4. La procédure d'examen des candidatures à l'élection de juge à la Cour européenne des Droits de l'Homme (Lundi 22 avril)

Présentant ses observations contenues dans le rapport 7439, le rapporteur explique que, il y a encore quelques mois, lorsqu'il présidait la Commission des questions juridiques, il était bien incapable de donner un conseil pour l'élection des membres de la Cour européenne des Droits de l'Homme. Il faut en effet reconnaître que la pratique actuelle est d'entériner le candidat classé numéro un dans la liste soumise par les pays membres. La modification proposée permettra de mieux connaître les candidats et de les traiter sur un pied d'égalité, ce qui est important dans la mesure où lorsque l'article 11 de la Convention entrera prochainement en vigueur, il aura pour effet de remplacer la Cour et la Commission européennes des Droits de l'Homme actuelles par une Cour de juges à plein temps.

Selon lui, l'Assemblée doit saisir cette occasion pour apporter à leur mode d'élection une modification depuis longtemps nécessaire. Bien entendu, les Gouvernements conserveront le droit de choisir les candidats -et c'est là une prérogative assez normale. En revanche, l'Assemblée recevrait un curriculum vitae complet de chacun des candidats. De plus il conviendrait de créer, afin de les interroger tous, une Commission ad hoc qui se réunirait à Strasbourg pendant trois jours, délai nécessaire pour auditionner, à raison d'un quart d'heure par personne, les trois candidats de chacun des quarante pays. Ces candidats auraient ainsi l'avantage de venir voir le nouveau bâtiment où ils seraient éventuellement amenés à officier.

Après ces entretiens de la Commission ad hoc , le Bureau serait saisi et l'Assemblée disposerait ainsi de critères de choix raisonnablement fondés. La fonction de juge à la Cour européenne des Droits de l'Homme, observe le rapporteur, est chose suffisamment importante pour justifier cette modification.

La résolution n° 1082 et la recommandation n° 1295 contenues dans le rapport 7439 sont adoptées.

Puis, la directive n° 519 contenue dans le rapport 7530 est adoptée à son tour.

5. Les Parlements et l'évaluation des choix scientifiques et technologiques - Rapport de M. Claude BIRRAUX, député (UDF) (Mardi 23 avril)

Présentant son rapport écrit (rapport 7482), M. Claude BIRRAUX, député (UDF) , a formulé les observations suivantes  :

" L'histoire des rapports entre science, politique et société a pu longtemps commencer, comme dans les contes de fées, par : "Il était une fois le progrès scientifique..."

" Ce progrès scientifique révolutionnait pour longtemps la vie des hommes : Gutenberg pour l'imprimerie, Pasteur pour les virus et l'hygiène médicale, pour ne citer que ces deux exemples, influencent encore la vie de nos contemporains. Ce progrès scientifique s'accompagnait du progrès du bien-être des humains.

" Puis, les sciences et techniques ont évolué très rapidement. Une accélération spectaculaire s'étant produite, les conditions d'existence des hommes s'en sont trouvées bouleversées. Les habitants de notre planète vont connaître au cours de leur vie plusieurs mutations technologiques qui vont transformer le monde qui les entoure et leurs rapports avec la société.

" Là réside déjà la première source d'incompréhension -si ce n'est de conflit- entre le citoyen et la science. La science peut devenir l'ennemi, l'ennemi qui menace l'emploi, celui qui fait de l'homme qui avait appris son métier une fois pour toute sa vie, un exclu du progrès technologique. Ne nous leurrons pas, certains intégrismes se nourrissent de cette incompréhension, qui devient refus, huis-clos de l'obscurantisme politique et social.

" En effet, la maîtrise du changement technologique est devenue un enjeu du pouvoir. Celui qui possède les clés de l'information scientifique et technique peut dicter sa loi, orienter les marchés, asseoir sa puissance, bien souvent au mépris de l'environnement, de la santé des hommes, car bien sûr, il n'a pas évalué les conséquences de ses décisions.

" Il était une fois un progrès scientifique qui transformait les aspects matériels de l'existence. Certes, il avait pu donner lieu à des querelles philosophiques sur le matérialisme, mais globalement, les valeurs morales et éthiques demeuraient éternelles, intangibles.

" Puis, un jour, les scientifiques ont abordé les rivages de cet intangible, ils se sont approchés du mystère de la vie, là où l'homme pouvait jouer à l'équivalent du Créateur lui-même ou à l'apprenti sorcier. Et c'est peut-être bien le scientifique qui s'est tourné vers l'homme politique : "Arrête-moi, dis-moi ce que je peux faire sans perdre mon âme, dis-moi ce qu'est l'homme afin que la science, si elle en perce les mystères, sache ce qui est invariable et intangible".

" C'est toute la problématique des sciences de la vie et de l'éthique biomédicale. Chacun mesure dans cette Assemblée des droits de l'homme quelle attention nous portons à la Convention de bioéthique et quels ont été le travail et la responsabilité de notre collègue M. Palacios.

" La situation de l'homme politique est singulière, vous le comprenez, puisqu'étant l'émanation et le reflet de notre société, il est, lui aussi, partagé entre des formes d'attirance et de rejet du progrès scientifique. Pourtant, il lui est demandé de voter des lois, d'approuver des programmes et des budgets de recherche.

" La plupart d'entre nous ne sont préparés, il faut bien le reconnaître, ni par leur formation, ni par leur expérience professionnelle à faire des choix qui étaient inconnus des politiques.

" Le risque pour les parlementaires est de s'en remettre à ceux qui détiennent le savoir, instances gouvernementales et experts, sans jamais avoir l'opportunité de comprendre les fondements des décisions, ni, bien entendu, leurs conséquences. Cela n'exclut pas le risque d'une manipulation par le pouvoir, quel qu'il soit.

" L'homme politique se trouve placé en fait devant une double interface. D'une part, interface avec le monde de la science et de la technologie, qu'il lui faut comprendre. Il doit subir à sa disposition la connaissance des paramètres constitutifs du choix à opérer et de leurs conséquences, pour pouvoir librement effectuer ce choix afin que la démocratie s'exerce pleinement. D'autre part, interface avec le monde des citoyens qui l'ont élu et qui, du moins dans les démocraties, sont en droit de lui demander des comptes sur ses choix et leurs conséquences. Il faut pouvoir les expliquer aux citoyens et, en cela, il est un acteur du débat public, une passerelle entre le monde scientifique et celui des citoyens.

" L'évaluation scientifique et technologique, dont l'objectif premier demeure de donner une information indépendante aux parlements pour renforcer le processus décisionnel, contribue aussi au renforcement de la démocratie par le biais des acteurs impliqués -décideurs politiques, économiques, sociaux- de l'ouverture au débat public qui en résulte et de la mise en perspective de la technologie en relation avec les besoins de la société, et non plus par rapport à elle seule.

" Vous lirez dans le rapport quelles formes l'évaluation technologique revêt dans les différents pays où elle existe. Vous me permettrez d'avoir une faiblesse particulière pour le modèle français, non parce qu'il est français, mais parce qu'il est à cent pour cent parlementaire et parce que je préfère la vision d'un parlementaire à celle d'un expert, fut-il le plus brillant.

" L'évaluation technologique n'en est qu'à ses débuts en Europe, puisque seulement cinq ou six pays en sont dotés. Je suis convaincu de la nécessité de son développement, car elle est le moyen de rapprocher le monde des scientifiques et celui des politiques et des citoyens.

" En donnant une information indépendante sur les critères de choix technologiques et leurs conséquences prévisibles, cette évaluation vise à assurer un contrôle démocratique et à orienter les choix en relation avec le mieux-être social des citoyens.

" Dans une Europe en proie à des changements économiques, sociaux et culturels intenses, l'évaluation scientifique et technologique permet la transparence dans les choix politiques, le débat public et l'information des citoyens et, par là même, permet à la démocratie de progresser. Cette assemblée devrait y être particulièrement sensible. "

A l'issue du débat sur les propositions contenues dans son rapport , M. Claude BIRRAUX a repris la parole en ces termes  :

" Je tiens d'abord à remercier l'ensemble des intervenants pour leur appréciation flatteuse sur la présentation de ce rapport.

" Le premier élément qui m'a frappé à l'écoute de mes collègues est la profonde résonance d'une part entre eux-mêmes, d'autre part, entre eux et le contenu de ce rapport. Il s'agit bien de définir un peu mieux ce qu'est l'évaluation scientifique et technologique dont l'objet, tout le monde en est d'accord, est de fournir des paramètres de choix en partant d'un constat unanime : nous n'avons pas les compétences nécessaires et nous sommes soumis à des groupes de pression organisés, des lobbies, face auxquels nous devons pouvoir bénéficier d'une information objective et indépendante.

" Sur l'autre point tous les intervenants sont d'accord avec le rapport : la prééminence du rôle du parlement et des parlementaires. Là est peut-être bien l'essentiel, pour une Assemblée comme celle du Conseil de l'Europe. Il fallait rappeler la prééminence du parlement et des parlementaires dans les choix en disant, comme M. Lenzer, que ce ne sont ni les experts ni les techniciens qui doivent déterminer les choix politiques, mais bien les parlementaires qui tiennent compte des besoins de la société.

" Je suis également d'accord avec M. Caccia sur les trois points qu'il a évoqués : la nécessité de rester humble, les risques des progrès technologiques et la dimension nationale et globale.

" Rester humble ? Certes, nous n'avons pas vocation à nous substituer à ceux qui ont la connaissance, à ceux qui font la science en devenant, en quelque sorte, de "super-experts". Toutefois nous devons essayer de baliser les chemins politiques que nous traçons au travers de nos lois, au travers des votes du parlement, sur les orientations de la politique de recherche et sur les budgets qui lui sont consacrés.

" J'approuve aussi la nécessité de sortir du cadre national. L'un des autres aspects positifs du débat de ce matin réside dans le fait que chacun a souligné la nécessité de s'ouvrir, d'avoir des échanges d'expériences, des échanges d'informations, de savoir quelles sont les différentes méthodes et méthodologies et d'examiner comment l'expérience des uns peut profiter aux autres. Voilà qui me paraît très positif.

" Je retiendrai d'une des interventions un aspect également très important : le rôle social, et même sociologique, de l'évaluation technologique. Vous nous avez dit que des technologies de pointe étaient en cours de développement dans votre pays. Afin, précisément, d'éviter l'incompréhension entre le monde de la science et celui de la technologie, il importe que les parlementaires et les parlements puissent assurer l'interface, dans un rôle aussi sociologique, pour pouvoir expliquer aux citoyens quels sont les enjeux, pourquoi telle ou telle option a été choisie, de manière à éviter le refus de tout progrès technologique ce qui conduit au huis clos, puis parfois, à différentes formes d'intégrisme.

" Un des intervenants des pays de l'Europe centrale et orientale, qui ont constitué la moitié des orateurs. En tout cas, cela me paraît également être un signe extrêmement encourageant sur le rôle que les parlements entendent jouer dans les choix démocratiques. C'est d'autant plus intéressant qu'il s'agit d'une rupture avec les méthodes des anciens régimes qui utilisaient la science et les académies des sciences pour le service du pouvoir. En cas de critique, on vous envoyait dans quelque "colonie de vacances", si vous me permettez cette expression.

" Un orateur a souligné d'une part la nécessité d'avoir des échanges pour les expériences acquises, d'autre part l'importance du contrôle du parlement sur le progrès technologique. Je ne puis que vous suivre.

" Je suis d'accord également  ; il est important de nouer des contacts avec le monde scientifique et technologique dans un cadre organisé, approprié et créé même spécialement, de manière à éviter la dispersion d'informations qui, souvent, pour être trop parcellaires, sont mal comprises, mal interprétées. Finalement, elles ne donnent pas les paramètres du choix.

" On a insisté sur la nécessité de la prééminence du politique. Il était peut-être indispensable que quelqu'un fasse ce rappel. Les lois scientifiques sont incontournables. Les principes de la thermodynamique ne seront pas changés parce que quelqu'un aura décidé qu'on y pouvait quelque chose et qu'on pouvait aller contre ces principes. Néanmoins, à l'intérieur des lois scientifiques incontournables, les besoins de la société doivent s'exprimer. Finalement il s'agit du sort du citoyen, car c'est bien lui que tout cela concerne.

" Un orateur s'est employé à démontrer la nécessité d'un débat ouvert, d'une collaboration plus étroite entre politiques et scientifiques. Cette affirmation, de la part d'un parlementaire d'un pays de l'ex-bloc communiste, a quelque chose d'extrêmement positif et de réconfortant pour la démocratie et pour l'avenir des choix scientifiques dans votre pays.

" Un autre orateur a parlé d'adapter les technologies aux besoins de la Société. Tel est bien aussi le rôle social et sociologique qui est confié aux institutions.

" Un délégué de la Douma a également bien mis en évidence les perspectives qui s'offrent à son pays et à son Parlement.

" Après avoir remercié le Secrétariat pour son soutien efficace, ainsi que mes collègues de la Commission de la science et de la technologie pour m'avoir confié ce rapport et l'avoir soutenu à l'unanimité, je crois pouvoir dire que ce débat me donne entière satisfaction. Nous sommes en train d'essayer de construire ensemble les structures qui permettront de réconcilier le monde scientifique et le monde politique, d'essayer d'établir ces passerelles qui faciliteront une meilleure compréhension entre les uns et les autres. Nous devons avoir à l'esprit deux éléments.

" D'abord, le rôle du Parlement et des parlementaires est irremplaçable. Dans une démocratie, c'est bien à eux de décider. Ensuite, et cela est extrêmement important, ce n'est pas dans le vide que les parlementaires doivent décider, mais en fonction des besoins de la société, c'est-à-dire pour les citoyens qu'ils représentent. "

A l'issue de ce débat , la résolution n° 1083 contenue dans le rapport 7482 est adoptée à l'unanimité .

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page