B. LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE DÉFENSE DE LA NOUVELLE-ZÉLANDE

1. Les grandes orientations de la diplomatie néo-zélandaise

Confrontée, comme l'Australie -et avec des moyens beaucoup plus faibles-, à la nécessité de garantir la sûreté de ses voies de communications , la Nouvelle-Zélande, que tout rattachait traditionnellement à la Grande-Bretagne, a vu progressivement la tutelle britannique s'éloigner et se distendre. Tentée dans les années 1970 par un nouvel amarrage aux Etats-Unis , Wellington n'a pu mener à bien ce rapprochement en raison principalement de l'activisme antinucléaire néo-zélandais, notamment l'adoption en 1984 d'une législation interdisant l'accès des ports néo-zélandais aux bâtiments à propulsion ou armement nucléaires entraînant la mise en sommeil de l'alliance militaire avec les Etats-Unis (dans le cadre de l'ANZUS).

La Nouvelle-Zélande a ainsi été conduite à mettre en oeuvre, au cours de la dernière période, une diplomatie plus indépendante , recentrée sur son environnement régional asiatique et océanien.

a) Une politique étrangère recentrée sur son environnement régional
(1) L'intensification des liens avec les partenaires asiatiques

Elle constitue ainsi aujourd'hui l'axe majeur de la politique étrangère néo-zélandaise, à la fois pour des raisons commerciales (40 % des échanges néo-zélandais sont réalisés avec l'Asie orientale) et des motifs de sécurité (pacte de défense des cinq nations, forum de sécurité de l'ASEAN...).

Cette politique volontariste s'inscrit dans une tendance à long terme de recentrage régional des intérêts néo-zélandais : en 1960, l'Europe recevait 50 % des exportations néo-zélandaises et l'Asie moins de 15 % : les chiffres sont aujourd'hui inférieurs à 17 % pour l'Europe et supérieurs à 35 % pour l'Asie.

Les relations politiques de Wellington avec ses voisins asiatiques se développent également ainsi que l'ont illustré récemment les voyages du Premier ministre néo-zélandais (notamment à Tokyo et à Séoul) et les nombreuses visites en Nouvelle-Zélande de dirigeants asiatiques (notamment malaisiens, singapouriens et philippins).

Il convient néanmoins de mesurer les limites et les handicaps de ce rapprochement avec l'Asie qui paraît indispensable aux dirigeants néo-zélandais mais est souvent mal compris par une opinion qui est à la fois fascinée et inquiétée par un continent asiatique difficile à appréhender pour une population d'origine européenne, très sensible notamment aux atteintes aux droits de l'homme. Il en résulte certaines contradictions apparentes entre une certaine revendication néo-zélandaise d'appartenance au continent asiatique et son souhait de réduire l'immigration en provenance d'Asie. Enfin, cette politique volontariste n'aboutit pas toujours aux résultats escomptés, ainsi que le soulignent le rythme insuffisant de la libéralisation des échanges au sein de l'APEC, les limites du rapprochement avec l'ASEAN, ou la mise à l'écart de Wellington du dialogue Europe-Asie.

(2) Le recentrage de la diplomatie néo-zélandaise sur son environnement océanien

Le recentrage de la diplomatie néo-zélandaise sur son environnement océanien a deux destinations principales : le Pacifique insulaire et l'Australie.

- S'agissant des Etats insulaires du Pacifique sud , la diplomatie néo-zélandaise cherche à préserver un équilibre intra-régional et, le cas échéant, à neutraliser des partenaires difficiles, comme les îles Fidji et le Samoa occidental. Elle s'appuie sur une aide au développement limitée (0,25 % du PIB) mais efficace. La Nouvelle-Zélande se pose en avocat des micro-Etats de la région et son action, du fait notamment de son identité maorie, est souvent mieux perçue dans le Pacifique insulaire que celle de l'Australie.

Les relations avec les Iles Cook méritent une mention particulière même si elles ont traversé récemment une phase de tensions, liée à l'effort drastique de redressement des finances publiques qui a été imposé aux Iles Cook et aux agissements de sociétés néo-zélandaises dans ce paradis fiscal.

Il faut enfin souligner, parmi les inflexions -modestes- qui semblent devoir être données par le nouveau gouvernement à la diplomatie de Wellington, la priorité qui doit être attribuée au Pacifique insulaire dans l'aide au développement néo-zélandaise, M. Winston Peters -leader de "New Zealand First" étant particulièrement soucieux de limiter l'émigration vers la Nouvelle-Zélande.

- Les relations bilatérales avec l'Australie s'inscrivent naturellement dans un contexte très différent et revêtent une importance essentielle pour les intérêts néo-zélandais. Elles se sont intensifiées parallèlement à l'approfondissement de l'accord C.E.R. ("closer economic relations") qui a bénéficié récemment de l'harmonisation des normes phytosanitaires et de l'entrée en vigueur, en novembre 1996, du marché aérien transtasman, initialement refusée par Canberra.

La relation bilatérale bénéficie d'autre part aujourd'hui de l'alternance politique intervenue en 1996 à Canberra : l'identité des orientations politiques des deux gouvernements et la meilleure compatibilité des personnalités des nouveaux Premiers ministres ont favorisé un réchauffement des liens australo-néo-zélandais.

Il reste que la perception néo-zélandaise de "l'île de l'Ouest" reste fondamentalement celle d'un partenaire incontournable et d'un rival inévitable qui n'a pas toujours les égards attendus par son "petit" voisin. De plus, pour Canberra, le renforcement de l'alliance australo-américaine prime toujours sur l'approfondissement des liens avec Wellington -même si des projets d'unités militaires communes ont été récemment évoqués.

b) Des liens distendus avec les Etats-Unis et l'Europe
(1) Les relations entre Wellington et Washington

Les relations entre Wellington et Washington continuent en revanche à pâtir du contentieux nucléaire bilatéral , déjà ancien, malgré les efforts néo-zélandais pour favoriser un substantiel réchauffement des liens bilatéraux : soutien apporté aux positions américaines au sein de l'APEC ou de l'OMC, contribution à des opérations de maintien de la paix des Nations unies...

Pour Washington, toutefois, la législation antinucléaire néo-zélandaise -qui fait l'objet d'un réel accord aussi bien dans la classe politique que dans l'opinion nationale-, fait obstacle à une véritable normalisation. Dès lors, malgré la reprise d'un dialogue politique de haut niveau (rencontre Bolger-Clinton en mars 1995), les efforts de Wellington n'ont guère été payés de retour. Cela est d'autant plus préoccupant pour la Nouvelle-Zélande que le rapprochement militaire américano-australien souligne encore l'isolement néo-zélandais . C'est ainsi que le Président Clinton a évité toute escale en Nouvelle-Zélande, en novembre dernier, à l'occasion de sa visite en Australie.

(2) Les relations entre la Nouvelle-Zélande et l'Europe

Les relations entre la Nouvelle-Zélande et l'Europe témoignent pour leur part globalement d'une certaine désaffection sans doute explicable mais à laquelle il est, aux yeux de votre délégation, important de remédier.

Certes, sur le plan commercial, le déclin des échanges avec l'Union européenne est avant tout la conséquence, quasi mécanique, de l' entrée de la Grande-Bretagne dans la Communauté et de la part de plus en plus restreinte qu'occupent les produits agricoles dans le commerce international.

Mais les Néo-Zélandais ont tendance à imputer fondamentalement cette évolution à la politique agricole commune considérée comme un contre-modèle protectionniste, particulièrement négatif dans un pays qui a démantelé la quasi-totalité de ses subventions agricoles et dont le commerce extérieur dépend principalement de ses exportations agricoles.

Néanmoins, l'année passée a été marquée, du côté néo-zélandais, par une volonté de relance des relations et des contacts avec les pays européens . Le ministre des Affaires étrangères a effectué une tournée dans six pays de l'Union européenne et développé fréquemment ce thème. Des consultations réunissent chaque année les dirigeants néo-zélandais et la présidence de l'Union européenne. En retour, le nombre croissant des visites ministérielles et des missions commerciales venant de pays européens a manifesté la réceptivité européenne à ces ouvertures. Il est naturellement souhaitable que la France prenne toute sa place dans ce processus et en favorise le développement.

c) Une réelle présence internationale, fondée sur l'activisme antinucléaire

Pour le reste, la visibilité de l'action de la Nouvelle-Zélande sur la scène internationale est encore liée à son opposition sans concession et systématique au nucléaire .

Car, si la Nouvelle-Zélande a fait un passage remarqué au Conseil de sécurité des Nations unies -comme membre non permanent, en 1993-1994- et a activement participé à des opérations de maintien de la paix (notamment en Bosnie), un certain isolationnisme de l'opinion publique a conduit le gouvernement à assumer avec plus de réticences ses responsabilités internationales.

En revanche, l'activisme antinucléaire de Wellington n'a pas faibli. Non sans bénéfices d'ailleurs, que ce soit sur le plan intérieur -où l'opinion reste très sensible au discours contre le nucléaire- ou sur la scène internationale où la Nouvelle-Zélande a été admise à la conférence du désarmement de Genève et a pu faire entendre sa voix dans de nombreuses instances multilatérales, depuis l'ONU jusqu'au Forum du Pacifique sud en passant par la Cour internationale de justice et le sommet du Commonwealth.

Le Premier ministre néo-zélandais, M. Bolger, a ainsi réaffirmé, au cours de l'année 1996, durant la campagne électorale, une politique antinucléaire très ferme et intégrale . Considérant que les puissances nucléaires se sont fixé comme objectif, dans le TNP (traité de non prolifération nucléaire), un désarmement nucléaire général, il ne voit ainsi dans le CTBT (traité d'interdiction générale des essais) qu'une première étape devant déboucher ensuite sur la déclaration d'illégalité de l'arme nucléaire, sur l'interdiction de production d'uranium et de plutonium à des fins militaires, sur de nouvelles réductions des arsenaux nucléaires et, finalement, sur un désarmement nucléaire général.

Plus récemment, M. Bolger a proposé, dans un premier temps, l'instauration d'une zone exempte d'armes nucléaires dans l'ensemble de l'hémisphère sud dont le projet a été adopté fin 1996 par les Nations unies. Si ce projet ne vise en réalité qu'à unifier les traités de dénucléarisation régionaux existants (Amérique latine, Pacifique sud, Asie du sud-est et Afrique) et n'apporte rien de nouveau, il souligne la volonté de la Nouvelle-Zélande de continuer à conforter son image de "champion" de l'anti-nucléaire, jugée valorisante sur la scène internationale.

2. La politique de défense néo-zélandaise

a) Une politique de défense à caractère régional souffrant d'un certain isolement stratégique

Dépourvue de toute menace militaire directe, la Nouvelle-Zélande s'est accordée sur une politique de défense, à caractère principalement régional, axée sur des relations étroites avec l'Australie et les pays insulaires du Pacifique sud.

Ce souci se heurte toutefois à un certain isolement stratégique néo-zélandais depuis le contentieux nucléaire avec les Etats-Unis. La crise entre Wellington et Washington -qui dure depuis qu'en 1984 le gouvernement travailliste de M. David Lange s'est opposé aux escales de bâtiments nucléaires en Nouvelle-Zélande- a en effet conduit les Etats-Unis à suspendre les dispositions de l'ANZUS en ce qui concerne la Nouvelle-Zélande et à réorganiser, sur une base exclusivement bilatérale, la coopération militaire avec l'Australie.

La législation néo-zélandaise interdisant les escales de navires à propulsion nucléaire ou porteur d'armes nucléaires a ainsi entraîné une rupture durable des relations militaires avec les Etats-Unis , malgré la publication fin 1992 du "rapport Somers" concluant à l'innocuité totale des escales de bâtiments de propulsion nucléaire. Elle n'a pas été davantage remise en cause malgré la victoire aux élections du parti national -traditionnellement favorable au rétablissement de relations de coopération militaire avec les Etats-Unis- qui s'est maintenu au pouvoir en 1996.

Dans le même temps, la Nouvelle-Zélande a vu un certain affaiblissement de ses relations militaires avec l'Australie . Or la fiabilité de la défense néo-zélandaise est fortement dépendante des liens avec l'Australie (en raison, précisément, de la perte de la protection américaine qui était assurée dans le cadre de l'ANZUS). La Nouvelle-Zélande apparaît ainsi d'une certaine manière prisonnière de sa propre législation antinucléaire qui l'a exclue de l'ANZUS et conduit logiquement l'Australie à privilégier son alliance avec les Etats-Unis.

Néanmoins, les armées australiennes et néo-zélandaises poursuivent des échanges fréquents et de nombreux exercices communs. Mais Wellington souhaiterait un approfondissement de ces relations de défense bilatérales alors que Canberra s'inquiète de la faiblesse de l'effort militaire néo-zélandais et notamment de l'avenir du programme ANZAC (qui porte sur la construction en coopération de 10 frégates, 8 pour l'Australie et 2 pour la Nouvelle-Zélande).

De même, la Nouvelle-Zélande souhaite la création de forces armées communes avec l'Australie, que Canberra juge prématurée et n'admet que comme un objectif à long terme.

b) Des moyens militaires modestes

Les forces armées néo-zélandaises ne disposent que de moyens très limités, situation aggravée par un budget de la défense faible (1,1 % du PIB néo-zélandais).

Depuis une dizaine d'années, en effet, les réductions de crédits imposées à la défense néo-zélandaise ont réduit le pouvoir d'achat de son budget de plus d'un tiers. Ces réductions expliquent le débat sur l'opportunité du programme de frégates ANZAC dont le coût s'élève à 1,25 milliards de dollars néo-zélandais pour deux bâtiments qui devraient être livrés en 1997 et 1998. Ces contractions budgétaires se sont aussi traduites par une forte diminution des dépenses de fonctionnement.

Les armées néo-zélandaises ont ainsi vu leurs effectifs réduits d'environ 20 % depuis 1990 pour compter aujourd'hui moins de 10 000 hommes :

- les forces terrestres ne regroupent que 4 480 hommes et disposent de matériels limités (26 chars), souvent vétustes ;

- les forces aériennes comptent 3 300 hommes mais ne peuvent mettre en oeuvre qu'un peu plus de 30 avions de combat et 18 hélicoptères, même si elles disposent de 6 appareils de patrouille maritime bien adaptés aux missions qu'elles ont à accomplir dans le Pacifique sud ;

- enfin, la marine néo-zélandaise (2 070 hommes) ne peut compter que sur une vingtaine de bâtiments (dont 3 frégates anciennes et 4 patrouilleurs) qui ne permettent pas une politique de présence très significative.

Les réductions successives du budget de la défense depuis une dizaine d'années, s'ajoutant aux conséquences -stratégiques et opérationnelles- de la rupture militaire avec les Etats-Unis, constituent ainsi un problème délicat pour le gouvernement néo-zélandais alors que l'absence de menace extérieure directe rend difficile l'accroissement de l'effort de défense qui serait nécessaire pour relever le potentiel humain et technique des forces armées.

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