N° 212

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 6 février 1997.

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 février 1997.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) à la suite d'une mission effectuée en Nouvelle-Calédonie du 2 au 16 septembre 1996 ,

Par M. Roland du LUART,

Sénateur,

(1) Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, vice-présidents ; Emmanuel Hamel, René Régnault, Alain Richard ; François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann, Michel Sergent, Henri Torre, René Trégouët.

Territoires et départements d'outre-mer. - Nouvelle Calédonie - Rapports d'information.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Les accords de Matignon, signés à Paris le 26 juin 1988, ont ouvert une période de paix civile et de stabilité pour la Nouvelle-Calédonie.

La loi référendaire du 9 novembre 1988, qui traduit les modalités d'un retour à un fonctionnement normal du territoire, a fixé un délai de dix ans avant le scrutin d'autodétermination que les différentes parties signataires sont convenues d'organiser. L'article 2 dispose, en effet, : "Entre le 1er mars et le 31 décembre 1998, les populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie seront appelées à se prononcer par un scrutin d'autodétermination, conformément aux dispositions de l'article 53 de la Constitution, sur le maintien du territoire dans la République ou sur son accession à l'indépendance" .

Alors que le terme ratifié par le peuple français approche, la commission des finances a estimé utile de dresser un bilan de l'important volet économique et financier contenu dans les accords de Matignon et le statut de 1988. Le rapporteur spécial, chargé des crédits de l'Outre-mer, M. Roland du Luart, s'est ainsi rendu en Nouvelle-Calédonie du 2 au 16 septembre 1996 afin de rassembler sur pièces et sur place toutes les informations lui permettant d'effectuer ce bilan.

Cette démarche révèle l'intérêt du Sénat et la cohérence de son action puisque la commission des lois avait effectué, en juillet 1992, une mission dans le Pacifique sud, dont l'un des objets était de dresser un tout premier bilan de la mise en place des institutions issues de la loi référendaire du 9 novembre 1988 1( * ) .

Au cours d'un séjour relativement long de deux semaines, votre rapporteur spécial a procédé à une cinquantaine d'auditions et a parcouru les trois provinces composant le territoire. Outre les services de l'Etat sur place, il a rencontré la plupart des représentants du monde politique, économique et social calédonien.

D'emblée, un constat s'impose : nul ne souhaite aujourd'hui revivre les heures tragiques connues au cours des années 1980 . Le rejet de la violence semble un acquis que tous les interlocuteurs de votre rapporteur spécial ont souhaité irréversible. Cette unanimité a même conduit les protagonistes des accords de 1988 à engager, dès la fin de 1995, des discussions afin de trouver une alternative au référendum prévu en 1998 et dont le résultat risquerait de raviver des plaies qu'il serait irresponsable de vouloir ouvrir à nouveau.

Le bilan dressé dans les pages suivantes constitue une seconde source de consensus . Au-delà des convictions des uns et des autres, de leur place au sein de la société calédonienne, les analyses faites autour du fonctionnement du volet économique et financier des accords de Matignon se recoupent très largement pour aboutir au plan du présent rapport :

- L'objectif de rééquilibrage du territoire au profit de la composante mélanésienne de la population supposait incontestablement la mise en oeuvre d'instruments novateurs , traduisant une volonté politique forte : la création des provinces ; l'institution d'une péréquation significative de la ressource fiscale et budgétaire ; un engagement financier important de l'Etat et des collectivités publiques à travers les contrats de développement des provinces, les conventions Etat-Territoire ou le contrat de ville de Nouméa ; les moyens donnés à des structures originales, tels l'Agence de développement rural et d'aménagement foncier ou l'Institut calédonien de participation.

- De fait, la mobilisation de ce faisceau d'instruments a abouti très concrètement à un développement remarquable du territoire en infrastructures publiques telles que routes et installations sanitaires ou scolaires, tous domaines dans lesquels les communes, hors agglomération de Nouméa, accusaient encore un retard incontestable à la fin des années 1980.

Cependant, le secteur privé tarde à prendre le relais de l'investissement public . Les atouts économiques importants dont jouit la Nouvelle-Calédonie continuent de faire l'objet d'une valorisation insuffisante, en grande partie du fait des blocages structurels dont continue de souffrir la société calédonienne.

Le volontarisme politique, l'élan des accords de Matignon trouvent ainsi leurs limites. Pis : l'entretien des investissements publics créés depuis 1989 en province Nord et, pour une moindre mesure, dans la province des Iles Loyauté présente un coût en fonctionnement que ces collectivités, par manque d'activités économiques susceptibles de leur acquérir des bases fiscales, ne seront pas capables d'assumer dans les années à venir.

C'est la portée même de la provincialisation qui est ainsi mise en péril.

- Face à cet essoufflement des mécanismes mis en place voici plus de huit ans, de nouvelles perspectives méritent d'être dessinées afin d'assurer un socle pérenne à la paix retrouvée en Nouvelle-Calédonie.

En particulier, la conviction de votre rapporteur spécial est que rien de solide ou sérieux ne pourra être fait sans l'implantation d'une activité industrielle à forte valeur ajoutée, centrée autour du traitement du nickel, en province Nord.

*

* *

Le présent rapport doit beaucoup à la qualité des réflexions de chacun des interlocuteurs que votre rapporteur a rencontrés sur le territoire ainsi qu'à leur amour profond de la Nouvelle-Calédonie. Qu'ils soient tous ici remerciés d'avoir su lui faire partager cet attachement viscéral pour cette terre de France, située à près de 20.000 kilomètres de la métropole.

Afin de faciliter la lecture du présent rapport :

1 Franc CFP = 0,055 Franc français

1 Franc français = 18,18 Francs CFP.


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