C. LES CRITERES DE CONVERGENCE

1. La nature des critères

Les critères de convergence, souvent appelés " critères de Maastricht ", définissent les conditions à remplir par tout Etat membre pour participer à la monnaie unique. Définis à l'article 109 J du traité et précisés par le protocole n° 6 annexé à celui-ci, ils sont les suivants :

- un déficit budgétaire ne dépassant pas 3 % du produit intérieur brut ;

- une dette publique n'excédant pas 60 % du revenu national ;

- une monnaie respectant pendant 2 ans au moins les marges normales de fluctuation prévues par le SME ;

- des taux d'intérêt à long terme ne dépassant pas plus de 2 % de celui des trois meilleurs résultats en matière de stabilité des prix ;

- un taux d'inflation ne dépassant pas de plus de 1,5 % celui des trois meilleurs résultats en matière de stabilité des prix.

2. Le contrôle du Bundestag et du Bundesrat

Dans l'arrêt qu'elle a rendu le 12 octobre 1993 au sujet de l'approbation du traité sur l'Union européenne, la Cour constitutionnelle fédérale d'Allemagne rappelle que le Bundestag a accompagné son approbation du Traité d'une résolution relative à l'Union économique et monétaire.

Résolution du Bundestag

" Le Bundestag reconnaît que le traité sur l'Union européenne jette les bases d'une future monnaie européenne stable, notamment en garantissant l'indépendance de la Banque centrale européenne et en prévoyant l'adoption, d'un commun accord, de critères de stabilité pour les Etats membres participants.

" A cet égard, il faudra, au moment du passage à la troisième phase de l'Union économique et monétaire, interpréter ces critères de stabilité de manière stricte et rigoureuse. La décision permettant le passage à la troisième phase ne peut être prise qu'à partir du moment où cette stabilité est démontrée et où il est prouvé que les données fondamentales de l'économie suivent des évolutions parallèles et que la solidité du budget et des finances des Etats membres participants est durable. Cette décision ne saurait s'inspirer de considérations d'opportunité, mais elle doit tenir compte des réalités économiques. La nature des critères retenus est telle qu'ils ne sauraient être considérés comme remplis dès lors qu'il y est satisfait d'un point de vue purement statistique. Au contraire, c'est aussi le déroulement même du processus de convergence qui doit permettre d'acquérir la conviction qu'ils
sont durablement remplis. La future monnaie européenne doit être, et rester, aussi stable que le mark allemand.

" Le Bundestag s'opposera à toute tentative qui viserait à diluer les critères de stabilité sur lesquels il y a eu accord à Maastricht. Il veillera à ce que le passage à la troisième phase se fasse dans le respect rigoureux de ces critères.

" Le passage à la troisième phase exige également que le Bundestag donne son appréciation. De ce fait, pour savoir dans quel sens il devra se prononcer lorsque le Conseil sera amené à prendre les décisions prévues à l'article 109 J paragraphes 3 et 4 du traité UE, le gouvernement fédéral a besoin de l'approbation du Bundestag, exprimée sous la forme d'un vote. La matière à laquelle s'applique ce vote du Bundestag est la même que celle sur laquelle se prononce le Conseil des ministres de l'Economie et des Finances et sur lesquelles statue le Conseil réuni au niveau des Chefs d'Etat ou de gouvernement.

" Le Bundestag invite le gouvernement fédéral à déclarer qu'il respectera ce vote du Bundestag.

" Il invite le gouvernement fédéral à faire savoir qu'il agira en ce sens aux autres parties contractantes ainsi qu'à la Commission des Communautés européennes et au Parlement européen. "


La Cour constitutionnelle allemande rappelle également que le Bundesrat a, à son tour, adopté une résolution de même nature.

Elle observe enfin que le gouvernement fédéral allemand, par le biais d'une lettre du 2 avril 1993 de M. Theo Waigel, ministre fédéral des Finances, à Mme Hellwig, présidente de la commission des Affaires européennes du Bundestag, s'est engagé à s'assurer de l'appui du Parlement allemand lors de l'entrée en vigueur de la troisième phase de l'Union économique et monétaire.

Lettre de M. Theo Waigel au Bundestag

..." Devant l'assemblée plénière du Bundestag, j'ai bien précisé, dès le 2 décembre 1992, que le gouvernement fédéral, avant de faire ce pas important qui l'engage dans la voie de l'Union monétaire, " s'assurerait de l'appui des organes législatifs ". Je me suis référé à cet égard au vote d'approbation dont font état les résolutions concordantes du Bundestag et du Bundesrat.

" Je me suis également déclaré prêt à communiquer à nos partenaires de la Communauté, en coopération avec le ministre fédéral des Affaires étrangères, la procédure que nous avons choisi de suivre entre le Parlement et le gouvernement fédéral.

" Cette communication devait être faite dès que le gouvernement fédéral aura déposé l'instrument de ratification, ce qui, dans notre pays, clôt la procédure de ratification. ... " (3( * )).


La Cour constitutionnelle allemande en tire, dans son jugement, la conclusion que " la loi d'approbation relative au traité sur l'Union satisfait aux exigences liées à un aval parlementaire ". Elle apporte à cet égard les précisions suivantes :

" La demande du Bundestag, qui souhaite se réserver le droit de se prononcer sur le passage à la troisième phase de l'Union économique et monétaire, afin de s'opposer à une dilution des critères de stabilité, peut s'appuyer en particulier sur l'article 6 du protocole sur les critères de convergence. Cet article réserve déjà au Conseil statuant à l'unanimité le droit de préciser de manière détaillée les critères de convergence prévus par le traité en s'écartant des définitions données dans le protocole. Cela signifie d'une part que les critères énoncés à l'article 109 j, paragraphe 1 du traité CE ne sont pas à la discrétion du Conseil, d'autant que, s'il en était autrement, l'idée fondamentale d'une union monétaire fondée sur la stabilité (6ème considérant du traité sur l'Union ; article 3 A paragraphes 2 et 3, article 105 paragraphe 1 du traité CE) ne pourrait pas être réalisée. Il ressort d'autre part de l'article 6 du protocole sur les critères de convergence que l'évaluation sur la base de laquelle le Conseil fera ses recommandations conformément à l'article 109 J, paragraphe 2 du traité CE, et déterminera si chaque Etat membre remplit les critères de convergence pour l'adoption d'une monnaie unique, ne peut contourner ces critères par le biais d'une décision de la majorité des membres. En effet, l'exigence d'un vote majoritaire signifie uniquement que, dans le cadre des marges résiduelles d'appréciation, d'évaluation et de conjecture, les divergences d'opinion peuvent être tranchées par un vote majoritaire. Il en va de même lorsque le Conseil, réuni au niveau des chefs d'Etat ou de gouvernement, est appelé à statuer à la majorité sur la base de ces recommandations, conformément à l'article 109 J paragraphes 3 et 4 du traité CE. Sans préjudice de la marge d'appréciation, d'évaluation et de conjecture dont dispose le Conseil, le texte du traité ne lui permet pas de s'affranchir de la base de décision constituée par les recommandations visées à l'article 109 J paragraphe 2 du traité CE, ni par conséquent des critères de convergence énoncés à l'article 109 J paragraphe 1 du traité CE et précisés dans le protocole sur les critères de convergence. Il y a donc des garanties suffisantes pour que les critères de convergence ne puissent pas être " dilués " sans le consentement de l'Allemagne et par conséquent sans une participation déterminante du Bundestag.

" En outre, le Protocole sur le passage à la troisième phase de l'Union économique et monétaire reconnaît que l'entrée irrévocable dans la troisième phase dépend de " travaux préparatoires " des Etats membres concernés. Chaque Etat membre organise ces travaux préparatoires conformément à ses règles constitutionnelles propres et ils peuvent être soumis à une décision parlementaire (...). Le Bundestag peut ainsi faire intervenir sa volonté de ne laisser la future Union monétaire démarrer que si des critères stricts de stabilité sont remplis, tout au moins dans le cadre de l'article 23 paragraphe 3 de la Loi fondamentale et de la résolution du 2 décembre 1992 en vue d'une union économique et monétaire en tant que communauté assurant la stabilité, à appliquer dans le sens de la loyauté aux institutions, ainsi que de la lettre du 2 avril 1993 du ministre fédéral des Finances.

" En fin de compte, en ratifiant le traité sur l'Union, la République fédérale d'Allemagne n'accepte pas un automatisme menant vers l'Union monétaire, automatisme qui une fois enclenché ne pourrait plus être dirigé et échapperait à tout contrôle : le traité ouvre la voie à une intégration progressive de l'ordre juridique européen, dont chaque étape supplémentaire dépend soit de conditions actuellement prévisibles pour le Parlement, soit d'une nouvelle approbation du gouvernement fédéral pour laquelle le Parlement aura son mot à dire.

" L'évolution de l'Union monétaire obéira à des règles prévisibles aussi après l'entrée dans la troisième phase et elle sera ainsi soumise à l'aval du Parlement. Le traité sur l'Union prévoit pour l'Union monétaire des règles qui font d'elle une communauté tenue d'assurer durablement la stabilité et en particulier la stabilité du pouvoir d'achat. Il est certes impossible de prévoir si la stabilité de l'écu comme monnaie peut être vraiment assurée de manière durable sur la base des mesures prévues dans le traité. La crainte d'un échec des efforts en matière de stabilité qui pourrait amener les Etats membres à de nouvelles concessions sur le plan de la politique financière est toutefois étayée par trop peu d'éléments pour que l'on puisse en conclure au défaut de précision juridique du traité. Le traité contient des consignes à long terme qui font de l'objectif de stabilité le critère de l'Union monétaire, qui s'efforcent d'assurer par des mesures institutionnelles la réalisation de cet objectif et qui en fin de compte - en dernier recours - ne font pas non plus obstacle, en cas d'échec, à la dissolution du lien communautaire. Selon l'article 105, paragraphe 1, du traité CE, l'objectif du SEBC est de maintenir la stabilité des prix. Dans l'accomplissement de ses missions, le SEBC jouit de l'indépendance que lui confère l'article 107 du traité CE. La volonté des Etats membres d'établir une Union économique et monétaire comportant une monnaie stable résulte déjà du sixième considérant du préambule du traité sur l'Union. L'article 2 du traité CE déclare notamment que la Communauté européenne a pour mission de parvenir à une croissance non inflationniste et à un haut degré de convergence des performances économiques. L'article 3, paragraphe 2 du traité CE assigne comme objectif principal à l'instauration et à la conduite de la politique monétaire et de la politique de changes uniques prévue dans le traité, la stabilité des prix. Par ailleurs, le traité CE comporte des dispositions prévoyant que les Etats membres soutiennent et encouragent par leur politique économique la stabilité de la monnaie européenne. L'article 3 A, paragraphe 3 du traité CE fixe également pour principes directeurs à l'action des Etats membres des prix stables, des finances publiques et des conditions monétaires saines et une balance des paiements stable (cf également l'article 102 A, deuxième phrase du traité CE). La politique économique des Etats membres est déclarée question d'intérêt commun, dont les grandes orientations sont coordonnées et supervisées par une recommandation du Conseil (article 103). L'article 104 du traité CE interdit également aux banques centrales nationales, aux organismes publics ou autres entreprises publiques des Etats membres d'accorder des découverts ou tout autre type de crédit ou d'acquérir directement auprès d'eux des instruments de leur dette. Aucun accès privilégié des organismes publics ou des entreprises publiques des Etats membres aux institutions financières ne doit être établi, si ce n'est à des fins de contrôle (article 104 A du traité CE).

" L'article 104 B exclut que la Communauté ou un autre Etat membre réponde des engagements des organismes publics ou des entreprises publiques d'un Etat membre et les prenne en charge, de sorte qu'un Etat membre ne pourra pas simplement se décharger sur d'autres des conséquences d'une politique financière inconsidérée. Enfin, l'article 104 C, en liaison avec le Protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs, impose aux Etats membres d'éviter les déficits publics excessifs et les soumet à la surveillance de la Commission. Le Conseil, statuant sur recommandation de la Commission, peut constater l'existence d'un déficit excessif dans un Etat membre et intervenir pour qu'il soit réduit.

" Cette conception qui consiste à assigner à l'Union monétaire une fonction de maintien de la stabilité est le fondement et l'objet de la loi allemande portant approbation du traité. Si l'Union monétaire ne parvenait pas à assurer d'une manière constante le développement de la stabilité existant lors de l'entrée dans la troisième phase, conformément à la mission de stabilisation convenue, elle cesserait d'agir selon la conception inscrite dans le traité ".

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