B. LES TEXTES D'APPLICATION ET LES MODALITÉS DE CALCUL DES TARIFS RÉVISÉS ONT SUSCITÉ DE VIVES PRÉOCCUPATIONS

1. Une consultation tendue dès son origine

La consultation des textes réglementaires n'a pas débuté sous les meilleurs auspices , notamment en raison d' erreurs matérielles dans le modèle de calcul du tarif révisé présenté en annexe de l'arrêté. Ces erreurs s'expliquent par la complexité du modèle , elle-même critiquée par le secteur. Alors qu'elle voyait se profiler des baisses brutales, la filière a vivement réagi . Au regard des premiers textes mis en consultation, le secteur craignait une baisse de tarif moyenne de 55 % et des révisons à la baisse de 95 % pour un quart des exploitations .

Par ailleurs, compte tenu de son caractère structurant, la filière aurait souhaité disposer , dès le début de la consultation, du projet de délibération de la CRE vouée à déterminer les modalités d'application de la clause de sauvegarde. Ce contexte a contribué à tendre les échanges et a nui à leur caractère constructif.

2. Une approche « normative » en question
a) L'approche normative retenue

La principale pierre d'achoppement de la consultation a porté sur le choix de l'administration de recourir à une approche « normative » pour déterminer le tarif révisé. Le modèle de calcul du tarif révisé repose sur des hypothèses sous-jacentes d'évolution de coûts d'investissement (CAPEX), de charges d'exploitation (OPEX), de productible et de taux de rentabilité interne cible (TRI) sur la période de mise en service des exploitations concernées. Ces hypothèses, desquelles dépendent les révisions de tarif qui seront notifiées aux producteurs, sont, par définition, fragiles et prêtent le flanc à la critique. La détermination des CAPEX et OPEX normatifs concentrent les contestations de la filière.

Les hypothèses de CAPEX sont déterminées à partir de données de départ dites « base CRE », révélées par les appels d'offres organisés entre 2017 et 2020. Pour déduire de ces données de base des valeurs normatives des coûts d'investissement sur les années antérieures, le modèle de calcul exploite le profil d'évolution des coûts complets de la filière photovoltaïque tel qu'il ressort des données moyennes internationales du rapport « Renewable power generations costs in 2019 » de l'agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena). À partir de ce profil, les données de base CRE sont extrapolées jusqu'en 2010.

En ce qui concerne les hypothèses d'OPEX , les particularités nationales empêchaient de prendre en compte des moyennes internationales. Définies par typologie d'installation et selon l'année de mise en service , les OPEX dits « historiques » sont considérés comme constants de la mise en service jusqu'à la date de mise en oeuvre de la réforme. En revanche, l'administration considère qu'à l'issue de la révision tarifaire, les coûts d'exploitation doivent diminuer et donc contribuer à la viabilité économique du nouveau tarif révisé , ce sont les OPEX dits « post-révision ». Si elle considère que 60 % des OPEX historiques sont fixes, elle estime que 40 % d'entre eux sont flexibles et renégociables à un coût proportionnel au tarif révisé . Parmi les charges ajustables à la baisse au tarif révisé, l'administration vise notamment la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), les beaux locatifs, les contrats de gestion et de maintenance, les contrats d'assurance, etc. Les professionnels contestent cette analyse et estiment ne disposer d'aucun support juridique véritable pour procéder à ces renégociations de contrats. Ils considèrent que leurs charges d'exploitation post-révision seront beaucoup plus rigides que les hypothèses retenues dans le modèle de calcul.

Les hypothèses normatives de coûts varient notamment en fonction de la date de mise en service et de l'implantation géographique . Compte-tenu de la baisse très rapide des coûts moyens retenus, le modèle est particulièrement sensible en fonction du trimestre de mise en service de l'exploitation.

Les TRI , qui déterminent une rémunération raisonnable des capitaux sont appréciés au regard des conditions d'investissement de l'époque et de la volonté des pouvoirs publics de développer la filière . Les travaux préparatoires aux arrêtés tarifaires S06, S10 et S10B ont été analysés. Ils font apparaître respectivement des TRI de 15,3 %, 12,9 % et 10,6 % . Le taux de rémunération des capitaux intègre la rémunération des risques supportés à l'époque par la filière. Le secteur ne conteste pas les TRI ainsi déterminés par le modèle normatif.

b) Les contestations formulées par la filière

La filière regrette que l'administration n'ait pas utilisé les données réelles des exploitations qui figurent dans les comptes des sociétés. L'administration considère qu'elle ne pouvait garantir la représentativité de l'échantillon des données que lui avait fait parvenir la filière et que les données réelles auront vocation à être prises en compte au stade de la procédure de réexamen individuel.

L'administration souligne également que la détermination d'une rémunération raisonnable des capitaux s'apprécie notamment au regard de la rémunération des risques d'investissements supportés lors de la période considérée. Dans la mesure où les données réelles issues des comptes des sociétés sont des données constatées qui, par définition, n'intègrent plus de tels risques, les prendre en compte aurait supposé de déterminer un niveau de rémunération raisonnable sans tenir compte de la rémunération de ces risques. D'après la CRE, un tel niveau aurait été difficilement objectivable.

La filière conteste le niveau des CAPEX et OPEX normatifs qu'elle estime nettement sous-estimés au regard des données réelles constatées. Une telle sous-estimation conduirait à surestimer la rentabilité des exploitations et donc les niveaux de révision tarifaire .

D'après la filière, les CAPEX normatifs sont sous-évalués de 25 à 40 % par rapport aux données réelles. L'administration avance notamment des phénomènes de vases communicants entre OPEX et CAPEX liés aux hypothèses retenues dans le cadre du modèle normatif. À titre d'exemple, le modèle retient une hypothèse de charges locatives, rattachées aux OPEX, tandis que la construction d'un bâtiment par certains exploitants trouve sa traduction dans les CAPEX. Concernant les CAPEX, l'administration avance une autre explication qui participe également au choix d'une approche normative plutôt que les jeux de données réelles. Entre 2011 et 2013, période du moratoire, les coûts d'investissement présentés par la filière et concernant les grandes installations au sol ont augmenté dans la mesure où, afin d'accélérer leurs démarches et de bénéficier des tarifs prévus par les arrêtés S10 et S10B, certains producteurs n'auraient pas cherché à optimiser leurs coûts . L'administration ne souhaite pas intégrer ce paramètre dans son modèle normatif.

La filière considère que les OPEX « historiques » et « post-révision » sont également sous-évalués .

c) Un avis de rejet du conseil supérieur de l'énergie

Dans son avis consultatif du 22 juillet, le conseil supérieur de l'énergie (CSE) a rejeté à une large majorité les projets de textes réglementaires. Seuls les représentants de l'État ne se sont pas prononcés pour un rejet. Les membres du CSE ont regretté un manque d'ouverture de l'État. Le rejet du CSE est un signal fort à prendre en compte.

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