TROISIÈME PARTIE -
LES RELATIONS BILATÉRALES :
LA FRANCE, PUISSANCE RECONNUE ET APPRÉCIÉE
DU PACIFIQUE SUD

Malgré de sérieuses nuances et quelques véritables différences, les relations bilatérales de la France avec l'Australie, d'une part, et la Nouvelle-Zélande, d'autre part, après avoir connu les mêmes turbulences , connaissent aujourd'hui la même embellie , que chacun estime devoir être durable.

La mission de votre délégation - première visite politique française de haut niveau dans ces deux pays depuis l'arrêt définitif des essais nucléaires français en janvier 1996- a permis de constater -l'accueil des autorités australiennes et néo-zélandaises en a témoigné- que le dossier des essais était aujourd'hui classé et qu'un nouveau chapitre des relations bilatérales était désormais ouvert.

Les dirigeants australiens et néo-zélandais se félicitent désormais publiquement de la présence et du rôle de la France dans le Pacifique sud . La voie est aussi ouverte à un nouveau développement de nos échanges économiques, financiers et commerciaux -qui n'avaient d'ailleurs été que marginalement affectés par la crise des essais- et à une coopération active sur le plan culturel.

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I. LA NORMALISATION ET LE RÉCHAUFFEMENT DES RELATIONS POLITIQUES BILATÉRALES

A. LES RELATIONS POLITIQUES FRANCO-AUSTRALIENNES

1. La crise des essais nucléaires est aujourd'hui soldée

Les relations politiques franco-australiennes ont connu, au cours de la dernière décennie, des fortunes diverses qui se sont souvent traduites par des perturbations passagères, liées notamment à l'évolution de la situation en Nouvelle-Calédonie, aux critiques australiennes à l'égard de la politique agricole commune ou aux négociations entreprises dans le cadre du GATT (où l'Australie défendait les intérêts des pays du " groupe de Cairns "). Mais les essais nucléaires français dans le Pacifique sud ont, sans conteste, constitué, pendant une trentaine d'années, la principale hypothèque pesant sur les relations franco-australiennes. La crise des années 1995-1996, aujourd'hui close, fut à la fois la dernière et la plus rude.

a) Une crise profonde aux effets néanmoins limités

Les réactions hostiles et disproportionnées de l'Australie à notre ultime série d'essais nucléaires (annoncée en juin 1995 et terminée en janvier 1996) ont, par leur dureté de ton sans précédent, sérieusement affecté les relations politiques bilatérales.

L' hostilité profonde et traditionnelle de l'opinion australienne au nucléaire s'est trouvée en effet renforcée par la perception de la fin de la guerre froide et exacerbée par un contexte intérieur préélectoral propice aux surenchères. Les protestations populaires, fortement relayées au plan politique et médiatique, se sont cependant atténuées dès la fin de l'été 1995.

Les " sanctions " australiennes ont été principalement confinées au domaine de la défense : gel de la coopération militaire bilatérale, rappel de l'attaché de défense australien à Paris, et exclusion de la société Dassault d'un appel d'offres pour la fourniture d'une trentaine d'avions d'entraînement conduisant au rappel pour consultation de notre ambassadeur à Canberra.

Sur place, les entraves posées au fonctionnement quotidien de l'ambassade et des consulats de France et aux intérêts de nos ressortissants (menaces de boycott, refus de décharger les navires et avions français ...) ont été source de frictions renouvelées.

Enfin, au plan international, l'Australie a mené campagne contre nos essais dans les enceintes multilatérales (Forum du Pacifique sud, Assemblée générale de l'ONU, Cour internationale de justice, conférence du désarmement, Commonwealth), puis a constitué la " commission de Canberra sur l'élimination des armes nucléaires ".

En dépit de cet activisme politique, la substance des relations franco-australiennes n'a pas été profondément affectée par la crise des essais. Limitées au domaine de la défense, les représailles n'ont pas été prolongées par des mesures de rétorsions commerciales.

Sur le plan économique, si les effets de la crise ont atteint notamment nos compatriotes travaillant dans le commerce de détail ou la restauration, ils n'ont jamais affecté les intérêts des grandes entreprises et les échanges bilatéraux ont paradoxalement progressé en 1995. Ce fait a été particulièrement illustré par le rachat par Axa , au plus fort de la crise, de 51 % de " National Mutual ", l'un des principaux réseaux d'assurances australiens.

On relèvera enfin que le contentieux nucléaire n'a pas entravé la poursuite de la coopération franco-australienne dans le Pacifique. Canberra n'a jamais officiellement contesté la légitimité de notre présence dans le Pacifique sud. A titre d'exemple, les deux pays ont cofinancé l'aéroport de Santo au Vanuatu et Paris a soutenu en octobre 1985 l'élection de l'Australien Robert Dun à la commission du Pacifique sud.

b) Une crise aujourd'hui définitivement close

Après s'être progressivement estompé au fil des mois -sans doute plus par résignation que par compréhension des objectifs de la politique française et des garanties apportées par les conditions de réalisation de nos tirs-, le mouvement de protestation australien s'est quasiment achevé avec l'arrêt des essais début 1996.

Le nouveau gouvernement australien -dirigé par M. John Howard à la tête d'une coalition libérale-nationale et constitué en mars 1996- a alors pris l'initiative de la normalisation des relations franco-australiennes. Prenant acte notamment de la signature par la France, le 25 mars 1996, des protocoles du traité de Rarotonga (sur l'instauration d'une zone exempte d'armes nucléaires dans le Pacifique Sud), le nouveau gouvernement conservateur a décidé, à la mi-mai, la levée des mesures de restriction de nos relations militaires ; cette normalisation s'est achevée tout récemment par la nomination d'un nouvel attaché de défense australien à Paris.

Dans le domaine du désarmement, Paris et Canberra défendent désormais des positions proches. Ils ont oeuvré de concert pour la signature du CTBT ( traité d'interdiction complète des essais), d'abord à Genève, ensuite à New-York, tandis que l'Australie soutenait la réintégration de la France au sein du dialogue post- Forum du Pacifique sud , décidée par les pays membres le 4 septembre dernier.

Enfin, les nouveaux dirigeants australiens ont pris l'initiative de renouer le dialogue gouvernemental . Après la rencontre des deux ministres des Finances à Paris, en marge de l'OCDE, dès le mois de mai 1996, les ministres australiens des Affaires étrangères - M. Downer - et de la Défense - M. Mc Lachlan - ont effectué des visites en France, successivement en septembre et décembre 1996, qui ont marqué deux étapes essentielles du réchauffement des relations bilatérales.

L' année 1997 devait, dans ce contexte, être celle du parachèvement du rapprochement bilatéral . Tel a été l'esprit de la mission de la délégation de notre commission en Australie du 8 au 13 février. Quinze jours plus tard, la visite d'une délégation du CNPF -conduite par MM. Jean Gandois et Claude Bebéar- devait marquer la volonté commune de développer les échanges économiques et commerciaux bilatéraux. Enfin, le ministre français des Affaires étrangères, M. Hervé de Charette, a retenu, à l'invitation de son homologue australien le principe d'une visite -très attendue et que notre délégation juge très souhaitable- en Australie, visite qui devrait avoir lieu dans l'année. Ces visites successives -auxquelles s'ajouteront d'autres contacts gouvernementaux et parlementaires- constitueront autant de jalons sur la voie du resserrement naturel d'une relation bilatérale que la crise des essais avait perturbée sans la remettre en question.

2. Le Pacifique sud, théâtre privilégié du dialogue franco-australien

a) La France, puissance reconnue du Pacifique sud

Le séjour de votre délégation en Australie a été à la fois l'occasion de réaffirmer la présence de la France dans le Pacifique sud et de constater la satisfaction de l'Australie de voir la France rester engagée dans la région pour l'aider à partager la charge de l'aide au développement et à la stabilité de la zone.

La France est d'abord naturellement présente dans le Pacifique par ses trois territoires de Nouvelle-Calédonie , de Wallis-et-Futuna et de Polynésie française . Il est à souligner que la Nouvelle-Calédonie a cessé d'être, depuis les accords de Matignon, un sujet de désaccord franco-australien. Canberra soutient le processus des accords de Matignon que Paris compte fermement mener à son terme jusqu'au référendum sur l'avenir du territoire prévu en 1998.

Mais la France participe aussi très activement à la coopération et à l'aide au développement dans la région. Sa présence a été longtemps mise en cause par certains Etats mélanésiens -comme la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Vanuatu et les îles Salomon- partisans de l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie, au moins jusqu'aux accords de Matignon. D'autres contestations se manifestent périodiquement : ainsi le Premier ministre des îles Cook -sir Geoffrey Henry- a-t-il, fin 1996, souhaité l'inscription de la Polynésie française sur la liste des territoires à décoloniser.

Mais l'aide française au développement du Pacifique sud est, au-delà de nos territoires, très substantielle : le seul Vanuatu bénéficie ainsi d'une aide de 40 millions de francs par an.

L'Australie -comme la Nouvelle-Zélande- apprécie d'autant plus cette assistance française aux économies insulaires de la région que la volonté française contraste avec le désintérêt croissant des autres bailleurs de fonds potentiels depuis la fin de la guerre froide : la Grande-Bretagne a quitté la Commission du Pacifique sud en 1995 et les Etats-Unis ont, de leur côté, considérablement diminué leur aide. La France reste ainsi la dernière grande puissance impliquée dans la zone.

Canberra -qui, de son côté, doit faire face à des contraintes budgétaires pour sa propre aide financière- ne souhaite pas se retrouver seule en première ligne dans l'aide au développement de ses voisins insulaires. Cette concordance des intérêts stratégiques français et australiens rend également l'Australie consciente du caractère stabilisateur de la présence française.

b) La coopération régionale franco-australienne

C'est ainsi que le ministre australien des Affaires étrangères, M. Downer, a clairement souligné que la France est bienvenue dans le Pacifique sud, où elle est un partenaire important de l'Australie et des Etats de la région.

L'Australie dispose d'une influence certaine dans la zone . Elle a ainsi favorisé le rétablissement de la France dans son statut de partenaire du dialogue post-Forum du Pacifique sud dont Paris avait été suspendu en octobre 1995. Elle a également tenté d'influencer la position de certains pays de la région, comme la Papouasie-Nouvelle Guinée.

La France et l'Australie ont par ailleurs déterminé récemment en commun cinq projets de coopération au profit des pays insulaires de la région.

Enfin, le rapprochement franco-australien s'est traduit fin 1996 par une intensification des contacts avec la Nouvelle-Calédonie (visite d'une mission commerciale du Queensland, visite d'une délégation du territoire conduite par le haut-commissaire en Australie, et visite de M. Downer lui-même à Nouméa en décembre 1996).

3. La coopération militaire bilatérale

Le " Livre blanc " australien (" strategic review ") de 1993 a marqué la reconnaissance officielle par l'Australie du rôle actif de la France dans le Pacifique. Il recommandait en particulier d'élargir la coopération militaire avec la France ainsi que les escales et visites réciproques.

Après le gel des relations militaires en 1995, la décision de normalisation prise le 15 mai 1996 a ouvert la voie à une reprise des relations de défense bilatérales -notamment le retour à Paris d'un attaché de défense australien. Un officier australien doit être accueilli en 1997 au collège interarmées de défense (CID).

Il reste que cette coopération militaire bilatérale reste modeste et réduite à des échanges limités (hors Pacifique sud).

En matière de défense , l'Australie accorde, on l'a relevé, une priorité stratégique à son alliance avec les Etats-Unis et est naturellement réticente à l'idée que les Européens -et la France en particulier- puissent jouer un rôle en matière de sécurité en Asie.

Dans le domaine de l'armement, l'industrie française n'est guère présente en Australie. A l'exception notable de Thomson-CSF, les industriels français n'ont pas remporté de contrats importants dans ce pays en raison principalement de l'étroitesse des liens entre pays anglo-saxons. Les industriels français de l'armement n'ont guère été jusqu'ici récompensés de leurs efforts sur le marché australien.

Les perspectives principales dans les années à venir s'inscrivent aujourd'hui dans les domaines terrestres, navals et surtout aéronautiques, compte tenu des programmes de modernisation rendus nécessaires par le vieillissement des parcs de matériels australiens. Des opportunités pourraient ainsi apparaître pour les hélicoptères Tigre et NH 90 ou pour les missiles Mistral.

Il importe, là comme ailleurs, que le rétablissement des contacts officiels permette de soutenir efficacement l'action de nos industriels.

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