F. SENSIBILISER : RENFORCER LA PRISE DE CONSCIENCE, EN MOBILISANT UNE LARGE PALETTE D'OUTILS, ALLANT DE LA COMMUNICATION À LA RÉPRESSION

1. Renforcer la prise de conscience par une communication d'envergure, à la hauteur des moyens mobilisés pour d'autres causes nationales

À la différence de l'Amérique du Nord, où 4 feux sur 10 sont d'origine naturelle (impacts de foudre sur l'humus), le facteur anthropique est prépondérant en Europe dans le déclenchement des incendies : en France, 9 feux sur 10 sont d'origine humaine, et 7 sur 10 à l'imprudence humaine .

Dans ce contexte, une campagne nationale de sensibilisation et de prévention des risques de feux de forêt et de végétation, intitulée « Alerte Feux de forêt : adoptons les bons gestes » a été lancée sous l'égide des ministères compétents en la matière - MTECT, MASA, ministère de l'intérieur, avec l'appui de l'ONF et de Météo-France. Elle allie à une identité visuelle forte , des messages percutants et une tonalité publicitaire pour marquer les esprits, y compris ceux des plus jeunes, sur les bons réflexes à cultiver (barbecue, mégot, matériel pouvant provoquer des étincelles ou dégager de la chaleur).

Source : ONF

En outre, au-delà des messages de sensibilisation sur les pratiques et comportements à risque, il convient de sensibiliser à plus grande échelle sur l'intérêt des mesures de prévention, qui souffrent à ce jour d'un déficit de visibilité par rapport aux actions de lutte, souvent médiatiques . À cette fin, de la même manière que le préfet participe à l'ouverture de la saison des feux avant l'été, il pourrait être intéressant de procéder à une communication sur la « saison de la prévention », en montrant concrètement en quoi consiste un débroussaillement dans les normes. Cela devrait se faire en présence des élus, qui doivent être sensibilisés et formés , y compris dans les zones aujourd'hui peu exposées, et qui pourraient ensuite être le relais de ces bonnes pratiques .

Axe n° 6 - Recommandation n° 52 : Renforcer très largement les moyens alloués à la communication, à la hauteur des moyens mobilisés pour d'autres causes nationales (ex. sécurité routière), et prévoir autour du préfet et des élus une communication à l'automne et à l'hiver sur les actes de prévention, notamment en matière de débroussaillement.

L'accroissement des moyens alloués à la communication doit aller de pair avec une meilleure coordination des campagnes menées.

Portée par de nombreux acteurs, la sensibilisation des populations souffre encore d'une trop grande hétérogénéité dans les messages relayés auprès des populations, sur la forme comme sur le fond.

L'impact de la communication serait pourtant accru si le public identifiait des slogans et des signes visuels uniformisés sur l'ensemble du territoire national, ou à défaut, d'une zone de défense incendie (Sud-Est, Sud-Ouest...).

Les rapporteurs ne peuvent donc que souligner la pertinence de la recommandation du rapport DFCI de 2016, qui proposait aux trois ministères concernés par la politique de défense contre les incendies d'édicter, par une circulaire commune, les principes généraux de communication à respecter par tous, dans le but de renforcer l'impact des messages en direction des habitants et des touristes.

Cet effort d'uniformisation n'empêche pas le ciblage de la communication sur certains publics . Lors de leur déplacement en région Sud, les rapporteurs ont ainsi pu prendre connaissance du catalogue étendu de dépliants et de vidéos de communication de l'Entente Valabre , tant au niveau zonal qu'au niveau national. L'Entente a souligné la nécessité de cibler les publics , en donnant l'exemple d'un partenariat avec les buralistes pour la communication sur les mégots de cigarette, ou de messages sur les réseaux sociaux destinés spécialement aux jeunes. Les touristes , pas nécessairement acculturés au risque d'incendie, devraient faire l'objet d'un effort particulier de communication. Les rapporteurs émettent par exemple l'idée que des messages de prudence soient véhiculés dans les trains en provenance du nord du pays, pour acculturer les touristes aux bons réflexes dès leur arrivée.

L'important flux de touristes étrangers nécessite également de produire des documents dans plusieurs langues .

Axe n° 6 - Recommandation n° 53 : Mieux coordonner les campagnes de communication à l'échelle nationale et à l'échelle des zones.

A l'occasion du déplacement de la mission au siège de l'Entente Valabre, la région Sud a présenté, parmi d'autres mesures opérationnelles, son dispositif de « garde régionale forestière ». Créée en 2018, cette garde a pour mission de développer la « culture du risque » feux de forêt chez les riverains et autres usagers de la forêt, lors des périodes de sensibilité au feu et de forte augmentation de la fréquentation des massifs (2 ou 3 mois de l'été).

Pour ce faire, la région Sud co-finance à 80 % le recrutement, par des EPCI ou des autorités de gestion d'aires protégées (15 territoires au total), de jeunes, dûment formés, équipés et identifiables grâce à un uniforme unique, chargés de sensibiliser les usagers de la forêt au risque de feux de forêt et en rappelant le cas échéant les arrêtés en vigueur (accès aux massifs, interdiction d'usage du feu) .

Ces jeunes interviennent en appui de l'action des 190 Agents de protection de la forêt méditerranéenne (APFM) de l'ONF et des 7 400 bénévoles des Comités communaux feux de forêt (CCFF) dans la surveillance des massifs, en apportant de la présence humaine en forêt pour mieux quadriller le terrain .

Ce dispositif monte en puissance, 185 jeunes y prenant part en 2022, pour un budget total de plus d'un million d'euros. La région entend d'ailleurs étendre son application à de nouveaux territoires (métropole Aix-Marseille, Grand site Estérel...).

En outre, le contact humain avec ces jeunes semble davantage susceptible d'infléchir les comportements que les dépliants de sensibilisation, dont l'efficacité est tributaire de l'attention sélective de leurs lecteurs.

Ce dispositif semble particulièrement fructueux aux rapporteurs puisqu'il permet en outre de sensibiliser de la meilleure des façons, par la pratique, les jeunes engagés dans cette garde régionale . Ils pourront par la suite servir de relais aux campagnes nationales dans leur entourage . Aussi, la généralisation de ce dispositif au niveau national (en se concentrant sur les massifs à risque) en s'appuyant sur le SNU , semble particulièrement souhaitable.

Axe n° 6 - Recommandation n° 54 : Mobiliser le budget des collectivités territoriales pour recruter, former et équiper des jeunes du Service national universel (SNU), afin de prévenir et sensibiliser les usagers en forêt, ainsi que de surveiller les massifs lors des périodes à risque.

Parmi les 90 % d'incendies d'origine humaine, les jets de mégots de cigarette sont une cause avérée de départs de feu qui pourrait être facilement évitée par une meilleure sensibilisation des particuliers .

Pour prévenir la constitution de déchets et contribuer aux coûts de nettoiement, une filière de responsabilité élargie du producteur (REP) dédiée aux mégots a été créée par la loi AGEC 46 ( * ) . Un des objectifs assignés à l'éco-organisme agréé pour cette filière - Alcome - est de réduire l'abandon de mégots dans l'espace public de 40 % d'ici six ans.

Dans ce cadre et à cette fin, la filière pourrait être mobilisée pour financer des actions de communication d'envergure dans des endroits propices aux départs de feux, à l'instar des autoroutes, souffrant parfois d'un déficit d'information. François Pimont souligne ainsi que « sur les aires d'autoroutes traversant le Var, aucune information concernant les feux de forêt n'est disponible, et certaines personnes en transit peuvent facilement ne pas s'apercevoir qu'elles se trouvent dans un territoire à risque 47 ( * ) ».

Axe n° 6 - Recommandation n° 55 : S'appuyer sur la filière de responsabilité élargie du producteur (REP) mégots pour financer des actions de communication d'envergure, notamment sur les autoroutes.

Enfin, une sensibilisation des plus jeunes devrait également être engagée dans les établissements scolaires , en recourant à des intervenants extérieurs.

Cette sensibilisation pourrait au demeurant faire naître des vocations et contribuer à accroître les effectifs des sapeurs-pompiers volontaires.

Axe n° 6 - Recommandation n° 56 : Sensibiliser les plus jeunes dans les établissements scolaires, en recourant à des intervenants extérieurs.

2. Renforcer et clarifier les sanctions relatives à la prévention du risque d'incendie

La sensibilisation passera également par un renforcement et une clarification des sanctions relatives à la prévention du risque d'incendie .

À l'exception du non-respect de certaines obligations légales de débroussaillement (OLD) - afférentes par exemple aux campings, lotissements ou aux zones d'aménagement concerté (ZAC) - sanctionnées par une contravention de cinquième classe, la plupart des infractions relatives au risque d'incendie relèvent de la contravention de quatrième classe.

Interdiction d'emploi du feu au titre de l'article L. 131-1 du code forestier, mesures préfectorales spécifiques à la prévention incendie au titre des articles L. 131-6 à L. 131-8 (notamment les interdictions de circulation dans les massifs fermés et de travaux en cas de risque exceptionnel d'incendie), obligations légales de débroussaillement hors des cas spécifiques déjà évoqués... : la méconnaissance de ces règles est ainsi passible d'une amende pouvant aller jusqu'à 750 euros , avec possibilité de recours à une amende forfaitaire de 135 euros.

Ces sanctions pourraient être rendues plus lisibles et dissuasives en les transformant en contravention de cinquième classe (amende pouvant aller jusqu'à 1 500 euros), en prévoyant en parallèle, dans une logique d'efficacité, la possibilité d'un recours à l'amende forfaitaire (200 euros).

Axe n° 6 - Recommandation n° 57 : Augmenter et uniformiser les sanctions relatives à la prévention du risque d'incendie (notamment celles relatives aux jets de mégots), pour les rendre plus lisibles et dissuasives.

Enfin, de nombreux préfets interdissent déjà de fumer à l'intérieur des massifs forestiers durant la période estivale sur le fondement de l'article L. 131-6 du code forestier.

Par souci de clarification, une extension de cette interdiction de fumer dans l'ensemble des bois ou forêts classés à « risque d'incendie » ou particulièrement exposés à ce risque pourrait être inscrite de manière permanente au niveau législatif. Cette interdiction devra a priori être réservée aux périodes à risque .

Axe n° 6 - Recommandation n° 58 : Consacrer au niveau législatif l'interdiction de fumer dans un bois ou une forêt classé à « risque d'incendie » ou particulièrement exposé à ce risque sur les périodes à risque.


* 46 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 47 Compte rendu en ligne : https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20220613/ecos.html

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