I. UN FAIT RELIGIEUX QUI MET EN CAUSE EN FRANCE L'ÉGALITÉ ENTRE FEMMES ET HOMMES

Le fait religieux affecte dans des proportions préoccupantes l'égalité entre femmes et hommes dans notre pays, par le biais de messages extrémistes revenant à mettre en cause les droits et libertés des femmes, notamment en ligne, et par l'expansion en France, dans des activités et des lieux très diversifiés (enseignement, sport, santé, travail, espace public), de revendications fragilisant l'égalité entre femmes et hommes ainsi que la mixité, qui sous-tendent les valeurs de notre République.

Bien que les constats ci-après ne soient pas, à ce jour, susceptibles d'être généralisés, il est important d'attirer l'attention sur ces situations afin d'éviter la banalisation des comportements qui en sont la cause.

A. LA DIFFUSION SANS FRONTIÈRES DE MESSAGES AUX CONSÉQUENCES NÉGATIVES SUR LES DROITS ET LIBERTÉS DES FEMMES

On assiste actuellement, plus particulièrement en ligne, à la diffusion de messages inspirés par l'extrémisme religieux qui ont en commun une conception rétrograde du rôle des femmes et la négation de l'égalité. Ce constat concerne des espaces géographiques divers ; ils ne sont pas réservés à un culte. Évoluant dans un ensemble mondialisé ignorant des frontières, ces messages ne peuvent être dénués d'influence sur la situation des femmes dans notre pays.

1. Une morale en ligne visant particulièrement les femmes

Les femmes semblent directement concernées par la diffusion en ligne de messages inspirés par l'extrémisme, par exemple quand Internet 47 ( * ) est utilisé pour valider une conception préoccupante des relations entre hommes et femmes et du rôle des femmes dans la société.

Comme le souligne le rapport de l'Institut Montaigne intitulé Un islam français est possible , publié en septembre 2016, qui recense « l'offre idéologique sur support vidéo », « l'immense majorité de ces productions proposent des contenus difficilement compatibles avec les valeurs républicaines » 48 ( * ) . Or les questions traitées en ligne par les prêcheurs, relève ce rapport, concernent notamment l'amour, les conflits de couple et les relations sexuelles. Elles peuvent donc exercer une influence sur la situation des femmes 49 ( * ) .

Le cas de l'imam de Brest 50 ( * ) , dont la presse française a beaucoup parlé lors du Salon de la femme musulmane de Pontoise de septembre 2015, illustre ce qui précède.

On se rappelle la polémique suscitée, au moment de ce salon, par les discours de cet imam (« Si la femme sort sans honneur, qu'elle ne s'étonne pas que les hommes abusent de cette femme-là ») qui demandait aux « soeurs » de porter le voile sous peine d'encourir les feux de l'Enfer dans l'au-delà et de risquer des agressions sexuelles sur cette terre.

La menace implicite est assez claire : ne pas se soumettre à ces injonctions vestimentaires expose les femmes à des agressions...

On observera que, si le personnage a des détracteurs, plus de 230 000 personnes suivraient sa page Facebook 51 ( * ) . L'influence de ce prédicateur, via les réseaux sociaux ou sur Internet, semble considérable.

Dans le même esprit, un autre prédicateur 52 ( * ) expose sur Youtube les devoirs de la femme selon le Coran : « Les femmes vertueuses sont celles qui obéissent à leur mari. [...] Elles ne sortent de la maison qu'avec la permission de leur mari . » Celle qui se refuserait à son mari « sans raison valable », qu'elle sache que « les anges la maudissent ».

Il s'adresse aux « soeurs » pour justifier l'obligation de pudeur s'imposant aux femmes par la menace que constituerait pour elles le désir des hommes : s'habiller trop court, trop serré, trop transparent, peut « attirer certains loups qui circulent ». Les hommes sont « faibles », il faut les « protéger » par le « vêtement pudique » ; celles qui portent des vêtements suggestifs ne se font pas « respecter ». Et de prôner le port du hijab ...

Le prédicateur recourt à la technique bien connue de la valorisation des femmes, qui d'ailleurs n'est pas propre à une religion : « la femme est un bijou » tellement précieux qu'on le garde pour soi et qu'on ne l'expose pas aux yeux d'autrui. Ainsi est justifié le refus de la mixité .

La valorisation des femmes passe aussi par le discret mais très explicite rappel de ce qui est considéré comme leur avilissement en occident : la femme est une « pierre précieuse que l'on doit protéger, pas une marchandise qu'on expose ».

Il n'est pas nécessaire de procéder à une longue recherche en ligne pour trouver des vidéos concernant les violences conjugales.

Une vidéo édifiante explique en langue arabe, avec sous-titres anglais et français, pourquoi et comment battre sa femme 53 ( * ) . Les coups doivent n'intervenir qu'après divers avertissements (ne pas parler à sa femme, quitter le lit conjugal...), ils doivent être « légers », « ne pas toucher la figure » ; il est dit que certains savants préconiseraient l'utilisation à cette fin d'un bâton d'arak : le conférencier fait en battant l'air avec cette baguette une petite démonstration de l'application de ce précepte.

On trouve un exposé comparable, sous-titré en français et daté du 24 décembre 2008, de la part d'un prédicateur égyptien. On y apprend : « L'un des droits du mari est de corriger sa femme si elle se montre désobéissante. La désobéissance, c'est sortir de la maison sans la permission du mari, lui parler impoliment, de refuser de lui obéir au lit . La Charia a établi plusieurs mesures visant à discipliner une épouse désobéissante. Ces mesures doivent être appliquées dans l'ordre. La première mesure consiste à lui faire des remontrances et lui explique que si elle veut aller au paradis, elle doit lui obéir. [...] Quelle est la mesure suivante ? « ... battez-les. » Les coups . Le Prophète Mahomet a dit que les coups doivent être légers et qu'il faut éviter le visage ou les endroits sensibles , car cela pourrait causer des fractures ou des cicatrices qui gâteraient sa beauté » 54 ( * ) .

Certes, les vidéos commentées ci-dessus peuvent être utilisées autant à des fins de propagande que dans un but d'information et de prévention contre des dérives , d'autant que l'on trouve aussi en ligne des sources permettant de relativiser ces interprétations 55 ( * ) .

Néanmoins, en fonction de celui ou celle qui les perçoit, ces messages posent problème s'ils sont compris au pied de la lettre par des personnes ignorantes ou incapables de tout recul. Cela ne peut qu'inquiéter la délégation.

L'expansion du fait religieux et son développement sur Internet soulignent l'importance d'un regard critique sur les injonctions diffusées au nom de la religion , par-delà les croyances et les convictions - religieuses et non religieuses - de chacun et chacune, qui passe par la lutte contre l'ignorance religieuse.

L'enjeu, comme le soulignait très justement la rabbin Delphine Horvilleur après les attentats de janvier 2015, est que chacun-e puisse « refuser à des radicaux de penser la religion en [son] nom » 56 ( * ) , à un moment où « l'identité religieuse prend toute la place » 57 ( * ) et où il faut absolument apprendre à donner plus d'importance à ce qui nous rassemble qu'à ce qui nous divise et nous différencie . L'objectif est de permettre à l'identité de chacun et de chacune de s'épanouir dans sa diversité, sans que cette identité soit limitée à des appartenances religieuses qui sont parfois aujourd'hui envahissantes.

La délégation s'alarme du développement de messages extrêmement préoccupants qui, livrés sur Internet en « prêt à penser » à des fidèles en mal de repères et parfois incapables de regard critique, remettent en cause les droits et libertés des femmes.

2. L'expansion de l'extrémisme religieux et ses conséquences pour les femmes
a) Le leurre d'un retour à la tradition : l'exemple des normes vestimentaires visant les femmes

Bien que la délégation ne souhaite pas limiter son approche aux injonctions vestimentaires, celles-ci sont malheureusement une dimension importante des manifestations actuelles du fait religieux et de ses implications pour les femmes. Elles ne sont pas spécifiques à un culte.

Notre collègue Bariza Khiari a ainsi commenté, lors de son audition par la mission d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'islam en France, le 3 février 2016, l'influence exercée sur les habitudes vestimentaires par les chaînes arabophones, qui peuvent être captées partout en France et qui ont inspiré dans notre pays une sorte de « mimétisme ». Ce point est commenté par la journaliste Claude Guibal, qui évoque dans son enquête Islamistan - Visages du radicalisme 58 ( * ) l'étonnement que lui a inspiré au Caire, en 1997, l'apparition encore très inhabituelle d'une « silhouette noire, étrange fantôme dans les rues jaunies par la tempête » 59 ( * ) .

La journaliste montre aussi comment, en « une poignée d'années à peine », en Égypte, le voile est devenu « la norme chez les musulmanes, et le niqab , presque une banalité ». Elle impute cet aspect de la « réislamisation du pays » à l'influence des travailleurs partis pour le Golfe, qui sont rentrés en Égypte au début des années 1990, « pétris par les normes wahabbites en vigueur en Arabie saoudite et dans les Émirats ». La surenchère de religiosité qui s'est alors manifestée a été selon elle encouragée par l'État égyptien. Il semblerait que l'effet de mode ait fait le reste : « Il suffisait qu'une femme se mette à porter un hijab pour que ses proches, des amies, s'y mettent à leur tour » 60 ( * ) .

Le développement du niqab , qui s'est répandu très rapidement, notamment en Égypte où cette pratique était devenue rare, doit être commenté. Selon Dounia Bouzar, auditionnée par la délégation le 24 mars 2015, cette pratique « correspond à des traditions ancestrales de quelques tribus isolées en Afghanistan , que seule la fameuse mouvance wahabbite d'Arabie saoudite [...] a sacralisé » à partir des années 1930 61 ( * ) . L'expansion de ces usages semble liée à l'influence, relativement récente, de l'Arabie saoudite. Il ne s'agit donc pas véritablement d'un retour à la tradition, contrairement à la présentation qui en est parfois faite...

Préconiser des normes vestimentaires destinées aux femmes n'est pas propre à l'islam. En 2011, le responsable des relations entre l'Église et la société au Patriarcat de Moscou appelait ainsi à l'adoption d'un code vestimentaire qui, s'il concernait en théorie les deux sexes, se focalisait dans les faits sur les femmes . « Le comportement des femmes dans l'espace public, à l'université, au travail, ne concerne pas qu'elles seules. [...] Nous connaîtrons bientôt une ère où les personnes vêtues de manière indécente seront chassées des lieux comme il faut. [...] De nombreuses normes du droit islamique sont en vigueur en Tchétchénie, en Ingouchie ou au Daghestan, et il serait erroné [...] de dire que c'est forcément un mal ». 62 ( * )

L'auteur de l'article (paru en 2011) mentionnant cette citation observe que l'on a vu se développer en Russie une industrie de la mode féminine orthodoxe dont le style est caractérisé par des « robes tombant jusqu'à terre » et par des « foulards ternes ». Il remarque qu'« il n'y a qu'en Corée du nord que l'on trouve ce genre de directive, ou dans les zones contrôlées par les fondamentalistes islamiques ».

b) Les femmes effacées et ostracisées par les extrémismes religieux

Les discours fondamentalistes, qui promeuvent la soumission à une tradition religieuse figée dans un passé idéalisé , ont en commun de défendre un modèle de société dont l'une des composantes déterminantes est la domination et la mise à l'écart des femmes .

Delphine Horvilleur, rabbin, a fait observer, lors de la table ronde du 14 janvier 2016, que dans une pensée fondamentaliste « L'identité se conçoit toujours de façon monolithique, pure de toute contamination étrangère . Toute altérité est perçue comme une menace qui risque de fissure le système. C'est la raison pour laquelle tous les fanatismes mettent en garde contre l'impureté des croyances, des idées, et, surtout, du corps des femmes » .

Delphine Horvilleur évoque ainsi, au début de son ouvrage En tenue d'Ève - féminin, pudeur et judaïsme , la montée d'un discours ultra-orthodoxe qui ostracise les femmes , cantonnées par exemple dans les autobus à des places réservées . Elle décrit les pancartes qui se multiplient en pleine rue dans des quartiers de Jérusalem : « Femme, ne t'attarde pas ici ! », « Change de trottoir ! ». En dépit de la ferme dénonciation de ce phénomène par les plus hautes autorités de l'État israélien, Delphine Horvilleur constate qu' « à Jérusalem, les visages de femmes disparaissent de nombreuses affiches publicitaires, sous la pression affichée par les communautés ultra-orthodoxes. En image ou en chair et en os, les femmes s'éclipsent, invitées à s'éloigner pour ne pas gêner les hommes » 63 ( * ) .

Le « marché de vêtement pudique pour femmes pratiquantes » dont Delphine Horvilleur commente le développement sur Internet en Israël 64 ( * ) et dont l'apparition récente dans des commerces en France a suscité une polémique, semble donc s'inscrire dans une tendance générale. Delphine Horvilleur évoque également les« lunettes de pudeur » préconisées par des religieux ultra-orthodoxes, en fait des autocollants devant être appliqués sur les verres pour brouiller la vision et empêcher celui qui les porte de remarquer les femmes qui croisent son chemin 65 ( * ) .

Dounia Bouzar, anthropologue, directrice générale du Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam (CPDSI), estime pour sa part que le niqab, présenté par certains comme une obligation religieuse, relève de l'idéal de non-mixité car il revient à « élever des murs » 66 ( * ) autour des femmes qui doivent pouvoir passer incognito « si elles s'aventurent par mégarde à l'extérieur » : les femmes sont réduites « à des tentatrices dont il faut à tout moment se protéger » 67 ( * ) .

Elle estime que le refus de serrer la main des femmes s'inscrit dans la logique qui, en réduisant les femmes à leur réalité biologique, revient en réalité à nier leur existence : dans la logique radicale , la femme n'est plus seulement un objet, mais un « objet diabolique » dont on se protège en proscrivant tout échange : « Le radicalisé ne la regarde plus comme un être qui lui ressemble. La femme ne fait plus partie de ses semblables » 68 ( * ) . L'objectif est de mettre en place une sorte d'« apartheid » pour éloigner les femmes : « les radicaux rêvent d'un univers sans femmes, hormis quelques minutes la nuit, parce que la survie de l'espèce les y oblige. Partager le même espace que les femmes les angoisse terriblement » 69 ( * ) .

Claude Guibal, dans son enquête Islamistan - Visages du radicalisme , rapporte aussi le récit de l'interview de ce jeune couple de Français convertis, établis en Égypte, qui avait dû être effectuée dans deux pièces séparées, pour éviter tout contact entre la visiteuse et le mari , celui-ci participant à la conversation derrière la cloison 70 ( * ) .

Dans le même ouvrage, la journaliste mentionne aussi les enseignements par vidéo d'un cheikh saoudien parlant d'« ablutions annulées par une poignée de main , si ce contact avait généré une « émission de liquide intime » » 71 ( * ) . Les risques liés à la diffusion de tels enseignements ne sont pas à démontrer.

Ainsi se trouve favorisé par les extrémismes religieux un idéal de société non mixte où les femmes sont invitées à s'éloigner de la vue des hommes.

Fondamentalisme, intégrisme, radicalisme, salafisme :
quelques définitions

Le fondamentalisme 72 ( * ) s'est développé à l'origine, au début du XX e siècle, dans le contexte évangélique nord-américain, en réaction à l'exégèse critique qui s'était développée au XIX e siècle. Il peut s'appliquer à de nombreux courants, quelles que soient les religions.

Le fondamentalisme est un « radicalisme religieux qui se réfère à une lecture littérale des textes sacrés » ; il « exclut toute approche critique, pourtant nécessaire, des textes fondateurs » 73 ( * ) . Il vise à un retour à ce qui est considéré comme fondamental, originel, intangible dans les textes sacrés et s'appuie sur une lecture de ceux-ci pris au premier degré, sans autoriser d'interprétation historique ou scientifique. Dans cette optique, l'obéissance à la loi divine est sans nuance. Le fondamentalisme implique le respect aveugle des fondements d'une religion, y compris parfois quand ils vont à l'encontre des lois humaines. Les fondamentalismes s'opposent au libéralisme, à l'oecuménisme, à la théorie de l'évolution, excluent toute autonomie du croyant dans son rapport au spirituel et coïncident en général avec un discours politique conservateur.

L'intégrisme catholique, pour sa part, vise à l'origine un courant opposé à l'ouverture du catholicisme à la société moderne. Dans les années 1960, l'intégrisme, qui défend un modèle de société traditionnel, s'est focalisé autour du refus de Vatican II et du maintien intransigeant de la liturgie traditionnelle.

On trouve sur le site Civitas - pour une cité catholique 74 ( * ) un dossier relatif aux droits de l'homme intitulé « Les droits de l'homme, outil de destruction de la civilisation chrétienne », selon lequel fonder la société « sur la seule volonté des hommes » est une « chimère » : le dossier rappelle que seule l'Église catholique est « mère et maîtresse de vérité en matière de théologie et de morale ». De même, on peut lire dans ce dossier que « l'autonomie de la loi humaine par rapport à la loi divine, sous couvert de droits de l'homme, entraîne la destruction de la famille et de la paix publiques, base des sociétés humaines ». Ce dossier dénonce ainsi « tous les sophismes du droit à disposer librement de son corps ».

Le radicalisme, qui s'applique actuellement pour l'essentiel à l'islam, suppose quant à lui une volonté de rupture politique en vue d'une réforme profonde de la société destinée à retourner à une tradition idéalisée.

L'islamisme désigne « les courants les plus radicaux de l'islam, qui veulent faire de celui-ci non plus essentiellement une religion, mais une idéologie politique par l'application rigoureuse de la charia et la création d'États islamiques intransigeants ». 75 ( * )

Le salafisme se réfère au retour à l'islam tel qu'il était censé être pratiqué lors des premiers temps. « L'obligation de mise à distance du mode de vie occidental joue un rôle primordial dans l'attrait que le salafisme exerce sur des jeunes en révolte [...] » 76 ( * ) .

c) Les femmes, cibles de la radicalisation

Au cours de son audition par la délégation, le 24 mars 2016, Dounia Bouzar, anthropologue, directrice générale du Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam (CPDSI), a présenté les aspects spécifiques de la radicalisation des jeunes filles , qui représentent 60 % des 1 000 saisines reçues directement des familles par le CPDSI.

Elle a expliqué cette surreprésentation par le caractère plus détectable des signes de radicalisation des filles, via le port du jilbab (elle a mentionné parmi les autres symptômes de radicalisation la baisse des résultats scolaires et l'interruption de toute pratique sportive ou artistique).

Il est significatif qu'une proportion non négligeable des jeunes filles attirées par Daech soit, selon certaines estimations, diplômées de l'université. Beaucoup de ces jeunes filles auraient l'« espoir fou de faire un beau mariage romantique en épousant un soldat, un « croisé » du califat rencontré, souvent, sur Internet » 77 ( * ) .

La proportion de femmes parmi les personnes parties rejoindre Daech serait de 10 %, les Françaises constituant apparemment le contingent le plus important des femmes djihadistes en Iraq et en Syrie, selon le Centre international des études sur la radicalisation de King's College .

Le réseau déconcentré des droits des femmes fait d'ailleurs partie des acteurs de la prévention de la radicalisation et a été mobilisé à cet effet, une formation ayant été proposée dès décembre 2015 aux déléguées régionales, par ailleurs associées aux cellules de suivi pour la prévention de la radicalisation et l'accompagnement des familles 78 ( * ) .

Dounia Bouzar a, lors de son audition, attiré l'attention de la délégation sur la nécessaire prise de conscience du fait que les techniques d'embrigadement, qui s'appuient généralement sur Internet et les réseaux sociaux , concernent un nombre croissant de jeunes issus des classes moyennes (48 %), voire supérieures (10 %), et qu'elles s'étaient affinées pour cibler les jeunes filles qui, nées en France, n'ont pas vécu l'immigration .

Elle a ainsi défini une typologie des jeunes filles ciblées par Daech en fonction des profils psychologiques suivants :

- celles que leurs valeurs altruistes poussent à chercher à se dévouer à la société pour lutter contre les injustices ;

- celles à qui l'on fait miroiter un monde utopique ;

- celles qui ont subi violences ou traumatismes, que l'obligation de non-mixité rassure de ce fait et qui voient dans les combattants de Daech les héros protecteurs dont elles ressentent le besoin.

Ces jeunes filles, dont certaines sont recrutées dès l'âge de douze ans, ont en commun d'être destinées à procréer pour Daech et de mettre au monde les futurs soldats de l'État islamique. Selon Dounia Bouzar, leur déconvenue serait grande quand, à leur arrivée, on leur confisque leur téléphone portable et leurs papiers et qu'elles découvrent que leur sort est d'être mariées de force après une période de réclusion destinée à vaincre leur résistance. Un précédent rapport de la délégation l'a souligné après un entretien avec une rescapée yézidie auquel a participé Gérard Larcher, président du Sénat, le 18 février 2016 : Daech participe à la traite des êtres humains et les femmes sont leurs premières victimes 79 ( * ) . Cet entretien a confirmé que les viols, l'esclavage sexuel, les avortements forcés et les mariages forcés que subissent les victimes de Daech sont perpétrés au nom de la religion.

Pour les proies de Daech, le niqab est perçu, selon Dounia Bouzar, « comme une armure , une carapace contre le monde extérieur, voire comme un « doudou » ». Il permet aussi de « détruire les contours identitaires des jeunes femmes » pour mieux dissoudre leur identité dans le groupe de leurs « soeurs » radicalisées, avec lesquelles elles ont des relations fusionnelles . C'est d'ailleurs, a souligné Dounia Bouzar, la « nostalgie de cette fusion au sein du groupe » qui rend fragile leur déradicalisation et qui, par la suite, « peut les faire replonger ».

Ces jeunes femmes recrutées par Daech ont aussi en commun, au terme de leur processus de radicalisation, un fanatisme qui les fait basculer dans une déshumanisation « tout aussi forte que celle des hommes » : Dounia Bouzar a évoqué le cas de jeunes femmes que leur altruisme attirait vers Daech, mais que l'on retrouvait sur des vidéos apprenant à leur bébé à jouer au ballon avec des têtes coupées, « arborant des sourires comme si elles étaient au septième ciel ».

De fait, les femmes tentées par le djihad n'ont pas pour objectif de devenir les esclaves sexuelles des combattants de Daech : si nos représentations peinent à voir dans les femmes des combattantes, les hommes, on le sait bien, n'ont pas le monopole de la violence terroriste, comme l'a rappelé, le 18 novembre 2015, la mort d'une femme kamikaze à Saint-Denis. L'État islamique a même mis en place une brigade de police en niqab et kalachnikov , exclusivement féminine et dont la « mission hautement symbolique » est de « maintenir les soeurs dans le droit chemin de cet islam dicté par les hommes de Daech » 80 ( * ) . Cette brigade servirait même à la propagande de l'État islamique pour mieux attirer des « recrues d'un nouveau genre qui se rêvent en héroïnes du terrorisme moderne » 81 ( * ) .

À cet égard, le procureur de Paris, interviewé par le journal Le Monde du 2 septembre 2016, soulignait le nombre croissant de jeunes filles mineures, « parfois à l'origine de projets terroristes qui [...] commencent à être très aboutis », alors que l'on pouvait penser à l'origine que les femmes « suivaient leur mari et se cantonnaient à des tâches ménagères en Syrie ».

Dounia Bouzar a par ailleurs commenté, le 24 mars 2016, l'engagement de nombreuses jeunes filles dans les mouvements salafistes piétistes , en théorie non violents. Elle estime toutefois que les deux processus d'embrigadement présentent des points communs : isolement de la victime, désocialisation, rupture avec le monde réel, dissolution de son identité au sein d'un groupe et non-mixité. A ces points s'ajoute la volonté de faire disparaître l'identité de la jeune fille et de l'isoler de sa famille par le port du niqab, que Dounia Bouzar considère non pas comme un attribut religieux, mais comme un « vêtement sectaire, totalitaire ». Elle a estimé que le salafisme pouvait, comme Daech, concerner des filles très différentes, qui partagent non seulement le besoin d'être rassurées par le groupe, mais aussi un « fantasme de pureté et de régénération, de purification personnelle ».

Dounia Bouzar a déploré que des politiques, tant de droite que de gauche, considérant à tort les salafistes comme non-subversifs, les aient laissés « réinterpréter l'islam sur la base des principes de non-mixité et de communautarisme ».

3. Deux aspects problématiques pour les droits des femmes

Les auditions auxquelles la délégation a procédé ont conduit au constat d'évolutions problématiques pour les femmes à travers deux exemples : la participation des athlètes féminines aux compétitions sportives internationales ; le financement des lieux de culte et de la formation des cadres religieux.

a) La participation des femmes aux compétitions sportives

Lors de son audition le 28 janvier 2016, Annie Sugier, présidente de la Ligue du droit international des femmes, a commenté l'influence sur le sport féminin d'approches fondées sur un relativisme culturel autorisant, pendant les compétitions internationales, le port apparent de signes d'appartenance religieuse.

En contradiction selon elle avec les valeurs universelles portées par le sport, une interprétation différente de la neutralité politique et religieuse prévue par la règle 50 de la Charte olympique serait faite selon que les autorités s'adressent à des athlètes femmes ou à des hommes .

Annie Sugier a rappelé que l'obligation de neutralité avait jusqu'à présent été rigoureusement appliquée à l'égard des aumôniers admis à exercer leur activité aux Jeux olympiques, auxquels est interdit tout insigne comportant des signes religieux distinctifs. De même, lors des JO de Londres en 2012, il avait été décidé de ne pas accéder aux demandes formulées par certains pays pour qu'il soit tenu compte du Ramadan. Dans le même esprit, a-t-elle précisé, les signes d'appartenance religieuse sont interdits aux footballeurs .

La même rigueur ne semble toutefois pas s'appliquer aux femmes.

Des athlètes voilées ont ainsi été admises à participer aux JO d'Atlanta en 1996. Les conditions posées à la participation des deux athlètes saoudiennes aux JO de Londres par leur pays étaient qu'elles demeurent voilées et qu'elles ne participent pas à des compétitions mixtes.

Lors des JO de Rio en 2016, le cas de l'escrimeuse Ibtihaj Muhammad, première athlète américaine participant à des JO en portant le voile, a été abondamment commenté. Dans une interview publiée sur le site de la chaîne France 24 le 3 août 2016, elle déclare espérer que son engagement pourra contribuer à « changer l'image que les gens peuvent avoir de la femme musulmane ». D'autres athlètes ont d'ailleurs concouru voilées à Rio, affirmant ainsi leur appartenance religieuse et apportant la confirmation que l'article 50 de la Charte olympique n'a en réalité pas été appliqué aux femmes.

Selon Annie Sugier, cette différence d'interprétation entre athlètes en fonction de leur sexe revient à admettre qu'il existe « une loi supérieure à la loi olympique pour les femmes ». Parmi les conséquences de cette appréciation différenciée de l'article 50 de la Charte olympique, elle a mentionné, lors de son audition, le maillot intégral imposé dans son pays à une nageuse iranienne : ce maillot pèserait, une fois mouillé, quelque six kilos...

Dans le même esprit, Annie Sugier a estimé que des organisations internationales comme le Conseil de l'Europe et l'Unesco proposaient, au nom de l'égalité entre femmes et hommes dans le sport, des « bonnes pratiques » excluant la mixité (horaires séparés d'entraînement, entraîneurs de sexe féminin...) et préconisaient l'acceptation de tenues adaptées aux spécificités « culturelles » pour les femmes et les filles.

Ces renoncements à la neutralité dans le sport, qui partent d'une intention apparemment louable puisqu'il s'agit de ne pas priver les femmes de pratique sportive, ne sont pas sans conséquences dans notre pays.

Le fait qu'à la FIFA se soient élevées des voix promouvant le voile islamique dans le football féminin aura nécessairement des effets sur le football féminin français. De même pour la pratique du karaté, puisque la fédération mondiale de karaté a autorisé le voile dans les compétitions internationales, à la demande de l'Iran.

Lors de son audition du 28 janvier 2016, Annie Sugier a ainsi commenté les jeux de 1993 organisés par des pays islamiques et réservés aux femmes. Il faut d'ailleurs noter que cela n'aurait probablement pas été accepté s'il s'était agi d'hommes... Les jeux réservés aux femmes ont donné lieu à une recommandation de la délégation dans le cadre du rapport de Michèle André Égalité des femmes et des hommes dans le sport , en 2010-2011 82 ( * ) .

Un autre modèle de pratique sportive ayant ainsi été validé pour éviter les risques prétendus liés à la mixité dans le sport, Annie Sugier a estimé que l'on ne devait pas s'étonner que dans certains quartiers de nos villes, les filles soient privées de pratique sportive ou que des municipalités soient confrontées à des exigences telles que des horaires d'entraînement spécifiques pour les filles, par exemple dans les piscines.

Il est donc important que la délégation s'inscrive dans ce débat.

Au cours de la réunion du 6 octobre 2016, Corinne Bouchoux a fait observer que la neutralité des athlètes prévue par la Charte olympique ne saurait s'appliquer au sport amateur, sauf à priver, dans certains quartiers, les jeunes filles de pratique sportive 83 ( * ) .

De manière générale, la délégation rappelle, comme elle le recommandait dans un précédent rapport intitulé Égalité des femmes et des hommes dans le sport , la nécessité :

- de condamner fermement, au nom du principe de non-discrimination dans le sport, toute organisation de jeux séparés pour les femmes qui serait prétextée par des motifs religieux ;

- de réaffirmer que le principe de neutralité dans le sport s'oppose au port de signes religieux par les sportives participant aux compétitions olympiques et internationales. Il convient donc d'appeler les autorités françaises en charge du sport à relayer cette préoccupation auprès du Comité international olympique, par le biais du Comité national olympique et sportif français, et auprès de la FIFA (Fédération Internationale de Football Association), par le biais de la fédération française. Cette préoccupation doit également être relayée auprès des athlètes composant les délégations françaises aux compétitions internationales et auprès des représentants français dans des instances sportives internationales.

La délégation est d'avis que, dans la perspective de la candidature de Paris aux Jeux olympiques, la France affirme l'exigence de neutralité politique et religieuse des athlètes, conformément à la Charte olympique.

Elle estime que ce principe ne saurait s'accommoder d'aucune exception quand il s'agit de femmes, au nom d'une volonté d'inclusion qui revient à nier l'égalité entre les femmes et les hommes.

b) L'enjeu du financement des lieux de culte et de la formation des cadres religieux

Les conséquences, sur la situation des femmes en France, de la formation des imams et du financement des mosquées ont été abordées spontanément par certains participants à la table ronde du 14 janvier 2016.

Hanane Karimi, co-fondatrice du collectif Les femmes dans la mosquée , a ainsi déploré que la France ait recours à des pays étrangers pour la formation des imams , selon elle « dommageable pour l'égalité entre hommes et femmes et pour la cohésion sociale » car la transmission des valeurs religieuses de l'islam est « intimement liée à la culture du pays et au contexte sociopolitique ».

Nassr Edine Errami a pour sa part fait valoir que la ségrégation spatiale des hommes et des femmes dans des mosquées en France est « imposée par les pays qui « exportent » leurs imams vers la France ».

Il a estimé que « délivrer des permis de construire pour des projets qui relèguent les femmes dans des sous-sols revient à trahir les lois de la République et la valeur d'égalité entre hommes et femmes qui les sous-tendent ».

Selon Hanane Karimi, « les mosquées en France constituent une zone de non-droit , car les imams sont « importés » et ne sont pas en cohérence avec la culture française ». Elle a rapporté que l'imam ayant, en octobre 2013, jugé illicite pour des femmes de prier dans la Grande mosquée de Paris avec des hommes, ce qui avait conduit à la création du Collectif Les femmes dans la mosquée , s'était appuyé sur les règles en vigueur dans son pays, en l'occurrence l'Algérie , règles qu'il a estimées devoir s'appliquer en France 84 ( * ) .

Nassr Edine Errami a également observé au cours de la table ronde du 14 janvier 2016 que l'Arabie saoudite avait contribué au financement de la Mosquée de Strasbourg . Il a à cet égard jugé que la France « faisait preuve d'incohérence en souhaitant lutter contre l'intégrisme religieux et la radicalisation des jeunes, tout en permettant aux imams d'exprimer avec tant de liberté des valeurs qui ne correspondent pas à celles de la France ».

Tout se passe donc comme si la France déléguait à des pays étrangers, dont les valeurs ne correspondent pas nécessairement aux nôtres, deux aspects essentiels du fonctionnement de l'islam .

Ces sujets ont été abordés par la mission d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'islam en France. Ainsi Antoine Sfeir, spécialiste de l'islam et du monde musulman, remarquait-il le 3 février 2016 devant la mission d'information que la France avait fait venir « des prêcheurs saoudiens chez nous et, avec eux, l'islam radical ».

Le recours à des financements étrangers s'explique par la combinaison de deux facteurs :

- la loi de 1905 exclut le financement par l'État de la construction de lieux de culte 85 ( * ) et de la rémunération comme de la formation des ministres du culte ;

- quant aux départements où s'applique le Concordat, la religion musulmane n'y est pas reconnue.

Selon le directeur des libertés publiques, auditionné le 27 janvier 2016 par la mission d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'islam en France, 10 % des projets de construction de mosquée auraient recours à des financements étrangers ; environ 300 imams sont détachés par des pays étrangers et rémunérés par eux (150 par la Turquie, 120 par l'Algérie et 30 par le Maroc qui envoie en France par ailleurs plus de 220 imams pendant le Ramadan) 86 ( * ) .

Le Maroc assure la formation d'imams français à l'Institut Mohammed V de Rabat créé en 2015, cette formation de trois ans étant entièrement prise en charge par ce pays, comme l'a confirmé l'ambassadeur du Maroc lors de son audition par la mission d'information, le 23 mars 2016.

Certes, l'importance du fait que des imams exerçant leur mission en France aient été formés à l'étranger peut être relativisée, puisque comme l'a relevé notre collègue Bariza Khiari lors de son audition par la mission d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'islam en France, le 3 février 2016, « d'une certaine façon l'islam [libéré de l'emprise des États d'origine] existe déjà : c'est celui des imams autoproclamés, de ceux qui sont financés par des organisations caritatives du Moyen-Orient ».

Le recours à des formations par des pays étrangers a cependant pour conséquence une connaissance trop souvent limitée, par les imams, de la société française 87 ( * ) , voire la diffusion de valeurs plus ou moins compatibles avec celles de la République française, comme cela a été relevé à plusieurs reprises au cours des auditions de la mission d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'islam en France 88 ( * ) .

Il pose également des problèmes de compréhension des imams par les fidèles , puisque tous les imams exerçant en France ne parlent pas français et font parfois semble-t-il appel aux services de traducteurs.

Même si la question de la langue française peut être relativisée (l'imam de Brest qui a beaucoup fait parler de lui en octobre 2015, lors du Salon de la femme musulmane de Pontoise, parle très bien notre langue ; la seule chaîne francophone parlant de l'islam que l'on capte en France est saoudienne 89 ( * ) ), le fait que des imams exerçant leur mission en France ne parlent pas notre langue peut être de nature à favoriser le recours à Internet, par des croyants en manque de repères, avec tous les dangers que comporte le marché religieux en ligne, comme cela a été vu plus haut.

Compte tenu de l'incidence potentielle, sur les droits des femmes dans notre pays, non seulement de l'intervention de certains pays à travers la rémunération et la formation des imams, mais aussi de l'influence de prédicateurs douteux exerçant leur influence sur les réseaux sociaux, en ligne ou sur les chaînes de télévision, la délégation estime nécessaire de réagir.

La délégation partage le jugement des rapporteurs de la mission d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'islam en France qui ont qualifié, dans leurs conclusions, de « palliatif » 90 ( * ) le fait que des imams soient détachés des pays d'origine, et qui se sont également déclarés défavorables au fait que des imams français soient formés à l'étranger 91 ( * ) .

Selon la délégation, tant qu'il sera nécessaire de recourir à des États étrangers pour la formation des imams exerçant sur le sol français, il convient que ces personnes soient formées aux valeurs qui fondent notre République, et plus particulièrement à l'égalité entre femmes et hommes.

Le directeur des libertés publiques a évoqué devant la mission d'information, le 27 janvier 2016, la renégociation des accords bilatéraux sur la formation des imams conclus avec les pays qui envoient des ministres du culte en France, « pour prévoir en particulier une clause de connaissance de la langue française, ou encore le passage d'un des diplômes universitaires dispensés en France ».

Ces diplômes universitaires sur le fait religieux et la laïcité 92 ( * ) , parmi lesquels le DU « Interculturalité, laïcité, religions » créé en 2008 par l'Institut catholique de Paris en partenariat avec le ministère de l'Intérieur, sont ouverts à des publics variés 93 ( * ) . Ils comportent des modules juridiques 94 ( * ) , historiques, sociologiques qui permettent de compléter la formation théologique des cadres religieux pour permettre à ceux-ci de mieux connaître la réalité juridique et institutionnelle française.

La délégation considère ces formations avec intérêt.

Elle a abordé cette question au cours de sa réunion du 6 octobre 2016. Chantal Deseyne a estimé que si l'État ne saurait s'immiscer dans la formation théologique des ministres du culte, ce n'était pas le cas en revanche s'agissant des formations profanes qui leur sont proposées dans le cadre de ces diplômes universitaires. Corinne Féret a considéré que les cadres religieux de tous les cultes devaient être encouragés à suivre ces formations, au sein desquelles peuvent être organisés des modules relatifs à l'égalité entre femmes et hommes. Chantal Deseyne a également souligné l'importance de telles formations non seulement pour les ministres du culte, mais aussi pour les aumôniers et aumônières.

Par ailleurs, la délégation estime que les accords bilatéraux sur la formation des imams conclus avec des États étrangers devraient intégrer, outre la connaissance de notre langue qui semble un prérequis, l'engagement des pays partenaires à procéder à une sensibilisation systématique de ces personnes à l'égalité entre femmes et hommes en France et pour prévoir que les imams envoyés en France s'engagent à respecter, dans le cadre de leur mission, l'égalité des sexes.

Enfin, ainsi que Gérard Larcher, président du Sénat, le faisait observer dans son rapport précité au Président de la République, il semble souhaitable de « contrôler plus étroitement les financements des lieux de culte et la prise en charge financière des imams et des cadres religieux musulmans, par des États étrangers ou des entités qui leur sont liés. » 95 ( * ) .

Tel était d'ailleurs le sens de la recommandation formulée par notre collègue Hervé Maurey, au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales 96 ( * ) : il s'agissait de promouvoir la transparence en matière de financement des lieux de culte à travers l'obligation faite aux maîtres d'ouvrage de produire un plan de financement pour chaque projet de construction d'édifice cultuel.

La délégation soutient, dans cette logique, les initiatives qui visent à favoriser la transparence du financement des lieux de culte, à travers par exemple le projet actuellement à l'étude de création d'une nouvelle association cultuelle dont le statut imposerait la production de comptes certifiés.

En conclusion, la délégation considérerait comme une évolution positive que les cadres religieux, de tous les cultes, soient encouragés, parallèlement à la formation théologique propre à chaque culte, à suivre les diplômes universitaires sur le fait religieux et la laïcité, et que ces diplômes comportent un enseignement sur l'égalité entre femmes et hommes, valeur fondamentale de notre République.


* 47 Ainsi que l'a affirmé devant la mission d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'islam en France le président du Comité de coordination des Musulmans turcs de France, le 30 mars 2016 : « Aujourd'hui, le plus grand imam qui s'exprime en français, c'est Google , mais il ne raconte pas l'islam . »

* 48 p. 96.

* 49 p. 97.

* 50 Selon le vice-président du Rassemblement des Musulmans de France, auditionné le 30 mars 2016 par la mission d'information du Sénat sur l'organisation, la place et le financement de l'islam en France, il s'agit d'un « jeune des quartiers qui a voulu se former tout seul », d'un « autodidacte qui a énormément de lacunes », « ce n'est tout simplement pas un imam du tout : son discours n'a rien à voir avec la théologie musulmane » .

* 51 http://www.lavoixdunord.fr/region/le-sulfureux-imam-de-brest-invite-d-honneur-d-une-ia24b58797n341623 ;

30 mars 2016.

* 52 https://www.youtube.com/watch?v=FGB0WIfd2FY

* 53 Vidéo visionnée le 11 mai 2016, capture d'écran de la même date.

* 54 https://www.youtube.com/watch?v=lakB8ec_JeQ ; vidéo visionnée le 11 juillet 2016.

* 55 https://www.youtube.com/watch?v=pTHBiogxV5E

* 56 Delphine Horvilleur, « Je rêve de ne plus vivre en terre obscure », Obscurantisme ? , revue Tenoua , janvier 2015.

* 57 http://rmc.bfmtv.com/emission/delphine-horvilleur-rabbin-de-france-les-religions-ont-toutes-un-probleme-avec-les-femmes-946564.html (26 janvier 2016).

* 58 Stock, 2016.

* 59 Op. cit., p. 69.

* 60 Op. cit., pp. 10-11-12.

* 61 Désamorcer l'islam radical , Les éditions de l'atelier, 2014, p. 42.

* 62 Article de la Nezavissimaïa gazeta cité par Courrier international , « Russie. Ces dames sont priées d'aller se rhabiller », 27 janvier 2011.

* 63 Delphine Horvilleur, En tenue d'Ève - féminin, pudeur et judaïsme, Grasset, 2014, p. 17.

* 64 Delphine Horvilleur, op. cit., p. 18.

* 65 Selon le quotidien Haaretz , cité par Delphine Horvilleur, op. cit., p. 99.

* 66 Dounia Bouzar, Désamorcer l'islam radical , Les éditions de l'atelier, 2014, p. 156.

* 67 Dounia Bouzar, Désamorcer l'islam radical , Les éditions de l'atelier, 2014, p. 157.

* 68 Dounia Bouzar, Désamorcer l'islam radical , Les éditions de l'atelier, 2014, p. 136.

* 69 Dounia Bouzar, Désamorcer l'islam radical , Les éditions de l'atelier, 2014, p. 131.

* 70 Claude Guibal, Islamistan - Visages du radicalisme , Stock, 2016, pp. 186-187.

* 71 Évoqué par Claude Guibal, Islamistan - Visages du radicalisme , Stock, 2016, p. 164.

* 72 On trouvera une analyse complète dans The Fundamentalism Project , Martin E. Marty and R. Scott Appleby, The University of Chicago Press. En ligne : http://www.press.uchicago.edu/ucp/books/series/FP.html

* 73 Glossaire publié sur le site eglise.catholique.fr (édité par la Conférence des évêques de France).

* 74 http://www.civitas-institut.com/

* 75 Cité par Fabien Jannic-Cherbonnel, « Comment l'islamisme est-il devenu un extrémisme ? », Slate.fr, 9 février 2015.

* 76 Bernard Godard, Sylvie Taussig, Les Musulmans en France. Courants, institutions, communautés : état des lieux. Robert Laffont, 2007, p. 74.

* 77 http://www.terrafemina.com/article/djihadisme-au-feminin-qui-sont-ces-femmes-pretes-a-mourir-pour-daech_a294440/1 ; 18 novembre 2015.

* 78 Selon le Guide interministériel de prévention de la radicalisation publié en mars 2016 et disponible en ligne, « L'implication du réseau dans la prévention de la radicalisation s'avère indispensable pour repérer d'une part les femmes, mineures et majeures, risquant de basculer vers la radicalisation, d'autre part les familles face à leurs filles et leurs fils en danger. » (p. 60).

* 79 Traite des êtres humains, esclavage moderne : femmes et mineur-e-s, premières victimes , n°  448 (2015-2016). Le compte rendu de cet entretien est reproduit en annexe.

* 80 http://www.terrafemina.com/article/djihadisme-au-feminin-qui-sont-ces-femmes-pretes-a-mourir-pour-daech_a294440/1 ; 18 novembre 2015.

* 81 http://www.terrafemina.com/article/djihadisme-au-feminin-qui-sont-ces-femmes-pretes-a-mourir-pour-daech_a294440/1 ; 18 novembre 2015.

* 82 N° 650, 2010-2011.

* 83 On observe que, dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté a été inséré, en première lecture à l'Assemblée nationale, un article prévoyant, à l'article L. 100-1 du code du sport, que « L'égal accès des hommes et des femmes aux activités sportives, sous toutes leurs formes, est d'intérêt général » et précisant, à l'article L. 100-2 de ce code, que « L'État, les collectivités territoriales et leurs groupements, les associations, les fédérations sportives, les entreprises et leurs institutions sociales [...] veillent à assurer un égal accès aux pratiques sportives sur l'ensemble du territoire ». L'article 56 du projet de loi (numérotation provisoire) a été adopté par le Sénat dans le texte transmis par l'Assemblée nationale.

* 84 Le directeur des libertés publiques a affirmé, lors de son audition par la mission d'information, le 27 janvier 2016, que les frais de fonctionnement de la Grande mosquée de Paris étaient pris en charge par l'Algérie.

* 85 Selon le directeur des libertés publiques, auditionné par cette mission d'information le 27 janvier 2016, il y a en France environ 2 500 lieux de culte musulmans pour une population estimée à 4 millions de musulmans.

* 86 Précision apportée par le directeur des libertés publiques lors de son audition par la mission d'information, le 27 janvier 2016.

* 87 Le directeur des libertés publiques a observé, lors de son audition par la mission d'information, le 27 janvier 2016, que les imams « parlent mal le français et connaissent peu la société française, ayant été formés dans leur pays d'origine ».

* 88 Le vice-président du Rassemblement des musulmans de France, auditionné le 30 mars 2016, a ainsi évoqué la nécessité pour les futurs imams « d'une pédagogie et d'un discours structuré répondant aux besoins de la France » et a pointé la difficulté que constitue aujourd'hui la formation des imams en France « dans un institut désintéressé qui ne serait influencé par aucune idéologie, ni pays étranger ».

* 89 Voir le compte rendu de l'audition de Bariza Khiari, sénatrice, par la mission d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'islam en France, le 3 février 2016.

* 90 De l'Islam en France à un Islam de France, établir la transparence et lever les ambiguïtés , n° 757, 2015-2016, p. 36.

* 91 De l'Islam en France à un Islam de France, établir la transparence et lever les ambiguïtés , n° 757, 2015-2016, p. 54.

* 92 Selon un article du journal Le Monde.fr du 4 mars 2015, « De nouveaux diplômes universitaires de laïcité vont être créés », on comptait six DU en mars 2015 et le doublement de leur nombre était alors prévu. Le rapport de la mission d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'islam de France (n° 757, 2015-2016), publié en juillet 2016, fait référence à l'existence de 13 diplômes universitaires (DU) de ce type en France, 14 si l'on compte le DU de l'université de Rennes 1 dont ce rapport annonçait la mise en place à la rentrée de 2016. Une autre formation comparable a commencé ses travaux en septembre 2016 à Sciences Po-Paris (L'amphithéâtre des religions « Emouna »).

* 93 Cadres religieux, personnels des collectivités territoriales, des organismes cultuels, enseignants, responsables associatifs, ... Selon le rapport de la mission d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'islam de France, ces formations accueillent un tiers de cadres de toutes les religions.

* 94 Le DU de l'université de Rennes 1 « Religions, droit et vie sociale » propose dans le domaine juridique des enseignements, entre autres modules, sur les libertés publiques, la fiscalité des cultes, le statut des ministres des cultes et le régime des associations cultuelles...

* 95 Gérard Larcher, op. cit., p 43.

* 96 Hervé Maurey, Les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte , n° 345, 2014-2015, recommandation n° 7, p. 101.

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