II. DES LACUNES DANS LA FORMATION DES ENSEIGNANTS EN MATHÉMATIQUES QUI NE SONT ENCORE QU'IMPARTIELLEMENT PRISES EN COMPTE

Le rapporteur spécial considère toutefois que le levier de la rémunération ne peut être la seule solution, en particulier au vu des lacunes qui caractérisent la formation des enseignants , notamment en mathématiques. La priorité doit aller à la mise en place d'une formation initiale plus adaptée pour les enseignants du premier degré, et à celle d'une formation continue à la hauteur des enjeux dans le second.

La formation continue permet de répondre à la problématique de baisse de niveau des élèves, mais elle contribue également au développement professionnel des enseignants. En conséquence, elle est un facteur clé de l'amélioration de l'attractivité de la profession .

A. L'ACCENT MIS SUR LA FORMATION INITIALE DES ENSEIGNANTS EST LONGTEMPS ALLÉ DE PAIR AVEC UNE FORMATION CONTINUE DISCIPLINAIRE QUASI-INEXISTANTE

La formation initiale fait traditionnellement l'objet d'un surinvestissement au détriment de la formation continue , laquelle se traduit parfois par une inadaptation des contenus pédagogiques et des méthodes. Ainsi, selon l'enquête Talis 21 ( * ) , seule la moitié des enseignants se sent formée à la pédagogie .

1. Une formation en mathématiques qui reste très marginale dans le premier degré malgré la réforme en cours

Les professeurs des écoles français se considèrent moins à l'aise dans l'enseignement des mathématiques que la moyenne de l'UE. Ainsi, ils sont 72 % des enseignants du premier degré à se sentir à l'aise pour donner du sens aux mathématiques, contre 85 % dans l'Union européenne (UE) 22 ( * ) . Cette faiblesse initiale découle notamment des caractéristiques des enseignants du premier degré, qui viennent plus fréquemment de formations en sciences humaines 23 ( * ) et dont les inclinations pour les mathématiques sont donc moins prégnantes.

La loi dite « école de la confiance » 24 ( * ) a fait largement évoluer la formation initiale des enseignants. En 2019, les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) ont remplacé les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (Espé). Le master « métier enseignement, éducation et de la formation » (Meef) , qui prépare les enseignants du premier et du second degrés, rassemble désormais 25 000 étudiants par an. Le développement du dispositif de préprofessionnalisation permet également aux élèves de se familiariser progressivement avec l'enseignement en étant en alternance avant la fin de leur formation.

En outre, la réforme du master Meef et du recrutement mise en oeuvre par arrêté en juillet 2020 25 ( * ) a prévu qu'au moins 55 % du temps de formation des professeurs des écoles devait être consacré aux savoirs fondamentaux, dont le triptyque « lire, écrire, compter ». La réforme prévoit également de repousser d'une année le passage du concours d'enseignement, en alignant le concours de professeur des écoles et le Capes sur l'agrégation . Il faudra désormais être titulaire ou inscrit en master 2 pour pouvoir passer le concours. Si cette réforme peut permettre d'approfondir la formation disciplinaire des candidats, elle ne doit pas conduire à ce que des études trop longues dissuadent certains étudiants. Le dispositif de préprofessionnalisation peut constituer une solution sur ce dernier point.

Le rapporteur spécial considère cependant que, malgré les dernières améliorations qui visent à ce qu'au moins 30 % du temps d'enseignement soit dédié aux stratégies d'enseignement et d'apprentissage efficaces, à l'évaluation et à la gestion de classe, la dimension pédagogique en master Meef reste assez limitée et ne permet pas aux étudiants d'être pleinement préparés à la réalité d'une classe .

Le rapporteur spécial salue l'expérimentation, à partir de septembre 2021, d'une licence préparatoire au professorat des écoles (le parcours préparatoire au professorat des écoles ou PPPE) sous forme de classe préparatoire, sur le modèle des CPGE, partagée entre lycée et université et comportant des périodes d'alternance. A l'heure actuelle, 24 parcours préparatoires au professorat des écoles, couvrant 22 académies, sont expérimentés à compter de la rentrée 2021 pour des promotions de 30 à 40 étudiants pour chaque parcours, qui comportent une mention de mathématiques. Cependant, si le rapporteur spécial considère que la création de cette licence est intéressante, en ce qu'elle va dans le sens d'une professionnalisation accrue des professeurs des écoles, ses effets ne pourront être évalués que dans cinq ans a minima . Il faudra suivre attentivement cette réforme et surtout s'assurer que les étudiants s'en emparent.

Recommandation n° 7 : Assurer un suivi régulier de l'expérimentation du parcours préparatoire au professorat des écoles et en particulier de la mention « mathématiques ».

2. Un recours à la formation continue très limité dans le second degré, en particulier au regard des comparaisons internationales

Dans le second degré, la formation continue n'est pas obligatoire, mais elle est laissée à la discrétion des enseignants . Or, les formations sont souvent jugées inadaptées ou obsolètes par ces derniers , ce qui aboutit dans certaines académies à fermer des formations faute de demande. La formation continue est selon le rapporteur spécial un élément clé de la revalorisation du métier, car elle permet aux enseignants d'être plus efficaces tout en étant un vecteur de reconnaissance des spécificités pédagogiques et disciplinaires.

Un rapport de l'inspection générale de l'éducation nationale de 2018 26 ( * ) soulignait que « cet enjeu d'attractivité passe aussi par une adaptation aux évolutions de la société et aux savoirs sans cesse enrichis qui y circulent . C'est à cette condition, notamment pour les jeunes étudiants, que la profession n'apparaîtra non plus comme figée, mais comme potentiellement ouverte à des évolutions internes ou vers d'autres métiers, au sein ou en dehors de la fonction publique ».

La formation continue demeure la parente pauvre dans le second degré. Selon l'audition de la DEPP, en 2015 la moitié des élèves avaient des enseignants qui n'avaient participé à aucune formation dans les deux dernières années. La situation s'est toutefois rapidement améliorée : aujourd'hui, seuls 23 % des élèves se trouvent dans cette situation. Selon une note d'information de la DEPP 27 ( * ) , l'indicateur de participation à des actions de formation continue est effectivement en hausse en France depuis 2013. Il est passé en cinq ans de 64 % à 83 %, mais reste le plus faible parmi l'OCDE .

Besoins déclarés en formation continue, selon les caractéristiques
des enseignants en 2018 (en %)

Source : DEPP

NB : HEP : hors éducation prioritaire. EP : éducation prioritaire.

La France est ainsi, comme le mettait en avant le rapport de 2018 précédemment mentionné, dans la situation paradoxale où, malgré la demande soutenue des enseignants et de l'institution, le faible volume de la formation continue classe la France derrière des pays comparables . En outre, on constate un « décrochage entre des professeurs qui se forment beaucoup et bien et d'autres qui se forment peu voire échappent à toute formation ».

Dans le cas particulier des mathématiques, les programmes sont en outre moins mouvants que dans d'autres disciplines , ce qui incite moins les professeurs à se former, face à un sentiment d'immuabilité de la matière. Le sujet est donc également celui d'une transformation de la culture des enseignants.


* 21 DEPP, note d'Information, n° 20.11.

* 22 Audition de Mme Fabienne Rosenwald, directrice de la DEPP.

* 23 Selon l'Association des professeurs de mathématiques de l'enseignement public entendue par le rapporteur spécial, 80% des professeurs des écoles ont suivi une formation initiale en sciences l'éducation ou en sciences humaines , et n'ont plus fait de mathématiques pendant leur cursus supérieur.

* 24 Loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.

* 25 Arrêté du 24 juillet 2020 modifiant l'arrêté du 27 août 2013 fixant le cadre national des formations dispensées au sein des masters « métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation ».

* 26 La formation continue des enseignants du second degré. De la formation continue au développement professionnel et personnel des enseignants du second degré ? Inspection générale de l'éducation nationale et inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, septembre 2018.

* 27 DEPP, note d'information n° 19.23 - Juin 2019.

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