II. L'INFLUENCE POSITIVE DU SÉNAT AU COURS DES NÉGOCIATIONS SUR LES TEXTES EUROPÉENS

1. Rappel sur les propositions de résolution européenne

L'article 88-4 de la Constitution permet au Sénat, comme à l'Assemblée nationale, de voter des résolutions sur les textes européens avant qu'ils ne soient adoptés par les institutions européennes et deviennent des directives, des règlements ou des décisions de l'Union.

À cet effet, le Gouvernement doit soumettre au Sénat tous les projets d'acte de l'Union européenne, dès leur transmission au Conseil. Mais le Sénat peut également, de sa propre initiative, et depuis la révision constitutionnelle de 2008, se saisir de « tout document émanant d'une institution de l'Union » , par exemple un rapport, un livre vert ou un document préparatoire.

La commission des affaires européennes est chargée d'examiner systématiquement les projets d'actes de l'Union soumis au Sénat par le Gouvernement, afin de déterminer ceux d'entre eux qui ont un enjeu important et soulèvent des difficultés. Elle peut prendre l'initiative d'une résolution européenne, qui est alors soumise à l'approbation de la commission compétente au fond, ou de la séance plénière du Sénat.

La réserve d'examen parlementaire

Afin de garantir la possibilité de prendre en compte les résolutions des assemblées , des circulaires du Premier ministre ont mis en place une « réserve d'examen parlementaire » .

Ce mécanisme assure au Sénat, comme à l'Assemblée nationale, un délai de 8 semaines pour manifester sa volonté de se prononcer sur un projet d'acte législatif européen. Lorsqu'une telle volonté s'est clairement manifestée, le Gouvernement doit éviter de prendre une position définitive au Conseil et, si nécessaire, doit proposer un report du vote du Conseil pour que la résolution puisse être prise en compte.

Par une résolution européenne, le Sénat prend position sur un texte à l'intention du Gouvernement , en lui indiquant des objectifs à poursuivre pour la négociation au sein du Conseil.

Mais que fait le Gouvernement des résolutions européennes votées par le Sénat ?

Ce rapport démontre que les résolutions européennes du Sénat ont des conséquences directes sur les négociations qui conduisent à l'élaboration de la législation européenne et donc, du fait de la transposition des directives, sur la législation française.

Comme l'a indiqué le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, M. Harlem Désir, au cours de son audition par votre commission des affaires européennes consacrée au suivi des résolutions européennes du Sénat, le 26 janvier dernier, « de nombreuses idées et propositions formulées par la Haute Assemblée sont prises en compte dans les compromis adoptés par les institutions européennes ».

2. Les suites données aux résolutions européennes du Sénat

Les suites données aux résolutions européennes votées par le Sénat ne sont pas encore nécessairement toutes connues , dès lors que l'état d'avancement des négociations varie d'un dossier à l'autre.

Du reste, les résolutions du Sénat peuvent connaître des suites d'autant plus favorables qu'elles sont mises en avant, voire soutenues par le Gouvernement au cours des négociations au Conseil.

Enfin, les suites données s'apprécient différemment selon le texte de la résolution elle-même qui peut porter sur un sujet plus ou moins circonscrit et sur un projet d'acte de nature législative ou non. Ainsi, certaines résolutions poursuivent un dessein plus politique que technique, par exemple lorsqu'il s'agit de se positionner dans un débat public, et leur portée pratique est alors moins évidente. Il est dès lors logique que l'information sur leur suivi revête une dimension moins opérationnelle.

D'une façon quelque peu schématique, il est possible de classer les résolutions européennes du Sénat en trois catégories quant aux suites qu'elles ont reçues : une prise en compte complète, ou presque complète, une mise en oeuvre partielle et une absence de suites.

a) Le Sénat a été totalement ou très largement suivi dans environ deux tiers des cas

Sur les vingt-deux résolutions européennes analysées dans le présent rapport, quinze , soit 68 %, contre un peu plus de la moitié l'année dernière, ont été prises totalement ou très largement en compte au cours des négociations, voire dans le texte européen définitif.

Les positions défendues par le Sénat ont connu des suites largement positives sur sa résolution portant sur le paquet « mieux légiférer » . En effet, le compromis trouvé sur l'accord interinstitutionnel relatif à l'amélioration de la réglementation répond aux objections formulées par le Sénat.

L'accord interinstitutionnel, formellement adopté en mars 2016, constitue un excellent résultat compte tenu des difficultés relevées en début de négociation et des objectifs que la France s'était fixés. Il prévoit en effet :

- l'association du Conseil à l'élaboration du programme de travail annuel de la Commission de manière équivalente au traitement dont bénéficiait déjà le Parlement européen et un approfondissement de ce dialogue : la Commission mettra à disposition du Conseil et du Parlement européen une lettre d'intention détaillée sur les nouvelles priorités de l'année n+1 et les intentions de retraits d'actes législatifs ;

- le caractère systématique et obligatoire de la consultation des experts des États membres préalablement à l'adoption des actes délégués et le renouvellement de cette consultation en cas de modification matérielle de la proposition initiale. Les experts du Parlement européen participent aux réunions sans toutefois être consultés au même titre que ceux des États membres. L'accord a également prévu la mise en place, d'ici fin 2017, d'un registre des actes délégués ;

- l'amélioration de la qualité des études d'impact des actes législatifs, des actes d'exécution et des actes délégués et des modalités de leur contre-expertise scientifique et politique. Une attention particulière est réservée aux PME, consultées si possible directement. Les avis du comité d'examen de la réglementation seront publiés. Les objectifs de simplification sont énoncés en respectant les points de vigilance traditionnels des autorités françaises.

Par ailleurs, plusieurs intérêts français ont également été sauvegardés tels que : la qualité des études d'impact sans modification des équilibres institutionnels de la procédure législative ordinaire - la Commission souhaitait initialement imposer des études d'impact préalablement au dépôt d'amendements dits « substantiels » et mettre en place un panel interinstitutionnel permettant à chaque institution impliquée dans le processus législatif d'évaluer les études d'impact des deux autres : le texte obtenu se contente de fixer de nouveaux objectifs non contraignants et d'énumérer des bonnes pratiques ; l'invitation faite aux États membres à identifier les éléments qui n'ont aucun rapport avec l'acte législatif transposé dans un souci d'éviter la sur-transposition ; l'absence d'ouverture des groupes de travail du Conseil à des représentants du Parlement européen ; l'absence de concession aux partisans d'une exception à la consultation des experts des États membres lorsque les propositions d'actes délégués émanent des autorités de supervision européennes.

Seul le volet de la résolution relatif au renforcement du dialogue politique entre la Commission et les parlements nationaux, avec l'émergence d'un véritable droit d'initiative, ou « carton vert », n'a pas été relayé dans le compromis. On doit le regretter, mais les débats en ce sens se poursuivent au sein de la COSAC.

Le Sénat a également obtenu satisfaction sur la mise en oeuvre du plan d'investissement pour l'Europe (« plan Juncker »), qui vise à mobiliser 315 milliards d'euros en trois ans, et auquel il accorde une grande attention, ayant adopté trois résolutions sur ce dispositif particulièrement important pour dynamiser l'économie européenne.

Ce plan d'investissement a fait l'objet de trois évaluations récentes en 2016 : le 14 septembre, par la Commission, le 6 octobre, par la Banque européenne d'investissement (BEI), et le 14 novembre, par Ernst & Young, ainsi que d'un avis de la Cour des comptes européenne, le 11 novembre 2016. Ces évaluations sont globalement positives et visent des éléments d'amélioration qui ont été, de façon substantielle, traités dans les propositions de modification du règlement instituant le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) présentées par la Commission le 14 septembre 2016.

Au 15 novembre 2016, au titre du volet « Infrastructures et innovation », 385 opérations avaient été approuvées. Elles couvraient la quasi-totalité des pays de l'Union européenne. L'investissement total engendré devrait avoisiner 154 milliards d'euros, soit 49 % de l'objectif cible, dont 27 milliards approuvés par les instances du groupe BEI. Le secteur de l'énergie représentait 22 % du total des investissements financés par le FEIS, le secteur recherche, développement et innovation 20 %, les technologies numériques 11 %. Les PME représentaient 32 % des investissements. À la fin novembre 2016, la France était le deuxième bénéficiaire en termes de montants de financements approuvés dans le cadre du FEIS, soit 3,6 milliards d'euros pour des projets approuvés par le groupe BEI sur les deux volets du FEIS (« infrastructures et innovations » et « PME »), pouvant conduire à un montant total d'investissements de près de 18 milliards d'euros et à 46 projets.

Le comité d'investissement du FEIS est opérationnel depuis le début de l'année 2016. Le portail européen de projets d'investissements est en ligne depuis le 1 er juin 2016. À la fin novembre 2016, il comptait plus de 130 projets répartis sur 25 États membres, représentant des opportunités de plus de 50 milliards d'euros, à 70 % d'origine privée.

La résolution du Sénat appelait à un renforcement des relations entre la BEI et les banques nationales de développement (Caisse des dépôts et consignations et Bpifrance en France) dans la mise en oeuvre du plan. Neuf États membres ont annoncé en 2015 leur contribution au « plan Juncker » par l'intermédiaire de leur banque nationale de développement pour un total de 42,6 milliards d'euros, dont la France pour un montant de 8 milliards. Selon la BEI, plus d'un tiers des opérations signées à fin juin 2016 dans le cadre du FEIS impliquaient des co-financements de la part de banques nationales de développement. Plus généralement, la mise en oeuvre du plan a été l'occasion d'un dialogue plus étroit et régulier entre le groupe BEI et les banques nationales de développement. De nouvelles initiatives ont été mises en oeuvre, en particulier le lancement d'une plateforme de capital-investissement, en coopération avec près de 30 institutions, dont Bpifrance. Une autre initiative concerne la titrisation, également avec Bpifrance. La collaboration entre la BEI et les banques nationales de développement se fait au niveau de projets cofinancés, comme à celui des activités de la plateforme européenne de conseil en investissement. Une plateforme de coopération est en cours de création en lien étroit avec les banques nationales de développement.

La résolution du Sénat appelait à la gratuité pour les collectivités territoriales des services de la plateforme européenne de conseil en investissement (EIAH). Elle a obtenu gain de cause sur ce point. Elle insistait sur son rôle auprès des collectivités territoriales et sur l'accompagnement des PME. Cette plateforme a été mise en ligne le 1 er septembre 2016. Pour déployer ses services au niveau national, la BEI et la Commission ont travaillé en étroite collaboration avec les banques nationales de développement, ainsi qu'avec d'autres partenaires internationaux tels que la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et la Banque mondiale, pour améliorer la présence au plus près des territoires et fournir un soutien dans les zones actuellement non couvertes par la BEI. En parallèle, celle-ci développe également son réseau de bureaux de représentation locaux. Les collectivités territoriales peuvent faire appel à l'EIAH pour structurer leurs projets. Fin septembre 2016, l'EIAH avait reçu 257 demandes provenant des 28 États membres, dont 50 % du secteur privé et 40 % des secteurs des transports, énergie et télécoms. Il était prévu qu'à la fin 2016, elle emploie une cinquantaine de personnes et fonctionne avec un budget annuel de 26,6 millions d'euros. 26 projets au titre du FEIS avaient bénéficié de l'appui de l'EIAH.

La résolution européenne appelait également l'attention sur l'importance du 3 e pilier du plan d'investissement qui vise à faciliter et promouvoir l'investissement par des évolutions règlementaires adéquates dans les États membres. Ce volet est sans doute le moins documenté, même si les travaux se poursuivent au Conseil, selon quatre axes principaux : performances et barrières nationales à l'investissement, investissement en infrastructures, investissements intangibles et fragmentation des marchés financiers (plan d'action sur l'union des marchés de capitaux en particulier).

Surtout, la résolution du Sénat demandait à ce qu'une place importante soit accordée aux collectivités territoriales dans la mise en oeuvre du plan d'investissement. Les objectifs de cohésion sont intégrés dans les cibles annuelles de la BEI et l'ont été dans le nouveau règlement sur le FEIS. Une augmentation sensible, au cours du second semestre 2016, du nombre de projets approuvés dans les pays de la cohésion et/ou se situant dans des territoires en cohésion de pays plus avancés peut être notée. La Commission souhaite faciliter la combinaison des ressources des fonds structurels et d'investissement européens dans des projets couverts par le FEIS. Un soutien spécifique est déjà possible dans le cadre de l'EIAH et des projets ont déjà été approuvés illustrant la possibilité de combiner ce type de ressources, par exemple pour le projet Troisième révolution industrielle dans les Hauts-de-France. Le Comité des régions de l'Union européenne a été associé aux négociations du règlement ayant institué le FEIS. Il est prévu que les organes de gouvernance du FEIS se réunissent avec le Comité des régions en 2017. En France, le Commissariat général à l'investissement (CGI) est chargé de la cartographie et du recensement des projets, ainsi que d'une partie de leur suivi opérationnel, en lien avec les porteurs de projets et les équipes du bureau français de la BEI. Le CGI dispose d'un rôle de conseil et d'orientation, même s'il ne constitue pas un point de passage obligé pour les projets qui sont présentés. C'est pourquoi les collectivités territoriales sont incitées à solliciter des échanges préalables avec le CGI pour optimiser leur chance de réussite. D'ailleurs, des initiatives ont déjà été mises en oeuvre par les collectivités pour tirer pleinement profit des opportunités offertes dans le cadre du plan d'investissement pour l'Europe, en particulier en France. Au cours de ses visites en région, la BEI rencontre les autorités locales comme le secteur privé et partage les opportunités déjà réalisées dans d'autres collectivités.

Dans un tout autre domaine, celui des possibilités de pêche pour certains stocks halieutiques et groupes de stocks halieutiques, le Sénat a obtenu une large satisfaction. Le texte de la Commission visait à réduire de façon drastique les possibilités de pêche au bar . Certes, l'état du stock halieutique justifiait cette proposition car les mesures effectuées par le Conseil international pour l'exploration de la mer révélaient une situation critique et, en 2015, la Commission et le Conseil avaient adopté une série de mesures d'urgence tout à fait justifiées. L'économie générale du texte n'appelait donc pas d'observation. En revanche, le texte de la Commission revêtait un aspect sans doute excessif car il proposait un arrêt total des pêches au bar pendant six mois, une mesure draconienne qui ne tenait compte ni des responsabilités des pêcheries ni du risque qu'elle faisait supporter par une partie des pêcheurs. Le stock de bar a considérablement souffert de l'arrivée de la pêche au chalut, une pêche massive qui s'est accrue de 80 % en dix ans et qui est responsable aujourd'hui de 80 % des pêches professionnelles. Or, la mesure frappait indistinctement la pêche au chalut et les autres pêches, artisanales, notamment la pêche des ligneurs (pratiquée avec des hameçons accrochés à des lignes).

De manière à faire cette distinction, la résolution du Sénat visait à moduler la durée d'interdiction selon les modes de pêche (6 mois pour les chaluts, 3 mois pour les ligneurs) et à relever le pourcentage autorisé des prises accessoires. Lorsque cette question a été débattue au Conseil, en décembre 2015, la proposition de la Commission a été corrigée dans le sens souhaité par la résolution du Sénat, avant même que ce texte ne devienne définitif : la période d'interdiction de pêche a été modulée selon les types de pêche, soit 6 mois pour les chaluts et 2 mois pour les ligneurs, soit un mois de moins que la mesure préconisée par le Sénat. En revanche, le pourcentage des prises accessoires n'a pas été modifié, mais le poids total des captures a été légèrement relevé.

Le Sénat a également obtenu gain de cause sur la question des importations de sucre . À la suite des travaux de sa délégation à l'outre-mer, il a adopté une résolution européenne prenant appui sur une disposition de l'accord de libre-échange conclu en août 2015 entre la Commission européenne et le Vietnam, qui prévoit l'octroi au Vietnam d'un contingent de 20 000 tonnes de sucre, contingent incluant les sucres spéciaux qui constituent une filière vitale pour les régions ultrapériphériques (RUP) françaises.

La résolution incite la Commission à agir sur la nécessaire cohérence entre la politique commerciale européenne, d'une part, et les politiques agricole et de cohésion, d'autre part, notamment pour ce qui concerne les RUP. Leurs spécificités doivent être prises en compte et leurs avantages et leurs handicaps comparatifs valorisés. En particulier, les sucres spéciaux doivent être exclus des futurs accords commerciaux. Le texte demandait aussi l'inflexion de l'équilibre négocié avec le Vietnam pour, au minimum, aboutir à un contingent réduit de 280 tonnes de sucres spéciaux. Il soutenait aussi la prise en compte systématique par la Commission des intérêts spécifiques des RUP dans les négociations commerciales.

Les négociations finales conduites par la Commission, à la demande de la France, avec le Vietnam, ont permis que le texte finalisé de l'accord prévoie un contingent de 400 tonnes de sucres spéciaux dans le cadre du contingent initial de 20 000 tonnes de sucre.

La position exprimée par le Sénat dans sa résolution sur les conséquences du TTIP pour l'agriculture et l'aménagement du territoire a trouvé un écho extrêmement positif auprès du Gouvernement.

La résolution dénonce la situation de l'agriculture française vis-à-vis de ses concurrents nord-américains dans toute une série de domaines : élevage, filière laitière, indications géographiques françaises, règles sanitaires en matière alimentaire, de bien-être animal, de protection de l'environnement et d'occupation de l'espace. Notre agriculture subit en effet le contrecoup d'écarts de compétitivité qui la confrontent à une concurrence inégale. Enfin, la résolution rappelle les principes de transparence et de contrôle démocratique qui doivent présider aux négociations du TTIP. À l'initiative de la commission des affaires européennes, le texte initial de la proposition de résolution a été complété sur différents points : faire valoir les aspects positifs que la conclusion d'un accord équilibré pourrait apporter au secteur agricole français ; rappeler le nécessaire respect de normes sanitaires et phytosanitaires exigeantes ; mentionner explicitement l'importance de la reconnaissance et de la protection des indications géographiques comme intérêt offensif ; préserver les produits classés sensibles de tout traitement particulier de fin de négociation ; faire en sorte qu'au-delà des actions de transparence et d'information initiées par le Gouvernement, la Commission obtienne du partenaire américain une ouverture et une transparence comparables à celles dont celui-ci bénéficie de la part de l'Union européenne.

Au cours du débat en séance publique, durant lequel la proposition de résolution a été adoptée par le Sénat, le 4 février 2016, M. Matthias Fekl, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, a notamment déclaré : « Réciprocité, défense de nos préférences collectives, attention portée aux secteurs sensibles et à l'ensemble des secteurs de l'agriculture française, ambition et détermination dans la levée des obstacles au commerce avec les États-Unis - en particulier l'accès au marché : voilà quelques-uns des piliers de la position de la France en matière agricole. Ils correspondent totalement, je crois, à l'esprit de la proposition de résolution européenne qui est soumise aujourd'hui à votre appréciation et dont le Gouvernement partage tant l'esprit que la lettre ».

Depuis l'adoption de cette résolution, les négociations sur le TTIP, difficiles, ont été de facto suspendues. Pour autant la « jurisprudence » née de la finalisation, en octobre 2016, de l'accord de libre-échange UE-Canada (AECG) sur ces mêmes sujets doit être valorisée.

L'AECG a en effet finalement été signé le 27 octobre 2016, complété par une déclaration interprétative conjointe de l'Union européenne et du Canada et par de nombreuses déclarations émanant soit d'États membres, soit de la Commission et du Conseil.

Plus particulièrement, trois déclarations - deux de la Commission et une du Conseil - concernent le volet agricole de l'accord et répondent à certaines des interrogations soulevées par les auteurs de la proposition de résolution initiale. Les deux premières confirment qu' « aucune disposition de l'accord [...] n'affectera la législation de l'Union européenne relative à la viande traitée aux hormones » ou celle concernant « l'analyse des risques et l'autorisation, l'étiquetage et la traçabilité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux génétiquement modifiés » . Il en va de même pour ce qui est des « produits génétiquement modifiés destinés aux cultures » . La déclaration du Conseil, pour sa part, rappelle que l'Union européenne garde sa « capacité à utiliser tous les instruments de sauvegarde nécessaires pour protéger pleinement tout produit agricole sensible » . Par ailleurs, en cas de déséquilibre de marché « pour un produit agricole, quel que soit le secteur » , la Commission s'engage aussitôt à prendre les mesures pour rétablir l'équilibre du marché. Ces engagements solennels - qui reprennent pour l'essentiel des dispositions déjà contenues dans l'accord lui-même - devront constituer la référence de base à tout accord conclu, sur ce secteur agricole, dans le cadre des négociations transatlantiques.

Sur l' application des règles européennes de concurrence par les autorités nationales , le Sénat avait adopté une résolution intervenant très en amont de la procédure, puisque la consultation publique de la Commission n'était pas encore achevée. Cette démarche avait précisément pour objectif de connaître les intentions gouvernementales sur ce sujet important et, dans la mesure du possible, de les orienter. Compte tenu de cette spécificité, le Gouvernement n'a pas transmis de fiche de suivi sur ce dossier qui n'a pas encore donné lieu à une proposition législative de la Commission, mais a communiqué à votre commission la réponse qu'il a apportée, le 10 mars 2016, à cette consultation publique. Sur cette question, dont les conséquences sont cruciales pour la compétitivité de l'économie européenne et la réindustrialisation de notre continent, le Sénat et le Gouvernement se retrouvent sur plusieurs aspects.

Ils partagent notamment le constat selon lequel les autorités nationales de concurrence jouent un rôle clé dans l'application des règles de concurrence de l'Union européenne aux côtés de la Commission et que de fait, elles doivent disposer des moyens et des instruments qui permettent une réelle mise en oeuvre du droit de la concurrence. La France dispose certes d'une cadre institutionnel de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles nationales et communautaires efficace, mais ce n'est pas le cas partout en Europe : certaines autorités nationales de concurrence peuvent être confrontées à des difficultés liées à leurs pouvoirs d'enquête, à leur capacité à infliger des amendes dissuasives ou à des questions de ressources et de personnel nécessaires à leur autonomie et leur indépendance. Le fait que ces disparités demeurent peut nuire à l'efficacité du droit européen de la concurrence et est source d'inégalité de traitement entre les entreprises. Surtout, le Gouvernement, dans sa contribution à la consultation publique, insistait « sur le fait que, quelle que soit l'action entreprise, celle-ci doit être menée dans le respect de l'autonomie institutionnelle et procédurale et des traditions juridiques de chaque État membre et ne doit pas conduire à remettre en cause les méthodes de fonctionnement des systèmes qui ont fait la preuve de leur efficacité ». Il s'agit de la même position que celle du Sénat sur la préservation de l'autonomie procédurale des autorités nationales de concurrence. De cette contribution, qui présente la situation française et celle de l'Autorité de la concurrence en particulier, à travers trois aspects - les ressources et l'indépendance ; les outils disponibles pour mettre en oeuvre le droit de la concurrence ; le système national de sanctions -, il ressort que le Gouvernement partage les positions du Sénat sur ces différentes questions. Tout juste peut-on relever que, sur le réseau européen de la concurrence, le Sénat va plus loin car, s'il salue le rôle de ce dernier dans l'harmonisation de l'application du droit européen de la concurrence, il « rappelle que ce réseau n'a pas vocation à créer des normes juridiques nouvelles et insiste sur la nécessité de rendre son fonctionnement plus transparent », sujets que le Gouvernement n'aborde pas.

Toutefois, lors de son audition sur le suivi des résolutions européennes, M. Harlem Désir a été amené à apporter d'utiles précisions sur la question du marché pertinent : « Les entreprises des télécommunications ont fait remarquer que, aux États-Unis et en Chine, dont les marchés sont comparables au marché européen par la taille, il y a trois ou quatre opérateurs, quand, malgré les concentrations, il y en a vingt ou vingt-cinq en Europe, du fait du morcellement historique du marché. Or la compétition est internationale. Ce qui est vrai dans ce domaine l'est aussi dans de nombreux autres. La question se pose donc : comment la politique de concurrence peut-elle ne pas empêcher l'émergence de champions européens, et comment pouvons-nous, au contraire, encourager des rapprochements industriels sur le modèle d'Airbus dans des domaines décisifs pour l'avenir, comme l'énergie ? Il faudrait sans doute que l'Europe se dote d'une grande entreprise capable de fabriquer des batteries électriques. De même, dans le domaine des transports ferroviaires, nous savons que la question se pose d'un rapprochement entre Alstom et Siemens. Si l'on empêche les entreprises européennes de nouer les alliances industrielles nécessaires, certaines sont, en définitive, absorbées par des entreprises non européennes, ce qui peut conduire au départ de centres de décision ou d'innovation et à des pertes d'emplois. Cette préoccupation est partagée par certains États membres, notamment l'Allemagne. J'ai été frappé, au cours des derniers mois, de voir l'évolution de l'état d'esprit sur ce sujet. Il faut maintenant que les institutions, à commencer par la Commission européenne et sa direction générale de la concurrence, fassent évoluer leur doctrine. [...] Toujours est-il que les entreprises européennes opèrent sur un marché mondial. D'où la nécessité de la réflexion sur le marché pertinent et sur la doctrine qui peut permettre à nos entreprises de faire face à leurs concurrents sur le marché mondial ». [...] Aujourd'hui, la question concerne essentiellement la doctrine de la Commission européenne, ou, pour le dire autrement, la manière dont elle apprécie les risques en faisant application des principes de concurrence ». Cette analyse est très proche de celle de votre commission des affaires européennes.

La résolution du Sénat sur le cristal , mettant en avant l'absence de tout risque de pollution par le plomb même dans l'hypothèse hautement improbable où de grandes quantités de lustres en cristal seraient mises en décharge, demandait la prorogation de l'exemption figurant à l'annexe III de la directive 2011/65/UE limitant l'utilisation de certaines substances dans les équipements électriques ou électroniques. Sur ce sujet, la consultation publique s'est terminée le 22 décembre 2016 et la Commission n'a pas encore fait de proposition. Dans cette attente, l'exemption est prorogée. Toutefois, l'expert mandaté par la Commission aurait publié ses conclusions l'été dernier. Selon les informations communiquées à votre commission, ces conclusions iraient dans le sens de la reconduction de l'exemption, ce qui donnerait satisfaction au Sénat.

Sur la réforme de la loi électorale de l'Union européenne , la résolution européenne, qui portait sur une résolution du Parlement européen, comportait un certain nombre de critiques, largement relayées par le Gouvernement.

Le Sénat partageait l'ambition du Parlement européen de moderniser le scrutin européen pour le rendre plus visible. Il souhaitait que le scrutin fasse suite à de réels débats sur les orientations politiques qui doivent être données à l'Union européenne et favorise l'expression du pluralisme politique. Sa résolution relève cependant que les solutions proposées par le Parlement européen ne sont pas adaptées. Il en va ainsi du projet de circonscription commune tel que contenu dans la proposition. Il apparaît peu explicite, contraire aux traités et à certaines traditions nationales et difficile à mettre en oeuvre compte tenu des décalages entre partis nationaux et formations politiques européennes. Il risque ainsi d'établir une distinction injustifiée entre parlementaires européens élus en son sein et ceux issus des autres circonscriptions. Il risque de surcroît d'institutionnaliser la procédure de désignation des candidats à la présidence - les Spitzenkandidaten - de la Commission, ce qui apparaît contraire aux traités. En outre, la résolution européenne conteste que la mise en place des règles d'incompatibilité entre le mandat des élus d'assemblées ou de parlements régionaux dotés de pouvoirs législatifs et celui de député européen soit abandonnée, les élus d'assemblées ou de parlements des régions ultrapériphériques et des pays et territoires d'outre-mer dotés de pouvoirs législatifs devant continuer à être représentés au sein du Parlement européen. Le Sénat note par ailleurs que l'harmonisation du droit électoral souhaitée par le Parlement européen ne concerne pas le volet du financement.

Au-delà de ces réserves, la résolution européenne appuie la mise en oeuvre d'un système d'échange d'informations entre les États membres au sujet des électeurs dès lors qu'il est simple d'utilisation et garantit la protection des données personnelles. Elle fait valoir que si l'utilisation de ce fichier doit conduire à la perte d'un droit de vote, des voies de recours doivent être prévues. Enfin, le Sénat souhaite la mise en place d'une circonscription commune pour les citoyens de l'Union résidant dans les pays tiers afin d'assurer à ceux-ci, de manière systématique et égale, le droit à une représentation au Parlement européen.

Le Gouvernement considère, comme le Sénat, que la mise en oeuvre d'une circonscription unique et de listes transnationales semble complexe à réaliser et qu'elle viendrait institutionnaliser la procédure des Spitzenkandidaten , rompant ainsi avec l'équilibre des traités. Les autorités françaises ont donc émis un avis défavorable au Conseil sur cette mesure, qui, à ce stade, ne fait plus partie des mesures susceptibles d'être reprises. Le Gouvernement a également soutenu la position du Sénat dans le cadre des travaux au Conseil en ce qui concerne la création de nouvelles incompatibilités. Une telle disposition, qui vise les membres du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, ne fait plus partie des mesures susceptibles d'être reprises par le Conseil. Comme le Sénat, le Gouvernement s'oppose à l'intégration dans le droit européen d'éléments relevant de la pratique politique, à l'instar de la procédure de sélection des candidats ou du droit national, ainsi que la date d'établissement des listes. La date d'établissement des listes d'électeurs ne fait plus aujourd'hui partie des mesures susceptibles d'être reprises par le Conseil. Concernant le dépôt des candidatures, le projet de rédaction de la Présidence slovaque prévoit désormais qu'il doit se faire au plus tard 4 semaines avant le début de la période électorale et non plus 12 semaines, comme le proposait le Parlement européen. Les autorités françaises n'ont, dans ces conditions, plus d'objection à cette mesure. Comme le Sénat, les autorités françaises soutiennent la mise en place d'un système d'information sur les données relatives aux électeurs et aux candidats. En France, l'autorité compétente serait l'INSEE et celle compétente pour les données relatives aux candidats serait le ministère de l'Intérieur.

En revanche, pour le Gouvernement, la mise en oeuvre d'une circonscription commune, même réservée pour les citoyens de l'Union résidant dans les pays tiers, semble complexe à réaliser. Il appuie cependant le projet de rédaction de la Présidence slovaque visant à imposer à chaque État membre de permettre à ses ressortissants résidant dans un pays tiers de voter aux élections européennes.

Sur la réglementation viticole , le Sénat est intervenu très en amont.

Pour mémoire, l'architecture de la réglementation applicable en cette matière a d'abord pris la forme, en 2008, d'une organisation commune du marché du vin spécifique (« OCM vins ») qui a été intégrée l'année suivante, à droits constants, dans l'« OCM unique ». Pour autant, ces dispositions, toujours en vigueur, n'ont pas encore été réécrites en suivant les nouvelles procédures du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. L'éventualité du recours à des actes dérivés pour cette procédure est de nature à provoquer des inquiétudes quant à la préservation des normes de commercialisation, principalement l'étiquetage, les appellations d'origine protégée (AOP), ainsi que les indications géographiques protégées (IGP), autant de questions particulièrement sensibles pour les professionnels. Ces inquiétudes s'inscrivent d'ailleurs dans un contexte défavorable, lié à l'échec de la récente tentative de la Commission visant à déréguler le secteur viticole. À la suite d'une mobilisation de seize États membres, dont la France, et à laquelle le Sénat avait participé, la Commission européenne s'était trouvée politiquement dans l'obligation, en 2012, de renoncer à une réforme de grande ampleur du secteur, dont les modalités avaient été arrêtées en 2009. En résumé, le régime dit des « droits de plantation » qui devait s'appliquer a été finalement remplacé par celui - plus restrictif - des « autorisations de plantation ». Ce dernier, entré en vigueur le 1 er janvier 2016, a ramené le rythme de progression annuel des plantations nouvelles à 1 % de la surface nationale déjà plantée.

La résolution du Sénat a consisté à formuler cinq « lignes rouges », en demandant que : « Le processus engagé par la Commission européenne, sous couvert de simplification, ne disperse pas les dispositions applicables au secteur vitivinicole dans divers textes européens » ; « les dispositions relatives à l'étiquetage, les mentions traditionnelles et les indications géographiques continuent à être réunies dans un seul texte » ; « le maintien des outils de segmentation du marché permettant la distinction stricte entre des vins bénéficiant d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée et des vins sans indication géographique » ; « les outils de valorisation des indications géographiques, notamment par le biais des règles d'utilisation des mentions traditionnelles [...] nécessaires au rayonnement du secteur viticole » soient mis en valeur ; tandis que devrait être maintenue « l'interdiction, pour des vins sans indication géographique, d'indiquer une origine géographique plus petite que celle de l'État membre. »

Cette démarche avait été initiée à la suite de la révélation de l'existence d'un document de travail ( non paper ) faisant état de travaux préparatoires, mais non signé et n'engageant pas formellement la Commission. En définitive, le Sénat a souhaité agir, en quelque sorte de façon préventive, en veillant à ce que les actes délégués ou des actes d'exécution de la Commission ne remettent pas en cause la cohérence d'ensemble de la réglementation viticole.

En pratique, la résolution du Sénat a d'abord eu pour effet de provoquer un gel de toutes les discussions sur ce dossier, jusqu'à la fin de l'année 2016. Pour autant, les échanges ont repris très récemment, dans le courant du mois de décembre 2016. En effet, la Commission a lancé une consultation, toujours en cours, portant sur deux projets, un acte délégué et un règlement d'exécution, relatifs aux AOP, aux IGP, aux mentions traditionnelles à l'étiquetage et à la présentation de certains produits du secteur viticole.

La Commission devrait être en mesure de proposer de nouveaux projets de textes au cours du premier trimestre 2017. Mais, d'ores et déjà, dans leurs contacts avec les services de la Commission, les autorités françaises se sont prévalues de la position du Sénat. Ainsi, elles souhaitent que les projets de textes envisagés ne dispersent pas les dispositions applicables au secteur vitivinicole, tout particulièrement les dispositions relatives aux AOP, IGP et mentions traditionnelles, dans différents textes. De plus, elles demandent le statu quo en ce qui concerne les outils de segmentation du marché permettant de distinguer entre AOP/IGP, d'une part, et vins sans appellation, d'autre part, notamment le maintien de l'interdiction d'indiquer une origine géographique plus petite que celle de l'État membre pour les vins sans AOP ou IGP. Enfin, les autorités françaises estiment que les outils de valorisation des indications géographiques, tels qu'ils figurent dans le règlement (UE) n° 1308/2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles, sont essentiels au secteur vitivinicole.

La résolution européenne du Sénat sur la réforme de l'espace Schengen et la crise des réfugiés insistait sur l'équilibre à atteindre entre la responsabilité de chaque État membre pour la surveillance de sa partie de frontières extérieures et le maintien du système Dublin fondé sur la responsabilité de l'État de première entrée. Elle a aussi voulu faire admettre que la surveillance des frontières extérieures de l'espace Schengen était une compétence commune.

S'agissant du contrôle des frontières extérieures, la résolution demandait que les compétences de Frontex soient renforcées pour permettre à cette agence d'accéder au système d'information Schengen (SIS). Elle apportait son soutien à la proposition de règlement relative au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, ainsi qu'à la proposition de règlement modifiant le règlement n° 562/2006 en ce qui concerne le renforcement des vérifications dans les bases de données pertinentes aux frontières extérieures. Le Sénat souhaitait la mise en place d'un contrôle systématique et biométrique de toutes les entrées et sorties de l'espace Schengen, accompagné d'un enregistrement pour les ressortissants des pays tiers. Enfin, sur le droit d'asile, la résolution du Sénat appelait de ses voeux une réflexion sur l'harmonisation des jurisprudences des structures nationales chargées du traitement individuel des demandes d'asile et, partant, sur la définition d'une véritable politique européenne de l'asile. Elle émettait aussi l'avis qu'une solution pérenne pourrait résider dans la création, aux principaux points d'arrivée des migrants, de structures relevant de l'Union européenne pour l'hébergement, l'enregistrement, l'identification et l'orientation des migrants, en relevant que cette orientation pourrait s'articuler autour des principes posés par le règlement Dublin, mais aussi des programmes de relocalisation ou de réinstallation décidés par l'Union européenne.

Sur ces différents points, au coeur de l'actualité de l'Union européenne affectée par une crise migratoire sans précédent, un certain nombre d'avancées significatives ont été obtenues, qui répondent, pour partie, aux attentes exprimées par le Sénat dans sa résolution. Ces attentes ont été largement prises en compte au cours des négociations sur les différents textes et initiatives afférant à la réforme de l'espace Schengen et à la crise des réfugiés.

Sur la réforme de l'espace Schengen, les autorités françaises, considérant, comme le Sénat, que la maîtrise des frontières extérieures et des flux migratoires est indispensable à la préservation de la libre circulation, ont soutenu la mise en place d'un corps européen de garde-frontières passant par le renforcement du rôle et des opérations de Frontex et appelé à ce que les capacités de l'agence soient mises à l'épreuve dès que possible, à l'occasion d'un « test grandeur nature ». Elles ont soutenu la mise en oeuvre la plus rapide possible des différents systèmes d'information (SES, ETIAS). Pour la modification proposée du code frontières Schengen destinée à mettre en place des contrôles systématiques aux frontières extérieures, et afin de pouvoir appliquer au plus vite ces contrôles systématiques à tous les voyageurs, la Présidence s'est vu octroyer un mandat sur le champ des bases de données consultables et la durée de la période transitoire aux frontières aériennes sur une base maximale de 24 mois (6 + 18 mois au plus). La France a obtenu satisfaction sur la majorité des points sensibles, notamment pour ce qui concerne la consultation des bases de données nationales et européennes et les bases de données d'Interpol.

Au cours de son audition, M. Harlem Désir a apporté les précisions suivantes : « La déclaration UE-Turquie de mars dernier et la fermeture de la route des Balkans ont permis une réduction massive des flux migratoires en Méditerranée orientale, et donc des naufrages aux large des îles grecques. C'est pourquoi nous devons continuer dans cette voie, en restant vigilants, car d'une semaine à l'autre les variations des flux peuvent être considérables. [...] Nous avons obtenu une extension du mandat de l'opération EUNAVFOR MED Sophia, qui comprend désormais la lutte contre le trafic des armes au large de la Libye, car il est organisé par les mêmes passeurs, et la formation des garde-côtes libyens. Nous sommes en discussions avec nos partenaires libyens pour que cette formation soit aussi rapide que possible. Ainsi, les eaux territoriales libyennes seront mieux contrôlées. [Pour l'instant, les navires de l'opération Sophia] ne peuvent opérer que dans les eaux internationales. La formation des garde-côtes libyens doit remédier à cette lacune. Pour que nos navires puissent intervenir, il faudrait un mandat du Conseil de sécurité de l'ONU, ou bien un accord avec le Gouvernement libyen. Mais nous n'avons pas, pour l'instant, d'interlocuteur régalien suffisamment stable ou reconnu. Un processus politique soutenu par la France et les Nations unies, qui comporte un accord avec le général Haftar, devrait cependant aboutir à ce qu'un Gouvernement d'union nationale contrôle mieux le pays. Il nous faut aussi agir sur les causes profondes des migrations. Notre conviction est qu'une politique de développement et de partenariat avec les pays d'origine est nécessaire pour réduire durablement les migrations vers l'Europe. Un travail a ainsi été engagé pour la mise en oeuvre de cadres de partenariats avec cinq pays d'Afrique. La Haute Représentante a rendu compte lors du dernier Conseil européen des avancées, notamment avec le Mali et le Niger, qui sont des points de passage essentiels vers la Libye ».

Sur le droit d'asile, le Gouvernement, comme le Sénat, a salué les dispositions qui visent à mettre en oeuvre un régime d'asile européen commun efficace, à rendre les procédures plus rapides et efficaces ainsi qu'à réduire les mouvements secondaires. La France veille néanmoins à ce que soient prises en compte les spécificités nationales, notamment l'organisation administrative et judiciaire, aspect auquel le Sénat avait, lui aussi, accordé la plus grande importance. Les autorités françaises ont appuyé la facilitation de l'accès des services répressifs à la base de données EURODAC pour pouvoir effectuer les comparaisons d'empreintes. Elles ont aussi demandé une clarification des compétences respectives de la Commission et d'EASO, estimant que le rôle à confier à EASO en matière de contrôle et d'évaluation des systèmes nationaux d'asile ne devrait pas empiéter sur le rôle institutionnel de la Commission, ni affaiblir la relation de confiance que l'EASO a su construire jusqu'à présent avec les États membres, en assumant un rôle de soutien essentiellement. Sur le règlement de Dublin, les autorités françaises ont rappelé que la réforme du régime de l'asile ne se réduit pas à la question du partage et de la solidarité : les propositions visant à rendre les procédures plus rapides et efficaces ainsi qu'à réduire les mouvements secondaires sont aussi essentielles. S'il est clair qu'un mécanisme de solidarité plus efficace doit faire partie de cette réforme, celui qui est proposé par la Commission présente cependant des faiblesses rédhibitoires : par son automaticité, il est de nature à déresponsabiliser les États de première entrée ; sans aucune limite, il expose les autres États membres à supporter un effort sans capacité de maîtrise. Par ailleurs, les autorités françaises ont considéré que la réinstallation devait pouvoir continuer à se faire sur la base du volontariat, selon des objectifs et des modalités fixés au plan national, et qu'il est important de préserver le rôle central du HCR dans la procédure. Enfin, sur les règlements « procédure », « qualifications » et directive « accueil » qu'il convient de réviser compte tenu de la crise récente et de la nécessité de trouver des solutions pérennes, la France est réservée sur le choix d'une refonte dans le cadre de règlements, les États membres devant disposer de marges de manoeuvres suffisantes pour adapter les exigences de ces textes aux traditions nationales et aux particularités des organisations judiciaires et administratives internes. Plus spécifiquement sur la directive accueil, la France émet de fortes réserves sur la volonté de permettre l'accès des marchés du travail nationaux aux demandeurs d'asile dans le délai de six mois et sans opposabilité de la situation de l'emploi, une telle mesure ne pouvant que favoriser les mouvements secondaires. Elle continue de demander avec insistance l'adoption et la mise en oeuvre d'une procédure d'asile à la frontière obligatoire dans tous les États membres afin d'assurer l'efficacité des procédures, notamment par le fait d'écarter les demandes d'asile étrangères à un besoin réel de protection.

Enfin, il convient de signaler, pour le regretter, qu'aucune suite n'a été donnée à la proposition du Sénat de réfléchir à la mise en place de structures européennes aux principaux points d'arrivée des migrants.

La résolution européenne du Sénat apportait son soutien à la révision de la politique de voisinage de l'Union européenne telle qu'annoncée par le Conseil, le 14 décembre 2015, en particulier en ce qui concerne son volet méditerranéen . Le texte insistait sur une coopération plus pragmatique et stratégique, le Sénat partageant la volonté de l'Union européenne de promouvoir la stabilité à ses frontières. Il s'agit d'élaborer une approche plus flexible et différenciée à l'égard de chacun des partenaires méditerranéens de l'Union européenne. La résolution insistait sur la nécessité de préserver la répartition actuelle des crédits de la politique de voisinage : un tiers pour les pays du Partenariat oriental et deux tiers pour les pays de la rive Sud de la Méditerrané, compte tenu de l'importance des défis auxquels sont confrontées les deux rives de la Méditerranée (lutte contre la radicalisation, prévention du terrorisme et régulation des migrations). Au plan institutionnel, le Sénat juge que cette révision passe par une valorisation de l'Union pour la Méditerranée, tant en matière économique que dans le domaine politique ou éducatif, et une rationalisation du paysage institutionnel euro-méditerranéen, marqué par un trop grand nombre d'organes aux compétences similaires. Il estime également nécessaire de s'appuyer sur les organisations régionales de la rive Sud à l'image de l'Union du Maghreb arabe ou de l'accord d'Agadir. Il convient également de promouvoir des coopérations sous-régionales telles que le dialogue en Méditerranée occidentale, dit « dialogue 5+5 », qu'il convient désormais d'élargir à la Grèce et à l'Égypte.

S'agissant de cette dernière, la résolution européenne estimait que les relations entre l'Union européenne et l'Égypte devaient entrer dans une nouvelle phase permettant le développement de coopérations politiques, économiques et éducatives prenant mieux en compte les spécificités de ce pays, tout en permettant à l'Union européenne de faire respecter ses intérêts, mais aussi de promouvoir ses valeurs. Le texte jugeait indispensable, à cet effet, l'adoption de nouvelles priorités de partenariat par le Conseil et le déblocage des crédits gelés à destination de l'Égypte.

Le Gouvernement a rappelé la proximité de la position des autorités françaises et du Sénat sur cette la révision du volet méditerranéen de la politique de voisinage : réaffirmation de l'objectif de stabilisation du voisinage immédiat de l'Union européenne, préservation de l'unicité de la politique de voisinage mais plus grande différenciation, meilleure appropriation, reprise de certains secteurs de coopération prioritaires à l'instar de la sécurité, la croissance, l'emploi des jeunes et les questions énergétiques, visibilité et communication plus dynamique, référence à l'Union pour la Méditerranée et association des « voisins des voisins ». Lors de son audition, le secrétaire d'État chargé des affaires européennes a d'ailleurs rappelé que la politique européenne de voisinage « a été revue et adaptée à la nécessité de répondre aux causes profondes de l'instabilité, par la prise en compte des besoins de nos partenaires. Les piliers identifiés sont le développement économique et la création d'emplois, la coopération énergétique, la sécurité, les migrations ».

Sur les relations entre l'Union européenne et l'Égypte, le Gouvernement juge, comme le Sénat, qu'elles doivent entrer dans une nouvelle phase. L'Égypte reste un partenaire-clef, notamment pour la lutte contre le terrorisme et les migrations irrégulières. L'adoption de nouvelles priorités de partenariat doit être rapide afin de ne pas risquer un ralentissement durable de la relation entre l'Union européenne et l'Égypte. Une attention particulière doit cependant être portée à la situation des droits de l'Homme dans ce pays. Par ailleurs, le Gouvernement rappelle que l'Égypte est, après le Maroc, le deuxième bénéficiaire de l'Instrument européen de voisinage, au bénéfice, essentiellement, de programmes socio-économiques et environnementaux.

Sur cette question des relations entre l'Union européenne et l'Égypte, M. Harlem Désir a apporté les précisions suivantes au cours de son audition : « Nous avons soutenu la relance de la relation Union européenne-Égypte, qui se traduira, dans les prochaines semaines, par l'adoption de priorités de partenariat. Trois priorités, politique internationale, développement socio-économique, lutte contre le terrorisme dans le respect de l'État de droit, ont été conjointement identifiées par les institutions européennes et les autorités égyptiennes. Elles doivent permettre l'approfondissement de cette relation sur une base renouvelée. L'Égypte est un partenaire essentiel, notamment en matière de stabilité de la région et de lutte contre les migrations irrégulières. Nous voulons en même temps ouvrir un dialogue ouvert mais ferme sur les droits de l'homme. La relance de cette coopération est une bonne chose : après le printemps arabe, le dialogue entre l'Union européenne et l'Égypte a connu une période d'interruption. Cette situation n'était pas viable ! L'Égypte est le plus grand pays arabe, l'un des plus grands pays méditerranéens, le plus peuplé pour longtemps encore, un pôle de stabilité, même s'il connaît des problèmes internes très importants ».

Enfin, sur le possible déménagement envisagé du siège de l'Assemblée parlementaire de la Méditerranée de La Valette à Marseille, le secrétaire d'État a indiqué que « la France est évidemment prête à prendre toutes les dispositions nécessaires pour qu'elle puisse, si elle le souhaite, s'établir à Marseille ».

Les actes terroristes qui avaient frappé la France avaient déjà incité celle-ci à recourir à la clause de défense mutuelle du traité de Lisbonne. La résolution européenne du Sénat relative aux perspectives de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) , en s'appuyant sur la stratégie européenne pour l'action extérieure alors en préparation, en relevait les principaux enjeux : prendre en compte le lien désormais étroit entre sécurité intérieure et extérieure ; donner aux opérations PSDC l'assise financière européenne dont elles ont besoin en réformant le mécanisme Athena ; donner corps à la nécessaire impulsion politique de défense et de sécurité européenne en instituant le Conseil européen de sécurité ; faciliter les investissements sur ressources européennes en matière de recherche et de défense et de technologies militaires ; valoriser les dispositions juridiques prévues par le traité de Lisbonne en faveur d'une défense européenne plus autonome et efficace, en particulier la coopération structurée permanente.

L'essentiel de ces propositions a été pris en compte par la Commission et le Conseil lors des différentes étapes qui ont marqué le second semestre 2016. La proposition franco-allemande de septembre notamment, enfin le Conseil européen de décembre 2016, ont décidé de donner à une politique de sécurité et de défense commune renforcée les moyens d'ambitions européennes mieux adaptées au nouveau contexte stratégique, en attendant leur concrétisation au cours de l'année 2017. Les orientations fixées par la résolution européenne ont donc été largement reprises.

Au cours de son audition, M. Harlem Désir a précisé que « le Conseil européen de décembre dernier et le plan européen de défense présenté par la Commission fin 2016 reprennent beaucoup des propositions avancées par le Sénat, qu'il s'agisse de la prise en compte des dépenses de défense dans le cadre du pacte de stabilité, de l'amélioration des opérations extérieures ou du soutien à l'industrie de défense. L'idée de coopération structurée permanente, qui permet, aux termes des traités, à un tiers des États membres de progresser de leur côté, a été évoquée par le Président de la République comme un recours potentiel en cas de blocage, si certains États membres ne voulaient pas avancer sur cet agenda de renforcement de l'Europe de la défense. Pour l'instant, il n'y a pas eu de blocage, et nous essayons d'avancer tous ensemble. Il faut maintenant que nous mettions en oeuvre les décisions prises en décembre, et des rapports seront prochainement rendus tant par le service européen d'action extérieure que par la Commission. Le semestre européen de défense a été repris sous la nouvelle appellation de revue permanente des besoins en termes de capacité et de coopération ; il doit permettre aux ministres de la défense de voir si chaque État membre remplit ses obligations en termes d'investissement - pour les États par ailleurs membres de l'OTAN, l'objectif a été fixé à 2 % du PIB consacré à la défense -, d'interopérabilité et de mise en place d'un centre de coordination et de planification, qui, sans doubler celui de l'OTAN, devra être propre aux membres de l'Union européenne ».

Sur les négociations interchypriotes en vue de la réunification de l'île, qui avaient connu un ralentissement sensible ces derniers temps au point d'être interrompues le 21 novembre 2016, le Sénat avait exprimé, dans sa résolution européenne, son soutien à ce processus de négociations et au rôle de la Commission pour contribuer au développement économique du Nord de l'île. Il souhaitait qu'elle forme les représentants de l'administration du Nord afin de faciliter l'intégration de cette région au sein de l'Union européenne, ce qui n'est toutefois pas encore effectif. Le texte insistait sur une application intégrale de l'acquis règlementaire européen au Nord de l'île, d'éventuelles dérogations ne pouvant être que temporaires et limitées. Le futur accord devra ainsi respecter les libertés reconnues par les traités européens, qu'il s'agisse de la liberté de circulation des personnes, de celle des biens, de la libre installation et de la libre prestation de services. Le Sénat estimait que des moyens devront être dégagés par les institutions financières internationales et l'Union européenne afin de créer un effet de levier destiné à accélérer le règlement de la question des transferts de propriétés des personnes déplacées. Sur le rôle de la Turquie dans les négociations interchypriotes, la résolution sénatoriale émettait des réserves sur le Traité de garantie de 1960, dont Ankara est partie, en considérant qu'une puissance occupante ne saurait continuer à être le garant de la sécurité d'une communauté présente sur le territoire d'un État membre de l'Union européenne. La résolution appelait, par ailleurs, la Turquie à appliquer pleinement le protocole additionnel à l'accord d'Ankara établissant une association entre la Communauté économique européenne et la République de Turquie à la suite de l'élargissement de l'Union européenne et à reconnaître ainsi la République de Chypre. Enfin, le Sénat jugeait que l'accélération des négociations entre l'Union européenne et la Turquie sur la libéralisation des visas et l'adhésion ne devait pas avoir d'impact sur le résultat des négociations interchypriotes.

Sur ce sujet politiquement sensible, qui touche à l'intégrité territoriale de l'un des États membres, avec, en toile de fond, l'avenir des relations euro-turques, le Sénat a également été très largement suivi. En effet, le Gouvernement a indiqué à votre commission des affaires européennes appuyer les objectifs du Sénat : prise en compte de l'acquis communautaire, avec des dérogations limitées, justifiées et temporaires, préservation des négociations interchypriotes par rapport aux discussions entre l'Union européenne et la Turquie sur la libéralisation des visas et le processus d'adhésion et demande d'application intégrale par la Turquie du protocole additionnel d'Ankara. Il a également insisté sur la déclaration du premier Sommet des pays méditerranéens de l'Union européenne organisé à Athènes, le 9 septembre 2016, aux termes de laquelle les États méditerranéens demandent la dénonciation du Traité de garantie.

Sur ce point, M. Harlem Désir a précisé que « la discussion sur les garants concerne principalement la Grèce, la Turquie et le Royaume-Uni, mais nous y participons en tant que membre permanent du Conseil de sécurité. Les Chypriotes grecs, la Grèce et le Royaume-Uni considèrent que ce système des garants doit cesser après la réunification de l'île, l'intervention d'un pays extérieur posant à Chypre un problème de souveraineté. Les Turcs souhaitent toutefois conserver une base militaire à Chypre-Nord. C'est le noeud du blocage actuel des discussions, mais il est de la responsabilité de tous, y compris des garants, de contribuer au succès de la négociation ».

Sur l' accord commercial relatif à la banane , la résolution sénatoriale a été pleinement satisfaite. En effet, un accord politique a pu être trouvé en trilogue, en décembre dernier, sur le mécanisme de stabilisation, dans le cadre de la mise en oeuvre de l'accord commercial avec l'Équateur. Pourtant, cet heureux aboutissement n'avait rien d'évident : le trilogue annoncé s'avérait une négociation d'autant plus difficile que le compromis nécessaire ne semblait pas favorable, de prime abord, aux intérêts des producteurs des régions ultrapériphériques (RUP). La résolution européenne, qui s'appuyait aussi sur les travaux de la délégation à l'outre-mer, a été l'occasion pour la ministre compétente de prendre des engagements, au cours du débat en séance publique, le 22 novembre 2016. Les autorités françaises, mais aussi espagnoles et portugaises, ont réussi à convaincre du bien-fondé de leurs positions le Parlement européen et la Commission. Cette dynamique a isolé le Conseil qui a choisi de ne pas s'opposer aux demandes des producteurs européens pour ne pas compromettre la ratification de l'accord commercial, source de grande valeur ajoutée pour les exportateurs européens. La Commission, représentée par la commissaire Cécilia Malmström en personne, est revenue sur ses préventions initiales et a finalement pris en compte les axes retenus par la résolution européenne : en cas de détérioration sérieuse de la situation des producteurs européens, la Commission examinera la situation avec les États membres et les producteurs et décidera si des mesures appropriées doivent être considérées ; organisation de réunions régulières avec les États membres et les producteurs ; mécanisme d'alerte précoce de la Commission auprès des autres institutions dès lors que les exportations excèdent 80 % du seuil de déclenchement du mécanisme de stabilisation ; amélioration des outils statistiques et des publications des données ; rapport d'évaluation sur le mécanisme de stabilisation en 2019 avec la possibilité de prendre des mesures appropriées ; évaluation régulière du marché, même après l'expiration du mécanisme de stabilisation ; possibilité de prolongation du mécanisme de stabilisation au-delà de 2020 ; étude d'impact avec analyse de l'impact des accords déjà mis en oeuvre par l'Union européenne sur les producteurs des RUP. On rappellera que les deux principaux groupes politiques du Parlement européen ont menacé de ne pas ratifier l'accord si les demandes des producteurs européens n'étaient pas prises en compte, et ceci malgré une position initiale radicalement opposée de la Commission et du Conseil.

La résolution européenne portant, dans la continuité de ses précédents travaux sur ce sujet, sur le premier bilan et les perspectives du plan d'investissement pour l'Europe a aussi été largement prise en compte. M. Harlem Désir, au cours de son audition, a ainsi indiqué que la France avait « obtenu le prolongement et le quasi-doublement du plan Juncker. Ce plan a financé des secteurs porteurs de croissance comme le numérique, la transition énergétique, les transports, la recherche et l'innovation. Nous allons porter l'objectif de 315 milliards à 500 milliards d'euros, sur une durée qui dépassera les trois ans initialement prévus ». Il a également précisé qu' « au 16 décembre 2016, 422 projets avaient été approuvés dans 27 États membres pour un financement par le FEIS de 30,6 milliards d'euros, générant un investissement total de 164 milliards d'euros. La France est le deuxième bénéficiaire du plan Juncker après l'Italie avec, fin décembre 2016, 50 projets approuvés depuis son lancement pour un montant de garantie mobilisé de 4,1 milliards d'euros, conduisant à un montant total d'investissement de 21,3 milliards d'euros. Vous connaissez beaucoup de ces projets. Nous sommes nombreux, par exemple, à avoir visité les installations des Maîtres laitiers du Cotentin - qui exportent jusqu'en Chine ! ».

b) Le Sénat a été partiellement suivi dans plus du quart des cas

Sur les vingt-deux résolutions européennes devenues définitives entre le 1 er octobre 2015 et le 31 décembre 2016, six, soit un peu plus du quart, n'ont été que partiellement prises en compte , soit parce que le Gouvernement n'a pas partagé les positions du Sénat, soit, le plus souvent, parce que des divisions au Conseil ont conduit à des compromis éloignés des résolutions sénatoriales.

La résolution européenne sur le programme de travail de la Commission pour 2016 salue en premier lieu la volonté de la Commission de poursuivre son effort de rationalisation de l'activité législative de l'Union européenne et de concentrer son action sur les dix priorités établies en début de mandat. Le Sénat approuve le programme de travail, mais estime qu'il convient de mettre en oeuvre un droit d'initiative des parlements nationaux - le « carton vert » - leur permettant de contribuer positivement à l'élaboration du programme de travail de la Commission européenne.

Cette résolution a été partiellement prise en compte au vu des propositions législatives présentées dans le courant de l'année.

Sur le détail du programme, la résolution insistait pour que soit rapidement apportée une réponse européenne opérationnelle au terrorisme : élargir les compétences du parquet européen à la criminalité grave transfrontière, renforcer les moyens financiers et humains de la section d'Europol consacrée à la recherche, partager avec les États membres des informations ayant trait au terrorisme djihadiste sur Internet et élaborer un cadre juridique européen facilitant la surveillance, les poursuites et les mises en cause en ce qui concerne les « combattants étrangers ».

Le Sénat jugeait par ailleurs que la question de la représentation extérieure de la zone euro au sein d'organisations internationales, abordée dans le programme de travail, constituait un nouveau partage de souveraineté et qu'elle devait être corrélée à l'avancée de la réflexion sur la capacité budgétaire dont pourrait être dotée l'Union économique et monétaire et au renforcement de sa légitimité démocratique. La mise en avant d'un pilier de droits sociaux commun à la zone euro devait, en outre, être doublée de propositions sur les défis communs en la matière : contrats de travail, allégement de la fiscalité du travail, apprentissage, formation professionnelle, aide au retour à l'emploi et alignement de l'âge de départ en retraite sur l'espérance de vie.

Le texte rappelait que la révision annoncée de la directive sur le détachement de travailleurs devait conduire à une amélioration du dispositif existant en mettant en avant le principe d'un salaire égal sur un même lieu de travail et en articulant mieux droit du travail et droit de la sécurité sociale. Le Sénat souhaitait également que la mise en place d'un cadre européen sur l'économie collaborative devait être compatible avec l'ambition affichée par ailleurs de juguler les distorsions de concurrence dans les domaines social et fiscal. Cet encadrement doit en outre passer par une régulation du fonctionnement des plateformes numériques, destinée à protéger le citoyen et ses données, mais aussi les PME. La résolution soulignait que l'Union européenne devait dépasser son rôle de simple consommatrice et devenir une véritable productrice de contenus numériques, en promouvant un « principe d'innovation ».

La résolution insistait également sur la nécessité de ne pas porter atteinte, dans le cadre de l'Union de l'énergie, à la compétence reconnue à chaque État membre de déterminer le mix énergétique sur son territoire et respecter scrupuleusement la répartition des compétences entre l'échelon de l'Union et l'échelon national. L'intervention de la Commission ne doit pas dissuader les États membres qui souhaitent coordonner leurs politiques énergétiques à mettre en place une coopération renforcée et promouvoir des projets industriels à l'image de Nord Stream 2.

Le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, au cours de son audition, a ouvert des perspectives pour l'avenir. Il a en effet rappelé que la Commission avait adopté son programme de travail pour 2017 et noté qu'« il s'inscrit dans la continuité de la feuille de route de Bratislava, qui nous sert de boussole. Sécurité, défense, investissement, jeunesse, sont des priorités que la France porte avec insistance ». Il a également expliqué que « nous avons mis en place, en la matière, une nouvelle procédure : une déclaration des trois institutions, Conseil, Parlement, Commission européenne, met en avant nos priorités partagées pour 2017. Ce texte permet de gagner en lisibilité et surtout remet le Conseil au même niveau que le Parlement européen, aux côtés de la Commission, dans la préparation du programme de travail ».

Sur la lutte contre le terrorisme , la résolution du Sénat faisait le point sur les avancées de l'action de l'Union européenne en la matière, en cherchant, en particulier, à répondre aux attentes exprimées par sa résolution de l'année précédente qui avait insisté sur le renforcement de l'espace Schengen, la création d'un PNR européen, l'institution d'un parquet européen susceptible d'être utilisé dans la lutte contre le terrorisme, le renforcement de la coopération policière européenne, notamment à travers Europol, et enfin la lutte contre la propagande terroriste sur Internet.

Dans sa résolution, le Sénat relevait plus particulièrement les points suivants :

- l'adoption définitive de la proposition de directive relative à l'utilisation des données des dossiers passagers pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, c'est-à-dire la directive « PNR » ;

- l'adoption définitive du règlement définissant des normes minimales communes en matière de neutralisation des armes à feu, la mise en discussion de la proposition de directive modifiant la directive de 1991 relative au contrôle de l'acquisition et de la détention d'armes, le plan d'action annoncé par la Commission le 18 novembre 2015 afin d'améliorer la coopération opérationnelle au niveau de l'Union et avec des pays tiers en vue d'accroître l'efficacité de la lutte contre le marché noir des armes et des explosifs ;

- le plan d'action annoncé par la Commission, le 12 février 2016, visant notamment, en ce qui concerne la lutte contre les sources de financement du terrorisme, à contrôler les plateformes de change de monnaie virtuelle sur Internet, à mettre fin à l'anonymat pour les cartes prépayées et à mettre en place une coopération plus efficace entre les cellules de renseignement financier ; la mise en discussion de deux propositions législatives annoncées par le plan précité visant, d'une part, à harmoniser la définition des infractions en matière de blanchiment et, d'autre part, à mieux surveiller les mouvements d'espèces ;

- l'adoption définitive, au mois de mai 2016, pour une entrée en application au printemps 2017, du règlement renforçant le mandat d'Europol en facilitant, notamment, la création d'unités spécialisées permettant de réagir sans délai aux menaces émergentes dans le domaine du terrorisme tout en augmentant les garanties en matière de protection des données et du contrôle parlementaire ;

- la création, le 25 janvier 2016, d'un nouveau centre européen de contre-terrorisme permettant d'améliorer le partage de renseignements pour mieux traquer les financements terroristes, mais également mieux surveiller les activités de l'État islamique et d'autres groupes terroristes sur Internet et sur les réseaux sociaux ;

- enfin, s'agissant de la lutte contre la radicalisation, l'adoption, le 7 juin 2016, par le Conseil, d'une stratégie renouvelée de sécurité intérieure pour l'Union européenne sur la période 2015-2020.

Sur un sujet aussi sensible et vaste que la lutte contre le terrorisme, ce bilan est donc globalement positif.

M. Harlem Désir, au cours de son audition, a indiqué que « le Conseil européen de décembre a fixé sur ces dossiers des objectifs clairs. Un accord est attendu d'ici juin 2017 sur le système d'entrée et de sortie et, d'ici la fin de l'année 2017, sur le système ETIAS. Outre le contrôle des frontières, vous insistiez sur la nécessité pour l'Union européenne de renforcer la coopération policière et judiciaire et la coopération en matière de renseignement, notamment par le biais d'Europol et d'Eurojust. Sur ce plan également des progrès ont été faits. En décembre 2016, le Conseil et le Parlement sont parvenus à un accord sur la proposition de directive visant à renforcer le cadre juridique de l'Union pour la prévention des actes terroristes. Il s'agit notamment d'ériger en infraction certains actes comme l'entraînement au terrorisme ou l'organisation et la participation à des voyages à des fins de terrorisme. Le droit français traite ces cas, mais dans d'autres pays cela reste à organiser. C'est indispensable, afin que les personnes revenant des zones de combat soient traitées sur le plan judiciaire. [...] La stratégie renouvelée de sécurité intérieure pour l'Union pour la période 2015-2020, que vous souteniez dans votre résolution, permet de tirer un bilan régulier des actions menées en matière de lutte contre le terrorisme et de sécurité intérieure ». Cependant, comme l'a indiqué le secrétaire d'État lui-même, « beaucoup reste à faire. En juin prochain, la Commission devrait ainsi formuler des propositions pour renforcer nos systèmes d'information afin de lutter plus efficacement contre le terrorisme sur Internet ».

Sur la définition des combattants étrangers, M. Harlem Désir a expliqué qu' « il s'agit d'incriminer les voyages en lien avec des activités terroristes. Les personnes visées sont celles qui se rendent sur les lieux de conflit, sont enrôlées dans les rangs de l'État islamique ou d'autres groupes terroristes et reviennent ensuite en Europe pour agir à des fins criminelles. Nous discutons avec nos partenaires pour élaborer une définition commune. Les points de vue sont pour le moment un peu divergents ; nous souhaitons inclure les activités de recrutement, l'incitation publique et l'apologie du terrorisme, c'est-à-dire établir des critères larges, tout en veillant au respect de toutes les garanties de droit - nous sommes un État de droit, et tout doit se faire sous le contrôle des juges. Le terrorisme est intrinsèquement difficile à définir. Il existe un accord international et des plans d'action de lutte contre le terrorisme, mais jamais l'ONU, par exemple, n'a donné de définition du terrorisme. Qui entre dans cette catégorie ? En Europe, nous disposons, via les listes d'organisations terroristes, de définitions harmonisées. L'inscription d'une organisation sur une de ces listes entraîne un certain nombre de conséquences : nous n'entretenons aucune relation avec elle, nous participons à la combattre, nous saisissons ses avoirs, nous pourchassons ses membres identifiés. Mais définir le terrorisme, en droit, est extrêmement compliqué. Le Parlement français a eu à travailler sur ces sujets à plusieurs reprises ; il est a fortiori difficile de mener un tel travail à 28, mais nous sommes déterminés et confiants sur notre capacité à y parvenir ».

Par ailleurs, il faut regretter la lenteur du processus d'adoption, faute d'accord au Conseil, de la proposition de règlement portant création d'un Parquet européen. À ce stade de la discussion, on se dirige toujours vers un parquet européen collégial et décentralisé, ce qui satisfait la position du Sénat, mais dans le cadre d'une coopération renforcée d'une minorité d'États et avec un champ de compétences réduit au mieux aux atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne - la question des fraudes à la TVA continue de poser problème. Rappelons que le Sénat souhaite l'extension de ce champ à la criminalité organisée transfrontière et au terrorisme.

Sur les sanctions prises par l'Union européenne contre la Russie à la suite de l'annexion de la Crimée et de la situation dans certaines régions de l'Est de l'Ukraine, le Sénat a naturellement condamné cette annexion illégale, mais a aussi souhaité tracer des perspectives pour l'avenir des relations russo-européennes dans le cadre des accords de Minsk : les sanctions européennes pourraient être progressivement et partiellement allégées si des progrès significatifs et ciblés étaient constatés dans la mise en oeuvre des accords de Minsk conclus et suivis dans le format « Normandie ». Cette orientation doit aussi être celle de la Russie pour les sanctions qu'elle a elle-même prises.

Lors de son audition, le secrétaire d'État chargé des affaires européennes a noté que, « sur les accords de Minsk, la France n'a pas ménagé ses efforts, dans le cadre du format Normandie, pour que les négociations puissent aboutir. Deux sommets, quinze rencontres ministérielles, de nombreux entretiens bilatéraux et des discussions techniques entre diplomates ont eu lieu ». Il a aussi tenu à rappeler que « le fait générateur de cette négociation et des sanctions réside dans le soutien de la Russie aux séparatistes et dans l'annexion de la Crimée. Il revient avant tout aux deux partenaires de mettre en oeuvre les engagements qu'ils ont pris dans le cadre de l'accord de Minsk. Les sanctions constituent un levier pour inciter à la poursuite des négociations et au respect des engagements. La Russie doit faire pression sur les séparatistes et permettre l'amélioration des conditions de sécurité. De son côté, l'Ukraine doit progresser dans ses réformes politiques, en révisant sa constitution et en adoptant des lois de décentralisation ». M. Harlem Désir a toutefois relevé une « absence de progrès » qui a conduit à décider « lors du Conseil européen de décembre dernier, de reconduire les sanctions sectorielles pour six mois ». Il a précisé que « les points de vue des États membres divergent, mais tout le monde a accepté les préconisations de la France et de l'Allemagne. La durée des sanctions doit rester liée à la pleine mise en oeuvre des accords de Minsk, mais nous devons conserver la possibilité de moduler ces mesures restrictives pour encourager les parties à poursuivre leurs efforts en cas de progrès significatif. Les sanctions ne sont pas une fin en soi ; leur réversibilité est une condition de leur efficacité ».

Sur le détachement des travailleurs , la résolution européenne du Sénat n'a été que partiellement prise en compte, non pas par le Gouvernement, qui partage globalement la même position sur ce dossier, mais du fait des négociations extrêmement difficiles, et donc longues, au sein du Conseil sur un sujet éminemment politique et qui révèle des clivages forts entre les parties occidentale et orientale de l'Union européenne.

L'initiative proposée par la Commission traduit l'engagement qu'elle a pris, dans ses orientations politiques, de promouvoir le principe d'une rémunération identique pour un même travail effectué au même endroit. Elle a pour but de garantir des conditions salariales équitables aux travailleurs détachés et une concurrence loyale entre les entreprises détachant des travailleurs et les entreprises locales dans le pays d'accueil. La révision ciblée introduirait des changements dans trois grands domaines : détachement dépassant 24 mois, conditions de travail et d'emploi, y compris dans les situations de sous-traitance, et travail intérimaire.

Sur le fond, la résolution du Sénat exprimait une position favorable au principe d'une révision ciblée. Le Sénat jugeait indispensable que les rémunérations prévues par des conventions à portée restreinte s'appliquent aux travailleurs détachés. L'application des règles en matière de rémunération doit s'imposer à toute la chaîne de sous-traitance de manière obligatoire et non facultative, comme prévu par le projet de la Commission. Des précisions devraient être apportées, dès lors que cette chaîne regroupe des entreprises dont les conventions collectives ne sont pas identiques. La mention de conditions d'hébergement dignes devait également être intégrée dans le noyau dur des droits applicables aux salariés détachés. Le Sénat approuvait la décision de limiter la durée du détachement à vingt-quatre mois, mais estimait que cette durée doit être appréciée dans le cadre d'une période de référence de trente-six mois. Il s'opposait à l'absence de prise en compte des détachements inférieurs à six mois dans le calcul de cette durée.

Pour ce qui concerne les contrôles, la résolution insistait sur l'utilisation de la base de données VIES qui contient les numéros d'immatriculation à la TVA pour les transactions transfrontières pour vérifier l'existence réelle de la société dans le pays d'établissement. Elle avait également jugé que le chiffre d'affaires annuel d'une entreprise pris en compte dans un autre pays que celui où elle est établie ne devrait pas dépasser 25 % de son chiffre d'affaires annuel. Elle souhaitait également que le certificat A1 d'affiliation au régime de sécurité sociale du pays d'établissement soit fourni préalablement à toute opération de détachement sous peine de sanctions et qu'il puisse être inopposable en justice, dès lors qu'il existe des doutes sérieux quant à la réalité de l'affiliation du salarié détaché au régime de sécurité sociale du pays d'établissement. Le salarié détaché devrait, en outre, être affilié depuis au moins trois mois au régime de sécurité sociale dans l'État d'établissement de l'entreprise qui le détache et avoir exercé une activité au sein de cette entreprise et de cet État durant au moins trois mois. Par ailleurs, la résolution insistait pour que, aux fins de contrôle de la réalité de l'affiliation à un régime de sécurité sociale et du montant de la rémunération versée, soit mis en place un système de recouvrement des cotisations sociales visant les travailleurs détachés par les États membres d'accueil qui les reverseraient ensuite aux États où les entreprises sont établies. Enfin, elle regrettait que la révision proposée ne s'applique pas au secteur des transports, la question du droit applicable dans les opérations de cabotage n'étant pas réellement tranchée.

Le Gouvernement, quant à lui, est également favorable à la proposition de révision de la directive de 1996 et partage les objectifs poursuivis par cette révision. Sur le fond, il est très proche des positions exprimées par la résolution du Sénat et considère, lui aussi, que le texte proposé par la Commission ne répond que partiellement aux objectifs poursuivis. Au cours des négociations, il a ainsi proposé des amendements, « s'inspirant des préconisations de la résolution sénatoriale », notamment : ancienneté d'au moins trois mois avant tout détachement, afin de revenir à l'esprit initial du dispositif du détachement temporaire, activité principale dans le pays d'origine représentant au moins 25 % du chiffre d'affaires, limitation effective de la durée du détachement en définissant une période de référence de trente-six mois, suppression de la condition de durée de six mois pour la prise en compte des périodes de remplacement de travailleurs détachés effectuant la même tâche et prise en charge par l'employeur des indemnités compensant les frais de mission considérés comme obligatoires (hébergement, nourriture, transports). Par ailleurs, le Gouvernement souhaite également que le secteur des transports soit soumis sans ambiguïté aux dispositions de la directive de 1996.

La difficulté est venue des premiers débats au Conseil, qui ont souligné une opposition tranchée entre pays favorables à cette révision du texte, à l'instar de la France, et ceux - essentiellement à l'Est du continent - qui estiment que la proposition de la Commission est contraire à la libre prestation de services et qu'un nouveau texte ne peut être adopté tant que la directive d'exécution de mai 2014 visant à renforcer les contrôles n'a pas été transposée dans tous les États membres. Ce clivage initial s'est même accentué au fil des négociations. Les États membres qui s'opposent à la révision, qui disposent d'assez de voix pour constituer une minorité de blocage, multiplient les initiatives pour ralentir les discussions et sont relayés en ce sens par leurs parlements nationaux. Ainsi, onze parlements nationaux ont adopté quatorze résolutions au titre du protocole n° 2 relatif au respect du principe de subsidiarité concluant au non-respect de ce principe 7 ( * ) . La Commission a néanmoins considéré que cette démonstration n'était pas faite et a maintenu sa proposition de texte. Le Parlement européen a beaucoup travaillé ce dossier, et il est pour l'instant prévu que le rapport de la commission EMPL saisie au fond, dont l'une des deux rapporteures est notre compatriote Élisabeth Morin-Chartier, doit être adopté en avril prochain.

En dépit des marges de progression qui demeurent, M. Harlem Désir a assuré les membres de votre commission des affaires européennes « de l'absolue détermination du Gouvernement et de notre mobilisation dans la négociation ».

La résolution européenne portant sur les services de médias audiovisuels a certes reçu un accueil favorable du Gouvernement, mais la position qui s'est pour l'instant dégagée au Conseil n'est guère convergente avec celle du Sénat.

Au niveau européen, après un travail technique du groupe audiovisuel au cours du second semestre 2016, la proposition de directive a fait l'objet d'un rapport de progrès présenté lors de la réunion du Conseil Éducation, jeunesse, culture et sport du 22 novembre 2016. Cette réunion a été l'occasion de prendre acte des divergences entre les délégations. C'est la raison pour laquelle l'adoption d'une orientation générale n'a pas été possible. Toutefois, la Présidence maltaise l'envisage pour la réunion du prochain Conseil sur ce sujet, les 22 et 23 mai 2017.

Sur le fond, ce projet de directive a pour objectif d'adapter les règles des services de médias audiovisuels aux nouvelles pratiques, c'est-à-dire à la diffusion et à la consommation de vidéos par de nouveaux supports comme les plateformes de partage de vidéos en ligne, voire les réseaux sociaux. Il vise aussi à renforcer à la fois la protection des consommateurs, notamment les mineurs, et l'indépendance des régulateurs nationaux. Le fait qu'il touche à des aspects très divers de la régulation des médias et introduise des règles concernant les nouveaux acteurs de l'Internet explique l'absence de majorité claire entre les États membres sur l'ensemble du texte à ce stade. Dans ce domaine sensible, chaque État membre s'efforce de défendre son modèle culturel.

Néanmoins, les positions exprimées publiquement par le Gouvernement à ce stade rejoignent en grande partie celles du Sénat. C'est particulièrement le cas sur les obligations pour la production et la promotion des oeuvres européennes, l'interdiction de contenus faisant l'apologie du terrorisme ou encore la question de la compétence pour les services de médias audiovisuels non-européens transmis par satellite. Cependant, le Sénat fait preuve d'une plus grande ouverture vers nos partenaires européens en soutenant la proposition des rapporteurs du Parlement européen sur ce texte, qui vise à créer un socle commun de règles pour l'ensemble des services de médias audiovisuels. Également soucieux d'assurer des conditions de concurrence équitables quant aux revenus tirés de la publicité, le Sénat est favorable à un léger assouplissement des règles relatives aux communications commerciales à la télévision, contrairement au Gouvernement.

Le Sénat, avec sa résolution européenne sur la phase I de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire , a souhaité fixer des orientations sur un sujet fondamental pour l'avenir de l'Union européenne, celui de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire (UEM).

Il s'agit en effet de se doter d'institutions et de procédures suffisamment solides et crédibles pour éviter que ne se reproduise un scénario comme celui qui a failli emporter la monnaie unique et la zone euro, à la suite de la crise grecque. L'UEM doit pouvoir mieux résister aux chocs économiques et voir son architecture clarifiée, tout en apparaissant plus lisible pour les citoyens européens. En effet, les mesures prises et les institutions mises en place au plus fort de la crise ont parfois pris un tour excessivement bureaucratique. Par ailleurs, le semestre européen, cycle de coordination des politiques économiques et budgétaires, gagnerait sans doute à être simplifié.

Dans ce contexte, le rapport dit « des cinq présidents » (Commission européenne, Conseil européen, Parlement européen, Eurogroupe et Banque centrale européenne), en juin 2015, a prévu un scénario en deux phases pour l'avenir de l'UEM :

- phase 1, à court terme : « Nous devons relancer les efforts visant à ce que tous les membres s'alignent sur les meilleures performances et pratiques d'Europe, en nous appuyant sur le cadre de gouvernance actuel et en le renforçant encore. L'objectif ultime est de parvenir, dans toute la zone euro, à des structures économiques aussi résilientes les unes que les autres. Cela devrait redonner un coup de fouet à la croissance et l'emploi, avec la compétitivité et la cohésion sociale comme éléments centraux » ;

- phase 2 : « Ce processus de convergence serait formalisé et se fonderait sur un ensemble de critères établis conjointement qui revêtiront un caractère juridique. L'accomplissement de progrès significatifs vers le respect de ces critères devrait être surveillé régulièrement et serait l'une des conditions pour qu'un membre puisse bénéficier d'autres instruments, tels que le mécanisme d'absorption des chocs qui serait mis en place pour l'ensemble de la zone euro ».

Dans sa résolution européenne, qui porte sur la phase 1, le Sénat a formulé un certain nombre de recommandations sur la mise en place d'autorités nationales de la productivité, sur le comité budgétaire européen consultatif indépendant, sur la rénovation du semestre européen, sur la représentation extérieure de la zone euro, ainsi que sur l'achèvement de l'union bancaire et la mise en place d'un système européen d'assurance des dépôts.

Les intentions du Gouvernement sur ces dossiers mériteraient sans doute d'être précisées, mais il est certain que cette question éminemment politique relève des moyen et long termes. Les mesures requises ne seront prises que progressivement. C'est pourquoi il est sans doute trop tôt pour évaluer les suites données à la résolution sénatoriale, même si certaines avancées peuvent déjà être relevées telles que la décision de principe de créer des autorités nationales de la productivité - qui n'est toutefois pas encore effective en France - ou encore l'achèvement, fin décembre dernier, de la consultation publique sur le futur socle européen des droits sociaux.

D'ailleurs, les présidents des institutions européennes suivront la mise en oeuvre des recommandations figurant dans leur rapport. Pour préparer le passage de la phase 1 à la phase 2, il est prévu que la Commission présente, au printemps 2017, un livre blanc mesurant les progrès accomplis au cours de la phase 1 et décrivant les prochaines étapes nécessaires, y compris des mesures d'ordre législatif, pour compléter l'UEM au cours de la phase 2. Ce livre blanc s'appuiera sur les analyses formulées par un groupe consultatif d'experts, qui examinera plus en détail les préalables juridiques, économiques et politiques aux propositions à plus long terme contenues dans le rapport « des cinq présidents ». Il sera élaboré en concertation avec les présidents des autres institutions européennes.

c) Un seul cas très spécifique : l'arrangement pour le Royaume-Uni

Ce texte constitue un cas à part, compte tenu de la nature éminemment politique des enjeux pour l`avenir même de la construction européenne. La suite donnée à la résolution relative aux demandes de réformes de l'Union européenne souhaitées par le Royaume-Uni doit être appréciée au regard du résultat du référendum du 23 juin 2016 en faveur du Brexit.

En janvier 2016, un accord avait été préparé à Bruxelles en vue de répondre aux quatre demandes de réforme de l'Union présentées par le Royaume Uni, à savoir la non-discrimination entre les membres de la zone euro et les non membres, l'achèvement du marché unique et la recherche de la plus grande compétitivité, la défense de la souveraineté, la réaffirmation du principe de subsidiarité et le renforcement du côté des parlementaires nationaux et, enfin, les aménagements du principe de la libre circulation des personnes. Ces quatre propositions britanniques ont fait l'objet d'une réponse, le 18 février 2016, sous la forme d'un accord signé par les 28 États membres. Cet accord est devenu caduc avec le résultat du référendum du 23 juin 2016.

Retour sur les grandes lignes de l'accord du 18 février 2016

en réponse aux réformes de l'Union européenne souhaitées par le Royaume-Uni

Sur la gouvernance économique et la zone euro , l'accord répondait en grande partie aux inquiétudes britanniques puisqu'il réaffirmait la nécessité d'approfondir l'Union économique et monétaire et demandait aux pays non membres de la zone euro de ne pas entraver ce processus qui devait en contrepartie rester respectueux des droits et compétences des États membres non participants. L'Union se proposait de faciliter la coexistence entre les deux groupes et réaffirmait que tout discrimination entre personnes physiques ou morales fondée sur la monnaie officielle de l'État membre où elles sont établies ou sur la monnaie ayant cours légal dans cet État membre était interdite. Il était précisé que le droit de l'Union relatif à l'union bancaire s'appliquait uniquement aux établissements de crédit situés dans la zone. Toute dépense liée à la politique monétaire ne pourrait être imputée qu'à la zone euro. Enfin, si un membre du Conseil ne participant pas à l'union bancaire indiquait son opposition motivée à l'adoption d'un acte législatif relatif à l'union bancaire, le Conseil était tenu d'en discuter et l'État membre concerné de justifier son opposition en indiquant en quoi le projet ne respectait pas les principes de non-discrimination. Le Conseil devait alors faire tout ce qui est en son pouvoir pour aboutir dans un délai raisonnable à une solution satisfaisante. Il s'agissait d'une procédure d'alerte et non d'un veto, mais sur ce chapitre, les demandes du Royaume-Uni avaient été entendues.

Sur la recherche d'une plus grande compétitivité , en réponse aux demandes britanniques, l'Union rappelait que le marché intérieur était son objectif premier et que, pour créer de la croissance et des emplois, l'Union devait renforcer sa compétitivité en réduisant les charges administratives et les coûts de mise en conformité pesant sur les opérateurs économiques. L'accord reprenait ce qui était déjà contenu dans « mieux légiférer » et dans le programme REFIT. Il s'agissait ni plus ni moins de simplifier, d'alléger, voire d'abroger les textes législatifs quand ils gênaient le développement des PME et des micro-entreprises. En outre, l'Union s'engageait à pousser les feux en matière de négociations commerciales avec les États-Unis, le Japon, l'Amérique latine et l'Asie-Pacifique.

Quant à la souveraineté et à la défense des parlements nationaux et plus particulièrement quant à la question de l' « union sans cesse plus étroite » , le Royaume-Uni obtenait qu'il ne serait plus tenu désormais de prendre part à une intégration politique plus poussée dans l'Union.

De plus, l'accord reconnaissait, à ce propos, que la référence à une « union sans cesse plus étroite entre les peuples de l'Europe » ne constituait pas une base légale pour étendre la portée des dispositions des traités et du droit dérivé de l'Union et ne pouvait en aucun cas être utilisée à l'appui d'une interprétation extensive des compétences de l'Union ou des pouvoirs de ses institutions. Cette référence à une « union sans cesse plus étroite » ne pouvait plus empêcher les différents États membres « d'emprunter différentes voies d'intégration » ni contraindre l'ensemble des États membres à aspirer à un destin commun.

Sur le principe de subsidiarité , l'accord introduisait une nouvelle règle capitale : dans le cas où les avis motivés sur le non-respect du principe de subsidiarité par un projet d'acte législatif de l'Union représentaient plus de 55 % des voix attribuées aux parlements nationaux, la présidence du Conseil inscrirait la question à l'ordre du jour du Conseil afin que ces avis motivés et les conséquences à en tirer fassent l'objet d'une délibération approfondie. À la suite de cette délibération, les représentants des États membres mettraient fin à l'examen du projet d'acte en question ou ils le modifieraient pour prendre en compte les préoccupations exprimées dans les avis motivés. Sans aller jusqu'au droit de veto que souhaitaient les Britanniques, il s'agissait là d'une avancée majeure au profit des parlements nationaux et de l'amorce du rééquilibrage dans la répartition du pouvoir législatif entre les différents acteurs européens.

Enfin, sur les aménagements à apporter au principe de la libre circulation des travailleurs , l'accord reconnaissait qu'il était légitime de tenir compte d'une situation exceptionnelle et de prévoir, au niveau de l'Union comme au niveau national, des mesures qui permettraient de limiter le flux des travailleurs quand il était d'une telle importance qu'il avait des incidences négatives autant pour les États membres d'origine que pour les États membres de destination. C'est pourquoi l'accord reconnaissait que le droit à la libre circulation pouvait souffrir des limites pour des raisons sociales et économiques et aussi pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ainsi, si des raisons impérieuses d'intérêt général le justifiaient, la libre circulation des personnes pouvait être restreinte par des mesures proportionnées à l'objectif légitimement poursuivi. On créait le « frein d'urgence », un mécanisme d'alerte et de sauvegarde destiné à faire face à l'afflux - d'une ampleur exceptionnelle et pendant une période prolongée - de travailleurs en provenance d'autres États membres. Ce mécanisme aurait permis à un État membre, après examen et sur proposition de la Commission, de restreindre l'accès aux prestations liées à l'emploi de caractère non contributif. L'État membre concerné aurait pu limiter, pendant une durée totale pouvant aller jusqu'à quatre ans, l'accès des travailleurs communautaires à ces prestations non contributives. Cependant, cette limitation devait être graduelle et un accès progressif devait être aménagé afin que le travailleur touche l'intégralité de ces prestations au bout de ces quatre ans. Ce type d'autorisation aurait eu une durée limitée de sept ans. L'aspect intéressant de l'accord était qu'il précisait que la Commission estimait qu'il ressortait de la situation britannique que le Royaume-Uni pouvait déjà prétendre activer ce mécanisme. Les États membres recevaient la possibilité d'indexer ces allocations familiales sur les conditions qui prévalaient dans l'État membre où l'enfant réside, mais cela n'aurait été valable que pour les travailleurs qui seraient arrivés après l'entrée en vigueur de l'accord. Après 2020, la mesure aurait pu être généralisée.

Pourtant, la résolution du Sénat avait retenu des grandes orientations qui avaient été pour partie reprises dans l'accord, tout en insistant sur le respect de certains grands principes constituant des fondements du projet européen : garantie de l'intégrité de la zone euro et de son autonomie de décision, attachement au principe d'« une union toujours plus étroite entre les peuples », renforcement du rôle des parlements nationaux qui doivent avoir une part plus large dans l'élaboration du droit européen, réaffirmation des principes fondamentaux de libre circulation des personnes et d'égalité de traitement des salariés occupant un même emploi, volonté d'approfondir le marché unique.


* 7 Sur ce point, cf . le IV du présent rapport.

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