C. PARACHEVER LA SPÉCIALISATION DE CERTAINS TRIBUNAUX DE COMMERCE

Créés par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, les tribunaux de commerce spécialement désignés de l'article L. 721-8 du code de commerce ont compétence exclusive pour traiter des procédures de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaires en fonction de plusieurs critères alternatifs, dont les principaux sont :

- les affaires concernant un débiteur ou un groupe employant au moins 250 salariés et réalisant un chiffre d'affaires net d'au moins 20 millions d'euros ;

- celles concernant un débiteur ou un groupe réalisant un chiffre d'affaires net d'au moins 40 millions d'euros ;

- les procédures transfrontalières ;

- ainsi que, sur option, les procédures de conciliation concernant les mêmes débiteurs.

Auparavant, chaque tribunal de commerce avait compétence pour connaître des procédures collectives prévues au livre VI du tribunal de commerce, pour toute entreprise dont le siège se situait dans son ressort. Il n'existait qu'une spécialisation en matière de concurrence 195 ( * ) .

Article L. 721-8 du code de commerce

Des tribunaux de commerce spécialement désignés connaissent, lorsque le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale :

1° Des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire mentionnées au livre VI, lorsque le débiteur est :

a) Une entreprise dont le nombre de salariés est égal ou supérieur à 250 et dont le montant net du chiffre d'affaires est d'au moins 20 millions d'euros ;

b) Une entreprise dont le montant net du chiffre d'affaires est d'au moins 40 millions d'euros ;

c) Une société qui détient ou contrôle une autre société, au sens des articles L. 233-1 et L. 233-3, dès lors que le nombre de salariés de l'ensemble des sociétés concernées est égal ou supérieur à 250 et que le montant net du chiffre d'affaires de l'ensemble de ces sociétés est d'au moins 20 millions d'euros ;

d) Une société qui détient ou contrôle une autre société, au sens des articles L. 233-1 et L. 233-3, dès lors que le montant net du chiffre d'affaires de l'ensemble de ces sociétés est d'au moins 40 millions d'euros ;

2° Des procédures d'insolvabilité principales ouvertes à l'égard d'un débiteur qui possède un établissement sur le territoire d'un autre État membre, des procédures d'insolvabilité secondaires ou des procédures d'insolvabilité territoriales au sens de l'article 3 du règlement (UE) n° 2015/848 du 20 mai 2015 relatif aux procédures d'insolvabilité, ainsi que des instances introduites en application de la section 2 du chapitre II du titre IX du livre VI ;

3° Des procédures pour l'ouverture desquelles la compétence internationale du tribunal résulte de la présence dans son ressort du centre principal des intérêts du débiteur ;

4° De la procédure de conciliation prévue au titre Ier du livre VI, sur saisine directe par le débiteur, à la demande du procureur de la République ou par décision du président du tribunal de commerce, lorsque le débiteur est une entreprise ou un ensemble de sociétés remplissant les conditions prévues aux a à d du 1°.

Le tribunal de commerce spécialisé compétent pour l'application des c et d du même 1° et du 4° du présent article est celui dans le ressort duquel se situe la société qui détient ou contrôle une autre société au sens des articles L. 233-1 et L. 233-3.

Pour l'application du 2° du présent article, le tribunal de commerce spécialisé compétent pour l'ouverture de la procédure d'insolvabilité principale est celui dans le ressort duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur. Le tribunal de commerce spécialisé compétent pour l'ouverture d'une procédure secondaire ou d'une procédure territoriale est celui dans le ressort duquel est situé un établissement du débiteur au sens du point 10 de l'article 2 du règlement (UE) n° 2015/848 précité.

Un décret, pris après avis du Conseil national des tribunaux de commerce, fixe la liste des tribunaux de commerce spécialisés. Ce décret détermine le ressort de ces juridictions, en tenant compte des bassins d'emplois et des bassins d'activité économique.

Le président du tribunal de commerce dans le ressort duquel l'entreprise a des intérêts ou un juge délégué par lui siège de droit au sein du tribunal de commerce spécialisé compétent.

Dix-neuf tribunaux de commerce spécialisés (TCS) ont ainsi été désignés par décret 196 ( * ) . Ces tribunaux peuvent également se voir renvoyer par la cour d'appel toute procédure collective par l'effet de la procédure de délocalisation, « lorsque les intérêts en présence le justifient » 197 ( * ) .

Les rapporteurs voient plusieurs avantages à ce que les affaires dont les enjeux en termes d'emploi et de désintéressement des créanciers, même si elles ne sont pas forcément toujours les plus complexes, soient examinées par un TCS : celui-ci dispose d'une masse critique de juges consulaires rompus aux procédures collectives, et cela diminue les risques éventuels de conflit d'intérêts . La spécialisation doit permettre, in fine , d'accroître la qualité de la réponse judiciaire, sa prévisibilité et donc, la sécurité juridique, grâce à l'expertise acquise par les juges.

Ils recommandent donc de renforcer la place des TCS en alignant leur compétence sur les seuils prévus pour la mise en place obligatoire de comités de créanciers , aujourd'hui fixée à 150 salariés et 20 millions d'euros de chiffre d'affaires 198 ( * ) , mais qui devrait évoluer avec la création de nouveaux seuils de constitution obligatoire de classes de parties affectées . La complexité des nouvelles procédures issues de la transposition de la directive Restructuration et insolvabilité du 20 juin 2019 justifie pleinement cet alignement .

À l'aune de l'évolution de leur compétence, il conviendrait également de réévaluer la répartition des TCS sur le territoire et, le cas échéant, de la faire évoluer.

Recommandation n° 50 : Aligner la compétence des tribunaux de commerce spécialisés (TCS) en procédures collectives sur les seuils prévus pour la constitution obligatoire de classes de parties affectées.

Recommandation n° 51 :  Réévaluer la répartition des TCS sur le territoire et, le cas échéant, la faire évoluer.

Les rapporteurs s'interrogent également sur l' exclusion des territoires d'outre-mer de la spécialisation des tribunaux de commerce 199 ( * ) , au motif de l'insularité et de l'éloignement des tribunaux entre eux, qui pouvait rendre difficile en pratique de modifier le ressort du tribunal compétent pour les entreprises concernées. Comme l'avaient très justement analysé les rapporteurs de la commission spéciale du Sénat sur le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques : « un tel choix d'exclusion des entreprises ultramarines du dispositif des TCS s'avère cependant discutable. Si des entreprises d'une certaine taille seulement sont concernées, il pourrait paraître raisonnable, voire très utile dans certains cas compte tenu du poids de ces entreprises dans l'économie insulaire, que l'affaire soit jugée par un tribunal extérieur » 200 ( * ) .

Recommandation n° 52 :  Envisager l'extension outre-mer des tribunaux de commerce spécialisés en matière de procédure collective.


* 195 Article L. 420-7 du code de commerce.

* 196 Décret n° 2016-217 du 26 février 2016 fixant la liste et le ressort des tribunaux de commerce spécialisés.

* 197 Article L. 662-2 du code de commerce.

* 198 Article R. 626-52 du code de commerce.

* 199 Article L. 732-8 du code de commerce.

* 200 Rapport n° 370 (2014-2015) de Catherine Deroche, Dominique Estrosi-Sassone et François Pillet, fait au nom de la commission spéciale, déposé le 25 mars 2015 sur le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, p. 579, consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl14-300.html

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