B. LA MESURE ADOPTÉE DANS LE CADRE DU PLF 2021 : UNE MÉTHODE REGRETTABLE ET PEU RESPECTUEUSE DU PARLEMENT

1. Le Gouvernement n'a pas créé les conditions d'une réflexion éclairée de la représentation nationale

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, le Gouvernement a déposé à l'Assemblée nationale un amendement de dernière minute visant à réviser les tarifs de certains des contrats signés entre 2006 et 2010. La mesure n'était donc pas accompagnée de la moindre évaluation préalable .

Sur un sujet tellement sensible , aux implications potentielles significatives sur les producteurs comme sur la filière des EnR en général, cette méthode est apparue pour le moins contestable et irrespectueuse de la représentation nationale . Saisi dans l'urgence, le Parlement a eu à se prononcer sur cette disposition sans bénéficier du recul ainsi que des éléments d'analyse et de contexte indispensables à sa bonne information. La nature des détenteurs des contrats était peu connue et les conséquences budgétaires attendues de la mesure très floues. Depuis, la visibilité n'a d'ailleurs que très partiellement évolué sur ces questions.

Un bilan des expériences précédentes de révisions tarifaires, en France comme à l'étranger, aurait pu très utilement éclairer le Parlement . En France, l'article 58 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance (dite loi « ESSOC »), a prévu une renégociation des tarifs d'achat des appels d'offres 2011-2013 pour les installations de production d'énergie éolienne en mer. En Espagne et en Italie, des dispositifs de révision tarifaire ont aussi été mis en oeuvre. Il aurait été nécessaire que le Gouvernement présente un bilan de ces expériences dans le cadre d'une vraie étude d'impact.

Au cours des débats, les parlementaires n'en ont pas moins exprimé leurs préoccupations quant aux incidences potentiellement néfastes de la mesure : risque de faillites en cascades, crédibilité de la parole de l'État mise en cause, traitement des centrales installées en zones non-interconnectées (ZNI), risque d'usine à gaz de la procédure de réexamen individuel des tarifs révisés, problématique des contrats cédés , risques contentieux, etc. Ces inquiétudes ont été particulièrement soulignées par la chambre haute qui a rejeté la disposition conformément à l'avis de sa commission des finances.

2. Le dispositif adopté : l'article 225 de la loi de finances initiale pour 2021

Néanmoins, l'article 54 sexies du projet de loi, devenu l'article 225 du texte promulgué, a été adopté par l'Assemblée nationale. La disposition prévoit la réduction du tarif d'achat de l'électricité produite par les installations d'une puissance crête supérieure à 250 kilowatts pour les contrats signés en application des arrêtés S06, S10 et S10B. Aux termes de l'article, la révision tarifaire doit permettre que la rémunération des capitaux immobilisés n'excède pas un niveau « raisonnable ».

La disposition prévoit aussi une procédure d'appel ouverte à la demande du producteur. Cette procédure, baptisée « clause de sauvegarde », peut conduire les ministres de l'énergie et du budget, par arrêté conjoint et sur proposition de la CRE, à fixer un tarif différent du tarif révisé s'il s'avérait que ce dernier était « de nature à compromettre la viabilité économique du producteur » . Cette correction du premier tarif révisé est possible « sous réserve que celui-ci ait pris toutes les mesures de redressement à sa disposition et que les personnes qui le détiennent directement ou indirectement aient mis en oeuvre toutes les mesures de soutien à leur disposition » .

L'article 225 prévoit en outre qu' un décret en Conseil d'État pris après avis de la CRE précise les modalités d'application du dispositif.

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