B. L'ADAPTATION DES STRUCTURES TERRITORIALES AUX NOUVEAUX DÉFIS

Le groupe de travail juge par ailleurs nécessaire que les collectivités locales elles-mêmes s'adaptent aux nouveaux défis sociaux. A cette fin, il considère comme prioritaire une réforme du régime de la coopération intercommunale.

Cette adaptation passe également par la recherche de véritables complémentarités entre les collectivités, afin de conférer à leur action sa pleine efficacité et d'éviter que leur coexistence n'aboutisse à une pression fiscale excessive. Elle implique, enfin, une adéquation des moyens financiers des collectivités locales et une plus grande attention aux spécificités de la fonction publique territoriale.

Le groupe de travail rappelle, par ailleurs, la nécessité de prendre en compte les spécificités des collectivités d'outre-mer, lesquelles justifieraient une réflexion particulière débordant le cadre du présent rapport.

M. Georges Othily a ainsi souligné les problèmes affectant la décentralisation outre-mer et a notamment jugé nécessaire de réformer les procédures d'attribution de la DGF aux collectivités locales d'outre-mer.

M. Jean-Paul Delevoye a relevé qu 'en raison de la structure même des communes, l'approche de l'intercommunalité était nécessairement très différente dans les départements d'outre-mer et en métropole. Il a jugé qu'il serait paradoxal que des départements ayant une forte démographie soient pénalisés financièrement.

1. Une simplification de la coopération intercommunale

L'adaptation des structures territoriales passe, en premier lieu, par une simplification de la coopération intercommunale.

Faut-il souligner que cette coopération apparaît de plus en plus comme indispensable pour permettre à nos communes d'affronter la situation nouvelle créée à la fois par la diversification des besoins sociaux et par la sophistication des normes qu'elles soient nationales ou européennes ?

Le Sénat a manifesté, à de nombreuses reprises, son souci de favoriser le développement de la coopération intercommunale qui peut en définitive permettre de mieux assurer l'autonomie locale.

Lors de l'examen de la loi d'orientation du 4 février 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire, il a ainsi mis au premier plan -sur la proposition de son rapporteur M. Jean-Marie Girault- plusieurs thèmes de réflexion devant guider la préparation du rapport du Gouvernement au Parlement prévu par l'article 78 de cette loi : la réduction du nombre de catégories d'établissements publics de coopération intercommunale ; la simplification du régime juridique de celle-ci ; une évolution progressive des structures selon les besoins constatés pour les élus eux-mêmes.

Le groupe de travail, après avoir entendu M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation puis M. Michel Thénault, directeur général des collectivités locales, a fait de la coopération intercommunale le thème prioritaire de ses réflexions.

Il a ainsi dégagé, au cours de plusieurs échanges de vues pendant l'été puis au début de la présente session, trois lignes de force pour une réforme du régime de l'intercommunalité, qu'il a pu faire valoir dans le cadre de la concertation souhaitée par le Gouvernement :

- une réduction significative du nombre de catégories d'établissements publics de coopération intercommunale ;

- l' unification des règles applicables à partir d'un " tronc commun " ;

- une évolution du régime financier et fiscal qui favorise une véritable intercommunalité de projet en sanctionnant la coopération purement circonstancielle et qui réduise les concurrences abusives entre les communes en matière de taxe professionnelle.

a) Réduire le nombre de catégories
1.- Faire coexister deux logiques de coopération intercommunale

La coopération intercommunale répond à deux logiques qui peuvent être clairement identifiées : une logique traditionnelle de gestion de services publics (logique associative qui reste très souple) ; une logique plus récente de projet , orientée vers l'aménagement de l'espace, le développement économique et la répartition des ressources et des charges entre les communes (logique fédérative qui est plus structurée).

Ces deux logiques ne sont pas cloisonnées. Les structures récentes obéissant à une logique de projet -telles que les communautés de communes- ont, en effet, également été dotées de compétences classiques de gestion de services publics à côté de celles intéressant l'aménagement de l'espace et le développement économique. Ce qui a pu contribuer à la confusion et à la complexité du dispositif.

Néanmoins, il paraît difficilement envisageable de fondre purement et simplement ces deux logiques dans un même ensemble. La gestion de certains services publics peut, en effet, justifier le regroupement de communes correspondant à un périmètre plus large que celui considéré comme pertinent pour la mise en oeuvre d'une politique intercommunale d'aménagement de l'espace. Le traitement des ordures ménagères, cité par M. Dominique Perben lors de son audition, illustre cette situation où une structure " verticale " pouvant associer non seulement des communes mais aussi d'autres structures intercommunales demeurera nécessaire pour assurer un service public.

Comme l'a souligné M. Jean-Paul Delevoye, il est donc nécessaire de faire une distinction entre une coopération intercommunale conçue pour la gestion de services et une coopération conçue pour la mise en oeuvre de projets de développement. Pour la gestion de services, le périmètre de la coopération, imposé par des impératifs techniques, s'étend souvent à l'échelle du département. Cette forme de coopération est financée par l'usager du service pour des dépenses qui, pour l'essentiel, sont des dépenses de fonctionnement.

La coopération intercommunale de projet, en revanche, se développe sur un territoire correspondant à une volonté politique et permet d'assurer une cohésion de l'espace, notamment pour ce qui est des relations entre les lieux de travail et de domicile. Cette forme de coopération est financée par le contribuable et correspond davantage à des dépenses d'investissement.

La réduction du nombre de catégories d'établissements publics de coopération intercommunale de même que la simplification du régime juridique de ces établissements publics doivent donc être poursuivis à partir de ces deux logiques.

Pour autant, la coexistence nécessaire de ces deux logiques ne justifie pas le foisonnement actuel des structures qui conduisait à juxtaposer en 1995 16 788 syndicats à vocation unique ou multiple, 318 districts, 894 communautés de communes (au 1er janvier 1996), 10 communautés urbaines 21( * ) , 9 agglomérations nouvelles et 4 communautés de villes, auxquels on peut ajouter la formule du syndicat mixte 22( * ) .

2.- Fusionner les districts et les communautés de communes

La réduction du nombre des catégories d'établissements publics de coopération intercommunale doit permettre de répondre à l'aspiration des citoyens comme à celle des élus locaux à une plus grande clarté de l'organisation administrative locale.

La fusion des districts et des communautés de communes apparaît comme la solution la plus facilement accessible pour mettre en oeuvre cet objectif.

Elle est d'ores et déjà opérée sur le plan financier pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement, depuis la loi du 31 décembre 1993, à la suite d'une initiative du Sénat et de son rapporteur M. Paul Girod.

Sur le plan institutionnel, le rapprochement entre ces deux catégories est en partie réalisée : le fonctionnement de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale est aligné sur celui des conseils municipaux ; les dispositions relatives aux maires et adjoints sont également applicables aux présidents des structures intercommunales ; les règles relatives à la suppléance ont été harmonisées -sur l'initiative du Sénat- lors de l'adoption du code général des collectivités territoriales ; la même harmonisation a été réalisée pour ce qui est de la responsabilité des établissements intercommunaux à l'égard des délégués.

Des différences subsistent néanmoins tant pour les conditions de création, de dissolution, de modification du statut initial que pour l'admission et le retrait d'une commune, le nombre et la répartition des sièges ou encore la définition des compétences qui reste très limitée dans le cas des districts.

En outre, le mécanisme dit de " représentation substitution " qui permet à une structure plus intégrée de siéger dans une instance d'une autre structure intercommunale aux lieu et place des communes adhérentes -prévue pour les communautés de communes- n'a pas à ce jour été étendue aux districts. Le Sénat a souhaité lever cette lacune, en adoptant le 28 janvier dernier, sur le rapport de M. Jean-Paul Delevoye, la proposition de loi de notre collègue Alain Joyandet.

Enfin, sur le plan financier, deux différences significatives méritent d'être relevées : d'une part, alors que toutes les communautés de communes peuvent opter pour le régime de la taxe professionnelle unique applicable aux communautés de villes, cette option n'est ouverte qu'aux seuls districts créés avant le 8 février 1992. D'autre part, les districts ne bénéficient pas -à la différence des communautés de communes- d'attributions au titre du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) l'année même de réalisation de leurs investissements.

Si ces différences ne doivent pas être sous-estimées, elles paraissent néanmoins pouvoir être levées sans difficultés majeures, sous réserve, le cas échéant, de prévoir des dispositifs transitoires, notamment sur le plan financier.

Elle confirmerait a posteriori le bien-fondé de la position du Sénat qui, jugeant préférable de modifier le régime des districts plutôt que de créer une nouvelle catégorie de groupements, s'était opposé à l'institution des communautés de communes lors de l'examen de la loi d'orientation du 6 février 1992.

3.- Réduire le nombre de catégories dans les agglomérations: pour une fusion des communautés de villes avec les districts et les communautés de communes

Mais le groupe de travail a jugé possible d'approfondir la démarche en vue d'une réduction du nombre de catégories d'établissements publics de coopération intercommunale afin d'aboutir à une véritable simplification des structures locales souhaitée par les citoyens et par les élus locaux.

Le pré-rapport du Gouvernement, se fondant sur les expériences passées (extension de la formule du district en milieu rural, en 1970, et de la formule des communautés de communes aux agglomérations en 1993) considèrait, à juste titre, comme non pertinent un modèle de coopération qui serait fondé sur une dichotomie entre l' urbain et le rural. Il ne tirait pas cependant toutes les conséquences de ce constat sur la coopération dans les grandes agglomérations et sur l'évolution éventuelle des catégories existantes spécifiquement conçues pour le milieu urbain et qui ont connu un succès limité.

Le maintien de la catégorie des communautés de villes ne paraît pas, en effet, se justifier. Cette forme de coopération, mise en place par la loi du 6 février 1992, a connu un développement très limité puisque seulement quatre communautés de villes ( Aubagne , La Rochelle , Cambrai , Flers ) ont été créées. Dès lors que la taxe professionnelle d'agglomération serait progressivement généralisée, le maintien de ce type de structure -dont la taxe professionnelle d'agglomération constitue la spécificité- ne paraît pas s'imposer.

La fusion des communautés de villes et des communautés urbaines pourrait néanmoins se heurter à un double obstacle souligné par M. Michel Thénault, Directeur général des collectivités locales, lors de son audition : d'une part, un obstacle technique résultant des compétences des communautés urbaines beaucoup plus étendues que celles des communautés de villes; d'autre part, un obstacle financier tenant à la différence de coût des communautés urbaines et des communautés de villes en termes de DGF (466,95 francs par habitant hors garantie pour les premières, 120,76 francs par habitant hors garantie pour les secondes, en 1997).

Le groupe de travail a donc privilégié une autre piste de réflexion consistant à rapprocher les communautés de villes des communautés de communes. Une telle solution serait en cohérence avec le postulat du pré-rapport du Gouvernement écartant la dichotomie entre l 'urbain et le rural. Elle confirmerait, en outre une tendance déjà amorcée : depuis la loi du 29 janvier 1993, des communautés de communes peuvent être créées dans les agglomérations (de grandes agglomérations comme Marseille ou Grenoble ont utilisé cette faculté) ; les communautés de communes peuvent d'ores et déjà opter pour la taxe professionnelle d'agglomération et s'aligner ainsi sur le régime fiscal des communautés de villes.

Cette solution retenue devrait être mise en oeuvre progressivement , d'une part, afin de la concilier avec les exigences financières, d'autre part, afin de ne pas mettre en cause le bon fonctionnement des structures existantes.

La suppression progressive des communautés de villes confirmerait, là encore, le bien fondé du choix du Sénat qui, jugeant préférable de modifier le régime des communautés urbaines, s'était opposé à la création de cette nouvelle catégorie lors de l'examen de la loi du 6 février 1992.

En outre, comme l'a indiqué devant le groupe de travail M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, il paraît difficile de maintenir un dispositif dérogatoire pour les agglomérations nouvelles. Le régime de ces agglomérations pourrait donc évoluer vers une formule du droit commun.

Une proposition de loi déposée au Sénat ( n° 115 de M. Nicolas About ) et à l'Assemblée nationale ( n° 2602 de M. Paul-Louis Tenaillon ) a néanmoins tendu à privilégier, pour ces agglomérations, une intercommunalité choisie , notamment en assurant mieux les prérogatives des communes adhérentes, en diversifiant les formes de coopération pouvant être mises en oeuvre après révision du périmètre d'urbanisation et en facilitant la suppression des structures après l'achèvement des opérations d'aménagement ou de construction. L'évolution du régime des agglomérations nouvelles devrait donc répondre à la volonté réelle des élus d'assurer ensemble un certain nombre de compétences. Un nouveau dispositif devrait également prendre en compte le poids de la dette des syndicats d'agglomération nouvelle (1,9 milliard de francs).

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