TROISIÈME PARTIE - FINANCER LES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DANS UN CONTEXTE BUDGÉTAIRE CONTRAINT

I. DANS UN CONTEXTE BUDGÉTAIRE TRÈS CONTRAINT POUR LE BUDGET DES TRANSPORTS ET POUR L'AFITF, L'ÉTAT VA DEVOIR FAIRE DES CHOIX DRASTIQUES

A. UN NIVEAU D'INVESTISSEMENT EN INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT D'ENVIRON 1 % DU PIB

1. Un niveau d'investissement supérieur à la moyenne européenne

En 2015 , les investissements en infrastructures de transport 68 ( * ) réalisés en France ont représenté 18 milliards d'euros , soit 0,8 % du produit intérieur brut (PIB), en baisse de 7,7 % par rapport à 2014 69 ( * ) . Cette baisse globale s'explique notamment par la très forte diminution des dépenses d'investissement des communes en voirie (- 16,5 % en 2015) et le recul des investissements ferroviaires (- 8,6 % en 2015 après -16,7 % en 2014).

Les investissements en infrastructures routières continuent de représenter 46 % du total , malgré la baisse observée en 2014 et 2015. Les dépenses en matière d'infrastructures ferroviaires connaissent elles aussi une baisse marquée après la forte hausse de 46 % en 2013, qui reflétait les importants investissements consentis en faveur de nouvelles LGV.

Les investissements en infrastructures de transport en 2015

(niveau en milliards d'euros courants)

Niveau

Évolution annuelle

Pourcentage du total des investissements

Réseau routier

8,29

-6,8 %

45,7 %

Réseau non concédé

6,83

-10,8 %

37,7 %

dont réseau départemental et local

5,86

-12,1 %

32,2 %

dont réseau national

0,97

-1,5 %

5,4 %

Réseau concédé

1,46

17,5 %

8,1 %

Réseau ferré principal

5,3

-8,6 %

29,2 %

Réseau grande vitesse

2,27

-23,6 %

16,4 %

Réseau principal hors LGV

3,03

7,3 %

15,5 %

Transports collectifs urbains

3,27

-12,4 %

18 %

Réseau ferré Île-de-France

0,92

-10,0 %

5,1 %

RATP

1,1

25,1 %

6,1 %

TCU de province

1,24

-31,8 %

6,9 %

Autres infrastructures

1,28

4,7 %

7,1 %

Ports maritimes

0,35

8,2 %

1,9 %

Aéroports et navigation aérienne

0,73

-0,8 %

4 %

Voies navigables et ports fluviaux

0,2

11,1 %

1,1 %

Total des investissements

18,14

-0,4 %

100 %

Source : comptes des transports 2015

En dépit de la baisse observée au cours des deux dernières années, le volume d'investissement réalisé en France demeure élevé par rapport aux autres pays de l'UE , qui ont enregistré un volume d'investissement moyen de 0,8 % du PIB 70 ( * ) en 2014 contre 1 % en France cette même année , et de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) où le volume d'investissements en infrastructures de transports terrestres (route et rail) se situe aux alentours de 0,7 % 71 ( * ) du PIB. Cette observation se confirme sur la longue période : entre 1995 et 2014, l'investissement public français en matière de transport est de 0,99 % du PIB en moyenne , contre 0,84 % en moyenne pour les autres pays de l'OCDE. Il est ainsi largement supérieur à l'investissement public allemand qui s'est établi à 0,59 % du PIB en moyenne entre 2000 et 2014 contre 0,95 % en France sur cette même période.

Évolution de l'investissement en infrastructures de transport terrestre en pourcentage du PIB

NB : investissements publics et privés en infrastructures de transport terrestre intérieur (routes, voies ferrées et voies navigables) comprenant les investissements dans les infrastructures nouvelles, la rénovation des infrastructures existantes et leur maintenance. Les dépenses de maintenance des concessionnaires d'autoroutes en France ne sont pas inclues dans ces données.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du Forum international des transports)

Le chiffre de 1 % du PIB a longtemps été utilisé comme un instrument de comparaison pour apprécier le niveau d'investissement en infrastructures de transport . Il se fonde sur un simple constat historique concernant le niveau moyen des dépenses dans les pays européens de l'OCDE. Le Forum international des transports, rattaché à l'OCDE, considère désormais que ce chiffre ne peut être utilisé comme un indicateur normatif dans la mesure où « la proportion de la richesse nationale à dépenser pour assurer une infrastructure adéquate et efficiente dépend de facteurs qui varient avec le temps et selon les objectifs fixés au niveau national ». Ces éléments de comparaison internationale confirment néanmoins que la France investit, dans l'ensemble, à un niveau relativement élevé en matière d'infrastructures de transport .

Croissance économique et infrastructures de transport

Considérant la théorie économique relative aux marchés de bien, le Conseil d'analyse économique (CAE) rappelait, en 2007, que « L'analyse des relations entre infrastructures de transport et croissance est ancienne et la présentation qu'en faisait Adam Smith il y a 230 ans n'a rien perdu de son actualité. Elle repose sur la relation :

Infrastructure Transport Échange Croissance

Une amélioration de l'infrastructure de transport (Adam Smith se réfère à un canal) va d'abord améliorer le service de transport. Améliorer veut dire abaisser les coûts ou augmenter les vitesses, ou encore réduire les retards. Cette amélioration des caractéristiques du transport va à son tour favoriser les échanges. Elle va réduire les distances et les quasi-monopoles que crée l'immobilité des biens, c'est-à-dire rendre possible des échanges qui ne l'étaient pas. Il n'y a pas d'échange sans transport. Plus de transport (au sens de transport moins cher, plus rapide, plus efficace) c'est plus d'échange. On retrouve ici la problématique bien connue de l'impact des échanges sur la croissance ».

La plupart des analyses quantitatives modernes font quant à elles apparaître « un lien significatif entre infrastructures et production » par le canal de la productivité. Toutefois, « il ne s'ensuit pas que plus d'infrastructure engendre nécessairement plus de production. Il se peut aussi que plus de production permette de financer plus d'infrastructure ». De plus, « l'infrastructure est très hétérogène du point de vue de sa relation à la croissance . L'infrastructure inclut des éléments qui contribuent beaucoup à la croissance et des éléphants blancs qui n'y contribuent pas du tout ».

Tentant de répondre à la question : « Y a-t-il trop ou trop peu d'infrastructures de transport actuellement en France ? », le CAE indique que « le transport éta [nt] géographiquement et techniquement divisé en nombreux sous-marchés, servis chacun par des infrastructures différentes, avec peu ou pas de substitutions possibles. La réponse à la question posée est donc : il y a trop d'infrastructures pour tel itinéraire, tel mode, telle demande, et pas assez pour tel autre itinéraire, mode ou marché ». Par conséquent, il conclut que « toutes ces analyses soulignent les limites d'une approche globale de la contribution des « infrastructures de transport » à la croissance . Les infrastructures et les trajets sont si divers que le concept d'infrastructure de transport pris globalement n'est finalement pas très opérationnel. À ce niveau élevé de généralité, on ne peut pas dire grand-chose d'utile pour la décision. Mieux vaut utiliser une approche plus spécifique à chaque projet et s'interroger sur la contribution à la croissance de tel ou tel projet et sur les instruments et les processus de choix des investissements de transport ».

Source : Conseil d'analyse économique, Michel Didier et Rémy Prud'homme, Infrastructures de transport, mobilité et croissance, 2007

2. Des investissements d'environ 14 milliards d'euros portés par l'ensemble des administrations publiques en 2015

D'après les comptes des transports pour l'année 2015, la dépense d'investissement de l'ensemble des administrations publiques en matière de transport, tous modes confondus , s'est élevée à 14 milliards d'euros , dont 3 milliards d'euros pris en charge par les administrations publiques centrales 72 ( * ) et 11 milliards d'euros par les administrations publiques locales 73 ( * ) . Même s'il ne s'agit pas d'investissements publics, il convient également de prendre en compte les 1,4 milliard d'euros investis par les sociétés concessionnaires d'autoroutes en faveur du réseau qu'elles exploitent.

Les dépenses d'investissement représentent ainsi moins d'un tiers de la dépense totale des administrations publiques en transports , les dépenses de fonctionnement s'élevant à 29 milliards d'euros 74 ( * ) en 2015. Depuis dix ans, on observe notamment une forte hausse des dépenses de fonctionnement en transport des administrations publiques locales , de l'ordre de 44 % en euros courants, alors même que les dépenses de fonctionnement de l'État et des organismes d'administration centrale sont restées quasiment stables.

Évolution des dépenses de fonctionnement et d'investissement en transports des administrations publiques

(en milliards d'euros courant)

NB : dépenses de fonctionnement hors charges de retraites ; les dépenses d'investissement incluent le matériel roulant.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données des comptes des transports)


* 68 Investissements routiers, ferroviaires, portuaires, aéroportuaires, fluviaux et en transports collectifs urbains.

* 69 Ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, Les comptes des transports en 2015, Tome 153 rapport de la commission des comptes des transports de la Nation, août 2016.

* 70 Forum international des transports.

* 71 Ibid .

* 72 Les administrations publiques centrales (APUC) comprennent l'État et les organismes divers d'administration centrale (Odac). Les entreprises publiques de transport ou de gestion d'infrastructures telles que SNCF et SNCF Réseau ne sont pas comprises dans cette catégorie.

* 73 Les administrations publiques locales (APUL) comprennent les communes, départements et régions, les groupements de communes à fiscalité propre, les syndicats de communes et syndicats mixtes ainsi que les chambres de commerce et d'industrie.

* 74 Total consolidé hors transferts entre APUL et hors subventions d'équilibre de l'État aux régimes spéciaux de retraite de la SNCF et de la RATP.

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