B. LES COLLECTIVITÉS SONT AU CoeUR DE L'INFORMATION

Une politique de prévention de la radicalisation ne peut se priver de la source d'informations que représentent les collectivités territoriales, leurs élus et leurs personnels.

1. La connaissance du territoire et de la population

Les collectivités territoriales sont aussi impliquées par leur lien avec le territoire. Leurs élus connaissent ce territoire et ses différentes composantes ainsi que la population qui y vit. Par leurs compétences juridiques, par les remontées issues des personnels municipaux, comme par l'exercice même de leur mandat qui les pousse au contact avec la population, les élus sont amenés à disposer d'informations précises sur la situation de tel ou tel quartier ou portion de quartier. Leur information est souvent plus fine que celle des services de l'État et leur permet de connaître la situation de familles, de groupes ou d'individus. En outre, les habitants ou les familles d'individus radicalisés s'adressent bien souvent d'abord au maire, élu de confiance, pour évoquer leurs inquiétudes.

Cette connaissance précise du territoire et de la population avait d'ailleurs été une des justifications de la montée en puissance des maires en matière de prévention de la délinquance. Il doit en être de même en matière radicalisation.

2. Les collectivités et le « djihadisme de troisième génération » (Kepel)

Les évolutions récentes ont montré que les actes liés à la radicalisation violente étaient désormais davantage le fait d'individus relativement autonomes, peu connus des services mais insérés dans un tissu local dont ils pouvaient tirer des moyens logistiques (logement...), que d'organisations très structurées.

À cet égard, Gilles Kepel a pu parler de « troisième génération du djihadisme » 37 ( * ) , dont la première incarnation aurait été Mohammed Merah. Selon lui, les organisations terroristes se reposent désormais sur des individus formatés intellectuellement mais qui ne sont pas des « terroristes professionnels » et l'organisation leur laisse une grande « liberté » d'action, leur permettant de passer sous les radars de la police. Cette stratégie de la « décentralisation » du terrorisme débute, selon Gilles Kepel, avec la publication en 2005, sur Internet, du livre d'Abou Moussab Al-Souri, Appel à la résistance islamique globale, qui téléscope les émeutes dans les banlieues. Elle trouve par ailleurs une chambre d'écho extraordinaire avec le développement des réseaux sociaux qui peuvent donner plus d'impact à une micro-action isolée mais meurtrière qu'à une opération de grande ampleur.

Si le concept de « djihadisme de troisième génération » a pu être contesté par certains, il n'en reste pas moins que « l'enfouissement » des individus concernés pose de nombreuses difficultés pour l'identification des terroristes potentiels. Il justifie, en tout état de cause, une observation de plus en plus fine des territoires et un élargissement de l'attention des pouvoirs publics, traditionnellement concentrée sur des organisations centralisées, souvent basées à l'étranger, vers des réseaux plus étroits mais bien insérés dans un terreau local proche . Il explique la sollicitation croissante des services de l'État en direction des collectivités pour les aider à mieux mailler le territoire, et à détecter plus efficacement les individus dangereux et à prendre en charge ceux qu'il est possible de faire évoluer positivement.


* 37 La première génération du djihad irait de l'Afghanistan en 1979 à l'Algérie en 1997 et finit, en raison de l'hyperviolence du GIA par dresser la population contre elle. La deuxième génération serait celle de Ben Laden et s'attaque à l'ennemi lointain, l'Occident, avec notamment, le 11 septembre 2001, opération meurtrière et médiatique, mais qui ne mobilisera pas significativement. Gilles Kepel, « Le logiciel du djihadisme a changé », Le Monde , 28 décembre 2015.

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