B. ... MAIS UNE ORGANISATION NE PERMETTANT PAS UN SUIVI COHÉRENT DES POLITIQUES PUBLIQUES

Les crédits liés aux politiques publiques sont retracés au sein de l'action 12 du programme 200. Le découpage en sous-actions se fait ensuite par impôt.

Ce découpage ne permet pas de distinguer lisiblement les dispositifs au sein des sous-actions. Les crédits consommés ne sont que partiellement décrits dans les sections relatives aux dépenses fiscales au sein des rapports annuels annexés à la loi de règlement et d'approbation des comptes. La prévision est également très parcellaire au sein des projets annuels de performances annexés à la loi de finances initiale.

Surtout, certains crédits de l'action 11 « Mécanique de l'impôt » sont liés à des politiques publiques. C'est le cas des restitutions sur acomptes d'impôt sur les sociétés effectuées au titre du CICE par exemple. Il conviendrait de mieux les identifier, et ne pas les mélanger avec des opérations purement techniques comme les remboursements de crédits de TVA.

C. DE NÉCESSAIRES AJUSTEMENTS DU PROGRAMME 200

1. Aucune évolution d'ampleur envisagée aujourd'hui par le Gouvernement

L'amélioration de la transparence et de la lisibilité de la mission « Remboursements et dégrèvements » ne semble également pas une priorité pour le ministère des finances qui considère déjà enrichir chaque année ses réponses aux questionnaires parlementaires et aux questionnaires posées par la Cour des comptes . Le ministère met notamment en avant :

- une communication de ventilations plus fines des dépenses de la mission ;

- des explications plus détaillées sur les évolutions des postes de dépenses ;

- des précisions accrues sur les évolutions de la législation applicable ;

- des présentations détaillées des mécanismes des principaux dispositifs concernés (crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi, crédit d'impôt au titre du prélèvement forfaitaire obligatoire) ;

- des développements juridiques plus étayés sur les contentieux de série.

Un approfondissement de la transparence de la mission est aujourd'hui subordonné selon l'administration à une évolution du système d'information de la direction générale des finances publiques , évolution jugée extrêmement coûteuse par les services.

Dans l'immédiat, seules des adaptations sont prévues sur la nomenclature du programme 200 pour comptabiliser les dépenses afférentes aux remboursements liés au prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, avec le crédit d'impôt de modernisation du recouvrement.

2. Mieux préciser les finalités des dépenses pour mieux appréhender les politiques publiques

Il n'est pas toujours possible de connaître facilement et précisément les éléments qui, pour chaque impôt, ont généré les remboursements réalisés. Cela pose notamment problème pour suivre et évaluer correctement les dispositifs liés à des politiques publiques.

Il est en effet nécessaire de pouvoir analyser, pour chaque dispositif, la manière dont il est sollicité par les contribuables et ce, quelle que soit la nature des opérations, imputations ou restitutions notamment. Il doit donc être possible d'identifier, pour chaque remboursement réalisé, le dispositif qui le justifie.

Recommandation n° 3 : Développer une comptabilité plus fine permettant de retracer pour chaque opération, quelle que soit sa nature, sa finalité.

3. Prendre en compte différemment les dépenses liées à la mécanique de l'impôt

La Cour des comptes recommande de manière répétée 16 ( * ) de ne plus faire figurer dans les dépenses de la mission les remboursements et dégrèvements relevant de la mécanique de l'impôt ainsi que les crédits d'impôts retracés dans l'action « politiques publiques », mais de les comptabiliser uniquement en déduction des recettes fiscales brutes .

La mise en oeuvre de cette recommandation ne semble ni envisageable ni souhaitable à court terme. Il convient de conserver les crédits liés à la mécanique de l'impôt au sein de la mission « Remboursements et dégrèvements », afin de garantir une bonne information du Parlement. Ces crédits reflètent en effet des dépenses effectives au bénéfice des contribuables et non de moindres recettes encaissées.

Il est néanmoins nécessaire de distinguer nettement les opérations de remboursements et dégrèvements liées à des politiques publiques de celles liées à la seule mécanique de l'impôt.

Les crédits reposant sur une logique de mécanique de l'impôt , qui s'élevaient à plus de 65 milliards d'euros en 2016, ne doivent pas être comptabilisés comme des dépenses d'intervention et retracés au sein du « titre 6 ». En effet, un remboursement de crédit de TVA ne peut par exemple pas être assimilé à une dépense directe en faveur de l'entreprise : il ne reflète que l'application stricte de la déduction par l'entreprise de la TVA sur ses achats.

Ce traitement de ces dépenses fausse l'image de la répartition des crédits au sein du budget de l'État.

Une nouvelle catégorie de crédits pourrait être créée : les crédits liés à la mécanique de l'impôt seraient alors comptabilisés au sein d'un titre consacré 17 ( * ) , distinct des dépenses d'intervention. Une modification de l'article 5 la loi organique relative aux lois de finances serait alors nécessaire afin d'inscrire ce nouveau titre de répartition des charges budgétaires.

Il faudrait cependant également considérer la nature parfois ambiguë des crédits qui, étant « mécaniques », sont pour autant dus à l'application d'un dispositif fiscal lié à une politique publique : ils doivent pouvoir être identifiés. Une comptabilité plus fine pourrait permettre de répondre à cet enjeu.

Recommandation n° 4 : Cesser de comptabiliser les dépenses issues de la seule application de la mécanique fiscale en dépenses d'intervention et les porter sur un titre nouveau, consacré aux crédits liés à la mécanique de l'impôt .

4. Distinguer et répartir les crédits liés aux « politiques publiques » au sein des missions portant ces politiques

La priorité est d'accroître la lisibilité du budget de l'État , alors que les remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques représenteront plus de 16 milliards d'euros en 2017.

Les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements » doivent ainsi être finement distingués par politique publique. Aussi, il serait pertinent à moyen terme de les répartir sur les autres missions du budget général. Les crédits liés à des politiques publiques seraient ainsi inscrits sur les missions de rattachement des dépenses fiscales.

a) Une répartition possible dans les conditions de la loi organique...

L'article 10 de la loi organique relative aux lois de finances prévoit que les crédits relatifs aux remboursements et dégrèvements sont inscrits au sein de programmes évaluatifs.

Le regroupement au sein d'une même mission de ces programmes évaluatifs n'est cependant pas une obligation organique. Ainsi, rien ne s'opposerait à ce que le programme 200 soit par exemple découpé pour voir ses crédits répartis au sein de programmes évaluatifs distincts rattachés aux missions portant l'objet des dispositifs. Ainsi pourrait-on imaginer que la mission « Économie » comprenne un programme « Remboursements d'impôts d'État ».

Si aucun obstacle juridique ne s'y oppose, cette solution nécessiterait cependant, pour être mise en oeuvre, une comptabilité plus fine, qui n'existe pas aujourd'hui .

Article 10 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001
relative aux lois de finances

Les crédits relatifs aux charges de la dette de l'État, aux remboursements, restitutions et dégrèvements et à la mise en jeu des garanties accordées par l'État ont un caractère évaluatif. Ils sont ouverts sur des programmes distincts des programmes dotés de crédits limitatifs.

Les dépenses auxquelles s'appliquent les crédits évaluatifs s'imputent, si nécessaire, au-delà des crédits ouverts. Dans cette hypothèse, le ministre chargé des finances informe les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances des motifs du dépassement et des perspectives d'exécution jusqu'à la fin de l'année.

Les dépassements de crédits évaluatifs font l'objet de propositions d'ouverture de crédits dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l'année concernée.

Les crédits prévus au premier alinéa ne peuvent faire l'objet ni des annulations liées aux mouvements prévus aux articles 12 et 13 ni des mouvements de crédits prévus à l'article 15 18 ( * ) .

b) ... présentant quelques contraintes...

Répartir l'actuel programme 200 entre les missions du budget général pourrait présenter différents inconvénients, cependant surmontables :

- cette réforme pourrait en réalité rendre la lecture des crédits des missions plus difficile, en majorant en apparence substantiellement certaines (la mission « Économie » serait par exemple multipliée par 7 avec un rattachement du CICE), et mêlant des crédits limitatifs à des crédits évaluatifs ;

- une telle modification pourrait a contrario conduire à une multiplication de programmes de tailles plus ou moins importantes dont le pilotage devrait nécessairement demeurer aux mains de la direction générale des finances publiques ;

- cette répartition pourrait complexifier la lecture du budget général, affaiblissant la visibilité des recettes nettes réalisée aujourd'hui par seule soustraction du bloc de remboursements et dégrèvements ;

- cette réforme nécessiterait a priori des développements informatiques d'ampleur, avec la mise en place, estimée coûteuse par le ministère des finances, d'une comptabilité fine.

c) ... mais offrant une lisibilité largement accrue

Cette option de réorganisation de la mission aurait pourtant un avantage majeur qui serait de lier de manière plus nette les enjeux de mécanique fiscale des dispositifs à leur mission de rattachement et d'accroître la lisibilité de l'impact budgétaire de ces dispositifs .

Cette solution aurait une pertinence réelle pour l'analyse des remboursements liés à des politiques publiques. Ainsi, les crédits liés au CICE pourraient être rattachés à la mission « Économie », quand ceux du CIR seraient inscrits dans un programme au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Ce rattachement permettrait d'accroître la conscience de l'effort budgétaire consenti pour les dépenses fiscales et crédits d'impôts, qui apparaîtrait.

Pour les opérations liées à la mécanique de l'impôt , il serait alors possible de conserver une mission pour les porter ou de les rattacher à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». Ces crédits sont en effet directement liés à la gestion des finances publiques et seraient rapprochés du programme portant la gestion des agents réalisant ces opérations. Cette dernière option est celle privilégiée par votre rapporteure spéciale.

d) À défaut d'une répartition, un découpage fin au sein d'une seule mission

Si une répartition entre les missions ne pouvait être mise en oeuvre pour des raisons tenant à la complexité de cette réforme, une solution alternative pourrait être envisagée.

La priorité étant de mieux distinguer et mettre en valeur les crédits par politique, un regroupement sur une mission est possible à condition de créer des programmes distincts par nature de dépense, que des actions et sous-actions viendraient subdiviser afin de préciser les dépenses par impôt et par dispositif.

La traçabilité des crédits d'impôt pourrait ainsi être assurée, sans pour autant affaiblir la lecture des documents budgétaires et la soustraction de ces crédits des recettes brutes.

Recommandation n° 6 : Rattacher à moyen terme les crédits de remboursements et dégrèvements d'impôts d'État aux missions budgétaires qui en portent les dispositifs.

Recommandation alternative : Conserver une mission dédiée avec des programmes par nature de dépense, subdvivisés par des actions et sous-actions par impôt et par politique publique.

5. Maintenir les admissions en non-valeur au sein de la comptabilité budgétaire

Certaines dépenses de la mission correspondent à de simples jeux d'écriture. Ces « dépenses » n'en sont donc en réalité pas, n'occasionnant pas de décaissements pour l'État . Sont ainsi concernées les admissions en non-valeur, les remises de débets et les dations en paiement .

Ces opérations font l'objet d'une inscription « pour ordre » au sein de la mission « Remboursements et dégrèvements », quand une recette équivalente est inscrite également au budget de l'État.

Les montants des opérations d'admissions en non-valeur, de remises de débets et de dations en paiement est une information nécessaire pour les parlementaires . La connaissance de ces éléments peut permettre d'apprécier l'ampleur des décisions, concernant les remises gracieuses par exemple.

Il est donc souhaitable de conserver ces opérations en dépenses au sein de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

Elles doivent cependant faire l'objet de précisions au sein des annexes des projets de lois de finances, pour leurs estimations, et projets de lois de règlement des comptes, pour leur réalisation.

Recommandation n° 7 : Conserver les « dépenses pour ordre » au sein de la mission « Remboursements et dégrèvements » tout en renforçant l'information des parlementaires dans les annexes des projets de lois de finances

6. Accroître la nécessaire traçabilité des contentieux au sein de la mission

La mission « Remboursements et dégrèvements » retrace également les crédits relatifs aux contentieux, au sein de l'action « remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État ». Les enjeux financiers sont importants. À ce titre, il est nécessaire de conserver une unité de présentation de ces crédits au sein de la mission .

Les informations relatives aux contentieux en cours revêtent parfois un caractère délicat voire confidentiel. Si leur présentation détaillée ne peut ainsi intervenir totalement au sein des documents budgétaires, il est important qu'il soit rendu compte régulièrement de l'évolution des enjeux aux commissions des finances des assemblées .

Votre rapporteure spéciale avait sollicité en ce sens le ministère des finances en 2016 et consacré une partie de son rapport spécial, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2017 19 ( * ) , aux enjeux liés aux contentieux communautaires.


* 16 Notamment, Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution 2014.

* 17 À titre de comparaison, le projet de loi de finances pour 2017 prévoit 50,7 milliards d'euros consacrés aux dépenses de fonctionnement et 11,2 milliards d'euros pour les dépenses d'investissement.

* 18 Sont visés par les articles 12, 13 et 15 de la loi organique les mouvements et transferts de crédits, les décrets d'avance ainsi que les reports de crédits.

* 19 Rapport général sur le projet de loi de finances pour 2017, annexe n° 28, Marie-France Beaufils.

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