur que je pouvais sortir du lot. L'excellence sans travail ni rigueur est impossible. Dans ce monde qui va si vite, mes entreprises sont familiales : 50 salariés dans quatre structures. C'est plus facile pour moi de manager 50 salariés grâce à cette proximité.

M. David Ascher, modérateur. - Vous avez voulu remettre de l'humain dans la structure ?

M. Christian Etchebest, chef cuisinier. - L'humain sera au coeur de l'entreprise de demain. Si chaque salarié est content et fier, il aura de l'ambition pour lui et pour l'entreprise. Dans ce métier manuel, nous avons des rapports directs... Le développement de mon entreprise passera par l'humain. Dans l'hôtellerie-restauration, j'ai pour modèle la maison Ricard : à chaque fois que vous les rencontrez, ils ont le logo sur eux, ils sont fiers de la culture de leur entreprise. Je veux que mes salariés soient fiers de travailler pour la Cantine du Troquet, alors qu'il existe 26 000 restaurants à Paris ; nous remplissons nos salles !

M. David Ascher, modérateur. - M. Grisot, est-ce la même chose dans votre secteur ?

M. Jean-Luc Grisot, directeur général de Valrhona. - M. Etchebest est quelqu'un de valeur car c'est un client Valrhona depuis 18 ans! Tout ce qu'il dit est intéressant et fondé sur le bon sens ; c'est cela l'EFQM : une clef de succès pour réussir demain, l'amour du métier et de ses clients, le fait de vouloir garder ses collaborateurs... Je suis particulièrement satisfait qu'on présente ces salariés qui travaillent 24 heures sur 24.

Au palmarès Great Place to Work des entreprises de plus de 500 personnes, on compte deux entreprises de l'ancienne économie sur vingt. C'est important, comme l'indique M. Meillaud, d'avoir ce niveau d'engagement avec de nombreux cols bleus. C'est beaucoup plus facile d'obtenir l'adhésion de cols blancs que d'ouvriers qui font le job au quotidien. Je salue particulièrement cette performance.

M. Patrick Meillaud, directeur économique de Robert Bosch, Usine de Rodez. - L'immense majorité des personnes qui travaillent ne sont pas des entrepreneurs mais des salariés des entrepreneurs. Il faut trouver des moyens pour que la motivation perdure, alors que parfois ils travaillent quarante ans à la chaine....

M. Christian Etchebest, chef cuisinier. - Ils doivent comprendre qu'ils ont une place importante dans l'entreprise. Sans nos salariés, nous ne sommes rien du tout ! Il faut les remettre au coeur de l'entreprise ; j'y crois dur comme fer.

M. David Ascher, modérateur. - M. Meillaud, un des principes de la méthode EFQM est de prendre en compte l'ensemble des parties prenantes. Vous avez 1 600 salariés ; n'est-ce pas trop lourd à gérer ?

M. Patrick Meillaud, directeur économique de Robert Bosch, Usine de Rodez. - Notre motivation va bien au-delà des opérateurs. EFQM est une aide mais attention à ne pas faire peur à nos collaborateurs avec des mots compliqués. Trouvons le moyen de concrétiser les choses. In fine , il faut clarifier les lignes directrices, donner du sens au travail, afin que la personne comprenne quelle est sa place et comment fonctionne l'organisation. Je dois donc trouver des relais pour atteindre les 1 600 personnes et m'investir pour toucher tout le monde.

Même si nous avons plutôt un fonctionnement standardisé du travail, nous avons travaillé sur la responsabilisation des collaborateurs, en réduisant le nombre de signatures, en élevant les seuils de validation, et en donnant à chacun la possibilité d'influencer son travail : nous réunissons des groupes de pairs, avec un animateur - et non chef - , travaillant ensemble sur un sujet pendant un temps dédié, et nous nous astreignons à valoriser ce travail qui est source d'amélioration. Chacun peut être le moteur de l'amélioration.

M. David Ascher, modérateur. - Avez-vous évalué le nombre de personnes qui travaillent, dans votre entreprise, selon le modèle EFQM ? Cela concerne-t-il plutôt le service qualité ou le service hygiène, sécurité et environnement ?

M. Patrick Meillaud, directeur économique de Robert Bosch, Usine de Rodez. - Certains sont plus impliqués dans l'animation ou le questionnement, mais tout le monde est concerné par la démarche. L'essentiel est de ramener du concret, de réfléchir à nos méthodes et de résoudre les problèmes.

M. David Ascher, modérateur. - Qui répond aux questionnaires ?

M. Jean-Luc Grisot, directeur général de Valrhona. - C'est 100 % des salariés, dans une démarche d'amélioration continue... Notre travail est de créer les conditions pour rendre les salariés davantage acteurs de leur métier.

M. David Ascher, modérateur. - À la place d'un chef d'entreprise, quelles équipes mettriez-vous en place pour appliquer le modèle EFQM ?

M. Jean-Luc Grisot, directeur général de Valrhona. - Il faut quitter l'habit de chef d'entreprise et faire preuve d'humilité, faire davantage confiance aux collaborateurs et à l'organisation. N'ayez pas une démarche descendante, sinon vous porterez le risque d'échec.

M. Didier Rousseau, président de Weave. - Nous travaillons en communauté, en co-construisant des modèles spécifiques. Nous avons gagné un contrat important sur le big data des entreprises pour le ministère de l'économie, grâce à un pool avec Polytechnique, l'École de guerre et l'Ifop, afin d'apporter des réponses via un prototype et non un classique diaporama de diapositives. Plus qu'une seule personne en charge de l'EFQM, il faut des gens et des communautés qui l'incarnent. L'économie du partage génère d'autres types de fonctionnement : nous ne ferons plus jamais d'offre seuls. Ces communautés ont dû transférer l'ensemble des éléments de l'EFQM à chaque personne.

L'innovation est un point important de l'EFQM. Désormais, certains développeurs ont des coachs , extérieurs à l'entreprise, qui gèrent leur carrière et négocient leur employabilité. Maintient-on l'employabilité du salarié ? Cela passe par le positionnement. Or l'innovation de l'EFQM est un élément d'efficience pour l'entreprise : le 360 degrés, intéressant, nous interroge sur des notions fondamentales. Le monde a vraiment bougé, dans tous les secteurs d'activité. Désormais, vous êtes attendus comme un gladiateur dans chacune de vos actions. Dans l'agroalimentaire, nous travaillons dans le B to C , avec des start-up d'agriéconomie bouleversant le modèle coopératif français.

M. David Ascher, modérateur. - Le modèle EFQM, qui fidélise ses collaborateurs, est-il plus intéressant que l'intéressement financier ? L'a-t-il remplacé, est-il complémentaire ?

M. Philippe Bernand, président du directoire de l'aéroport de Lyon Saint-Exupe'ry. - La récompense des collaborateurs méritants par l'argent était le seul modèle jusqu'ici. Il a atteint son terme. Dans de nombreux cas, le modèle EFQM donnera aux salariés l'envie de rester mais surtout de grandir, d'augmenter leur valeur personnelle et donc leur contribution à l'entreprise grâce au modèle EFQM. À quoi cela sert-il de fidéliser ses collaborateurs s'ils n'apportent aucune valeur à l'entreprise ? On leur fait découvrir des choses nouvelles, on leur permet de s'exprimer, de partager leurs nouvelles idées et d'innover. Ils sont capables de le faire, de gravir des marches, certes de gagner en employabilité, mais surtout de progresser. C'est un excellent moteur.

M. David Ascher, modérateur. - M. Etchebest, innovez-vous en cuisine ?

M. Christian Etchebest, chef cuisinier. - C'est un métier reposant sur l'échange. Mes sous-chefs ont des expériences professionnelles qu'ils ont acquises ailleurs. Nous faisons ensemble les essais, sinon personne ne voudrait rester. La transmission est importante dans ce métier. On m'a beaucoup transmis, et à 47 ans, mon rôle est de transmettre. Je ne vais pas enfermer les gens chez moi ! Ils travaillent deux ans pour moi, ensuite je leur trouve un autre employeur, parfois un chef avec une ou deux étoiles Michelin, selon leur niveau... Et lorsque mes bras droits peuvent grimper, je m'associe avec eux pour monter une affaire et les aider.

M. Pierre Casoli, fondateur d'Emball'iso. - Je dirige une structure dans la production, qui doit respecter de nombreuses normes. Le modèle EFQM se marie-t-il bien avec ces normes ?

M. Patrick Meillaud, directeur économique de Robert Bosch, Usine de Rodez. - EFQM n'est pas une norme : il ne dit pas quoi faire, mais incite à se poser des questions et à trouver les réponses dans chaque situation. Motiver les salariés par le salaire n'a pas la même réponse selon le contexte. C'est peut-être l'outil à activer pour des data specialists avec un coach, qui ont de fortes attentes, et qui hésitent à rester un an de plus. Dans l'industrie, cela marche différemment : on ne donnera pas d'augmentations de salaires suffisantes pour sécuriser nos collaborateurs. Nous devons trouver d'autres voies.

M. David Ascher, modérateur. - Êtes-vous certifié Iso 9 000 ou Iso 14 000 ?

M. Jean-Luc Grisot, directeur général de Valrhona. - Bien sûr : nous respectons de nombreuses normes : Iso 9 000, Iso 14 000, Iso 18 000... Elles font progresser l'entreprise. EFQM est davantage sur les objectifs stratégiques et la remise en cause du sens de l'entreprise.

M. David Ascher, modérateur. - C'est donc un modèle complémentaire et non opposé aux normes ?

M. Jean-Luc Grisot, directeur général de Valrhona. - Tout à fait.

M. Philippe Bernand, président du directoire de l'aéroport de Lyon Saint-Exupe'ry. - Sur le coût d'EFQM, c'est aussi une question de priorités. Nous avons fait le choix de l'EFQM - en temps et en argent - , et renoncé à nous faire certifier Iso 14 000 ; nous l'assumons, sans pour autant dénigrer la certification Iso 14 000.

M. David Ascher, modérateur. - En tant que spécialiste de l'environnement, renoncer à Iso 14 000 m'interpelle. Prenez-vous en compte l'environnement ?

M. Philippe Bernand, président du directoire de l'aéroport de Lyon Saint-Exupe'ry. - Un aéroport ne peut imaginer se développer sans maitriser ses impacts environnementaux, et Lyon est en avance dessus. C'est juste un choix entre toutes les certifications possibles.

M. Patrick Meillaud, directeur économique de Robert Bosch, Usine de Rodez. - Je note une différence fondamentale entre les deux systèmes : alors que l'auditeur cherche les écarts à la norme ou les manques, pour le modèle EFQM, c'est l'inverse ; il identifie les bonnes pratiques. À vous de lui montrer ce que vous faites, vos objectifs, la manière dont vous résolvez les problèmes...

M. Didier Rousseau, président de Weave. - Il faut de la croissance économique. Nous avons un métier uniquement de services et de prestations intellectuelles. Nos grands donneurs d'ordres nous demandent de respecter des normes, car sinon cela les dégrade dans leur propre notation et impacte leurs taux d'emprunt - même s'ils sont faibles actuellement. Quelle serait la meilleure norme ? Pour beaucoup de nos donneurs d'ordre, c'est naturellement l'EFQM car ils sont intégrés dans notre système d'analyse et de mesure de notre efficacité.

M. Bruno Lebreton, producteur et négociant en vin au domaine de la Jasse. - Mon domaine de Montpellier est évalué selon l'Iso 26 000, ce qui est important car nous sommes régulièrement interrogés sur l'utilisation des pesticides ou le coût de la consommation d'alcool pour la Sécurité sociale. J'ai choisi cette norme car j'exporte quasiment toute ma production et c'était une norme internationale. Quelle différence de reconnaissance internationale et d'efficience faites-vous entre Iso 26 000 et l'EFQM ?

M. Jean-Luc Grisot, directeur général de Valrhona. - Nous réalisons 60 % de notre chiffre d'affaires à l'international. Nous ne recherchons pas tant à être reconnu internationalement qu'à nous remettre en cause régulièrement. Notre principal concurrent, une compagnie internationale belgo-américano- suisse que vous connaissez tous, 130 fois plus grande que nous, fabrique du chocolat. Nous sommes dans une autre philosophie : nous faisons du sourcing responsable, travaillons avec nos approvisionneurs, considérons nos salariés différemment, et aimons nos clients. Chaque année, nous emmenons un groupe de clients et de collaborateurs dans nos plantations, pour leur montrer notre action sur le terrain. Au bout de trois jours, ils nous félicitent pour ces démarches mais surtout pour l'engagement humain et la confiance dans nos collaborateurs, au-delà du produit. L'EFQM permet de mettre en avant ces sujets davantage que les normes. Par ailleurs, nous sommes certifiés pour beaucoup de normes Iso, ce sont des moyens de progresser et de s'autoévaluer.

M. Patrick Meillaud, directeur économique de Robert Bosch, Usine de Rodez. - Iso 26 000 n'est pas une norme au sens où beaucoup l'entendent, elle n'est pas restrictive. C'est une liste de pratiques des entreprises dans le domaine du développement durable. À Rodez, le développement durable fait partie de l'ADN de Bosch, entreprise qui porte une énorme responsabilité comme premier employeur privé, avec un nombre important de fournisseurs et d'emplois induits. Cette norme aide à interroger les pratiques, en disant ce qu'il est possible de faire. C'est un peu plus difficile de trouver des personnes pour venir contrôler ce que vous faites en bien avec l'Iso 26 000. AFNOR le fait, je crois.

M. Jean-Luc Grisot, directeur général de Valrhona. - La norme internationale pour le développement durable, et notamment pour les Anglo-Saxons, est davantage B Corp ( Benefit Corporation ) qu'Iso 26 000.

M. David Ascher, modérateur. - Selon un cabinet spécialisé en EFQM, le taux d'absentéisme atteint 3,70 % dans les entreprises ayant cinq étoiles à l'EFQM, contre une moyenne française de 4,26 % ; le turn over 3,68 % dans ces entreprises, contre 13,70 % en moyenne française. Selon une enquête du groupe La Poste, le taux de satisfaction des collaborateurs s'élève à 72 % pour les entreprises cinq étoiles, contre 67 % en moyenne française. L'impact de l'EFQM est donc important.

M. Patrick Meillaud, directeur économique de Robert Bosch, Usine de Rodez. - Grâce à l'EFQM, les collaborateurs sont impliqués et trouvent du sens. Les représentants du personnel et les syndicats font partie de la vie de l'entreprise. Nous sommes dans un groupe allemand, avec une culture de coopération avec les représentants du personnel. En France, les difficultés ne viennent pas de l'existence des syndicats, mais de leur multiplicité : ils se font concurrence, multipliant les promesses démagogiques et recherchant l'électeur sur le terrain. Pour nous, c'est toujours difficile de présenter à nos dirigeants en Allemagne un accord social et de voir le lendemain une grève menée par un autre syndicat...

M. Jean-Luc Grisot, directeur général de Valrhona. - Vous avez invité cinq secteurs différents et qui se portent bien. Cela incite toutes les entreprises, pour retrouver de la croissance, à prendre du temps et à s'engager : nous réussissons mieux que les autres, avec plus d'engagement de nos collaborateurs et un turn over plus faible. C'est la chance de la France : nous avons un modèle qui nous aide à réussir. Ce serait facile de travailler ensemble pour battre l'Allemagne et l'Italie, sans quémander d'aides gouvernementales. Pourquoi attendre le Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), qui ne fait que compenser d'autres taxes ? Aux politiques de réduire les charges, pour atteindre un taux de prélèvements obligatoires de 46 % comme l'Allemagne, et à nous de nous développer pour combattre tout en cherchant dans nos entreprises les solutions qui nous conviennent.

M. Didier Rousseau, président de Weave. - Dans mon entreprise, la moyenne d'âge est de 30 ans. L'EFQM n'est qu'un outil, les chefs d'entreprise doivent avoir une vision de leur entreprise qu'ils mesureront ensuite avec l'EFQM. L'EFQM n'aidera pas à devenir plus performant. La croissance se fonde sur un positionnement, une envie de gagner et de croître... Notre travail est de donner aux collaborateurs cette capacité d'évolution : elle passe par la croissance et la capacité à ouvrir de nouveaux chemins.

Nous serions déjà satisfaits d'un turn over de trois ans, car nous sommes en compétition avec des start-up . Notre niveau d'employabilité et notre positionnement sont de nature à conserver plus ou moins longtemps nos salariés. Mais nos clients achètent une marque qui justifiera que même si nous intégrons de nouvelles personnes, nous conservons un même niveau de services. C'est la vision incarnée qui permettra de l'atteindre, et l'EFQM encadre cette vision.

M. David Ascher, modérateur. - Faut-il une certaine pérennité de la direction pour réussir l'EFQM ?

M. Jean-Luc Grisot, directeur général de Valrhona. - Cela peut aider, mais l'EFQM est l'affaire de tous.

M. Patrick Meillaud, directeur économique de Robert Bosch, Usine de Rodez. - Bosch a une vraie culture d'entreprise, qui augmente la fidélité de ses salariés : il n'est pas difficile de substituer des managers dans le groupe car ils retrouvent rapidement leurs repères. La stabilité peut aider mais elle n'est pas un prérequis. Un apport de sang neuf et de nouvelles idées est aussi bénéfique. Notre moyenne d'âge et l'ancienneté dans l'entreprise sont parfois élevées et un frein au changement ; nous travaillons beaucoup sur ce sujet.

Avant Rodez, je travaillais en Chine, avec de nombreux jeunes sans expérience. Ils compensaient cela par une absence d'appréhension à tester des choses. Comme le disait Mark Twain, « ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait. » C'est un équilibre à trouver.

L'EFQM incite aussi à prendre en compte les attentes de toutes les parties prenantes, améliorer les points les plus faibles et à s'appuyer sur ses forces. Oui, la France a des défauts, mais aussi des forces. Le Royaume-Uni est surtout orienté sur les transactions et non sur les produits ; notre force, ce sont les compétences techniques, un niveau de qualité produit quasi irréprochable, qui doit être mis en avant - sans être arrogant. N'ayons pas peur de valoriser nos atouts !

M. Didier Rousseau, président de Weave. - La langue française nous donne une très bonne analyse de la sémantique. Les Américains viennent chez nous pour savoir comment mettre en place des modèles sémantiques. Nous avons aussi des atouts dans le secteur des jeux vidéo pour mixer graphisme et littérature. La France a de nombreux talents, mais peut-être est-ce parce que je rencontre de nombreuses start-up que j'y suis sensible...

Comment passer de la start-up à l'entreprise de taille intermédiaire ? Ce niveau manque dans notre système industriel ; nos start-up sont régulièrement absorbées par d'autres entreprises, notamment internationales, qui récupèrent l'innovation.

M. David Ascher, modérateur. - La France a de nombreuses qualités et compétences ne demandant qu'à être catalysées et développées par le modèle EFQM. N'hésitez pas à contacter le groupe AFNOR pour en savoir plus.

Enfin, la Délégation aux entreprises a entendu les interventions de MM. Gérard Larcher, Président du Sénat et Olivier Peyrat, Directeur général du groupe AFNOR, à l'occasion de la remise des prix EFQM, avant de clôturer cette journée par un cocktail.

M. Gérard Larcher, Président du Sénat. - Madame la Présidente de la délégation aux entreprises, chère Élisabeth Lamure, Mes chers collègues Sénateurs, Monsieur le Directeur général du groupe AFNOR, cher Olivier Peyrat, Mesdames et Messieurs les chefs d'entreprise et représentants des entreprises, Mesdames et Messieurs,

Je suis très heureux de vous accueillir en cette fin d'après-midi dans ces salons de la Présidence du Sénat, pour clore cette journée des entreprises en remettant des diplômes reconnaissant la qualité managériale et la performance de 17 entreprises.

Je tiens à remercier Élisabeth Lamure, la présidente de notre délégation aux entreprises, d'avoir organisé cette journée, qui permet de poursuivre les échanges que vous avez pu avoir avec les sénateurs lorsqu'ils sont venus sur vos territoires.

En vous accueillant ce soir, je veux vous redire l'importance que les sénateurs accordent aux entreprises et à leur développement. Je veux à cet égard saluer l'action qu'Élisabeth Lamure a menée avec ses collègues depuis seize mois pour relayer au Sénat les préoccupations des entrepreneurs, leurs attentes et, parfois, leur impatience.

Je peux aussi porter témoignage que c'est l'approche de nos commissions.

Nous avons entendu de nombreux chefs d'entreprise exprimer leur impatience de voir le carcan normatif se desserrer afin de pouvoir travailler de manière libre et responsable ! Élisabeth Lamure l'exprimait cet après-midi.

Vous nous avez interpellés au travers d'une phrase très simple, mais très forte : « faites-nous confiance ! ».

Par ces propos, c'est la manière même dont est conçue l'action publique que vous, chefs d'entreprise, avez amené la délégation à interroger.

En effet, la confiance n'est pas un slogan ! Elle ne se décrète pas mais elle se construit. Et je suis convaincu qu'elle doit être la matrice de notre action publique en faveur des entreprises, car elle est la clé de la croissance. Sans confiance, nous ne parviendrons pas à atteindre le niveau de croissance auquel nous pouvons prétendre !

Au fond, vous partagez cette revendication avec les élus locaux, avec les maires, qui nous demandent eux-aussi de leur faire confiance, de simplifier et de stabiliser les règles et leurs compétences, afin qu'eux-mêmes puissent investir.

C'est donc tout à fait naturellement que le Sénat a engagé des travaux d'écoute des acteurs et de simplification des normes applicables tant aux entreprises qu'aux collectivités territoriales, qui vont se poursuivre dans les prochains mois.

Ce ne sont pas deux univers qui s'opposent, bien au contraire. Une étude récente commandée par la délégation aux entreprises a d'ailleurs analysé les pratiques des collectivités territoriales pour accueillir et soutenir le développement des entreprises de taille intermédiaire.

Là encore, bien plus que le montant des aides financières qui peuvent être accordées, c'est un besoin de simplification et de personnalisation qui ressort de cette étude.

Donc un besoin d'une plus grande confiance et d'une relation plus qualitative, plus réactive, pour permettre une meilleure compétitivité globale de notre économie.

Renforcer la compétitivité de notre économie, c'est un axe majeur des travaux du Sénat, texte après texte. L'an dernier, la compétitivité a ainsi été au coeur de nos préoccupations lorsque nous avons examiné le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. Puis nous nous sommes mobilisés lors de l'examen projet de loi dit « Macron ».

Nous avons également préparé de nombreuses propositions de loi, dont l'une spécialement consacrée à la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire, qui traversent aujourd'hui de profondes difficultés dans les secteurs de l'élevage.

Dans les prochaines semaines, nous retrouverons cet enjeu lors de l'examen du projet de loi « travail ». L'avant-projet de loi contenait des propositions intéressantes. Le projet définitif a été très largement allégé de sa substance utile. Mais notre responsabilité, au Sénat, sera d'essayer de lui redonner un peu de perspectives en dépassant les postures.

Le temps presse car, mois après mois, nous n'assistons pas à l'inversion tant promise de la courbe du chômage, mais bel et bien à sa croissance.

Pendant que nous ne réformons pas, les autres pays de l'Union européenne, eux, avancent. Et ils obtiennent des résultats. Les exemples allemands et italiens sont là.

Il y a donc urgence à agir et j'espère que l'examen de ce projet de loi permettra un dialogue constructif entre le Sénat et le gouvernement. De notre côté, nous y sommes prêts !

Mais l'amélioration de la compétitivité de l'économie passe aussi par l'organisation propre des entreprises et par un mode de gestion des ressources humaines adapté.

C'est d'ailleurs cet objectif qui avait conduit à la création, il y a 28 ans, de la Fondation européenne pour le management par la qualité. Elle a permis le développement du modèle EFQM qui va nous conduire, dans quelques instants, à distinguer certains chefs d'entreprise.

Une étude conduite par la banque d'investissement Oddo a mis en évidence le lien entre qualité du management et performance boursière. De nombreux articles ont également été publiés pour alimenter les réflexions sur le management par la qualité et la performance.

Mais rien ne vaut les exemples concrets, en fonction des expériences et des profils des entreprises. C'est donc très volontiers que j'accueille la remise des diplômes EFQM dans ces salons de Boffrand, aux côtés d'Élisabeth Lamure.

Ce modèle d'évaluation permet à la fois de se comparer à d'autres entreprises et de prendre en compte les spécificités propres à chacune. Il a le mérite de souligner la place centrale des collaborateurs et du management dans la réussite de l'entreprise.

Il nous rappelle ainsi que l'entreprise est d'abord une aventure humaine, avec ses forces et ses faiblesses : elle peut produire d'excellents résultats si le chef d'entreprise suit un cap clair qu'il sait partager à ses équipes et à ses clients.

Assurément, ces fondamentaux peuvent aussi servir la conduite de l'action publique !

Je suis donc certain que les exemples et les échanges que nous aurons ce soir nous seront très profitables, à vous les chefs d'entreprise, mais aussi à nous les responsables publics.

Ensemble, visons l'excellence pour la France !

Je vous remercie.

M. Olivier Peyrat, Directeur général du groupe AFNOR . - Je vous remercie, Monsieur le Président, de nous accueillir au Sénat pour la remise des prix EFQM, « European Foundation for Quality Management », dont AFNOR est l'interlocuteur en France. Il est exceptionnel qu'une des plus hautes personnalités de l'État ainsi que des sénateurs témoignent de leur préoccupation et intérêt pour ce qui fait la performance des organisations, privées pour l'essentiel, mais également publiques.

Vous appelez de vos voeux, Monsieur le Président, une simplification du cadre administratif et normatif applicable aux entreprises. Nous partageons cette préoccupation. Car, si notre spécialité à l'AFNOR, ce sont les normes, il s'agit de normes volontaires. Ce sont, par exemple, les formats MP3 et JPEG ou le chargeur universel de téléphonie qui offrent à leurs usagers des dispositifs facilement interopérables.

Le nombre de normes que nous gérons -environ 30 000- ne grossit pas. En effet, nous en supprimons régulièrement sans état d'âme. Ainsi, tous les cinq ans, nous organisons une sorte de grande « votation », comme diraient nos amis suisses, pour décider du sort à réserver à ces normes. Ce sont les entreprises et les citoyens du monde entier qui se prononcent.

Par ailleurs, nous sommes régulièrement en contact avec M. Alain Lambert, ancien sénateur de l'Orne, qui préside le Conseil national d'évaluation des normes. Privilégier les normes volontaires, plutôt que les normes obligatoires, qui, contrairement aux premières, ne sont pas susceptibles d'adaptation ou d'ajustement, nous paraît relever d'une démarche gagnant-gagnant à encourager.

L'AFNOR est au service de tous ceux qui -comme le Sénat- sont à l'écoute du territoire et de ses acteurs ; nous pensons avoir un rôle à jouer. Les résultats suivants en témoignent d'ailleurs puisque, selon une étude du BIPE, les entreprises qui s'impliquent dans les travaux de normalisation ou qui achètent des normes pour les utiliser connaissent une croissance de chiffre d'affaires annuel de 20 % et de 19 % à l'export. Au total, ce sont 15 milliards d'euros de chiffre d'affaires supplémentaire directement attribuable aux normes volontaires chaque année. Il faudrait établir la comparaison avec les normes réglementaires et en tirer les conclusions qui s'imposent.

Nous sommes ici réunis autour d'organisations, d'entreprises qui n'ont pas attendu que croissance et performance tombent du ciel. Elles se sont mobilisées, ont analysé leur écosystème, pris en compte les besoins de toutes les parties prenantes à leur activité et défini les moyens de les satisfaire. Elles ont trouvé des solutions pour se dépasser alors même que leurs résultats étaient déjà bons ; elles se sont améliorées grâce au parangonnage. C'est tout l'intérêt de l'outil EFQM, qui existe depuis plusieurs décennies. Il est compatible avec les normes internationales et permet de donner confiance en matière de qualité, d'environnement, de sécurité, de management et de responsabilité sociétale. L'EFQM présente comme intérêt de donner une trajectoire de gouvernance.

Je tiens à remercier plusieurs des personnes qui, chacune à leur manière, ont contribué et contribuent encore à faire connaître et à expliquer ce modèle : Xavier Quérat-Hément, Marc Bazinet, Robert Dapère, Patrick Iribarne, Stéphane Verdoux... Cette remise de prix est une très belle occasion d'honorer les démarches gagnantes et de faire en sorte que toutes les entreprises puissent s'engager sur cette voie. C'est presque une démarche politique.

F. COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 26 MAI 2016, SUITE AU DÉPLACEMENT EN CORRÈZE LE 20 MAI 2016

Mme Élisabeth Lamure , présidente . - Écoutons tout d'abord M. Claude Nougein, qui nous fera le compte rendu de notre visite en Corrèze.

M. Claude Nougein . - Vendredi dernier, j'ai eu la joie d'accueillir en Corrèze plusieurs d'entre vous. Je remercie Élisabeth Lamure d'avoir bien voulu organiser ce déplacement. Nous accompagnaient aussi Nicole Bricq, Michel Canevet, Jean-Marc Gabouty et Eric Jeansannetas. L'autre sénateur de Corrèze, Daniel Chasseing, a aussi participé à cette journée.

La Corrèze est un département qui a pu être qualifié d'hyper-rural comptant environ 250 000 habitants, connu aussi pour avoir donné un président du conseil à la IV ème République et deux présidents de la République à la V ème . Il occupe une position stratégique au centre de l'Europe, position qui s'est trouvée valorisée par un remarquable effort de désenclavement autoroutier. Le premier partenaire commercial de la Corrèze est justement l'Allemagne, aussi bien à l'import qu'à l'export. Grâce à l'aéroport de Brive, mis en service il y a six ans, le département bénéficie aussi d'une desserte aérienne qui nous a permis d'organiser le déplacement dans la journée.

Nous avons été accueillis au Conseil départemental par son président, M. Pascal Coste, et ses deux premiers vice-présidents. Nous y avons rencontré une quinzaine d'entrepreneurs, représentatifs de la diversité de l'activité économique du département : des industriels allant de la scierie à la cosmétique, des entreprises de services comme le transport, l'ingénierie informatique ou le tourisme, des négociants en produits agricoles, des entreprises agroalimentaires et quelques artisans. Les entreprises présentes étaient de tailles diverses, de la start-up jusqu'au grand groupe, comme Thalès ou l'équipementier automobile Borg Warner, qui emploie 700 salariés à Eyrein, petite commune de 500 habitants au-dessus de Tulle. Le préfet de Corrèze a également assisté à la table ronde, ainsi que les représentants de la CGPME et du Medef et les maires des quatre principales villes du département.

Les entrepreneurs corréziens rencontrent des difficultés similaires à celles que d'autres nous ont déjà signalées telles que le poids des normes : nous avons encore entendu que le compte pénibilité était ingérable dans la bouche d'un industriel qui n'était pas du BTP ! Un hôtelier a fait savoir que les normes en matière de handicap avaient conduit certains hôtels-restaurants à fermer la partie hébergement de leur activité notamment dans les petites communes rurales. Je ne m'attarderai pas sur les seuils sociaux, le régime social des indépendants (RSI), l'incertitude sur l'interprétation des normes par l'inspection du travail, le besoin de flexibilité en matière de droit du travail, y compris concernant l'emploi de saisonniers, de stagiaires ou de sous-traitants au sein de l'entreprise.

Nos interlocuteurs se sont d'abord plaints des insuffisances dans l'accompagnement des entreprises à l'export : trop d'interlocuteurs, peu d'efficacité... Le diagnostic est partagé : le personnel de Business France a une obligation de moyens, et non de résultats, tandis qu'en Espagne, en Allemagne ou en Italie par exemple, les homologues de Business France sont intéressés aux marchés qu'ils décrochent. Il faudrait pour cela que cet organisme compte en son sein de vrais commerciaux, éloignés de la culture du service public... Un entrepreneur qui avait recouru à l'assurance-crédit ne s'est pas senti suffisamment soutenu lors des difficultés traversées par la Grèce, ayant dû, de ce fait, se faire payer en cash par son acheteur en Grèce, faire transporter les fonds par le transporteur de sa marchandise et ayant rencontré des difficultés pour encaisser tout ce liquide, considéré avec suspicion par sa banque !

Deuxième point saillant : les difficultés de recrutement. Au moins trois personnes ont signalé cette difficulté particulière en milieu rural, qui conduit les entreprises à proposer deux postes à la fois, pour chacun des conjoints d'un couple, notamment pour recruter un cadre, un technicien ou un commercial. Plusieurs ont estimé que la réponse passait par un resserrement du lien entre l'Éducation nationale et l'entreprise. L'un des entrepreneurs a ainsi plaidé pour que la formation des enseignants comprenne des stages en entreprise - il rêvait ! Il s'agit de changer l'image de l'entreprise chez les jeunes Français, aussi bien dans l'industrie, pas toujours associée à l'innovation, que dans le secteur du commerce, souvent vu d'un oeil négatif. Un des participants a témoigné que, durant les deux premières années, l'enseignement qu'il a reçu en économie consistait en une lecture de Karl Marx. Il ne faut pas s'étonner ensuite que le travail soit vu comme une exploitation !

Mme Élisabeth Lamure . - Vous riez, mais il l'a dit !

M. Claude Nougein . - Participant à ce même objectif de faire découvrir l'entreprise d'un point de vue opérationnel, l'alternance a été encore une fois plébiscitée, certains imaginant qu'elle soit imposée dans tous les cursus. De nouveau, les chefs d'entreprise ont déploré que l'apprentissage soit vu comme un échec, alors qu'il s'agit d'un formidable ascenseur social. Certains ont rappelé la nécessité d'aligner l'offre de formation par les CFA sur les besoins des entreprises. Un entrepreneur a jugé que la durée de l'apprentissage devait être allongée, et qu'il convenait de fidéliser les apprentis dans la profession : selon l'artisan-chocolatier qui participait à la rencontre, seuls 5 % des apprentis restent dans la profession ! Or c'est un investissement important pour l'entreprise, en termes de temps passé.

Troisième point qui ressort de la table ronde : l'impression qu'ont les entreprises de ne pas vivre dans le même monde que l'administration. Ainsi, une cheffe d'entreprise -pour une fois, nous avions la chance d'en avoir plusieurs autour de la table, ce dont je me félicite - a témoigné avoir eu besoin de recruter deux personnes un jeudi après-midi et avoir eu la surprise de constater que Pôle Emploi était fermé le jeudi après-midi ! Une autre jeune dirigeante de PME, qui avait également besoin de recruter, a indiqué qu'elle avait envisagé de recourir à des contrats aidés, mais qu'elle avait rapidement laissé tomber devant l'usine à gaz que cela aurait impliqué ! Un industriel a aussi fait part de son incompréhension devant les délais de délivrance, par l'Afnor, d'un label, obtenu en 4 à 6 mois en France, contre 15 jours dans les pays voisins... Le directeur de l'usine Charal d'Egletons a imaginé que l'administration pourrait mieux accompagner les entreprises en difficulté : ainsi, à ses yeux, l'essentiel n'est pas d'accélérer la sauvegarde financière mais de l'anticiper.

Enfin, quatrième sujet sensible pour les entrepreneurs corréziens : les handicaps français en matière de compétitivité et d'attractivité. Ils ont été nombreux à dénoncer le fait que la France se tire une balle dans le pied en surtransposant les obligations européennes. La dirigeante de la scierie a ainsi expliqué que les normes françaises en matière de poussière représentent le double de celles qu'impose l'Union européenne. De même, le négociant agricole a évoqué les règlementations poids lourds : la France limite à 32 tonnes la charge maximale pour les camions à quatre essieux, indispensable pour aller dans les fermes, quand la plupart de nos voisins ont fixé un plafond à 36 tonnes, voire 38 ou 40. Cela prive la France d'économies en carburant - particulièrement utiles en ce moment - préservant l'environnement et réduisant les frais de transport. Ces distorsions de concurrence viennent s'ajouter aux autres distorsions sociales et fiscales qui affectent la compétitivité-coût de la France par rapport à ses voisins. Ainsi, les chefs d'entreprise voient monter en puissance des entreprises qui n'ont pas les mêmes contraintes et qui leur prennent des marchés qui seront difficiles à reconquérir. Même si plusieurs ont souligné que le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) améliorait la compétitivité française, ils ont jugé que cela ne compensait pas les surcharges accumulées pendant les 5 ou 6 ans précédents. Au-delà de leur inquiétude relative à la compétitivité-coût de la France, les représentants de groupes étrangers ont fait part de la dégradation de l'image de la France qui perd en attractivité avec ses grèves à répétition et l'archaïsme de son dialogue social - selon ses mots. Mais nous aurons l'occasion d'en reparler !

Vous le voyez, la matinée fut riche. L'après-midi aussi, qui nous a permis de visiter deux belles entreprises. La première, Silab, est spécialisée en ingénierie des actifs naturels pour la cosmétique. Elle a été fondée il y a un peu plus de 30 ans par Jean Paufique, qui nous y a accueillis avec un charisme inaltéré malgré son âge avancé. Nous avons pu goûter sa fierté d'avoir monté une entreprise qui fait aujourd'hui 36 millions d'euros de chiffre d'affaires et emploie 250 salariés avec une moyenne d'âge de 35 ans, qui est restée indépendante, et qui fait de l'excellence et de la qualité ses maîtres mots, en s'appuyant sur un ciment de valeurs humaines. Nous avons également rencontré Xavier Gaillard, directeur général délégué à la stratégie, et Brigitte Closs, directrice générale déléguée à la recherche.

L'entreprise nous a frappés par sa puissance d'innovation : 6 à 8 nouveaux produits par an, près de 200 brevets en portefeuille, 87 chercheurs, soit plus du tiers du personnel, et enfin des investissements en recherche et développement à hauteur de 20 à 25 % du chiffre d'affaires. L'innovation ne se fait pas seulement en recherche et développement, car les équipes sont pluridisciplinaires : biologie, chimie, botanique, imagerie, statistique... Silab a même réussi à reconstituer de la peau en laboratoire et teste l'efficacité des matières premières naturelles sur cette peau-maison, appelée Silabskin. Ses principaux clients sont en effet des fabricants de cosmétiques.

L'entreprise nous a aussi impressionnés par son ambition : elle exporte aujourd'hui 60 % de sa production, entièrement faite sur place et conditionnée en jerricans sous forme liquide, vers les grands noms de la cosmétique et elle entend porter cette part d'exportations à 70 % d'ici 5 ans. Elle essaime aussi à travers un fonds d'investissement qu'elle a créé pour les start up de la région qui veulent bien accepter Silab dans leur gouvernance, mais à un niveau minoritaire. Elle programme encore 20 millions d'investissements, après avoir déjà construit 3 unités de production et une unité de production de biotechnologies, le tout largement en autofinancement, avec un accompagnement public, notamment des collectivités territoriales.

Les dirigeants de Silab ont regretté eux aussi que la France s'invente des contraintes supplémentaires par rapport à ses obligations internationales. Ainsi, le projet de loi sur la biodiversité en cours d'examen au Parlement vient s'ajouter à la Convention sur la biodiversité de 1993 et au protocole de Nagoya de 2014, décliné par un règlement européen l'année suivante. Ces textes internationaux sont destinés à faire partager la valeur tirée de l'utilisation des ressources génétiques naturelles, avec le pays dont ces ressources sont originaires. Dans le projet de loi biodiversité, il est proposé de valoriser nos ressources génétiques issues de l'outre-mer en taxant le chiffre d'affaires des utilisateurs français de ces ressources, du type de Silab, qui subissent ainsi une distorsion de concurrence. Silab a attiré notre attention sur l'importance de maintenir le texte du Senat pour l'article 18 limitant cette taxe à 1 % du chiffre d'affaires mondial, en faisant valoir l'effet contreproductif qui découlerait d'une taxation plus élevée, envisagée par l'Assemblée nationale jusqu'à 5 % du chiffre d'affaires : Silab nous a indiqué qu'une telle disposition, censée bénéficier à l'outre-mer et lui permettre de récupérer de la valeur sur l'utilisation de sa biodiversité, inciterait en fait des entreprises comme elle à se fournir en dehors de l'outre-mer, dans des pays étrangers disposant des mêmes ressources génétiques... Le sort de cette disposition dépendait de la commission mixte paritaire, qui s'est réunie hier sur ce texte et a échoué. Le texte devrait revenir pour la troisième fois au Sénat, avant que l'Assemblée n'ait le dernier mot... Il nous faudra mettre à profit ce temps pour convaincre du bien-fondé des arguments de Silab !

Nous nous sommes ensuite rendus dans l'une des quatre pépinières d'entreprises du département : Novapôle. J'ai eu la joie d'accompagner la création de cette pépinière lorsque j'étais vice-président du Conseil général en charge de l'économie et des finances. Située à Saint-Viance, Novapôle est spécialisée en agro-alimentaire et en bio-industries ; sa gestion est assurée par la chambre de commerce et d'industrie de la Corrèze et par l'association limousine des industries alimentaires (ALIA). La pépinière accompagne les jeunes entreprises dans leur projet, dans la recherche de compétences, et dans la valorisation de leurs produits et services. Pour une durée de 3 à 5 ans, elle propose à ces jeunes pousses des locaux dotés d'un accès Internet à haut débit et adaptés à leurs besoins : bureaux, laboratoire, ateliers et même une salle blanche de 24 mètres carrés. C'est là que nous avons pu rencontrer Cyrille Cabaret, qui a fondé en 2011 une start up dénommée Ecomeris : son entreprise développe des écomatériaux, des films et des solutions d'enrobages naturels. Au lieu de proposer sous forme liquide des principes actifs dissous dans l'eau, Ecomeris réalise des films constitués de ces actifs, en faisant, à l'inverse, évaporer l'eau. Ces films, qui se dissolvent aisément dans l'eau, trouvent des applications dans divers secteurs : alimentaire, cosmétique, pharmaceutique...

Ce jeune chef d'entreprise passionné a élaboré son projet dans le laboratoire de l'université de Limoges, avant de rejoindre un incubateur, puis la pépinière Novapôle, tout en bénéficiant de l'aide de la BPI, du dispositif Jeune entreprise innovante, du crédit impôt recherche... Il a reconnu avoir été bien accompagné dans cette phase d'amorçage. Mais il doit maintenant traverser la fameuse vallée de la mort, ce moment où son entreprise a besoin de fonds alors qu'elle ne génère encore que très peu de chiffre d'affaires et encore moins de résultat, et constate qu'il manque à ce stade des dispositifs pour financer sa croissance, qu'il s'agisse d'investissements en machines ou en immobilier. Il a ainsi mis le doigt sur une lacune de notre système d'accompagnement des entreprises : comment passer en France d'une entreprise de R&D à une entreprise commerciale ? Enfin, M. Cabaret a déploré que la France peine à accepter l'échec, qui fait pourtant partie de la vie des entreprises.

Mme Élisabeth Lamure . - Merci pour ce rapport très fidèle - et pour avoir organisé cette journée. À chaque déplacement, nous avons la bonne surprise de découvrir des entreprises innovantes ; c'est particulièrement vrai en Corrèze, ce département réputé hyper-rural, mais qui a été heureusement désenclavé. Il reste pourtant des difficultés liées à l'éloignement des grands centres, notamment en termes de recrutement.

M. Michel Canevet . - Merci à M. Nougein. Je n'imaginais pas trouver en Corrèze des entreprises comme Silab. C'est un plaisir de constater le volontarisme de tant d'entrepreneurs fiers de l'être. Il est vrai que la Corrèze compte parmi ses atouts un aéroport qui tient beaucoup à la volonté des collectivités territoriales, indispensable pour que les entreprises continuent de prospérer.

Mme Annick Billon . - Je regrette de ne pas avoir pu être présente. Les entreprises peuvent se développer si les collectivités territoriales ont une vraie politique d'investissement avec les aéroports, la route, mais aussi la fibre. La proposition de loi sur l'apprentissage de Michel Forissier reposait sur l'idée que c'était à la formation de s'adapter aux entreprises, et non l'inverse. On pourrait appliquer ce principe à l'administration : c'est à elle de s'adapter au développement des entreprises car c'est par ce développement que passera la baisse du chômage, l'une des priorités de nos concitoyens.

M. Gilbert Bouchet . - Je regrette aussi de ne pas avoir pu venir. De par mon ancienne profession, je suis préoccupé par la situation des hôtels et des restaurants. Bientôt, on n'en trouvera plus dans les centres villes, alors qu'ils apportent de l'emploi. Ils sont victimes de l'empilement des normes.

M. Claude Nougein . - Les élus locaux pensent souvent à s'opposer à la fermeture d'une gendarmerie, d'une poste. Mais il n'y a pas que la fonction publique pour faire vivre une commune. Quand une épicerie ou un hôtel restaurant ferme dans une petite commune, cela a le même effet.

Les services vétérinaires ont fait fermer toutes les boucheries des petites communes de Corrèze car elles n'étaient pas aux normes - ils n'ont pas été en Bulgarie ou en Grèce, je suppose... Les hôteliers ne peuvent pas faire les travaux nécessaires, qui coûteraient trop cher. Comme l'administration est surreprésentée, les contrôles sont quatre fois plus fréquents qu'à Paris.

M. Michel Canevet . - J'ai demandé à l'hôtelier qui nous faisait part de ces fermetures si elles n'étaient imputables qu'aux normes ou si la concurrence d'autres formes d'hébergement jouait aussi un rôle. Je pense à AirBNB . Je suis maire d'une commune modeste de 6 000 habitants, j'ai été effaré de découvrir qu'on y trouvait 50 possibilités d'hébergement par AirBNB ! C'est un défi pour les hôteliers qui ne sont pas encore passés à la réservation par internet.

M. Gilbert Bouchet . - Cela coûte cher !

M. Michel Canevet . - Mais c'est indispensable !

M. Claude Nougein . - AirBNB , c'est de l'évasion fiscale. Dans la pratique, ses utilisateurs ne paient pas de taxe de séjour, d'impôt sur le revenu ou de TVA...

M. Gilbert Bouchet . - Je suis content d'avoir mis ce sujet au coeur du débat.

M. Daniel Chasseing . - Nous sommes allés à Brive, au carrefour des autoroutes ; en Corrèze, on peut trouver aussi de l'hyper-ruralité... Les hôtels ne sont pas seulement confrontés au problème des réservations par internet, mais aussi à la saisonnalité : les chambres ne sont occupées que trop peu de temps pendant l'année pour que les travaux de conditionnement de ses chambres aux nouvelles normes soient rentables.

G. COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 7 JUILLET 2016, SUITE AU DÉPLACEMENT DANS LES HAUTES-ALPES LE 30 JUIN 2016

Mme Élisabeth Lamure , présidente . - Merci à tous pour votre présence à cette réunion que nous allons commencer par un compte rendu de notre déplacement dans les Hautes-Alpes, organisé par notre collègue Patricia Morhet-Richaud. La journée a été riche et intéressante.

Mme Patricia Morhet-Richaud . - Madame la Présidente, je vous remercie d'avoir accepté de proposer ce déplacement à Gap, et je suis très heureuse qu'aient pu y participer plusieurs membres de la Délégation, et ce malgré l'éloignement. En effet, nous étions accompagnées de Michel Canevet, Guy-Dominique Kennel et Michel Vaspart.

Notre journée a débuté par une table ronde à la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) qui a réuni une quinzaine d'entrepreneurs, représentatifs de la grande diversité du tissu économique et industriel des Hautes-Alpes.

Le département est connu pour son secteur touristique de montagne été hiver. Nous avons pu ainsi nous entretenir avec des représentants des domaines skiables du département mais aussi avec des spécialistes de l'hôtellerie ou du camping, ainsi que de l'aménagement de la montagne. Les Hautes-Alpes sont également connues pour leurs vergers et plusieurs entreprises liées au secteur primaire avaient naturellement souhaité nous rencontrer (cooopératives agricoles, pépiniéristes...). Nous avons également été sollicités par les professionnels du bâtiment et des travaux publics qui ont souligné l'importance de la crise du secteur depuis 2008. Si certaines entreprises du BTP arrivent à sauvegarder leur chiffre d'affaires, comme la Société Abrachy que nous avons vue l'après-midi, elles ont dû innover et réduire leurs marges afin de gagner de nouveaux marchés dans les autres départements de la région.

Au-delà de ces secteurs bien connus, nous avons également rencontré et visité des entreprises d'exception comme la société ARD, spécialisée dans la monétique et la sûreté. Reprise et dirigée par un ancien de GemPlus, cette entreprise est en pleine expansion et remporte régulièrement des marchés en s'adaptant aux besoins de sa clientèle. Elle propose des systèmes de contrôle d'accès via des cartes sécurisées et développe des logiciels permettant tout aussi bien de gérer la restauration collective d'un collège ou d'un lycée que de protéger un bâtiment officiel. Cette visite, couplée à celle d'Icarius Aerotechnics, spécialisée dans la maintenance aéronautique, prouve encore une fois que nos régions sont capables d'accueillir des entreprises d'exception, leaders nationaux voire internationaux sur des marchés de niche bien particuliers souvent ignorés du grand public.

Si les entreprises rencontrées se sont félicitées du succès de certains dispositifs d'accompagnement mis en place ou pérennisés par les différents gouvernements ces dernières années -pôles de compétitivité, Crédit Impôt Recherche, Crédit Impôt Innovation, Crédit d'Impôt pour la Compétitivité et l'Emploi (CICE), accompagnement de la Banque Publique d'Investissement (BPI)...-, de nombreux griefs ont également été émis.

Tout en nous rappelant les défis propres au département, les entreprises présentes nous ont fait part de leurs difficultés et de leurs besoins ainsi que de leurs suggestions et propositions d'amélioration de notre législation.

S'agissant des défis propres au département, les questions d'accessibilité et d'enclavement du département sont évidemment les premières que soulèvent les entreprises locales, confrontées à un éloignement que les nouvelles technologies n'arrivent à résoudre que partiellement. Deux exemples -routier et numérique- ont été cités avec, d'une part, le projet d'achèvement de l'autoroute A 51 et, d'autre part, la difficulté d'accéder au haut débit et à la fibre optique sur l'ensemble du département. Faute d'acceptabilité sociale et environnementale, le projet de jonction de l'autoroute A 51 est, de l'avis des experts, inenvisageable avant 2050 ! Cette échéance désespère nombre d'entreprises locales. Cette difficulté est certes moins médiatisée que celles que rencontrent d'autres projets en France mais elle est particulièrement problématique pour le développement économique du département. Concernant le développement numérique, le président du conseil départemental a tenté de rassurer les chefs d'entreprises présents sur la mise en oeuvre du schéma départemental numérique.

Deuxième particularité du département : son économie est essentiellement fondée sur la saisonnalité avec, dans les secteurs touristiques de montagne, plus de 80% de la population active en contrat à durée déterminée (CDD). Cela correspond non seulement à une réalité économique mais également à un choix de vie des saisonniers. Or, le système actuel fondé sur le contrat à durée indéterminée (CDI) comme contrat de référence n'est malheureusement pas adapté à cette réalité de l'économie spécifique de nos hautes montagnes.

Le vieillissement de la population constitue la troisième difficulté à laquelle le département est confronté comme plusieurs de nos départements ruraux. Le vieillissement de la population a un impact sur la reprise des entreprises et notamment des exploitations agricoles ; est en jeu le maintien de l'activité économique dans le département. Dans un département où de nombreux responsables de PME ont plus de cinquante ans, la question de la transmission des entreprises apparaît comme cruciale pour plusieurs de nos interlocuteurs. Comme à l'occasion de nos précédents déplacements, la transmission familiale a été évoquée. Un des interlocuteurs nous a ainsi expliqué que, dans certains secteurs, d'ici 10 ans, 70 % des entreprises seront à céder dans le département.

Enfin, ce vieillissement couplé à l'éloignement des grands centres de formation accentue les difficultés de recrutement qui constituent le quatrième défi des Hautes-Alpes. L'éloignement transforme tout recrutement technique en parcours du combattant avec une vraie difficulté pour attirer les hauts potentiels, faute de pouvoir trouver sur place un emploi pour les conjoints. Ces difficultés de recrutement concernent également la médecine du travail, les entreprises de la région étant confrontées à une véritable pénurie de médecins spécialisés.

Pour ce qui est des difficultés évoquées par les entreprises, elles concernent notamment le surcroît de complexité et d'instabilité normative et l'inadaptation de notre réglementation tant aux problématiques des PME qu'aux spécificités d'une zone rurale de haute montagne.

La complexité administrative et l'instabilité normative restent des griefs récurrents de la table-ronde et de nos visites. « Mais où est passé le choc de simplification ? » nous a demandé un des chefs d'entreprise ! Un de ses collègues indiquait que les marges perdues en raison des nouvelles normes réduisaient à néant toute possibilité d'embauches complémentaires. Les réglementations récentes concernant l'accessibilité, les enseignes ou les transports urbains ont ainsi été citées comme autant d'exemples de surcoûts ayant empêché des créations d'emplois. Face à l'instabilité des normes réglementaires et législatives, une autre entreprise spécialisée dans la haute technologie indique avoir besoin d'un temps-plein administratif, rien que pour « courir après les mises à jour ». Les normes inadaptées aux réalités du terrain ont également été dénoncées avec l'exemple de la construction de salles polyvalentes qui devraient être rendues accessibles aux personnes handicapées malgré l'importance de la pente en front de neige.

Mais c'est surtout l'inadéquation de notre réglementation aux réalités des PME qui a été soulignée lors de notre déplacement. Je citerai ici quelques exemples.

L'accès des PME aux marchés publics constitue un des premiers problèmes évoqués. Le cadre réglementaire des marchés publics et la rédaction de certains appels d'offres restent trop complexes à appréhender pour certaines entreprises. Bien qu'ayant toutes les compétences techniques pour y répondre, ces entreprises sont écartées de fait ou s'écartent d'elles-mêmes, par manque de compétences administratives pour démêler les procédures d'appel d'offres.

De la même manière, les entrepreneurs présents ont pu regretter le manque d'interlocuteur fiable capable d'aider les PME à monter leurs dossiers et à avoir une visibilité dans le temps du cadre législatif et réglementaire impactant leurs différents projets. Retards, surcoûts, sentiment d'être abandonnés et de ne plus pouvoir maîtriser le calendrier de leurs propres projets : tel est le triste constat d'une partie des dirigeants de PME rencontrés.

Le compte pénibilité a une nouvelle fois été largement critiqué comme « inadapté et difficilement réalisable » dans le contexte actuel des PME, tout comme l'introduction prochaine du prélèvement de l'impôt sur le revenu à la source, potentiellement dévastateur pour une économie essentiellement fondée sur l'emploi saisonnier. Ont été soulignés tant les difficultés de mise en place pour les entreprises que l'impact potentiel sur les salaires des saisonniers.

Plus globalement, nos interlocuteurs nous ont fait part d'un reflux de la politique d'embauche sur le territoire dû à ces différents surcoûts qui augmentent le coût salarial pour les employeurs et diminuent les salaires nets pour les employés. Un des chefs d'entreprise souhaitait avant tout un engagement de l'État sur le maintien du coût salarial, éventuellement en compensant la baisse des charges par une augmentation des impôts impactant la consommation, afin de limiter la concurrence des entreprises étrangères jouissant de charges plus faibles.

Le poids de la fiscalité sur la compétitivité des entreprises a été bien entendu évoqué et le taux de 33 % de l'impôt sur les sociétés jugé excessif. A également été critiquée l'augmentation de la fiscalité locale, particulièrement importante compte-tenu des récentes baisses de dotations subies par les collectivités territoriales. L'entreprise ARD que nous avons visitée a ainsi déploré que la mairie de Gap ait décidé d'instaurer une taxe locale sur la publicité extérieure et le maire de Briançon d'augmenter la taxe transport.

Le faible poids des PME et coopératives agricoles face à la grande distribution a également fait l'objet de remarques de la part des représentants du secteur agricole.

Par ailleurs, les PME rencontrées se sentent largement exclues des dispositifs d'aides et d'incitations, évoquant notamment la question des aides européennes souvent réservées à des projets dépassant le million d'euros. Ces seuils d'aides financières devraient pouvoir être abaissés afin d'éviter de concentrer les aides sur les seules entreprises de taille intermédiaire (ETI) au détriment des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME).

De la même manière est également regretté le manque de coordination et de coopération entre les grands groupes et les PME, notamment en matière de visibilité internationale.

Enfin, il a été rappelé que les nouvelles exigences réglementaires d'ordre environnemental nécessitent des investissements financiers que les PME ne peuvent plus porter sans mettre en péril leur propre existence.

Ont enfin également été évoqués les besoins propres à un département rural de haute montagne avec la nécessaire adaptation du marché du travail et de la politique de formation aux réalités de l'emploi saisonnier des Hautes-Alpes. Des formations concentrées sur les périodes de moindre activité permettraient ainsi à la fois de réduire les éventuelles périodes de chômage tout en améliorant les compétences des saisonniers qui pourraient ainsi être formés sur place.

Le maintien -voire l'extension- des zones de revitalisation rurales (ZRR) a également été évoqué. Ces périmètres ont été parfois remis en question alors même qu'ils ont prouvé leur efficacité pour attirer les jeunes et maintenir l'activité économique en zones rurales.

Plusieurs suggestions d'amélioration de notre législation en faveur des entreprises nous ont été présentées. Sans revenir sur les sujets qui nous sont déjà familiers comme les effets de seuil, les conventions collectives inadaptées, l'absence de plafonnement des indemnités de licenciement, la déconnexion entreprise-enseignement, je citerai ici rapidement quelques-unes des suggestions concrètes qui ont pu nous être présentées :

1) Favoriser une meilleure association des entreprises aux décisions les impactant. A été notamment dénoncé le travail sur certains documents d'urbanisme effectué sans concertation avec le milieu économique, réduisant ainsi par quatre le foncier disponible, avec comme conséquence tant des difficultés d'implantation qu'une augmentation des prix du foncier dans certains secteurs ;

2) Simplifier notre réglementation et adapter notre législation aux réalités des PME, notamment en matière d'accès aux marchés publics ;

3) Stabiliser notre droit en mettant fin à l'inflation normative ;

4) Supprimer les charges sociales applicables à l'alternance afin d'en assurer le développement ;

5) Aider le désenclavement territorial et numérique de nos départements ruraux en étendant le dispositif des ZRR, en travaillant plus en amont les projets de modernisation de nos infrastructures routières et en réduisant la fracture numérique qui continue de pénaliser la ruralité ;

6) Prendre mieux en compte les spécificités du territoire telles que la saisonnalité de son économie ou sa géographie particulière qui rendent difficile voire impossible l'application de certaines normes ;

7) Favoriser des dispositifs de formation innovants avec un calendrier et des durées adaptées à la saisonnalité du secteur de la haute montagne ;

8) Permettre aux médecins généralistes d'intervenir en matière de médecine du travail en leur offrant un dispositif de spécialisation adaptée.

Certaines entreprises ont également attiré notre attention sur leurs cas particuliers. Je citerai deux exemples. Le premier concerne le secteur de l'hébergement touristique de plein air. Son représentant a rappelé l'impact négatif de deux hausses de la TVA consécutives et a souhaité attirer notre attention sur la fiscalisation des mobil homes.

Le deuxième exemple concerne le secteur de l'énergie hydraulique. Afin d'éviter que des projets vitaux pour le développement des énergies renouvelables ne soient administrativement bloqués, les entrepreneurs spécialisés dans le domaine de l'hydroélectricité nous ont rappelé leur souhait de voir évoluer favorablement en 2018 les listes de classement des cours d'eaux dans le cadre de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, ceci afin de favoriser l'installation de petites centrales hydrauliques.

Enfin, il nous a été suggéré de permettre à l'apprentissage d'être valorisé dans le cadre des marchés publics comportant des clauses sociales. Cette demande a été prise en compte dans la récente réforme du code des marchés publics applicable depuis le 1 er avril dernier, l'article 62 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics mentionnant l'apprentissage parmi les critères susceptibles de fonder l'attribution du marché. Cela prouve que parfois les changements de réglementation vont dans le bon sens !

Toutefois, malgré cette récente ouverture, il faut noter que le respect des clauses sociales reste délicat dans les zones reculées ne disposant pas nécessairement du vivier de personnel visé par ces clauses.

Comme toujours, notre visite a largement été appréciée par les entrepreneurs qui ont salué la volonté du Sénat et de la Délégation de rencontrer sur le terrain les entreprises afin de mieux comprendre leurs difficultés pour y répondre de la manière la plus efficace possible. Dans notre effort de simplification et d'accompagnement, la spécificité de nos territoires ruraux ne doit pas être oubliée. Bien souvent -nous l'avons vu lors de notre déplacement-, ces territoires accueillent non seulement des centres touristiques structurés, mais aussi de véritables pépites industrielles innovantes. Ces viviers d'emplois, qui font la fierté de notre ruralité, doivent pouvoir être accompagnés de manière efficace par nos prochains travaux.

Mme Élisabeth Lamure , présidente . - Merci pour ce compte rendu très complet de cette journée qui nous a permis de mesurer la situation des territoires enclavés. Nous l'avions déjà entrevue lors de notre déplacement en Corrèze mais nous l'avons perçue encore davantage à Gap. Malgré tout, même dans ces territoires enclavés, nous avons des entreprises très vivantes, innovantes et de pointe.

Mme Nicole Bricq . - Le compte rendu était très intéressant comme d'habitude. On retrouve des similitudes par rapport aux déplacements précédents. Ces déplacements sont utiles pour réduire le décalage qui existe entre la réalité parlementaire et le ressenti du terrain. Mais il existe aussi des points nouveaux comme la question du travail saisonnier. Cela nous donne un droit de suite sur la loi travail. L'un des dispositifs de la loi, non repris par la majorité sénatoriale, permettait une reconduction de ces CDD pour améliorer l'accès de ces travailleurs à la formation et à l'élévation de leurs compétences. De même sur le coût salarial, j'attire votre attention sur la récente étude publiée par la commission des finances de l'Assemblée Nationale dans son rapport sur la loi de règlement 2015, notamment sur les effets du CICE. Un salarié payé au SMIC revient désormais moins cher qu'un salarié détaché payé au SMIC et travaillant 35 heures. Il faudrait pouvoir affiner ces travaux en fonction de la branche ou du type d'entreprise afin de comprendre le décalage entre la réalité macro ou micro-économique et le ressenti des entreprises.

Concernant l'accès aux marchés publics, plusieurs récentes réformes -dont le projet de loi « Sapin II »- ont eu pour objectif de faciliter la vie des petites entreprises. Il serait utile de voir si ce qui a été voté produit des effets positifs en la matière.

Enfin, l'hydraulique est un sujet très important. Dans les départements de haute montagne, elle constitue une vraie richesse qui n'est pas assez mise en valeur. Il nous faut des exploitations et des concessions qui soient opérationnelles.

Mme Élisabeth Lamure , présidente . - Concernant les coûts salariaux, je précise que, parmi ceux auxquels les entreprises sont confrontées, figure également le poids des procédures administratives qui pèsent sur nos entreprises par rapport à celles de nos voisins. Plusieurs chefs d'entreprise nous ont parlé du temps à vérifier et rédiger des documents administratifs. Ce temps administratif, y compris les délais supportés par les entreprises, doit pouvoir rentrer dans le calcul du coût global. Tout comparatif devrait intégrer ces réalités.

M. Jean-Pierre Vial . - Issu d'un département de montagne, je confirme que l'hydraulique représente un enjeu de taille. Nous devons distinguer le gros hydraulique du petit hydraulique : le gros hydraulique, organisé autour de concessions, fait l'objet d'une ouverture européenne à la concurrence, mais la France, contrairement aux autres pays européens, n'a pas su protéger son gros hydraulique par la voie statutaire.

La petite hydraulique représente une vraie opportunité ; malgré des dispositions législatives adaptées, chaque dossier donne lieu à une levée de boucliers, notamment des milieux environnementaux. Sur la fiscalité, nous entendons des entreprises se plaindre de la nouvelle fiscalité venue se substituer à la taxe professionnelle : il faudrait vérifier que la suppression de la taxe professionnelle ne s'est pas traduite par une fiscalité « de substitution » aussi lourde pour les entreprises.

Pour ce qui est du routier, la question des infrastructures d'accès soulève des débats techniques houleux. Je ne peux qu'être émerveillé de constater que, malgré les contraintes d'accès, il existe un nombre important d'entreprises dans ces territoires. En termes d'infrastructures, il existe des inégalités flagrantes entre territoires.

Concernant le coût salarial, il faut pouvoir travailler sur le coût réel global pour l'entreprise.

M. Olivier Cadic . - Merci pour ce compte-rendu qui vient compléter utilement tous les déplacements que nous avons effectués afin que nous puissions garder le « Gap » pour les entreprises. Concernant le compte pénibilité, nous voyons à quel point une bonne idée peut parfois se transformer en complexification administrative sur le terrain. Sur la question des charges, à force de ne se préoccuper que du SMIC, on oublie que les charges pèsent de plus en plus quand on monte dans l'échelle salariale. Or, l'objectif pour notre pays n'est pas que tout le monde soit au SMIC mais au contraire que tout le monde puisse progresser. Et renvoyer à 2018 la transformation du CICE en baisse de charges n'est pas un bon signal. Toute cette complexité désespère le terrain. Les entreprises attendent plus de simplicité : nous avons une vraie responsabilité, dont nous devons être conscients.

M. Philippe Adnot . - Je regrette de n'avoir pas pu me libérer pour vous accompagner. Sur la question des infrastructures, nous avions eu l'occasion d'en parler à l'époque avec notre collègue Pierre Bernard-Reymond.

Concernant le compte pénibilité, nous ne sommes pas sortis du sujet. La complexité sera particulièrement lourde en milieu rural, notamment pour le secteur agricole.

Mme Élisabeth Lamure , présidente . - Valérie Létard ayant demandé à quitter la Délégation compte tenu de ses nouvelles fonctions régionales, j'ai le plaisir d'accueillir notre collègue Anne-Catherine Loisier qui lui succède au sein de la Délégation et à qui je donne la parole.

Mme Anne-Catherine Loisier . - Merci pour votre accueil. Je suis également déçue de ne pas avoir pu vous accompagner lors de cette mission. Malgré les difficultés de ces territoires éloignés, ils offrent une qualité de vie qui est recherchée par les entreprises, y compris étrangères -et notamment allemandes. Je le constate également dans le Morvan.

Concernant la façon dont nous devons calculer les charges, il serait intéressant en effet d'avoir une approche du coût global de l'emploi incluant les charges administratives. En termes de fiscalité, j'observe dans le cadre de la fusion des intercommunalités des perspectives de hausse très importantes de la part communautaire sur la fiscalité professionnelle.

EXAMEN EN DÉLÉGATION

Réunie le jeudi 7 juillet 2016, sous la présidence de Mme Élisabeth Lamure, présidente, la Délégation a procédé à l'examen du rapport, que cette dernière lui a présenté, relatif aux rencontres avec les entrepreneurs effectuées au cours de l'année parlementaire 2015-2016.

Après la présentation du rapport par Mme Élisabeth Lamure, présidente de la Délégation, un débat s'est engagé.

M. Jean-Pierre Vial . - Sur le faible coût de l'énergie en France, je préconise l'emploi du conditionnel ; le prix n'est pas bas, il serait bas. L'énergie, en Allemagne par exemple, aurait un coût plus élevé en apparence mais avec les différentes aides accordées, le prix y est plus faible. En fin de compte, les entreprises françaises paient plus cher leur énergie. Deux industries françaises de l'aluminium ont survécu, dont l'une en Savoie a été reprise par un allemand. Le groupe Péchiney, qui était un groupe important il y a quelques années encore, n'a plus qu'une seule en entreprise, située à Dunkerque. Auparavant, une autre entreprise avait été reprise par un espagnol. Ce n'est pas anodin, ces pays bénéficient d'avantages dans le secteur de l'énergie.

M. Claude Nougein . - Je souscris tout à fait au rapport qui est présenté ; c'est ce que j'ai entendu aux cours des différents déplacements auxquels j'ai participé. J'aimerais approfondir deux points. D'une part, dans nos départements ruraux qui souffrent de l'enclavement, je crois que les chefs d'entreprises veulent être rassurés. La Corrèze était très enclavée durant la IV ème République, ce qui explique le slogan qui avait fait florès dans les années 1960, « La Corrèze avant le Zambèze », en réaction au tropisme africain du Général De Gaulle. Le taux de chômage était important ; la réussite se résumait à « monter » à Paris pour poinçonner les tickets de métro. Les politiques locaux ont ainsi « tué » l'économie locale en favorisant les départs vers la capitale, ce qui a « vidé » le département. Heureusement, durant la Vème République, et suite à l'élection de deux présidents corréziens, la tendance s'est inversée, et des entreprises se sont installées dans le département. Avant la crise, il y avait 4% de chômage. Je suis inquiet aujourd'hui car la baisse des dotations aux collectivités a pour effet de diminuer les investissements routiers, numériques... La baisse des taux d'intérêts et la baisse des dotations sont les deux points qui ont permis de réduire le déficit public. Il ne faudrait pas que cette réduction se fasse au détriment du désenclavement.

D'autre part, j'accorde beaucoup d'attention à la transmission des entreprises familiales. J'ai déposé au mois de mai dernier une proposition de loi, co-signée par 45 sénateurs, afin de faciliter la transmission en France en s'alignant sur d'autres pays européens. Il y en a assez de voir nos fleurons industriels, notamment développés à partir des entreprises familiales, partir à l'étranger. Dans les territoires ruraux, beaucoup d'entreprises n'arrivent pas à trouver de repreneurs au sein de la famille et vendent à des fonds d'investissement qui n'ont pas la même approche de l'emploi. Dans l'entreprise familiale, lorsque les résultats sont mauvais, on ne distribue pas de dividendes, on attend que ça aille mieux. Dans un groupe, on n'attend pas, on vend. Cette proposition de loi vise à mettre en place un « super Dutreil ». Le dispositif « Dutreil » permet un abattement de 75 % de l'assiette des droits de mutation exigibles, à condition que l'héritier conserve les titres six ans. Les 25 % restant sont taxés à 45 %. Ce pacte a fait l'objet d'un consensus. De plus, l'administration fiscale française a tendance à surestimer la valeur de l'entreprise. Si l'estimation est simple pour les sociétés cotées, elle l'est nettement moins pour les sociétés non-cotées. L'estimation statistique qui est mise en place indique des valeurs phénoménales, déconnectées de la réalité. En Allemagne, en Grande-Bretagne ou en Italie, il n'y a pas d'impôt sur la transmission. En Espagne, l'impôt s'élève à 3-4 %.

Le « super pacte Dutreil » porterait à 100 % l'exonération des droits de mutation dans le cadre de donations et successions, mais, en contrepartie, les héritiers seraient tenus de conserver les titres pendant huit ans. L'impact sur le tissu industriel français serait très important. Nous avons en France trop peu d'ETI, par rapport à nos voisins, notamment l'Italie, qui ont d'importantes ETI familiales.

M. Olivier Cadic . - Pour revenir aux entreprises et à leur relation avec la BPI, les entrepreneurs français partis à l'étranger expliquent que c'est souvent après un refus de la Banque Publique qu'ils ont décidé de s'installer à l'étranger.

Par ailleurs, il faut effectivement revenir à la commande publique plutôt qu'à la subvention. Pour les équipements médicaux, il faut parfois de six à huit fois plus de temps pour que ceux-ci soient homologués en France. Il ne peut donc pas y avoir de commandes, et l'acteur public compense par des subventions. Nos systèmes de santé locaux pourraient bénéficier de ces avancées médicales rapidement en passant commande, alors qu'aujourd'hui, ces entreprises françaises attendent une homologation en France et vendent parallèlement leurs innovations à l'étranger. Mieux vaut acheter une machine à une entreprise plutôt que de lui donner une subvention. Une évolution culturelle est nécessaire.

La transmission d'entreprise est une des raisons qui m'ont poussé à partir à l'étranger. En France, s'il arrive un accident à un dirigeant, la PME meurt avec lui. L'un de mes amis a connu cette situation ; il est décédé dans un accident de voiture et ses enfants n'ont jamais pu reprendre l'entreprise. Il faut aussi que les cadres puissent reprendre l'entreprise facilement. Je ne souscris donc pas à la conservation des titres de l'entreprise pendant six ou huit ans. Si les repreneurs veulent céder l'entreprise au bout de 2 ans parce qu'ils n'y arrivent pas, ils doivent pouvoir le faire en payant les droits. J'ai également l'exemple des galettes Saint Michel où le dirigeant est décédé et ses enfants ont été obligés de vendre à une entreprise allemande.

Mme Anne-Catherine Loisier . - Aujourd'hui, le code des marchés publics permet d'adapter les appels d'offres à des entreprises locales. Il y a donc une formation du donneur d'ordres à faire pour rendre ces marchés accessibles.

Sur les questions des essieux et du poids supporté, il ne faut pas tout autoriser. Aujourd'hui, nos routes et nos voiries ne sont pas forcément capables de soutenir des charges supérieures. De plus, l'entretien est de plus en plus à la charge des petites communes. Dans la filière bois, c'est un débat incessant avec des coûts engendrés importants.

Concernant les grumes, les entreprises auxquelles il était fait référence n'utilisent pas tous les outils à leur disposition pour s'approvisionner. Il ne faut donc pas bloquer les exportations et ruiner la sylviculture en amont - ce que l'on tend pourtant à faire.

Mme Élisabeth Lamure , présidente . - C'est l'expression de ce que nous disent les entreprises. À chaque fois, c'est une question d'équilibre.

M. Jean-Pierre Vial . - La culture de l'administration doit évoluer. Ainsi, les douanes ont des progrès à faire. Je connais une entreprise qui va quitter la France car les conditions de dédouanement sont impossibles. Une autre entreprise aéronautique américaine avait une base au Bourget, avec 350 salariés. Elle a connu des difficultés de la part des douanes et s'est installée à Bruxelles.

Bosch avait un site à Vénissieux que le groupe a vendu à des Bretons, avec un engagement public destiné à augmenter les volumes de marché. Les engagements politiques ont été tenus mais les appels d'offres pas mis en oeuvre selon le calendrier industriel prévu initialement. S'il n'y a pas, au sein de l'administration, des personnes qui ont une culture de l'entreprise, les entreprises ferment. Il faut acculturer les fonctionnaires, qui bien souvent sont de bonne volonté.

Mme Élisabeth Lamure , présidente . - C'est un vrai sujet et une question d'état d'esprit. Sur la question des douanes, j'ai été sensibilisée à ces dysfonctionnements dans le cadre de la mission parlementaire sur l'attractivité des ports. Les douanes françaises reconnaissent qu'elles ne font pas preuve de la même souplesse que dans les pays voisins, alors qu'elles ont les mêmes obligations européennes. De plus, la France adopte des normes plus strictes que dans les autres pays ; les douanes appliquent donc ce qu'on leur demande d'appliquer, sans souplesse. Dans d'autres pays, elles sont moins regardantes.

M. Jean-Pierre Vial . - Les avions qui décollent du Japon ne font pas un vol direct, et retardent leur arrivée en fonction de l'heure de l'ouverture de la douane.

Mme Élisabeth Lamure , présidente . - La douane répondra que c'est une question de moyen, qu'elles ne peuvent être ouvertes 24h/24h. On est confronté à cette rigidité.

Je soumets donc à votre approbation le rapport que je vous ai présenté.

La Délégation autorise la publication du rapport.

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ANNEXES

1. Programme des déplacements
a) Programme du déplacement effectué dans le Bas-Rhin le 23 octobre 2015, à l'initiative de M. Guy-Dominique KENNEL, sénateur (Les Républicains) du Bas Rhin

COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION

- Mme Élisabeth LAMURE, sénateur (Les Républicains) du Rhône, Présidente de la Délégation aux entreprises,

- M. Guy-Dominique KENNEL, sénateur (Les Républicains) du Bas-Rhin, membre de la Délégation aux entreprises,

- M. Jacques BIGOT, sénateur (socialiste et républicain) du Bas-Rhin, membre de la Délégation aux entreprises,

- M. René DANESI, sénateur (Les Républicains) du Haut-Rhin, membre de la Délégation aux entreprises,

- Mme Fabienne KELLER, sénateur (Les Républicains) du Bas-Rhin,

- M. Claude KERN, sénateur (UDI-UC) du Bas-Rhin,

- Mme Patricia MORHET-RICHAUD, sénatrice (Les Républicains) des Hautes-Alpes, membre de la Délégation aux entreprises.

PROGRAMME

10h15 - 12h00

Table ronde avec des chefs d'entreprises consacrée aux thématiques suivantes :

- les spécificités des entreprises alsaciennes,

- l'attractivité de l'Allemagne pour les entreprises françaises

12h00 - 12h30

Point presse dans les locaux de l'Agence de développement d'Alsace (ADIRA)

12h45 - 14h00

Déjeuner

14h30 - 16h00

Visite de Cafés Reck , entreprise de torréfaction, en présence de M. Thomas RIEGERT, Président directeur général ( Strasbourg ).

b) Programme du déplacement effectué dans le Nord le 13 novembre 2015, à l'initiative de Mme Valérie LÉTARD, sénatrice (UDI-UC) du Nord

COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION

- M. Gérard LARCHER, sénateur (Les Républicains) des Yvelines, Président du Sénat, ancien ministre,

- Mme Élisabeth LAMURE, sénateur (Les Républicains) du Rhône, Présidente de la Délégation aux entreprises,

- Mme Valérie LÉTARD, sénatrice (UDI-UC) du Nord, membre de la Délégation aux entreprises, ancienne ministre,

- M. Olivier CADIC, sénateur (UDI-UC) représentant les Français établis hors de France, Vice-Président de la Délégation aux entreprises,

- M. Michel CANEVET, sénateur (UDI-UC) du Finistère, membre de la Délégation aux entreprises,

- Mme Jacky DEROMEDI, sénateur (Les Républicains) représentant les Français établis hors de France, membre de la Délégation aux entreprises,

- M. Jacques LEGENDRE, sénateur (Les Républicains) du Nord, ancien ministre,

- Mme Patricia MORHET-RICHAUD, sénatrice (Les Républicains) des Hautes-Alpes, membre de la Délégation aux entreprises,

- M. Claude NOUGEIN, sénateur (Les Républicains) de la Corrèze, membre de la Délégation aux entreprises,

- Mme Sophie PRIMAS, sénateur (Les Républicains) des Yvelines, Vice-Présidente de la Délégation aux entreprises,

- M. Michel VASPART, sénateur (Les Républicains) des Côtes d'Armor, membre de la Délégation aux entreprises.

PROGRAMME

10h00 - 12h15

12h15 - 12h45

12h45 - 14h15

14h35 - 15h40

15h55 - 16h55

Table ronde avec une quinzaine d'entrepreneurs du Valenciennois sur les freins et leviers qu'ils rencontrent dans leur croissance

( Communauté d'agglomération de Valenciennes Métropole )

Point presse

Déjeuner

Visite de l'entreprise HAMON D'HONDT , société spécialisée en ingénierie et fabrication d'échangeurs de chaleur, acteur de référence sur le marché des aéroréfrigérants, en présence de M. Thierry FONTAINE, Directeur général

( Fresnes sur l'Escaut )

Visite de HIOLLE INDUSTRIES , entreprise spécialisée dans la maintenance industrielle : visite des ateliers de chaudronnerie et de réparation mécanique ferrovaire, en présence de Mme Véronique HIOLLE, Présidente

( Valenciennes )

c) Programme du déplacement effectué à la Direction générale des douanes et droits indirects (Ministère de l'économie et des finances) puis à la Fondation Entreprendre à Montreuil et Paris (Île-de-France) le 14 janvier 2016, à l'initiative de Mme Élisabeth LAMURE, sénateur (Les Républicains) du Rhône

COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION

- Mme Élisabeth LAMURE, sénateur (Les Républicains) du Rhône, Présidente de la Délégation aux entreprises,

- M. Philippe ADNOT, sénateur (Réunion administrative des Sénateurs n'appartenant à aucun groupe) de l'Aube, membre de la Délégation aux entreprises,

- Mme Annick BILLON, sénatrice (UDI-UC) de Vendée, membre de la Délégation aux entreprises,

- M. Gilbert BOUCHET, sénateur (Les Républicains) de la Drôme, Secrétaire de la Délégation aux entreprises,

- Mme Nicole BRICQ, ancienne ministre, sénatrice (Socialiste et Républicains) de la Seine-et-Marne, Vice-présidente de la Délégation aux entreprises,

- M. Henri CABANEL, sénateur (Socialiste et républicain) de l'Hérault, membre de la Délégation aux entreprises,

- M. Olivier CADIC, sénateur (UDI-UC) représentant les Français établis hors de France, Vice-Président de la Délégation aux entreprises,

- M. Michel CANEVET, sénateur (UDI-UC) du Finistère, membre de la Délégation aux entreprises,

- Mme Jacky DEROMEDI, sénateur (Les Républicains) représentant les Français établis hors de France, membre de la Délégation aux entreprises,

- M. Jérôme DURAIN, sénateur (Socialiste et républicain) de Saône-et-Loire, Secrétaire de la Délégation aux entreprises,

- M. Michel FORISSIER, sénateur (Les Républicains) du Rhône, membre de la Délégation aux entreprises,

- M. Guy-Dominique KENNEL, sénateur (Les Républicains) du Bas-Rhin, membre de la Délégation aux entreprises,

- Mme Patricia MORHET-RICHAUD, sénatrice (Les Républicains) des Hautes-Alpes, membre de la Délégation aux entreprises,

- M. Michel VASPART, sénateur (Les Républicains) des Côtes d'Armor, membre de la Délégation aux entreprises,

- M. Dominique WATRIN, sénateur (Communiste Républicain et Citoyen) du Pas-de-Calais, Vice-président de la Délégation aux entreprises.

PROGRAMME

DES RENCONTRES À MONTREUIL ET À PARIS

JEUDI 14 JANVIER 2016

08h45-10h15

Présentation par Mme Hélène CROCQUEVIEILLE, Directrice générale des douanes et droits indirects, et ses collaborateurs, de l'action de l'administration des Douanes en direction des entreprises (Montreuil).

11h00

Présentation de la Fondation Entreprendre à la Filature ( Paris 10 ème ) par M. Xavier DELATTRE, Directeur général, et Mme Laurence BALAS, administratrice, puis présentation d'associations menant des actions de sensibilisation en milieu scolaire et universitaire et de soutien à la création et à la reprise d'entreprises :

- Entreprendre pour apprendre avec MM. Jérôme GERVAIS, co-président, et Alexis GONCALVÈS, ayant suivi le programme « mini-entreprise » -destiné aux élèves du secondaire- et devenu entrepreneur ;

- 100 000 entrepreneurs : Mme Martine DUBERTRAND, responsable communication, accompagnée de Mmes Caroline MATHIAS, enseignante au collège la Guinette (94), et Victoria DAVIDOVA, avocate à la Cour, participant au programme de sensibilisation en milieu scolaire ;

- Les entrepreneuriales , avec M. Jean-Yves DUGAST, administrateur (et par ailleurs secrétaire général de la Fondation Entreprendre), pour initier les étudiants à la création d'entreprise ;

- Réseau Entreprendre Paris avec M. Cyrille SAINT-OLIVE, Directeur général, et deux anciens lauréats créateurs d'entreprise : MM. Emmanuel ARNAUD, fondateur de Guesttoguest et Charles BRUN, co-fondateur de la société See Concept .

d) Programme du déplacement effectué en Saône-et-Loire le 7 mars 2016, à l'initiative de M. Jérôme DURAIN, sénateur (Socialiste et Républicain) de Saône-et-Loire

COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION

- Mme Élisabeth LAMURE, sénateur (Les Républicains) du Rhône, Présidente de la Délégation aux entreprises,

- M. Jérôme DURAIN, sénateur (Socialiste et Républicain) de Saône-et-Loire, Vice-Président de la Délégation aux entreprises

- M. Guillaume ARNELL, sénateur (Rassemblement démocratique et social européen) de Saint-Martin, membre de la Délégation aux entreprises,

- M. Henri CABANEL, sénateur (Socialiste et Républicain) de l'Hérault, membre de la Délégation aux entreprises,

- M. Michel CANEVET, sénateur (UDI-UC) du Finistère, membre de la Délégation aux entreprises,

- Mme Jacky DEROMEDI, sénateur (Les Républicains) représentant les français hors de France, membre de la Délégation aux entreprises,

- M. Jean-Paul EMORINE, sénateur (Les Républicains) de Saône-et-Loire,

- M. Éric JEANSANNETAS, sénateur (Socialiste et Républicain) de la Creuse, membre de la Délégation aux entreprises,

- Mme Marie MERCIER, sénatrice (Les Républicains) de Saône-et-Loire,

- Mme Patricia MORHET-RICHAUD, sénatrice (Les Républicains) des Hautes-Alpes, membre de la Délégation aux entreprises,

- M. Claude NOUGEIN, sénateur (Les Républicains) de la Corrèze, membre de la Délégation aux entreprises.

PROGRAMME

09h30-10h45

11h30-13h00

13h00-13h30

13h00-14h15

14h30-15h45

16h15-17h30

Visite de l'entreprise FRANCEOLE, société spécialisée dans la fabrication de mâts acier d'éolienne, en présence de M. Jean-Pierre GORGÉ, Président de Franceole, et avec M. David MARTI, maire du Creusot

Table ronde avec des entrepreneurs du département

(Chalon-sur-Saône)

Point presse

Déjeuner

Visite du site AREVA, usine spécialisée dans la fabrication de composants lourds de la boucle primaire des réacteurs nucléaires, en présence de MM. Patrice DI ILIO, chef d'établissement de l'usine de Saint-Marcel, et Gwenaël THOMAS, directeur communication, et avec M. Gilles PLATRET, maire de Chalon-sur-Saône ( Saint-Marcel )

Visite de la plateforme logistique d'AMAZON , entreprise de commerce électronique et fournisseur de services « en nuage » (Sevrey) , en présence de M. Jean GONIÉ, directeur Affaires publiques d'Amazon France, et avec M. Bernard DUPARAY, maire de Sevrey.

e) Programme du déplacement effectué en Corrèze le 20 mai 2016, à l'initiative de M. Claude NOUGEIN, sénateur (Les Républicains) de la Corrèze

COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION

- Mme Élisabeth LAMURE, sénateur (Les Républicains) du Rhône, Présidente de la Délégation aux entreprises,

- M. Claude NOUGEIN, sénateur (Les Républicains) de la Corrèze, membre de la Délégation aux entreprises,

- Mme Nicole BRICQ, sénatrice (Socialiste et Républicain) de Seine-et-Marne, secrétaire de la Délégation aux entreprises, ancienne ministre,

- M. Michel CANEVET, sénateur (UDI-UC) du Finistère, membre de la Délégation aux entreprises,

- M. Daniel CHASSEING, sénateur (Les Républicains) de Corrèze,

- M. Jean-Marc GABOUTY, sénateur (UDI-UC) de la Haute-Vienne, membre de la Délégation aux entreprises,

- M. Éric JEANSANNETAS, sénateur (Socialiste et Républicain) de la Creuse, membre de la Délégation aux entreprises.

PROGRAMME

11h00

12h45

13h00

15h10

16h05

Table-ronde avec des entrepreneurs du département
(Hôtel du Département Marbot, Tulle)

Point Presse

Déjeuner

Visite de l'entreprise SILAB , société spécialisée en ingénierie des actifs naturels pour la cosmétique
(Saint-Viance)

Visite de la start up ECOMERIS , spécialisée dans les films et solutions d'enrobage naturels (Saint-Viance)

f) Programme du déplacement effectué dans les Hautes-Alpes le 30 juin 2016, à l'initiative de Mme Patricia MORHET-RICHAUD, sénatrice (Les Républicains) des Hautes-Alpes

COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION

- Mme Élisabeth LAMURE, sénateur (Les Républicains) du Rhône, Présidente de la Délégation aux entreprises,

- Mme Patricia MORHET-RICHAUD, sénatrice (Les Républicains) des Hautes-Alpes, membre de la Délégation aux entreprises,

- M. Michel CANEVET, sénateur (UDI-UC) du Finistère, membre de la Délégation aux entreprises,

- M. Guy-Dominique KENNEL, sénateur (Les Républicains) du Bas-Rhin, membre de la Délégation aux entreprises,

- M. Michel VASPART, sénateur (Les Républicains) des Côtes d'Armor, membre de la Délégation aux entreprises.

PROGRAMME

11h00

12h30

12h45

14h00

15h00

16h00

Table-ronde avec des entrepreneurs du département
(Chambre de commerce et d'industrie, Gap)

Point Presse

Déjeuner

Visite de l'entreprise ARD (Alpes recherche Développement) , société proposant des services et matériels informatiques combinant sécurité et monétique
( Parc Micropolis, Ga p)

Visite de la société ABRACHY TP , entreprise spécialisée dans les travaux de terrassement

(Tallard)

Visite de l'entreprise ICARIUS AÉROTECHNICS , atelier de maintenance aéronautique

(Aérodrome Gap Tallard)

2. Liste des personnes rencontrées dans les territoires
a) Bas-Rhin

- Yves BROUCHET, Président-Directeur Général de HYPROMAT FRANCE,

- Stéphane DEDIEU, Président-Directeur Général des Ateliers Réunis CADDIE et de la société HEBECO,

- Olivier KLOTZ, Directeur général d'HEUFT FRANCE, Président du MEDEF Alsace,

- Francis LAGIER, Directeur général de WIENERBERGER,

- Hervé LAMORLETTE, Directeur général d'EBM Thermique SAS,

- Georges LINGENHELD, Président-Directeur Général de LINGENHELD,

- Frédéric MADON, Directeur général d'ALSACE LAIT,

- Thomas RIEGERT, Président directeur général des Cafés RECK,

- François ROSEN, Directeur de L&L PRODUCTS,

- Dominique SCHNEIDER, Membre du Directoire de KUHN,

- Alain SPÉRY, Directeur général adjoint de HAGER,

- Fabrice URBAN, Président-Directeur Général de QUIRI.

b) Nord

- Luciano BIONDO, Vice-président production de TOYOTA MOTOR MANUFACTURING FRANCE,

- Jean-Louis DELMOTTE, Président et co-fondateur de BYOOK,

- Sébastien DELQUIGNIES, Président du Conseil d'administration de DELQUIGNIES LOGISTIQUE,

- Stéphane DROPSIT, Directeur de REFLEXEAU,

- Frédéric FOREST, Directeur commercial et co-fondateur de CCCP,

- Christophe GOURLAY, Directeur général et Directeur du site Petite Forêt de ALSTOM TRANSPORT,

- Philippe GUCKERT, Directeur des opérations de SIRAIL,

- Véronique HIOLLE, Présidente du directoire de HIOLLE INDUSTRIES,

- Cédric JULIARD, Président, et Thierry FONTAINE, Directeur général, de HAMON D'HONDT,

- Steve LESEC, Directeur de AMIVAL,

- Antoine MOTTE, co-gérant de la société MACHINES-3D,

- Gilles OFCARD, Directeur de SKF AEROENGINE FRANCE,

- Yonel PESSOA, Directeur d'usine de PLASTICOS SIMOLDES,

- Arcangelo SCHENA, directeur technique de CIMES,

- Laurent SIROT, président de ECOBUROTIC,

- Régis THEIA, Directeur de INTELLIGENT TOOLS.

c) Montreuil et Paris

- Mme Hélène CROCQUEVIEILLE, Directrice générale des douanes et droits indirects, de l'action de l'administration des Douanes en direction des entreprises,

- M. Jean-Michel THILLIER, chef de service, adjoint à la Directrice générale,

- Mme Hélène GUILLEMET, Sous directrice du commerce international,

- Mme Corinne CLEOSTRATE, Sous directrice des droits indirects,

- M. Serge PUCCETTI, Chef du bureau de l'information et de la communication,

- Mme Laurence JACLARD, chargée des relations institutionnelles élus au Bureau Information & Communication,

- M. Xavier DELATTRE, Directeur général, M. Jean-Yves DUGAST, secrétaire général, et Mme Laurence BALAS, administratrice, Fondation Entreprendre,

- MM. Jérôme GERVAIS, co président de Entreprendre pour apprendre, et Alexis GONCALVÈS, ayant suivi le programme « mini-entreprise » -destiné aux élèves du secondaire- et devenu entrepreneur,

- Mme Martine DUBERTRAND, responsable communication de 100 000 entrepreneurs,

- Mmes Caroline MATHIAS, enseignante au collège la Guinette (94), et Victoria DAVIDOVA, avocate à la Cour, participant au programme de sensibilisation en milieu scolaire,

- M. Cyrille SAINT-OLIVE, Directeur général du Réseau Entreprendre Paris,

- M. Emmanuel ARNAUD, fondateur de Guesttoguest,

- M. Charles BRUN, co fondateur de la société See Concept.

d) Saône-et-Loire

- Michel ALAINÉ, Président des TRANSPORTS ALAINÉ,

- Roland BACHELARD, Président de la Fédération française du bâtiment et des travaux publics de Saône-et-Loire, et Michel JAFFIOL, Secrétaire général,

- Jean-François BOFFET, Président directeur général de SEEB INDUSTRIE,

- Patrick DEPELLEY, Associé gérant du magasin SUPER U de Prissé,

- Patrice DI ILIO, Chef d'établissement de l'usine AREVA, et Gwenael THOMAS, Directeur de la communication chez AREVA NP,

- Jacques DUCERF, Président directeur général de la scierie DUCERF,

- Bernard ECHALLIER, Président de la Chambre de commerce et d'industrie de Saône-et-Loire, et Pascal LEYES, Directeur général,

- Sylvain GIEN, Directeur général de TURBINE CASTING,

- Jean GONIÉ, Directeur des relations institutionnelles d'AMAZON France,

- Jean-Pierre GORGÉ, Président, et Stéphane DEJUANE, Directeur de FRANCÉOLE,

- Gérard HULIN, Directeur du personnel du site MICHELIN à Blanzy,

- Jean-Claude LAGRANGE, conseiller régional Bourgogne-Franche Comté (nouvelle croissance, réseaux des villes industrielles, suivi des filières et des pôles),

- Didier LAURENCY, Président de la coopérative Bourgogne du sud,

- Sandrine LONAK, Responsable Développement commercial de BSE ELECTRONIC,

- Marc SANGOY, Président de la CAVE COOPÉRATIVE DE LUGNY,

- Didier STAINMESSE, Directeur général de NOVIUM.

e) Corrèze

- Philippe ANTOINE, Directeur général de CONSEIL ASSISTANCE INFORMATIQUE,

- Cyrille CABARET, Président d'ECOMERIS,

- Antonio CASTILLO, directeur du site de Eyrein de BORGWARNER TRANSMISSION SYSTEMS,

- Brigitte CLOSS, Directeur général à la R & D de SILAB,

- Christophe CREMOUX, Directeur de GEODIS,

- Julie DESTEVE, Directrice générale de la scierie J. DESTEVE,

- Jean-Jacques DUMAS, Président du conseil d'administration d'AGRI CENTRE,

- Élodie FABIÉ, Présidente du Directoire de FABIÉ SA,

- Xavier GAILLARD, Directeur général délégué de SILAB,

- Éric LAMY, Président de la CHOCOLATERIE LAMY,

- Yves MAGNÉ, Directeur général délégué de EYREIN INDUSTRIE, Président du MEDEF Corrèze,

- Éric MARTINEAU, Directeur de l'usine CHARAL d'Égletons,

- Frédéric MAS, Président, et Michel GRILLON, Directeur général, de SOTHYS,

- Élise NOEL, Responsable des ressources humaines du site de THALÈS COMMUNICATIONS & SECURITY SAS à Brive,

- Jean PAUFIQUE, Président directeur général de SILAB,

- Michel SOLIGNAC, gérant du SABLIER DU TEMPS.

f) Hautes-Alpes

- Stéphane ABRACHY, Gérant de la SARL ABRACHY,

- Luc BOULANGER, Directeur de la coopérative agricole ALPES COOP FRUITS,

- Charlotte BOURGEOIS, Directrice générale de WELCO INDUSTRIES,

- Paul CEARD, Président de la MINOTERIE CEARD,

- Pascal CHERFA, Gérant de la société ACTIONS VACANCES,

- Laurent FINE, Responsable achats de la COMPAGNIE DES ALPES à Briançon,

- Corinne FITZGERALD, Gérant d'ICARIUS AÉROTECHNICS,

- Olivier GIBBE, Chef d'agence de la ROUTIERE DU MIDI,

- Harold KLINGER, Architecte, urbaniste et designer, Coordinateur Alpes du Sud du CLUSTER MONTAGNE,

- Chantal MARCHETTO, Associée et gérante des Établissements CAVEGLIA et MARCHETTO,

- Marc PLATON, Président du Directoire d'E.D.S.B (ENERGIE DEVELOPPEMENT SERVICE BRIANCONNAIS),

- Patrice RENOUF, Gérant des ATELIERS D'ENTRAIGUES, ancien Président de la fédération du BTP Hautes-Alpes,

- Bruno ROBIN, Gérant des PEPINIERES ROBIN,

- Roland ROUSSEL, Président de la société ALPES DAUPHINE CAMPING, Président de la Fédération Départementale de l'Hôtellerie de Plein Air - FDHPA,

- Frédéric SPAGNOU, Président directeur général d'ARD (ALPES-RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT),

- Laurent THELENE, Directeur de la Régie de la station du Sauze et Président de la section Alpes du Sud de Domaines Skiables de France, Responsable ski à la communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye.

3. Compte rendu de la réunion de la délégation faisant le bilan de la Journée des entreprises du 31 mars 2016

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Mes chers collègues, j'ai voulu que nous puissions faire aujourd'hui ensemble un bilan de ce moment fort que fut la Journée des entreprises, que notre délégation a organisée au Sénat le 31 mars dernier.

Je vous rappelle que nous avions invité près de 700 entrepreneurs ; parmi ces invités, nous en avions rencontré un tiers dans les territoires lors de nos déplacements (soit près de 220) ; le reste des entrepreneurs invités nous avaient été recommandés par les collègues qui avaient répondu à notre sollicitation du début d'année. La liste des invités vous avait été adressée : y étaient représentés 48 départements français, auxquels il fallait ajouter les entrepreneurs installés au Royaume-Uni.

Nous étions inquiets qu'un mouvement de grève nationale se dessine le même jour que notre Journée des entreprises. Nous avions décidé de maintenir l'événement et je ne le regrette pas : malgré la grève, ce sont presque 130 entrepreneurs qui ont participé aux travaux du matin. 35 % d'entre eux nous connaissaient déjà puisqu'ils avaient rencontré la Délégation lors de l'un de ses déplacements. Les 65 % restants étaient pour nous de nouveaux venus, et nous avaient été recommandés par des collègues.

L'après-midi, 60 entrepreneurs supplémentaires nous ont rejoints, invités par l'AFNOR qui co-organisait avec nous la fin de journée et la remise des prix EFQM. Ce sont ainsi près de 200 personnes, représentant exactement 142 entreprises, qui ont pu participer à cette journée des entreprises. La moitié d'entre elles compte moins de 50 salariés ; et seules 8 % comptent entre 250 et 5 000 salariés et sont susceptibles, à ce titre, de relever de la catégorie des entreprises de taille intermédiaire. Et 6 % des entreprises présentes étaient de grands groupes, de plus de 5 000 salariés.

Comme vous pouvez le voir, tous les secteurs d'activité étaient représentés : de l'agriculture à l'industrie, en passant par les services, le transport, le BTP ou l'automobile... Nous avions ainsi un panel important et représentatif.

Ces 142 entreprises présentes venaient de 38 départements et de trois pays voisins, Belgique, Suisse et Royaume-Uni : c'est une belle réussite, surtout un jour de grève des transports ! Côté Sénat, nous avons noté la présence de 45 sénateurs, à un moment ou un autre de la journée, dont 24 de notre délégation, un nombre significatif. Je remercie tous ceux d'entre vous qui se sont mobilisés pour accueillir les entrepreneurs présents ce jour-là dans nos murs.

Au-delà de ces données chiffrées, je crois pouvoir dire, sans vanité mais avec réalisme, qu'il ressort de cette journée un résultat très positif. Les réactions individuelles de multiples entrepreneurs présents en attestent : elles dépassent une simple expression de politesse, je les ai senties sincères et, au-delà, demandeuses de poursuivre et d'aller plus loin !

Mais je serais intéressée de connaître vos réactions sur cette journée, son organisation, son contenu, sa portée. Vous pouvez vous exprimer soit globalement sur la journée, soit plus précisément sur l'une de ses séquences, que je vous rappelle brièvement : le matin, une première séquence sous forme de dialogue entre des entrepreneurs qui nous avaient fait remonter des remarques et moi-même pour présenter, au nom de la Délégation, les initiatives que nous avons prises ensemble pour y répondre, qu'il s'agisse des seuils sociaux, de l'apprentissage, du contrôle fiscal du Crédit-impôt recherche, ou de la simplification. La deuxième séquence était justement consacrée à ce sujet de la simplification et faisait intervenir divers acteurs de ce processus : Gérard Huot, membre du Conseil de simplification pour les entreprises, Emmanuel Arnaud, entrepreneur qui contribue aux travaux de simplification du secrétariat général pour la modernisation de l'action publique, le SGMAP, placé auprès du Premier Ministre, et Fabrice Ivara, qui avait écrit dans Les Échos une tribune appelant à la simplification pour les entreprises. Jean-Pierre Rime, pour la Suisse, apportait un éclairage étranger, quoique voisin, sur le processus de simplification engagé hors de nos frontières. Ces deux séquences étaient animées par le journaliste de BFM Business, Emmanuel Lechypre, qui a mené le dialogue avec la salle. Elles ont été clôturées par une intervention de Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État chargé de la réforme de l'État et de la simplification auprès du Premier ministre.

Nous avons ensuite déjeuné debout dans les salons de Boffrand et pu entendre à cette occasion des témoignages d'entrepreneurs français implantés au Royaume-Uni que nous avions rencontrés à Londres et qui avaient fait le déplacement.

Puis les entrepreneurs ont été invités à assister aux questions d'actualité au Gouvernement, dans les tribunes de l'hémicyle.

À l'issue, était organisé, conjointement avec l'ANFOR, un atelier de présentation d'entreprises ayant assis leur performance sur le modèle EFQM. Il était animé par un journaliste sélectionné par l'AFNOR, David Ascher, directeur des publications Actu-Environnement.com et Environnement & Technique. Nous y avons retrouvé M. Grisot, qui dirige Valrhona : il nous avait accueillis dans la Drôme en nous indiquant que le secret de la réussite de l'entreprise était précisément ce modèle EFQM et il nous avait sollicités pour valoriser les entreprises qui y recourent de manière bénéfique. Une remise des prix EFQM a clôturé la journée, en présence du président du Sénat, Gérard Larcher, et du directeur général du groupe AFNOR, Olivier Peyrat.

Pour ma part, je pense que, dans l'ensemble, la journée s'est bien déroulée. Je vous laisse à présent la parole pour commenter cette journée du 31 mars.

M. Gilbert Bouchet , sénateur . - Le département de la Drôme était fortement représenté. À l'unanimité, les entrepreneurs ont salué le fait d'être pris en considération au Sénat, que beaucoup d'entre eux découvraient. Cela a été un moment fort pour eux. De même, les discussions de la matinée ont été appréciées. Je n'ai eu que des retours positifs sans même parler de celui de M.Grisot, le président de Valrhona. Il faut, je pense, renouveler l'expérience.

M. Michel Canevet , sénateur . - J'ai également trouvé cette journée particulièrement intéressante. Les grèves ont probablement empêché un certain nombre d'entrepreneurs du Finistère de venir assister à cette journée. J'ai trouvé que cette journée était bien rythmée. Les entreprises auxquelles nous avions rendu visite ont véritablement noué un contact avec la délégation et pouvaient voir quelles suites étaient données à la visite sur le terrain. Il faut que l'on continue à aller les rencontrer sur le terrain et à porter leur message dans les différents textes qui vont arriver.

Mme Patricia Morhet-Richaud , sénatrice . - Je partage le bilan très largement positif de cette journée. Non seulement, les entreprises étaient heureuses de venir au Sénat et voir que la délégation s'intéressait à elles, mais cela a permis aux entreprises de mon département de se connaître entre-elles.

M. Philippe Adnot , sénateur . - Ce que je voudrais souligner, c'est le professionnalisme avec lequel la réunion a été organisée. Le risque était que les gens se félicitent entre eux, et qu'il n'y ait pas de suite. Sur chaque sujet, Madame la Présidente, vous avez pu répondre aux questions des entreprises concernant ce que faisait la Délégation. C'est important de donner ainsi le sentiment concret que la Délégation aux entreprises répond aux attentes exprimées.

M. Éric Jeansannetas , sénateur . - Je partage l'avis de mes collègues. J'ai été ravi de l'organisation, de l'accueil et de la qualité des débats. Cette journée s'est déroulée sans faux-semblants.

Mme Annick Billon , sénatrice . - Je n'ai pu suivre l'intégralité de la journée, étant également prise par la délégation aux droits des femmes. La journée a été bien ressentie par les entreprises vendéennes, relativement peu présentes malheureusement. Je soutiens l'idée évoquée par les collègues de rester en contact avec les entreprises sollicitées, pour leur apporter un suivi régulier de nos activités, des textes et des amendements. Le projet de travail « travail » va par exemple arriver au Sénat et il serait bon de leur donner des nouvelles sur l'avancement du dossier. Le parallèle entre leurs demandes et nos actions doit être poursuivi.

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Sur ce sujet, les entreprises rencontrées par la Délégation sont toutes destinataires d'une lettre d'information qui leur est envoyée par mail. Elles peuvent ainsi suivre nos activités. Même si on peut toujours faire davantage, le fil existe.

M. Olivier Cadic , sénateur . - Comme tout le monde, j'ai eu un retour positif de mon côté. La façon dont la Délégation a fait valoir ses résultats était très efficace. La possibilité d'échanger, le regard différencié et surtout la possibilité d'apprécier le rôle respectif des politiques et des entreprises sont été appréciées. Sur ce dernier point, les entreprises ont pu se rendre compte, au fur et à mesure des échanges, de la difficulté du travail parlementaire. Un cycle intéressant a été engagé ; on va voir les entreprises et les entreprises viennent nous voir. Chacun apprend de l'autre et comprend ses difficultés. La communication se faisant dans les deux sens, nous allons pouvoir mesurer les progrès. L'année prochaine, au terme des trois ans de la délégation, nous serons conscients de la dynamique collective qui a été instituée. Bravo !

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - J'en profite pour remercier Olivier Cadic qui nous a permis d'organiser la séquence d'échanges avec les entreprises britanniques qui a été très suivie.

M. Guy-Dominique Kennel , sénateur . - Je voudrais surtout saluer la qualité de l'organisation de cette journée. Les chefs d'entreprises en ont très impressionnés. Ils attendent énormément de nous et de nos actions à venir, nous ne devons pas les décevoir. Je voudrais également remercier Olivier Cadic, qui nous a permis de porter le regard sur ce qui se fait ailleurs et de mesurer le chemin qui reste à parcourir notamment en termes de fiscalité et de flexibilité.

Mme Nicole Bricq , sénatrice . - Je m'associe aux compliments partagés. Je me pose simplement la question de la durée de cette journée. Ne faudrait-il pas faire une grosse demi-journée plutôt qu'une journée entière ? Connait-on également la proportion d'entreprises présentes que nous ne connaissions pas déjà d'une manière ou d'une autre ?

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Sur le nombre d'entreprises présentes, 35 % avaient déjà rencontré la Délégation. Nous avions donc une large proportion d'entreprises nouvelles, envoyées par les sénateurs non membres de notre délégation.

Mme Nicole Bricq , sénatrice . - C'est intéressant. Habituellement, lors des discussions sur le sujet, nous rencontrons toujours les mêmes acteurs qui ressortent les mêmes idées. Nous tournons donc en rond avec ces débats. Le contact direct avec les entreprises que nous avons permet de rompre avec cela. Je constate une différence entre les tables rondes où le ton est parfois alarmiste et les visites d'entreprises où ces dernières, même si elles ont des soucis, se battent et sont ravies de montrer ce qu'elles font.

On entend régulièrement des reproches faits aux parlementaires de ne pas connaître les entreprises, ce qui est largement faux. Mais il y a beaucoup d'entrepreneurs qui ne connaissent pas le processus d'élaboration de la loi, et qui ignorent que celle-ci ne fait pas tout. Il faudrait dire aux entreprises qu'il existe une distinction entre l'élaboration et l'application de la loi. Aujourd'hui, les règles sont telles que les ministres passent les trois quarts du temps à communiquer avant l'élaboration d'une loi, ce qui laisse penser aux entreprises que les choses sont réglées. Un an après, les problèmes demeurent, ce qui est source d'incompréhension. Il serait bien que les entreprises comprennent comment ça marche. Il faudrait leur faire un opuscule simple de présentation du cheminement législatif, qui pourrait s'inspirer de ce que fait la Gazette des communes pour visualiser l'avancée d'une réforme.

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Lorsque nous organisons les tables rondes avec des entreprises dans les départements, nous prenons bien la précaution de demander aux organisateurs de rencontrer les entreprises elles-mêmes et non leurs représentants afin d'obtenir des expressions spontanées. Concernant l'élaboration de la loi, il ne faut pas non plus affoler les entrepreneurs. Les entrepreneurs pragmatiques ne comprennent pas comment il n'est pas possible de simplifier plus que ça.

Par ailleurs, auriez-vous des suggestions d'amélioration de cette journée ? Que pensez-vous de l'idée de réduire la journée à une grande demi-journée, seulement l'après-midi ?

Mme Sophie Primas , sénatrice . - Il faut tout de même qu'il y ait matière à discussion pour les entreprises qui viennent de loin.

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Tout le monde est d'accord en tout cas pour reconduire l'opération, que ce ne soit pas qu'un ballon d'essai ?

Mme Nicole Bricq , sénatrice . - Oui, il faut pérenniser l'opération, avec l'idée que ce soit un rendez-vous annuel.

Mme Sophie Primas , sénatrice . - Ne pourrait-on pas créer une sorte de clubs d'entreprise ? Cela permettrait créer des synergies entre elles et avec nous.

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Effectivement. Ce club informel existe de facto : nous avons ainsi envoyé aux entreprises du « club » le questionnaire concernant le projet de loi travail il y a trois semaines. Nous entretenons ainsi les liens. Je pense que la possibilité de condenser la journée des entreprises est fonction de son contenu. Certains entrepreneurs ont regretté que la discussion du matin ne dure pas plus longtemps. Ils auraient aimé s'exprimer davantage.

M. Michel Canevet , sénateur . - Nous pourrions également envisager des ateliers.

Mme Annick Billon , sénatrice . - Ou un thème chaque année.

Mme Valérie Létard , sénatrice . - Ce thème pourrait être fixé en fonction de l'actualité. Si l'on peut nourrir les représentations nationales par des réalités vécues, des regards croisés, le faire thème par thème et en lien avec l'actualité, cela peut être utile. Nous compléterions ainsi les auditions habituelles des commissions par un regard au quotidien sur les sujets qui sont devant le Parlement.

M. Olivier Cadic , sénateur . - Dans la distribution de parole, certains savent être concis et d'autres non. Il faudrait donc mieux gérer le temps pour garder la dynamique de la discussion. Pour développer le côté interactif, je pense qu'il serait intéressant que les gens participent, comme s'ils votaient à la place des parlementaires. On pourrait leur donner des choix, des questions ... qui permettraient d'établir des prises de position. Cette interactivité permettrait de donner l'impression aux entrepreneurs qu'ils sont acteurs de la décision au Sénat.

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Merci. Je voulais vous signaler que les déplacements effectués cette année par la délégation seront consignés dans un rapport qui sortira avant l'été, complétant celui concernant les échos du terrain recueillis après les six premiers mois de déplacements de la délégation.

Concernant l'agenda, nous avons demain une matinée d'études de droit comparé sur la simplification. Le 20 mai prochain, nous nous déplacerons chez notre collègue Claude Nougein.

Dernier sujet : avez-vous suivi la remise du prix EFQM en clôture de la Journée des entreprises ? Est-ce à reproduire selon vous ? J'ai été personnellement impressionnée par la qualité des interventions.

M. Olivier Cadic , sénateur . - Nous n'étions plus très nombreux comme sénateurs à ce moment.

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Le président de Valrhona, M. Grisot, nous avait accueillis lors de notre déplacement dans la Drôme en disant « Bienvenue dans une entreprise qui va bien ! ». Il nous avait expliqué le secret du management par la qualité. C'est une entreprise où, pour résumer, tous les salariés sont heureux, du moins c'est ce que j'ai ressenti.

M. Olivier Cadic , sénateur . - Ce prix, récompensant le management par la qualité, est remis chaque année aux Etats-Unis par Barack Obama. C'est une approche qui ne se préoccupe pas seulement du bénéfice mais de l'association de tous à la vie de l'entreprise. Nous avions jugé bon que les entreprises s'intéressent à cette façon de manager. Cela mériterait d'être davantage connu.

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Cette méthode de management pourrait d'ailleurs s'appliquer au fonctionnement même du Sénat !

M. Philippe Adnot , sénateur . - Permettez-moi d'attirer votre attention sur le 20 juin prochain, date à laquelle se déroulera la seizième édition de « Tremplin Entreprises », qui permettra la rencontre entre des start-ups et des financeurs. Cette journée, organisée à l'initiative de l'ESSEC, permet à de jeunes entreprises innovantes en Science de la vie, Logiciel et systèmes, Internet et services, Énergie, matériaux et composants de lever des fonds auprès d'investisseurs venus spécialement les rencontrer. L'an dernier, 30 millions d'euros ont ainsi été levés. Cette année, M Thierry Breton, PDG d'Atos, interviendra comme invité d'honneur. Je profite de l'occasion que j'ai d'inviter à nouveau la Délégation aux entreprises à venir dans l'Aube.

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Je remercie chacun d'entre vous pour sa participation.


* 1 Cf. article II ter du chapitre XVII bis de l'Instruction générale du Bureau.

* 2 Cf. Les échos du terrain: six mois de rencontres avec les entrepreneurs , rapport d'information de Mmes Élisabeth LAMURE, Annick BILLON, M. Gilbert BOUCHET, Mme Nicole BRICQ et M. Henri CABANEL, fait au nom de la Délégation aux entreprises, n° 641 (2014-2015) - 16 juillet 2015.

* 3 Mme Valérie Létard était alors membre de la Délégation sénatoriale aux entreprises. Elle en a démissionné en juin 2016, en raison de ses nouvelles responsabilités au conseil régional des Hauts-de-France. Mme Anne-Catherine Loisier lui a succédé au sein de la Délégation.

* 4 Décret n° 2014-479 du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable.

* 5 Proposition de loi visant à développer l'apprentissage comme voie de réussite, n° 394 (2015-2016), de Mme Élisabeth LAMURE, M. Michel FORISSIER et plusieurs de leurs collègues, déposée au Sénat le 10 février 2016.

* 6 Droit du travail : ce dont les entreprises ont besoin , rapport d'information de Mme Annick BILLON, fait au nom de la Délégation aux entreprises, n° 647 (2015-2016) - 26 mai 2016.

* 7 Texte n° 214 (2015-2016), de Mme Élisabeth LAMURE et plusieurs de ses collègues, déposé au Sénat le 2 décembre 2015 : http://www.senat.fr/leg/ppl15-214.html

* 8 Texte n° 215 (2015-2016) de Mme Élisabeth LAMURE et plusieurs de ses collègues, déposé au Sénat le 2 décembre 2015 : http://www.senat.fr/leg/ppr15-215.html

* 9 Cf. La simplification du droit : regard comparatif (Allemagne, Pays-Bas et Suède) , rapport d'information de Mme Élisabeth LAMURE, fait au nom de la délégation aux entreprises n°784 (2015-2016) - 12 juillet 2016.

* 10 Texte n° 394 (2015-2016) de Mme Élisabeth LAMURE, M. Michel FORISSIER et plusieurs de leurs collègues, déposé au Sénat le 10 février 2016 : http://www.senat.fr/leg/ppl15-394.html

* 11 Droit du travail : ce dont les entreprises ont besoin , rapport d'information de Mme Annick BILLON, fait au nom de la Délégation aux entreprises n° 647 (2015-2016) - 26 mai 2016.

* 12 http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/delegation/entreprise/Etude_comparative_pouvoir_et_representativite_VF.pdf

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