2. Un territoire cher et encore largement dépendant des transferts publics

Les flux publics soutiennent très largement l'emploi et la croissance en Nouvelle-Calédonie. On a vu plus haut que cette tendance avait été accentuée depuis le début de la décennie avec la forte implication de l'Etat dans l'effort d'équipement du territoire au travers de différentes procédures contractuelles.

Dépenses publiques nettes par poste (1994)

 

MdFF

%

Variation
1990/94

Ménages
(sauf gendarmes et armée Air)

4,16

47 %

+ 24 %

Biens et services publics

2,46

28 %

+ 3 %

Equipement public

1,79

20 %

+ 27 %

Annuités d'emprunts

0,46

5 %

+4.090 %

TOTAL

12,74

100 %

+ 22 %

Source : Trésorerie-paierie générale de Nouvelle-Calédonie.

Toutefois, la structure des dépenses publiques, toutes collectivités confondues, est surtout marquée par l'importance de la masse financière consacrée aux ménages : 47 % des dépenses publiques, contre 24 % en métropole.

De fait, les administrations publiques sont le premier employeur du territoire , aussi bien en terme d'effectifs que de revenus. Elles distribuent environ 55 % des salaires contre 45 % pour les entreprises privées. La proportion de la population active travaillant dans le secteur public atteignait 27 % en 1989 et près de 40 % en écartant les actifs agricoles, dont la grande majorité ne participe pas aux circuits économiques modernes. La répartition par province révèle que la proportion d'emplois publics dans la population active est au moins aussi importante en brousse qu'à Nouméa.

Les résultats du recensement de 1996, en cours d'exploitation 10( * ) , feront probablement apparaître une nouvelle progression, notamment en raison de la politique de rééquilibrage et de soutien à l'emploi mise en oeuvre par les pouvoirs publics (étoffement des administrations provinciales, programmes Jeunes Stagiaires du Développement...).

La prédominance de l'emploi public se traduit directement dans les flux de revenus , d'une part en raison du volume d'emplois, d'autre part en raison d'un effet prix : les rémunérations offertes par le secteur public sont en effet largement supérieures à celles que propose le secteur privé, en raison d' indexations surévaluées (supérieures à la variation du coût de la vie).


La surrémunération des fonctionnaires en poste en Nouvelle-Calédonie


A) En 1996, 7.591 fonctionnaires civils (agents titulaires de droit public) étaient en service en Nouvelle-Calédonie.

5.301 fonctionnaires territoriaux et communaux, régis par des statuts locaux.

2.290 fonctionnaires civils de l'Etat,

parmi ceux-ci, 1.095 sont affectés depuis la métropole pour une durée limitée (trois ou six ans actuellement) : ce sont en majorité des cadres de catégorie A (1.002) et notamment des enseignants du secondaire (696).

La rémunération de ces fonctionnaires comprend le traitement afférent au grade, identique à la métropole (les statuts des fonctionnaires locaux reproduisent pratiquement les statuts de l'Etat), affecté d'un coefficient de majoration de X 1,73, pour les quatre communes de l'agglomération de Nouméa (Nouméa, Mont-Dore, Dumbéa et Païta), ou X 1,94 pour les autres communes du territoire .

Les personnels de l'Etat affectés depuis la métropole reçoivent en outre une indemnité d'éloignement, exprimée en mois de traitement indiciaire brut : celle-ci est actuellement de 14 mois pour trois ans de services effectifs continus en Nouvelle-Calédonie.

B) Outre les fonctionnaires civils, 2.045 militaires sont également en service en Nouvelle-Calédonie, dont 1.837 ne sont pas originaires du territoire et appelés à une mobilité obligatoire.

Ils disposent de textes statutaires particuliers, reproduisant les systèmes civils en ce qui concerne la majoration de solde.

C) Le régime de l'indexation des rémunérations ou de l'octroi d'avantages pour les salariés affectés en Nouvelle-Calédonie existe enfin sous des formes diverses dans les emplois supérieurs du secteur privé.

Le pouvoir d'achat versé aux agents publics actifs et retraités constitue ainsi 28 % de la demande totale (contre 15 % en France). Il oscille entre 20 % et 40 % de la production intérieure brute en fonction de la conjoncture. Alimentant la demande des ménages adressée à l'économie (consommation et investissement en logement), ces flux publics jouent certes un rôle d'amortisseur des cycles économiques.

Cette détermination des traitements du secteur public favorise cependant aussi un ensemble de distorsions :

- une pression à la hausse pour les salaires des cadres du secteur privé de niveau similaire ou une fuite des compétences vers la fonction publique en raison des avantages salariaux qui s'ajoutent aux attraits habituels ;

- l'existence de statuts multiples au sein de la société néo-calédonienne voire au sein d'une même entreprise, ce qui peut se traduire par des frustrations ainsi qu'un renforcement des méfiances entre les différentes communautés ;

- la persistance d'un fort pouvoir d'achat indépendamment de la conjoncture et le handicap d'une demande peu élastique au prix des biens.

Enfin, les élus du Territoire qui sont compétents en matière de statut de la fonction publique territoriale ont, comme indiqué dans l'encadré ci-dessus, adopté des régimes de gestion très proches voire identiques à ceux de la fonction publique d'Etat, à l'exception des éléments directement liés à l'éloignement.

La provincialisation ne s'est pas accompagnée d'un éclatement des statuts de la fonction publique locale lorsque plus des deux tiers des postes budgétaires du territoire ont été transférés aux provinces à partir de 1990. L'impact de ce régime de rémunération favorable du secteur public crée incontestablement des difficultés budgétaires pour ces collectivités qui ont ainsi recours à des contractuels.

Les administrations soutiennent également l'activité par leurs dépenses de fonctionnement et d'équipement.


Les dépenses des administrations en biens et services représentent environ 30 % de leurs dépenses totales (soit 2,46 milliards de francs français en 1994), contre environ 9 % en métropole. Cet ensemble recouvre les dépenses de fonctionnement et d'intervention des collectivités et établissements publics (achats, dépenses d'entretien, frais de gestion, charge de la dette, dépenses d'enseignement, dépenses à caractère social,...). En contrepartie, les ménages calédoniens produisent moins de biens et services qu'en métropole (70 % contre 79 %).

Les dépenses d'équipement des administrations sont également nettement supérieures aux dépenses similaires du secteur public métropolitain : entre 16 et 20 % du total des dépenses publiques (soit 1,8 milliard de francs français en 1994) contre 6 % dans l'hexagone. Par rapport au total de la F.B.C.F. du territoire, le secteur public concourt en moyenne pour 28 % de l'investissement, les ménages fournissant 21 % (logements) et les entreprises 51 %.

Toutefois, alors que la plupart des grands projets liés aux accords de Matignon ont été réalisés ou sont en cours d'achèvement (Centre culturel Jean-Marie Tjibaou, 5ème section de la route Koné-Tiwaka), le secteur du bâtiment et des travaux publics commence à souffrir de la stabilisation, voire du reflux de l'investissement public, perceptible depuis quelques mois.

On touche là un autre aspect des distorsions induites par le poids excessif des transferts publics dans les ressources du territoire : la très grande sensibilité à la conjoncture budgétaire d'un secteur, le BTP, dont la part dans le PIB calédonien avoisine un taux de 9 % et qui emploie à lui seul 14 % de la population active du territoire, ce qui le situe à la deuxième place des employeurs privés de la Nouvelle-Calédonie, derrière le commerce (données 1995).

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