III. UNE FORMATION DES ENSEIGNANTS LACUNAIRE ET DONT LE CADRE DOIT ÊTRE ADAPTÉ

A. UNE ABSENCE DE CERTIFICATION OBLIGATOIRE À L'ENSEIGNEMENT DU « FRANÇAIS LANGUE SECONDE » QUI NE PEUT QU'INTERROGER

Enseigner en UPE2A implique d'être face à des élèves de langues et de cultures différentes, au niveau scolaire hétérogène et qui ont en commun de ne pas maîtriser le français. À ce titre, il serait logique que l'ensemble des enseignants en UPE2A soient titulaires d'une certification « français langue seconde » (FLS).

Si théoriquement, l'affectation en UPE2A est effectivement prioritairement attribuée aux enseignants certifiés FLS, cela n'est cependant pas le cas en réalité. En l'absence de données consolidées au niveau national sur le nombre d'enseignants certifiés FLS en UPE2A , la Cour a cependant montré de nombreuses difficultés dans certaines académies.

Pour le premier degré, la circulaire de 2012 prévoit que tout enseignant volontaire peut être affecté à une UPE2A, indépendamment de sa certification ou non. Pour le second degré, aux termes de la circulaire, tout professeur de lettres doit pouvoir prendre en charge l'enseignement FLS.

En Normandie, par exemple, parmi les enseignants du premier degré en UPE2A, 66 % sont certifiés FLS et 10 % engagés dans la formation, mais 24 % ne sont pas certifiés. Parmi ceux du second degré dans la même académie, la moitié n'est pas certifiée. Plus étonnant, la Cour indique que « les enseignants qui ont la certification ne sont pas forcément ceux affectés en UPE2A ».

La Cour considère qu'il serait souhaitable de mettre en place une politique systématique de généralisation de cette certification pour ces enseignants . Le rapporteur spécial considère que cela doit passer à court terme par une mobilisation prioritaire des enseignants certifiés FLS en UPE2A et à long terme par une obligation de certification ou à tout le moins d'engagement dans une certification pour enseigner en UPE2A . Si l'obligation de certification rend nécessairement le recrutement des enseignants en UPE2A plus complexe, elle apparaît indispensable pour garantir l'efficacité du dispositif. Il ne peut être attendu des enseignants qu'ils permettent en un an à des élèves non francophones de rejoindre une classe ordinaire s'ils ne sont pas en parallèle formés.

B. LA FORMATION INITIALE COMME CONTINUE À LA PRISE EN CHARGE D'ÉLÈVES ALLOPHONES RESTE TRÈS FAIBLE

Cette question de la certification FLS cristallise une partie des interrogations sur la formation des enseignants à l'enseignement à des élèves allophones. Mais les déficiences de formation vont au-delà de ce seul sujet.

Il convient à ce titre de distinguer enseignants en UPE2A et enseignants en classe ordinaire accueillant des élèves allophones.

Concernant ces derniers, qui sont nombreux, tout enseignant du second degré souhaitant se former pour adapter ses pratiques pédagogiques en classe ordinaire, a théoriquement la possibilité de se présenter à l'examen de certification complémentaire FLS au sein de son académie. La Cour note toutefois qu'en pratique, « l'interprétation de ces textes dans certaines académies réserve cette possibilité à ceux qui ont déjà mis en oeuvre des enseignements ou des stages dans ce domaine, et donc aux enseignants de français ».

En outre, la certification FLS est accessible uniquement en parallèle d'un Capes disciplinaire ou par la formation continue. La Commission européenne a indiqué dans le rapport de 2019 précédemment mentionné que la France était le seul pays avec le Royaume-Uni à ne pas avoir de programme de formation spécifique pour l'enseignement de la langue d'instruction en tant que deuxième langue.

Les comparaisons internationales sont de manière générale peu à l'avantage du système français. Selon les résultats de l'enquête Talis menée par l'OCDE, seuls 8 % des enseignants de notre pays se sentent « bien préparés » ou « très bien préparés » pour enseigner en milieu multiculturel ou plurilingue , contre 26 % en moyenne dans l'OCDE. Pour 6 % d'entre eux, l'enseignement en milieu multiculturel ou plurilingue figure au programme de leurs activités de formation continue, contre 22 % en moyenne dans l'ensemble de l'OCDE 11 ( * ) .

La formation continue des enseignants à l'accueil des élèves allophones reste très partielle. En 2020-2021, seuls 0,26 % des enseignants du premier degré et 2,2 % des enseignants du second degré avaient suivi une formation continue sur ce thème . Le rapporteur spécial appelle à une mobilisation sur ce point, mais souligne que la progression observée au cours des dernières années va dans le bon sens.

Concernant les enseignants en UPE2A, au-delà de la certification FLS, la Cour des comptes note que « de nombreux enseignants sont affectés à des UPE2A sans formation particulière ». Dans la mesure où les conditions d'enseignement sont sensiblement différentes de celles expérimentées en classes ordinaires, il serait souhaitable de généraliser des modules de formation continue à ces enseignants.


* 11 OCDE, Étude TALIS sur la formation initiale des enseignants , janvier 2018.

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