IV. EXPOSÉS INTRODUCTIFS

A. EXPOSÉ DE M. FISCHBACH, MINISTRE

J'ai aujourd'hui l'honneur et le plaisir d'être parmi vous pour vous parler de la convention d'application de l'accord de Schengen et cela huit mois el demi après sa mise en vigueur

Le 26 mars 1995, la libre circulation des personnes dans un espace sans frontières intérieures est devenue une réalité entre sept États qui ont ratifié la Convention Schengen, à savoir les pays du Benelux, la France, l'Allemagne, l'Espagne el le Portugal.

Préfigurée dans l'article 7 A du traité de Rome, celle liberté de circulation n'a hélas, pas encore pu eue réalisée dans l'Union Européenne en raison des divergences d'interprétation du traité.

À l'origine cinq pays (Benelux. Allemagne et France) ont décidé de créer un espace sans frontières intérieures. L'accord de Schengen, signé le 14 juin 1985 à la Moselle luxembourgeoise, a été la première étape dans cette voie et c'est le 19 juin 1990 qu'à été signée la convention d'application prévoyant, en dehors du principe de la libre circulation, les mesures compensatoires rendues nécessaires par l'abolition des contrôles aux frontières intérieures.

En décembre 1990, l'Italie a rejoint les cinq États signataires ; en 1991, ce fut le tour de l'Espagne et du Portugal ; en 1992, celui de la Grèce et, en décembre 1994, l'Autriche a été admise comme nouveau membre. D'autres candidats attendent de pouvoir rejoindre le groupe, je veux parler des pays membres de l'Union nordique.

Cette volonté de faire partie de l'espace Schengen est la meilleure preuve que l'idée à la base des accords de Schengen est partagée par la grande majorité des États de l'Europe de l'Ouest.

Les critiques contre le principe d'un espace de libre circulation n'ont toutefois pas manqué avant la mise en vigueur de la convention et les discussions sur les avantages et les inconvénients d'un tel accord continuent à l'heure actuelle. D'aucuns soutiennent, en effet, que la sécurité des citoyens ne serait plus assurée, d'autres estiment que les frontières extérieures, plus strictement contrôlées, créent un nouveau mur entre l'Europe de l'Ouest et l'Europe centrale et orientale.

Quelle est, à l'heure actuelle, le bilan que l'on peut faire ; les craintes des uns et des autres sont-elles fondées ?

Il faut relever d'emblée que le « laboratoire Schengen » a fait ses preuves et que, dans l'ensemble l'opinion publique a réagi d'une manière tout à fait positive à la mise en oeuvre de la convention.

Des problèmes subsistent, certes, mais les mécanismes de contrôle aux frontières extérieures, le système d'information Schengen, la coopération policière et judiciaire fonctionnent à la satisfaction des États membres.

Pour ce qui est du contrôle aux frontières intérieures, il a été aboli en vertu de la convention. Après une première phase d'application qui s'est terminée à la Tin du mois de juin, les États contractants, à l'exception de la France, ont constaté que le fonctionnement des mécanismes prévus par la convention permettait l'ouverture complète des frontières.

La France faisant usage de la clause prévue à l'article 2 paragraphe 2 de la convention, a toutefois décidé de maintenir pour un délai de six mois les contrôles aux frontières intérieures. Cette position était motivée par des considérations tenant à la sauvegarde de l'ordre public. La France a estimé en particulier que les contrôles à certaines frontières extérieures n'étaient pas satisfaisants et que le problème du trafic des stupéfiants méritait encore un réexamen.

Il convient de relever à ce propos qu'au mois de décembre 1994, la France avait donné son accord pour la mise en vigueur de la convention et avait constaté avec les autres États que toutes les conditions pour une mise en vigueur étaient remplies.

Tel n'ayant plus été le cas, de l'avis de la France en juin 1995, la France continue actuellement à exercer des contrôles aux frontières intérieures.

Quant aux autres États, ils ont aboli les contrôles aux frontières et ils ont démantelé, en partie du moins, les infrastructures qui gênaient le libre passage.

La protection des personnes à l'égard de leurs données à caractère personnel traitées dans le système d'information Schengen.

La convention d'application de l'accord de Schengen organise cette protection sur un double plan :

- le plan national : l'article 114 prescrit que chaque partie contractante désigne une autorité de contrôle chargée, dans le respect du droit national, d'exercer un contrôle indépendant du fichier de la partie nationale du SIS ;

- le plan supranational : l'article 115 prévoit la création d'une autorité de contrôle commune chargé du contrôle de la fonction de support technique du SIS cette autorité se compose de deux représentants de chaque autorité nationale de contrôle.

La mission principale de cette autorité de contrôle commune est de vérifier la bonne exécution des dispositions de la convention d'application.

Par ailleurs, elle est également compétente pour analyser les difficultés d'application et d'interprétation pouvant survenir lors de l'exploitation du SIS, pour étudier les problèmes pouvant se poser lors de l'exercice du contrôle indépendant effectué par les autorités de contrôle nationales, et notamment à l'occasion de l'exercice du droit d'accès au système informatisé.

Depuis la mise en vigueur de la convention d'application, celte autorité de contrôle commune s'est réunie à quatre reprises. Elle a discuté essentiellement d'un règlement intérieur, dont elle était appelée à se doter. Ce règlement a été adopté lors de la dernière réunion de l'autorité.

Actuellement, l'autorité de contrôle commune analyse de quelle façon elle pourrait établir la meilleure coopération possible avec les autorités de contrôle nationales en matière d'exercice du droit d'accès aux données contenues dans le SIS.

L'article 115 de la convention d'application de l'accord de Schengen prévoit par ailleurs que l'autorité de contrôle commune doit établir des rapports portant sur l'exécution de ses missions, rapports qui sont transmis aux instances auxquelles les autorités de contrôle nationales transmettent leurs rapports.

À ma connaissance, l'autorité de contrôle commune n'a jusqu'à présent publié aucun rapport, ce qui me semble d'ailleurs normal a ce stade, alors que sa réunion de constitution n'avait lieu qu'en date du 17 mai 1995

Par ailleurs, comme cette autorité est appelée à exercer les missions lui confiées en toute indépendance, il n'incombe certainement pas à un membre du comité exécutif Schengen de s'immiscer de loin ou de près dans l'exécution des missions de l'autorité, ni d'ailleurs, de trop s'étendre sur le déjà réalisé dans le cadre de ses missions.

Afin de permettre une coopération policière optimale dans la région frontalière, la création de commissariats communs a été envisagée. Ces bureaux communs permettent notamment de coordonner les opérations de police transfrontière en cas d'événements extraordinaires.

Contrôle aux frontières extérieures Aux frontières extérieures des États contractants, le contrôle est effectué selon des règles arrêtées de commun accord et consignées dans le « Manuel commun ». Le SIS, qui est l'outil technique indispensable pour permettre un contrôle efficace et fiable, fonctionne à la satisfaction générale et donne des résultats très positifs.

En ce qui concerne les aéroports, on a constaté que, dans l'ensemble, la situation est satisfaisante. Quelques situations particulières ont bien été signalées par les États concernés avant la mise en application de la convention, mais seront normalisées dans les délais annoncés par ceux-ci. C'est ainsi que l'aéroport d'Amsterdam/Schiphol devrait être prêt pour la mi-décembre 1995. Tous les autres aéroports des États parties à la convention, et l'appliquant depuis le 26 mars 1995, pratiquent la séparation physique des passagers telle qu'elle est prévue par la convention.

Si cette séparation des flux « Schengen » et « non-Schengen » a pu créer quelques inconvénients, la facilitation de la circulation des passagers empruntant des vols Schengen est unanimement reconnue et saluée par les passagers comme un grand progrès.

Aux frontières maritimes, les États parties appliquent des procédures prévues au Manuel commun La situation particulière posée par les marins sera réglée en tenant compte des spécificités du trafic maritime.

En conclusion, on peut retenir que tant du point de vue des États membres que de celui de l'usager, la mise en place des mesures de contrôles prévues par la convention, si l'on excepte les quelques problèmes mineurs en voie d'être résolus, fait apparaître les avantages du système. En ce qui concerne les ports, les aéroports et les gares internationales, les autorités concernées ont réalisé les investissements nécessaires en matière d'infrastructure, évitant par là l'engorgement du flux des passagers, ce qui a évité, dans une large mesure, les files d'attente, tant redoutées aux frontières extérieures.

Le système d'information Schengen

J'ai déjà mentionné tout à l'heure l'importance du SIS comme moyen de contrôle efficace, en particulier aux frontières extérieures mais aussi lors de la délivrance des visas. On peut affirmer sans exagérer que le SIS constitue l'épine dorsale du dispositif Schengen.

Depuis le 26 mars, l'ordinateur central à Strasbourg et les 7 systèmes nationaux impliqués actuellement sont opérationnels 24 heures sur 24 et ceci sans interruptions significatives.

En ce qui concerne des données contenues dans le système, on peut dès à présent affirmer que ce système de recherche s'avère être plus efficace que les systèmes nationaux traditionnels, vu le grand nombre de signalements de personnes, de véhicules et d'objets qui y sont introduits d'après des critères communs.

En effet, à l'heure actuelle le fichier SIS contient des signalements concernant 800.000 véhicules volés ou recherchés, 110.000 armes à feu recherchées, 1.300.000 documents d'identité volés, 560.000 personnes recherchées (+ 350.000 alias) dont 3.400 personnes recherchées pour arrestation/extradition, 500.000 étrangers non admissibles, 14.000 personnes disparues, 40.000 personnes recherchées par les autorités judiciaires.

À ces quelques 3,5 millions de fiches sont ajoutées actuellement 10.000 nouvelles fiches par jour (une estimation complète avait été fixée à 8 millions).

Actuellement 65 % des fiches proviennent de l'Allemagne et 32 % proviennent de la France.

Pour ce qui est de l'utilisation du système et des découvertes effectuées à l'aide du système. un premier bilan est plus que positif pour toutes les administrations concernées.

Au Luxembourg, la consultation par quelques 2000 fonctionnaires des forces de police, des douanes et accises, du ministère de la Justice et du ministère des Affaires étrangères, qui ont un accès direct au fichier dans le strict respect de leurs attributions légales respectives, a permis la découverte de 550 personnes et véhicules recherchés. Ce taux de découvertes est tout à fait appréciable et il semble qu'il soit encore plus élevé dans certains autres pays.

À l'heure actuelle les préparatifs sont en cours pour l'intégration des dispositifs italien et grec qui pourront entrer dans le système existant au niveau opérationnel pour le milieu de 1996, à condition d'adopter les législations nationales nécessaires en matière de protection des données personnelles.

L'extension de ces deux pays du système augmentera bien sûr l'efficacité du dispositif dans son ensemble.

Les visas et la Coopération consulaire

1. Coopération consulaire

On peut affirmer sans exagération que la coopération consulaire entre les représentants des États Schengen dans l'ensemble des pays du monde est bien engagée.

Non seulement les représentants Schengen se réunissent régulièrement afin d'harmoniser leurs approches des instructions générales ou ponctuelles qu'ils reçoivent de leur capitale respective mais, en outre, dans la plupart des pays où plusieurs États Schengen sont représentés, les contacts informels sont fréquents.

C'est ainsi qu'en général de nombreux problèmes liés aux spécificités locales ont pu être résolus sur place.

Dans la plupart des pays tiers, on a pu constater qu'en général, on pouvait compter sur la disponibilité et la participation active de l'ensemble des représentations des États Schengen.

Cependant, compte tenu de l'importance que revêt la coopération consulaire dans le fonctionnement global du système, cette dernière doit être approfondie, en particulier ; les difficultés rencontrées localement, doivent être portées a la connaissance du groupe « visa ». À cet égard, la présidence belge a, encore récemment, invité ses représentations à maintenir leurs efforts en ce domaine.

2. L'asile

Certains États membres ont fait valoir que l'application effective des procédures de prise en charge des demandeurs d'asile et leur transfert engendrait des difficultés pratiques et juridiques. Elles doivent donc continuer à être améliorées pour remédier aux difficultés constatées. Des difficultés ont été signalées dans les domaines suivants :

- réfugiés dépourvus de documents ;

- délais de réponse trop longs de la part de certains États ;

- divergences d'interprétation des États parties sur les demandes d'asile postérieures au 26 mars 1995 mais dont le fait générateur est antérieur ;

- harmonisation du niveau d'exigence en matière de preuve de la responsabilité d'un État.

La recherche de solutions pratiques entre États membres de Schengen est en cours.

Il convient encore de préciser que, dès la ratification par tous les États membres de l'Union Européenne de la convention de Dublin déterminant l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile, le chapitre « Asile » de la convention Schengen cessera de trouver application, conformément à l'article 134 de la convention en vertu duquel le droit communautaire prime les dispositions de la convention Schengen.

Lutte contre les stupéfiants

La mise en application de la Convention d'application de l'Accord de Schengen a permis de développer la coopération des services de police et de douanes des États membres. Des opérations précises de lutte contre le tourisme de la drogue ont été organisées. Les acquis de ces opérations, les problèmes rencontrés et les moyens pour les résoudre ont été examinés. Un aide-mémoire des mesures à prendre en compte lors de l'organisation de telles opérations a été élaboré.

Des opérations conjointes de lutte contre les flux transfrontaliers illégaux ainsi que l'échange d'expériences en ce domaine seront poursuivis.

Les contrôles anti-drogues aux frontières extérieures terrestres, maritimes et aériennes ont fait l'objet de débats approfondis au cours de l'élaboration de la convention.

Depuis la mise en application de celle-ci, le groupe stupéfiants a entamé un examen global de la situation aux frontières extérieures afin de dégager des critères communs permettant d'évaluer les risques et de déterminer le renforcement en effectifs à déployer à ces endroits stratégiques, leur répartition et leur équipement.

L'évolution de la situation aux frontières extérieures sera constamment examinée avec la plus grande attention afin de permettre l'adaptation des mesures prises sur la base de critères d'analyse tenant compte des spécificités locales.

Le trafic de stupéfiants entre États membres soulève toutefois encore des difficultés et une discussion approfondie de cette question est en cours en vue de trouver des solutions satisfaisantes pour toutes les parties.

La coopération policière

Dans les zones frontalières, cette coopération se développe sur la base des accords prévus à l'article 39 quatrième alinéa.

D'autres accords sont en préparation pour certaines zones frontalières.

Par ailleurs des arrangements seront conclus directement entre services de police.

Tous les États ont pris des initiatives, depuis 1992, pour faire connaître les nouvelles règles et procédures Schengen aux services de police. On peut notamment citer des cours donnés dans les instituts nationaux de formation policière et dans les corps de police régionaux, ainsi que des séminaires de recyclage organisés pour les services chargés des contrôles aux frontières et des contrôles d'immigration. Afin d'aider a cette formation au niveau national, le groupe « police et Sécurité » a poursuivi l'élaboration d'un Mémento de coopération policière, qui contient une série de renseignements juridiques et pratiques pour la mise en application des dispositions de coopération policière contenues dans la convention.

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