6. Les politiques européennes de transports - Interventions de MM. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI), Jean VALLEIX, député (RPR), Christian DANIEL, député (RPR), Charles EHRMANN, député (UDF), et Jean-François LE GRAND, sénateur (RPR) (Mardi 23 avril)

Les liaisons de transport adéquates constituent un élément important pour la croissance économique européenne selon le rapport qui invite la Conférence européenne des ministres des Transports (CEMPT) à rechercher des solutions à l'échelle du continent au transport par routes, chemins de fer, voies d'eau navigables, maritime, respectant l'environnement et la qualité de vie des citoyens.

Les liaisons doivent inclure les pays d'Europe centrale et orientale et les axes Nord/Sud et Est/Ouest, note par ailleurs le rapport qui met aussi l'accent sur la nécessité de renforcer la sécurité routière par la poursuite de la coopération enter la CEMPT et le Conseil de l'Europe.

Etabli tous les deux ans dans le but d'analyser les activités de la CEMPT et, d'une manière générale, les questions de transport européen, le rapport note avec satisfaction que la composition de la CEMPT est de plus en plus paneuropéenne, et qu'elle recoupe largement celle du Conseil de l'Europe.

M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI) , intervient dans le débat en ces termes :

" Je féliciterai d'abord notre rapporteur, M. Pavlidis, et M. Lotz de nous avoir présenté les travaux de la Conférence européenne des ministres des transports.

" Ce débat apparemment technique est en fait d'une grande portée politique : avec la chute du mur de Berlin, il y a six ans, l'Europe a entrevu la possibilité de sa réunification. Ce processus est aujourd'hui, heureusement, en phase de parachèvement, comme en témoigne la présence sur nos bancs de délégués de la plupart des pays d'Europe de l'Est.

" En revanche, la concrétisation des possibilités d'échange et de développement économique des régions orientales de l'Europe tarde encore à se concrétiser, suscitant d'ailleurs certaines frustrations.

" Les seules règles du marché peuvent-elles répondre à cet immense défi ? Nous savons bien vers quelles difficultés on irait alors : explosion de la demande des transports par route, accompagnée d'une dégradation d'un environnement déjà très détérioré et, à brève échéance, saturation des voies de circulation et destruction des centres urbains. Il faut donc une politique des transports, mais elle ne peut être que concertée pour éviter les détournements de trafic et les disparités de concurrence.

" Il incombe donc à la Conférence européenne des ministres des transports d'élaborer les orientations d'une politique à l'échelle de la Grande Europe. Je souhaite que cette politique soit à la fois audacieuse, rationnelle et démocratique.

" Audacieuse en anticipant sur les rentabilités à long terme des modes de transports qu'on choisira de privilégier. On sait, en effet, aujourd'hui, que les décisions prises par l'Union européenne de développer des réseaux transeuropéens à partir de quatorze projets prioritaires sont paralysées par une controverse sur le financement d'équipements dont la rentabilité à court terme demeure incertaine.

" Rationnelle, car est-il logique de définir des priorités pour des investissements extrêmement lourds avant d'avoir mené à leur terme les travaux qui débutent au niveau européen sur le calcul des coûts réels de chaque mode de transport  ?

" L'objectif est de définir des coûts réels comparés à partir de ce que l'on appelle l'internalisation de toutes les dépenses occasionnées par les transports de marchandises et de personnes : atteinte à l'environnement, emprise sur les sols, dangerosité pour les personnes, sécurité d'accès quelles que soient les conditions météorologiques.

" La Conférence européenne des ministres des transports est le cadre par excellence de ce que nous, médecins, appelons une "conférence de consensus" qui doit permettre d'élaborer une méthode commune à toute l'Europe pour le calcul des coûts comparatifs des différents modes de transport et, par conséquent, l'élaboration de politiques éliminant les distorsions de concurrence.

" Démocratique, enfin, et je me réjouis que notre Assemblée soit le cadre d'un débat annuel sur les travaux de cette conférence ministérielle. J'y vois une double réponse au sentiment de "déficit démocratique" qui fait tant de tort à la construction européenne.

" Il s'agit non seulement des débats institutionnels de la politique étrangère et de sécurité commune, mais aussi de toutes les politiques qui intéressent nos concitoyens. Les décisions en matière de transport, par leur impact sur la vie quotidienne, sur l'environnement, sur les échanges, ne doivent pas être laissées au seul jeu des lobbies et des négociations des ministres soumis à des contraintes budgétaires immédiates.

" Ces décisions engagent l'avenir de l'Europe, de toute l'Europe. Notre Assemblée doit faire entendre à la conférence ministérielle que nous souhaitons, au nom de tous nos concitoyens, la réalisation rapide des réseaux transeuropéens, qui concrétisera l'unification du vieux continent, favorisera un développement harmonieux de toutes ses régions et redonnera toutes leurs chances aux transports ferroviaires et par voie navigable, sûrs et non polluants. "

M. Jean VALLEIX, député (RPR) , prend à son tour la parole  :

" Mes chers collègues, je tiens d'abord à exprimer la joie que nous éprouvons tous à retrouver notre éminent collègue d'hier, en la présence de M. le Président de la CEMPT, M. Lotz, et à saluer notre collègue, M. Holtz, qui nous a fait l'amitié de s'associer à nos travaux aujourd'hui. Je complimente pour son excellent travail notre collègue M. Pavlidis. Son rapport couvre parfaitement notre débat, et il est renforcé par les qualités de celui de M. Staes.

" Je veux également souligner l'importance pratique du rapport, que constitue la prise de position du rapporteur en faveur d'un réseau intégré de tous les modes de transport, réseau couvrant une aire de six millions d'habitants. Un tel réseau intégré élargi aux mers -il a eu raison d'évoquer cette perspective- plus actuel que jamais.

" M. Staes a évoqué le droit à la mobilité, mais n'oublions jamais l'aspiration première à un meilleur niveau de vie, par conséquent au développement de la capacité économique de nos pays, donc de l'Europe.

" Le transport est une source de richesse. Il est structurant. Non seulement il permet l'échange de la richesse mais il en crée. Il est donc aussi -on ne le souligne pas toujours assez- une source de travail.

" Bref, je dis oui au rapport, à cette volonté de renforcer et de développer le fer-routage, action qui devrait être appuyée par la volonté politique de chacun de nos Etats. En la matière, au niveau de nos Gouvernements et de nos nations, on parle beaucoup plus facilement de manière générale qu'on ne prend de mesures concrètes.

" Bien évidemment, je dis oui au transport maritime et fluvial. Nous devons davantage prendre en compte dans nos préoccupations le mode de transport par eau. Tout à l'heure, un orateur a parlé du projet Oder-Neisse. Ce recours aux transports par eau me paraît tout à fait judicieux.

" Dans ce domaine, il me faut rappeler que le canal Rhin-Main-Danube est entré dans les mœurs, qu'il est maintenant une réalité. Il faut étudier la politique européenne des transports à la lumière de ce phénomène nouveau. Je souhaite que mon pays, la France, assisté -pourquoi pas, car ce projet est important- par l'Union européenne, n'oublie pas la liaison Rhin-Rhône, en faveur de laquelle nous avons décidé d'investir d'assez lourds crédits. Il y a urgence si nous voulons éviter des détournements de trafic en direction de la Méditerranée.

" Cela dit, je veux réaffirmer tout de même l'importance du trafic routier. Il faut maîtriser ce transport, sans tarir les possibilités de développement. Il est encore, à l'heure actuelle, le meilleur moyen de renforcer les échanges économiques entre nos pays, notamment entre l'Est et l'Ouest.

" A cette occasion j'insiste sur l'opportunité de développer de façon plus active la rocade qui, au nord de la Méditerranée, de l'Espagne à la Mer Noire et à la Méditerranée, couvre les possibilités de desserte Est-Ouest en Europe. Aujourd'hui, ces dernières sont grandement insuffisantes.

" Enfin, s'agissant des grands travaux, on peut dire, avec l'Union européenne pour les grands travaux européens, que les actes ne suivent pas. Or c'est bien pour les investissements dans les travaux publics que le temps de réponse en terme d'emplois est le plus court. Plus nous accélérerons le rythme de ces grands travaux, plus les problèmes d'emploi seront réglés rapidement. Il n'est pas contraire à la vocation du Conseil de l'Europe, à juste titre préoccupé par les problèmes économiques et sociaux, de souligner, en liaison avec les Communautés européennes, un aspect social et humain qui n'est peut-être pas assez mis en avant.

" En conclusion, je réaffirme mon soutien à ce rapport, en souhaitant que le Conseil de l'Europe ne se sente pas en état d'infériorité par rapport à l'Union européenne mais, au contraire, essaye de jouer plus activement son rôle d'aiguillon et éventuellement de conseil. Je remercie à nouveau le rapporteur et j'espère que l'Assemblée soutiendra son rapport unanimement. "

M. Christian DANIEL, député (RPR) , s'exprime quant à lui en ces termes :

" Ce rapport sur les politiques européennes de transports traite d'une vaste et grande question qui en appelle d'autres. En matière d'infrastructures de transports, quelle stratégie pour l'Europe ? Quel rôle pour le Conseil de l'Europe ? C'est dans ce sens que le rapport de M. Pavlidis, est bien politique.

" Avant de répondre à la première question, on peut d'ores et déjà apporter une réponse en ce qui concerne le rôle que l'on veut faire jouer au Conseil de l'Europe.

" L'objectif que doit afficher ce dernier est clair : il faut intégrer dans nos politiques d'infrastructure de transport le développement à l'Est et au Centre de l'Europe. Or qui mieux que le Conseil de l'Europe serait capable de le faire, lui qui a brillamment réalisé depuis les années 90 la réunification de l'Europe au nom des principes des droits de l'homme et de la démocratie ? Bénéficiant des mêmes droits, le citoyen européen, citoyen libre, est un citoyen voyageur, un citoyen commerçant, un citoyen touriste.

" Aujourd'hui, à la fameuse "banane bleue", axe Nord-Sud que tout le monde connaît bien -il s'étend du Sud-Est anglais au Nord italien, de la Mer du Nord à la Méditerranée- un autre axe, ô combien structurant, véritable colonne vertébrale, s'est construit depuis 1990 de l'Atlantique à l'Oural, de Paris à Moscou en passant par Berlin et Varsovie.

" Il s'agit d'un véritable arc-boutant à la manière de nos cathédrales. L'Europe ainsi nouvellement construite, pleinement élaborée sur ces deux axes, "banane bleue" et "arc-boutant", doit se donner les moyens de répondre à ses ambitions : faciliter les échanges entre les foyers d'innovation du continent européen tels que les europôles et les eurocités ; assurer la fluidité des grands flux économiques, touristiques, culturels et humains, aujourd'hui peut-être plus marqués par la logique Nord-Sud, mais demain équilibrés par la logique Est-Ouest.

" Ces flux, ces échanges qui n'ignorent plus bien évidemment les frontières, s'inscrivent dans l'espace unique européen voulu par nos Etats membres et porté dans son action politique par le Conseil de l'Europe. Nos ambitions nous contraignent à la mise en place de réseaux de transports intereuropéens. Cette démarche de réseaux s'applique aussi bien au schéma routier qu'aux voies navigables et à l'espace aérien, mais il doit s'appliquer en priorité au ferroviaire.

" Notre démarche s'affirme ainsi audacieuse et volontariste. Certes, il ne faut pas jouer le ferroviaire contre le routier, mais notre action doit tendre à réduire la croissance du transport routier et permettre le retour à la croissance du réseau ferroviaire, en prenant en compte notre plus grand respect de l'environnement et notre souhait d'une plus grande sécurité, au bénéfice également de l'industrie ferroviaire.

" De plus, l'Europe, qui n'a pas forcément, naturellement, les moyens financiers d'investir dans toutes les infrastructures doit en revanche avoir un rôle moteur, de pointe, et développer une politique globale du transport ferroviaire, avec ses deux composantes que sont le train à grande vitesse et son corollaire le transport combiné.

" Le Conseil de l'Europe, en liaison avec l'Union européenne et la Conférence européenne des ministres des transports (CEMPT), doit aujourd'hui dresser un vrai bilan de la politique ferroviaire menée en Europe de 1945 à nos jours.

" L'intervention de l'Europe est certes ancienne. Des étapes ont été essentielles : création en 1980 du Comité européen initiant au développement des infrastructures, mise en place de la CEMPT. Le 17 décembre 1990, sous l'impulsion de la France, le schéma de la grande vitesse ferroviaire a été mis sur les rails, si l'on peut dire. Cette volonté française s'est exprimée lors de la présidence française de l'Union européenne, ainsi que dans le discours prononcé il y a deux ans par le ministre français des transports de l'époque, M. Bosson, comme l'a rappelé M. le rapporteur. Le train à grande vitesse et le transport combiné figurent parmi ses priorités.

" Paradoxalement, quel est notre constat sur le transport ferroviaire en 1996 ? L'avenir du ferroviaire peut apparaître dans nos pays, au moins en France, pour le moins incertain. De plus, les sociétés nationales, en Allemagne et en Italie, sont en pleine mutation. Dans d'autres pays, c'est un statu quo . Qu'en est-il au Royaume Uni  ?

" Les instances européennes ont aujourd'hui la responsabilité de mettre en œuvre les trois instruments privilégiés, incontournables pour la réalisation de notre objectif d'un schéma ferroviaire adapté.

" Le premier instrument -l'établissement d'un schéma directeur, véritable carte du train à grande vitesse et du transport combiné- doit reposer sur les deux grands axes Nord-Sud et Est-Ouest. Ce schéma, élaboré par nos instances, devrait être ensuite approuvé par une conférence intergouvernementale qui aurait également la responsabilité de son exécution. Certes, l'adoption de cette proposition remonte au 30 mars 1994, mais elle n'a pas été mise en œuvre.

" Le deuxième instrument serait l'établissement de normes communes pour assurer l'interopérabilité des réseaux. La notion de normes communes nous conduit au rôle des opérateurs ou autorités organisatrices du réseau. Là encore, nos instances européennes devront accompagner et structurer ces mutations.

" Aujourd'hui, décentralisation et privatisation sont des solutions proposées pour remédier aux difficultés liées aux développement du transport ferroviaire. A notre avis, il n'y a pas opposition. Ne devrions-nous pas plutôt envisager une synergie ? Reste que dans cette synergie, une autorité organisatrice s'impose également, et l'Europe peut jouer ce rôle.

" Le troisième instrument privilégié est le soutien financier des Etats membres. Aujourd'hui, c'est bien sûr la raison d'être des fonds européens structurels comme le FEDER, mais la Banque européenne d'investissement et le Fonds européen d'investissement doivent eux aussi apporter leur concours.

" Au delà de la survie ou du développement du transport ferroviaire et de la modernisation de nos transports, c'est l'avenir du développement de l'Europe qui est l'enjeu de ce rapport. "

M. Charles EHRMANN, député (UDF) , est également intervenu dans ce débat, faisant les observations suivantes  :

" Monsieur le Président, le développement de l'Europe est lié étroitement à celui des transports qui favorisera le commerce et, par la même, le niveau de vie, amènera les peuples à mieux se connaître, à s'apprécier, à ne plus se faire la guerre.

" La paix -après les tueries des guerres 14-18 et 39-45 qui ont fait perdre à l'Europe sa suprématie- est la seule chance de créer une entité capable de résoudre ses propres problèmes et de tenir tête économiquement et politiquement aux grands Etats d'Amérique et d'Asie.

" Hélas  ! -comme le souligne le rapport de M. Pavlidis sur les politiques européennes de transport, dans sa conclusion- ce développement est lié à des conditions naturelles, historiques, humaines, qu'il faut connaître si on veut les résoudre et aller de l'avant. Permettez-moi de vous présenter celles d'une partie de la France méridionale qu'on n'a pas le droit d'oublier.

" Le Sud-Est de la France -le département des Alpes-Maritimes et la moitié Est de celui du Var- ce qu'on appelle la Côte d'Azur avec un million et demi d'habitants, est loin de Paris, de la région rhénane, de l'Europe centrale. Cet éloignement est encore accusé par un massif montagneux, les Alpes, qui nous isole.

" Par contre, nous sommes la porte de l'Afrique, avec tous ses problèmes économiques et humains.

" Notre élément naturel positif est notre micro-climat méditerranéen qui attire touristes et retraités, d'où des ressources financières, mais aussi des problèmes de cherté de terrains et de surpopulation littorale, 2 500 à 4 500 habitants au km 2 .

" Depuis quelques décennies l'histoire ne favorise pas la France méditerranéenne. La perte de l'empire colonial -s'il a provoqué le retour d'un million et demi de rapatriés dont beaucoup sont restés sur la Côte avec leur savoir et leurs ressources- a appauvri le Midi, porte d'entrée et de sortie du commerce France-Afrique du Nord.

" Notre histoire est aussi celle d'un pays centralisé avec une toile d'araignée partant ou arrivant à Paris pour les routes et les chemins de fer, donc peu apte au courant Ouest-Est qui semble - en dehors de la vallée du Rhin - devenir celui de l'histoire alors que les pays méditerranéens préféreraient des axes Nord-Sud.

" Enfin, la construction de l'Union européenne -15 Etats aujourd'hui, bientôt 20, 22, 27- se fait vers l'Europe septentrionale, centrale, orientale, laissant de plus en plus en marge l'Europe méditerranéenne qui risque d'être en dehors des grands courants. Depuis la chute du mur de Berlin, cinq fois plus d'argent a été dépensé vers l'Est que vers le Sud. En 1993, la disproportion a été encore plus grande : 11 milliards d'Ecus pour le premier, 472 millions pour de second. Une réaction s'est produite en 1994 : 7 milliards d'Ecus pour l'Est contre 5 pour le Sud en cinq ans.

" Les conditions humaines, mélangées à l'histoire, ont fait bénéficier le Sud-Est de ce que nous appelons les trente glorieuses(1945-1975) en hommes et en argent, mais le littoral surpeuplé -avec des villes très individualistes- n'a pas su régler le problème des moyens de transport.

" Les lois de décentralisation de 1982, si valables sur bien des points, sont arrivées en pleine crise économique et sociale.

" Dans les départements très urbanisés, les Présidents des Conseils généraux, héritant d'une partie des pouvoirs de préfets, sont élus, ainsi que beaucoup de conseillers généraux, souvent par des minorités d'électeurs ruraux, les campagnes étant surreprésentées par rapport aux villes. Ils doivent tenir compte de leurs intérêts qui sont hostiles aux routes, chemins de fer, canaux, aéroports, lesquels prennent les terrains des campagnes. Aussi, les riverains des travaux, à faire, créent-ils des associations -soutenues par des écologistes et par des élus- et engagent des recours devant les tribunaux.

" Le TGV Valence-Marseille a été ainsi retardé de plusieurs années et ne sera fini qu'a la fin de 1999.

" Dans les Alpes-Maritimes, les recours des riverains augmentent de 10 % chaque année depuis 1991 ; 2 000 dossiers sont devant les tribunaux et demanderont quatre ans avant d'être réglés positivement ou négativement. Durant ce temps, le secteur du bâtiment-travaux publics chute de la moitié, le tourisme stagne, le chômage s'étend : 62 000 dans les Alpes-Maritimes pour 400 000 actifs, alors que, dans d'autres villes, comme à Strasbourg, à Lille, de nouvelles constructions, de nouvelles voies se font.

" La Côte d'Azur a besoin : d'une grande amélioration de la Nationale 202 Nice-Grenoble pour atteindre l'Europe centrale ; d'une grande autoroute Ouest-Est A8 bis , dite aujourd'hui A58, Nice-département du Var, pour doubler la A8, Aix-Nice, encombrée ; du tunnel du Mercantour pour joindre l'Italie à l'autoroute de la Durance pour les camions, à l'A58 pour les voitures ; de l'amélioration de la 204 Vintimille-Tende et du tunnel de Tende ; de la défense de l'arc méditerranéen - Barcelone-Montpellier-Marseille-Nice-Gênes ou Turin par le Mercantour ; d'un aéroport encore plus important.

" Puisse l'Etat, aidé par l'Union Européenne, user de son pouvoir régalien pour permettre à la Côte d'Azur d'entrer dans le XXI e siècle avec des moyens de transport lui permettant de participer à la grande construction de l'Europe. "

Enfin, M. Jean-François LE GRAND, sénateur (RPR) , prend la parole dans les termes suivants  :

" Monsieur le Président, mes chers collègues, je tiens à mon tour à féliciter notre rapporteur, M. Pavlidis ainsi que M. Lotz, Président de la Conférence européenne des ministres des transports de la CEMPT. Je partage pleinement leur engagement en faveur du développement du transport combiné, en particulier la nécessité de la prise en compte de l'impact de chacun des modes de transport sur l'environnement et la sécurité des personnes.

" Je n'omettrai pas non plus de souligner l'intérêt des observations formulées par M. Staes au nom de la Commission de l'environnement de l'aménagement des territoires et des pouvoirs locaux.

" Je souhaite appeler votre attention sur le paragraphe 12 du projet de résolution qui nous est soumis, sachant que mes collègues français ont traité du reste et que je partage leurs sentiments.

" Je considère en effet qu'il convient de définir en commun non seulement une méthode de calcul des coûts comparatifs des différents modes de transport, mais également des normes minimales d'exercice des différentes professions concourant aux services de transports.

" La résolution recommande aux ministres européens des transports "d'harmoniser les conditions de travail dans le secteur du transport de tous les pays membres de la Conférence européenne", notamment pour les transports par camions et par autocars. J'aurais aimé pour ma part qu'on n'oublie pas non plus les transports aériens, non plus que les transports maritimes.

" S'agissant des transports aériens, il faut absolument faire progresser l'harmonisation "par le haut", en empêchant le "dumping social". En effet, s'il se développait, il risquerait d'entraîner très vite les désastres du "moins-disant sécuritaire".

" La dérégulation que certains préconisent ne peut s'avérer une politique responsable que dans la mesure où seront généralisées et imposées des normes élevées de formation et de sécurité.

" La même démarche s'impose à l'égard des transports maritimes. Je suis l'élu d'une circonscription qui borde le passage maritime le plus fréquenté du monde. A la suite de plusieurs accidents qui furent des désastres environnementaux, j'ai été chargé par le Gouvernement français d'un rapport sur la sécurité maritime. Le dumping social a déjà fait la preuve qu'il entraînait malheureusement des distorsions de concurrence insupportables pour nos entreprises et, inéluctablement, un moins-disant sécuritaire.

" Chacun ici sait que, sur certains bateaux non seulement les minima de sécurité ne sont souvent pas respectés mais, dans certains cas, la dignité de l'homme est bafouée.

" Je veux citer le travail exemplaire de l'Institut de Malmöe, l'un des Centres les plus performants en matière de formation des personnels de marine marchande. Je souhaiterais que l'Assemblée tout entière soutienne le développement de ce Centre, en particulier avec l'accroissement des crédits de bourses allouées à la formation de personnels venant des pays moins développés.

" Comme je considère que la formation des personnels et la définition de normes sociales communes fixées à un niveau élevé sont des composantes essentielles de la sécurité des transports et du développement d'une concurrence loyale, j'approuve la suggestion que contient le paragraphe 12 de notre résolution. Je souhaite que le Conseil de l'Europe, ou, le cas échéant, M. le Ministre avec la Conférence européenne des ministres des transports, consacre une étude particulière à la définition de normes sociales minimales et d'exigences communes de formation et de sécurité.

" Combien faudra-t-il de catastrophes, maritimes pour que s'imposent à tous les normes de construction des navires lorsque ceux-ci transportent du pétrole ou certaines matières dangereuses exigeant une double coque ? Combien faudra-t-il de catastrophes pour qu'on impose à tous des règles de formation et des dispositions sociales harmonisées  ?

" Cessons d'agir sous la pression de catastrophes et réintroduisons un peu de rationalisme dans un système de transports qu'un libéralisme sans règles mènerait à l'anarchie.

" L'OMI pour le transport maritime, l'OAC, pour le transport aérien sont des instances de concertation indispensables, mais n'y aurait-il pas lieu de se doter d'un outil judiciaire international adapté afin de contraindre les contrevenants à respecter les normes internationalement préconisées, la sagesse commençant souvent par la peau du gendarme  ?

" Je conclus en approuvant, à mon tour, l'invitation à une véritable optimisation de la politique européenne des transports privilégiant les transports combinés, intégrant non seulement les coûts apparents de chaque mode de transport, mais également les paramètres de sécurité et d'environnement qui ont, nous le savons bien en tant que responsables politiques, un coût social, c'est-à-dire à moyen terme, un coût économique majeur.

" Si l'on sait combien coûtent des dégâts majeurs, combien coûtent des normes, des mesures, on ne sait pas encore évaluer, quantifier, le bénéfice de la sécurité et d'un environnement protégé, alors même que ces enjeux sont encore pour les générations futures. "

A l'issue du débat, la résolution n° 1084 contenue dans le rapport n° 7506 est adoptée à l'unanimité telle qu'amendée .

7. La charte européenne de l'espace rural - Interventions de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc.), et M. Pierre LACOUR, sénateur (Rat. RDSE) (Mardi 23 avril)

Devant l'exode rural et la diminution de l'importance économique de l'agriculture, il convient, selon les rapporteurs, de préserver le milieu rural européen naturel et créé par l'homme comme source d'alimentation, de matières premières renouvelables pour l'industrie et le secteur énergétique et comme élément de notre patrimoine culturel.

Pour permettre l'exploitation durable des ressources du milieu rural européen, les rapporteurs proposent de donner au développement rural un nouveau cadre politique en adoptant une charte européenne de l'espace rural exposant les grands principes et orientations d'une nouvelle politique rurale : la promotion du développement rural, la protection du patrimoine rural naturel et créé par l'homme, le développement des ressources humaines et la création d'emplois ruraux diversifiés.

Le rapport suggère également de partager les expériences européennes et de surveiller de façon continue les politiques rurales en créant un comité permanent de l'espace rural.

Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc.) , intervient dans le débat en ces termes  :

" A mon tour, je tiens à féliciter les rapporteurs.

" Pour commencer, je formulerai deux constats, à partir de l'exemple de mon pays, la France -où je suis moi-même une élue du milieu rural.

" D'abord, les problèmes de l'agriculture et la chute du nombre des paysans -ils sont moins d'un million, alors que la population française est de près de 60 millions- annoncent peut-être, d'une certaine façon, la fin de l'espace rural. Alors que cet espace représente dans notre pays l'essentiel du territoire, environ 90 %, il est en voie d'abandon.

" Ensuite, jamais nos instruments d'analyse -statistiques, modèles économiques, observations spatiales, entre autres- n'ont été aussi perfectionnés. Jamais l'avenir n'a été aussi prévisible. Pourtant, il semble que, devant toutes les catastrophes annoncées -désertification des campagnes, afflux de populations déracinées et sans emploi dans les villes-, nous restions inertes, pris dans nos doctrines économiques rigides : dérégulation, mondialisation, concurrence sauvage, etc.

" Pis, devant des catastrophes avérées, comme l'épizootie qui frappe le cheptel bovin et sa probable contagiosité pour l'homme, nous hésitons à agir -nous venons d'en avoir la preuve à l'instant- toujours en vertu des lois du marché et de la rentabilité financière.

" La règle, semble-t-il, est d'offrir au consommateur des produits à très bas prix. Précisément, à quel prix ! Une maladie inquiétante, une crise de confiance durable des consommateurs, des difficultés dramatiques pour les producteurs et, finalement, une crise aux conséquences incalculables pour nos agriculteurs ! La logique dicterait une remise en cause de cette politique absurde.

" La réputation des produits agro-alimentaires des terroirs européens tenait à leur haute qualité. Cette qualité est liée au savoir-faire d'une main-d'œuvre qualifiée. L'agriculture européenne doit-elle devenir une production hors-sol et une production sans hommes  ?

" Il convient ici de rappeler l'antique devise : sachons d'abord ne pas nuire ! Quand toute vie aura disparu de certaines régions, aucune intervention, si volontariste soit-elle, ne pourra l'y ramener.

" Pour conclure, il me semble que l'article 1 er de la Charte européenne de l'espace rural doit réaffirmer la vocation primordiale de l'espace rural et la préservation d'une production agricole diversifiée et de qualité.

" Mais un nouvel ordre se mettra nécessairement en place. L'avenir de l'espace rural s'inscrira forcément dans une autre politique, celle de la ville. L'agriculture et la ruralité ne peuvent être séparés. Ville et campagne, citadins et ruraux doivent être réintégrés. Il faut une autre politique de l'aménagement du territoire, qui associe les campagnes aux villes. Comme le soulignait tout à l'heure notre collègue irlandais, partout sont présents des exemples de zones qui ont su retrouver une activité et une dynamique autour de leurs petites villes.

" Il faut, en fait, que l'agriculture reste l'activité de base. Mais l'économie de l'espace rural doit évoluer aussi vers d'autres secteurs économiques, les services sans doute, les entreprises sûrement. Et je suis convaincue qu'il n'y a pas de devenir du monde rural sans réindustrialisation. Cela suppose une volonté, mais avant tout une conviction. "

M. Pierre LACOUR, sénateur (Rat. RDSE) , prend à son tour la parole en ces termes  :

" Le moins que l'on puisse dire à cette tribune de l'Europe, c'est que notre Charte européenne de l'espace rural arrive à point nommé pour apporter une réponse aux questions que chacun -y compris certains Gouvernements !- se pose quant au meilleur aménagement durable à promouvoir pour le mieux-être de nos enfants et petits-enfants demain.

" Je rejoindrai Sir John Cope sur l'exemple de la vache folle, mais avec une toute autre conception de l'économie agricole. A mon sens, nous avons là le fruit empoisonné d'une certaine pratique agricole, par trop intensive, accompagnée de ce que je me permettrai d'appeler un certain "déménagement" agricole et rural que nous dénonçons au sein de cette Assemblée depuis plusieurs années et qui me paraît aujourd'hui être devenu un détonateur tout à fait exemplaire.

" Je n'entrerai pas dans les détails, pourtant fort intéressants, concernant quelques pratiques alimentaires douteuses ou tolérées chez nos herbivores. Pourtant, il va bien falloir s'y pencher aussi dans un souci de vérité pour le consommateur à ce jour oublié, c'est le moins que l'on en puisse dire.

" Je me bornerai à quelques rappels historiques.

" Pendant des siècles, l'agriculture a rempli d'une façon qui semblait immuable sa fonction d'occupation extensive de l'espace et de production de la nourriture des hommes.

" L'espace rural et le monde rural lui-même ont toujours été modelés par les bouleversements de nos sociétés, mais jamais aussi rapidement et aussi radicalement que sous l'ère industrielle.

" C'est une évidence, la révolution agraire sans précédent que nous avons connue a profondément modifié l'utilisation des sols, leur fonction et tout le paysage européen, mais rien n'a paru devoir modifier la course à l'occupation de l'espace et au productivisme à tout crin si ce n'est, sur le plan des idées et dans les années 60, l'intégration d'une nouvelle dimension, celle de l'environnement.

" C'est ainsi que, d'une production déficitaire, on en est arrivé à une surproduction, avec toutes les conséquences que nous savons, pour une agriculture soumise pratiquement aux seuls impératifs de l'économie mondiale.

" Et, pour en revenir à nos vaches folles, témoignages, comme je le disais tout à l'heure de la folie des hommes de l'âge industriel, je rappellerai que la Communauté économique européenne a payé pour maintenir les troupeaux allaitant. Elle va maintenant devoir payer lourdement pour détruire des animaux, victimes présumées de cette intensification alimentaire à laquelle ont été conduits voire contraints nos agriculteurs. Et cela, alors que déjà certains de nos Gouvernements commencent, au nom de la solidarité, à se jeter la pierre et surtout à se tourner vers l'Europe pour trancher entre incertitude et vérité. La vérité, en fait, est partout et nulle part ; elle est voilée.

" Pour nous, il n'est qu'une seule vérité : transformer nos vaches herbivores en carnivores me paraît une aberration quand parallèlement, nos belles et vertes prairies, qui ne demandent pourtant qu'à satisfaire leur vocation naturelle sont indemnisées pour cause de gel des terres !

" C'est la raison pour laquelle il faut intervenir, et avant qu'il ne soit trop tard. Il suffirait de mettre en pratique, très concrètement les recommandations de notre Assemblée. Déjà nombreuses à ce jour, elles feront l'objet, je n'en doute pas, d'une attention toute particulière lors de la prochaine réunion à Bucarest de notre Commission de l'agriculture qui sera consacrée à l'élaboration de nouvelles propositions plus précises encore concernant en particulier la santé des animaux et des hommes, bien entendu par une nourriture saine et parfaitement contrôlée dont notre espace agricole est un vecteur essentiel.

" Pour cela, il serait nécessaire que s'instaure enfin un consensus entre les divers experts nationaux et internationaux aux avis encore mal partagés, sinon mal interprétés, à ce jour.

" Le consommateur en effet est en droit d'être pleinement informé de tout ce qui concerne la production, la transformation et surtout la qualité des denrées alimentaires, informé de leur provenance également selon les terroirs et les modes de production, à partir d'un label parfaitement identifié.

" Je ne doute pas que demain le Conseil de l'Europe sera un vecteur particulièrement important pour déterminer les lignes de directives encore plus fortes afin de permettre l'avènement dans nos pays d'un aménagement. "

Sur le projet de recommandation, MM. Jean VALLEIX, député (RPR) , et Pierre JEAMBRUN, sénateur (RDSE) , ont présenté l'amendement suivant  :

" Dans le projet de recommandation, à la fin du paragraphe 3, ajouter les mots suivants :

"tout en appelant à une réorientation de la production privilégiant la qualité et la sécurité des produits agro-alimentaires, les mêmes normes étant appliquées aux produits importés."

M. VALLEIX a défendu cet amendement de la façon suivante  :

" Monsieur le Président, je serai bref, compte tenu de l'heure. J'ai noté les réflexions et les conclusions de M. le rapporteur qui a souligné, à juste titre, que notre action devait viser à ce que toute production soit en conformité avec la nature, et non en contradiction avec elle. Voilà l'esprit dans lequel s'inscrit cet amendement. Il ne nécessite pas d'autre commentaire. La Commission, a bien voulu, me semble-t-il, lui prêter une attention favorable. "

Cet amendement , approuvé par le rapporteur, est adopté à l'unanimité par l'Assemblée .

Puis, la recommandation n° 1296, contenue dans le rapport 7507 , amendée notamment par MM. Jean VALLEIX, député (RPR) et Pierre JEAMBRUN, sénateur (RDSE), est adoptée .

8. La demande d'adhésion de la Croatie au Conseil de l'Europe - Intervention de M. Gabriel KASPEREIT, député (RPR) (Mercredi 24 avril)

Le rapporteur indique que la Croatie a demandé son adhésion au Conseil de l'Europe le 11 septembre 1992. Le 10 décembre 1992, le Comité des ministres a adopté la résolution (1992) 69 par laquelle il a invité l'Assemblée parlementaire à formuler un avis. L'implication de la Croatie dans le conflit bosniaque jusqu'en 1994, puis les événements survenus en 1995 en Slavonie occidentale et dans les anciennes zones de protection Nord et Sud des Nations Unies avaient retardé la procédure d'adhésion.

Le Président de la République de Croatie et le Président du Parlement croate ont signé une liste d'engagements proposés par la Commission des questions politiques le 15 mars 1996. Ces engagements incluent une pleine coopération dans la mise en oeuvre des accords de Dayton, de l'accord sur la Slavonie orientale et une aide active au travail du Tribunal pénal international pour l'Ex-Yougoslavie.

Bien que des critiques aient été exprimées à propos de la liberté de la presse et du traitement des minorités, l'adhésion est considérée comme la meilleure garantie contre les violations des droits de l'homme.

Elle est aussi considérée comme un moyen de stimuler les forces démocratiques croates favorables à l'intégration européenne dans cette période incertaine de reconstruction.

Le suivi des engagements de la Croatie débutera immédiatement après la date d'adhésion.

M. Gabriel KASPEREIT, député (RPR) , prend la parole en ces termes  :

" Madame la Présidente, mes chers collègues, si j'ai bien compris les interventions des rapporteurs et bien lu leurs rapports -je tiens d'ailleurs à les féliciter pour leur travail- il est certain que la demande d'admission de la Croatie au sein du Conseil de l'Europe sera accueillie favorablement tout à l'heure.

" Pour ma part, conservant la position que j'ai prise au sein de la Commission politique de notre Assemblée, je ne la voterai pas. Ce choix n'est nullement la manifestation d'un quelconque reproche à l'égard de la Croatie.

" Peut-être ce pays n'a-t-il pas assez avancé sur la voie de la démocratie. On sait combien ce chemin est long et difficile et il nous est arrivé ici, devant la candidature d'autres Etats, d'accepter plus de promesses que de réalisations concrètes. N'oublions pas non plus que, comme pour bien d'autres états, la démocratie est chose nouvelle pour la Croatie. Trop d'exigences de notre part finiraient par être néfastes.

" Le problème n'est pas là. Il est dans le fait qu'après tant d'erreurs commises par les Etats européens, avant et pendant le conflit de l'Ex-Yougoslavie, accepter aujourd'hui l'adhésion de la Croatie serait une nouvelle erreur, celle qui consisterait à traiter différemment les anciennes composantes de l'Ex-Yougoslavie.

" Il y a maintenant un an, la position volontariste du Président de la République française, Jacques Chirac, qui a entraîné l'intervention diplomatique des Etats-Unis, a permis d'aboutir aux accords de Dayton.

" L'une des premières mesures prise par les négociateurs américains a été la reconnaissance immédiate de l'existence de trois ethnies en Bosnie-Herzégovine et la décision de les traiter sur un pied d'égalité, ce qui ne s'était jamais fait jusque-là.

" Naturellement, peu nombreux -en tout cas dans les médias- sont ceux qui ont paru reconnaître cette nouvelle manière de considérer la composition réelle de la Bosnie-Herzégovine, manière qui est totalement opposée à ce qui était dit, écrit et fait antérieurement, où une existence réelle n'était reconnue qu'aux musulmans et aux Croates de Bosnie, à l'exclusion entière des Serbes. Ne recommençons pas la même erreur !

" La guerre dans l'Ex-Yougoslavie a été une guerre civile avec tous ses excès et toutes ses horreurs, comme dans toutes les guerres civiles. Cependant cette guerre a ceci de particulier qu'elle s'est terminée sans vainqueur ni vaincu, ce qui, me semble-t-il, ne s'est jamais vu au cours de l'histoire des siècles passés à l'issue d'une guerre civile.

" Une telle situation rend naturellement la paix plus fragile car les susceptibilités et plus encore les haines, habituellement étouffées par le vainqueur, peuvent ici continuer à s'exprimer, et il faut prendre garde à ne pas les faire renaître.

" Ne les favorisons pas en créant des rancœurs ou en paraissant donner à l'un et pas aux autres. Il nous faut, au contraire, appliquer les mêmes traitements à la Bosnie-Herzégovine, à la Croatie et à la République fédérale de Yougoslavie. C'est de cette manière que nous contribuerons au maintien de la paix et que nous aiderons à rétablir des relations directes entre ces nouveaux Etats, comme cela a d'ailleurs déjà commencé.

" La France, agissant dans ce sens, a rétabli ses relations diplomatiques avec la République fédérale de Yougoslavie. L'Allemagne vient d'en faire autant et je souhaite qu'il en soit ainsi des autres Etats de l'Union européenne. Quant à nous, agissons de même et repoussons l'adhésion de la Croatie jusqu'à celles de la République fédérale de Yougoslavie et de la Bosnie-Herzégovine. "

L'avis n° 195, contenu dans le rapport 7510, est adopté avec des amendements .

9. Les Activités du Comité international de la Croix-Rouge (1992-1995) (Mercredi 24 avril)

Le rapport recommande aux Etats membres du Conseil de l'Europe, ainsi qu'à d'autres pays, d'accroître leur soutien politique et financier à l'action menée par le Comité international de la Croix-rouge (CICR).

Il donne un aperçu de quelques-uns des événements majeurs qui ont marqué la mission humanitaire du CICR à travers le monde de 1992 à 1995.

Il invite également les Etats membres du Conseil de l'Europe, ainsi que d'autres pays, à ratifier les conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels de 1977 et à assurer le respect strict de ces textes ainsi que d'autres dispositions du droit humanitaire international. Le rapport demande aussi aux Etats de coopérer avec le CICR et de lui permettre d'exercer ses activités sur leur territoire conformément à son mandat.

Le rapport invite tous les Etats qui ne l'ont pas encore fait à ratifier les conventions de Genève de 1949 et les protocoles additionnels de 1977. L'annexe 2 du rapport récapitule les participations de leurs propres pays et cela, éventuellement, les poussera à réclamer qu'ils fassent plus. L'annexe 1 du rapport donne l'état de ratification de ces textes.

A la suite de la présentation du rapport , M. SOMMARUGA, Président du Comité international de la Croix-rouge, a prononcé l'allocution suivante :

" Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire général, honorables parlementaires, votre invitation à prendre la parole ce jour devant cette Assemblée parlementaire est la confirmation, comme vous venez de le dire Monsieur le Président, de l'excellente coopération existant entre le Conseil de l'Europe et le Comité international de la Croix-Rouge. Je tiens à vous en remercier, ainsi qu'à féliciter M. Knut Billing pour le rapport qu'il vient de présenter au nom de la Commission des migrations, des réfugiés et de la démographie.

" Pour le Comité international de la Croix-Rouge -institution indépendante, spécifiquement neutre et impartiale- il est essentiel de pouvoir compter sur l'appui actif du Conseil, de ses Etats membres, et notamment des parlementaires de cette Assemblée qui sont également actifs dans les organes législatifs de leur pays respectif. Cela a été possible depuis des décennies, grâce à la compréhension du Secrétaire général du Greffe et d'autres organes du Conseil de l'Europe avec lesquels le CICR a développé des échanges et une collaboration particulièrement fructueux, ce dont je tiens à vous remercier.

" De nombreuses résolutions de cette Assemblée ont porté sur ce que sont les objectifs principaux du Comité international  : le droit international humanitaire et l'accès aux victimes de conflits armés.

" L'appui à ces objectifs est nécessaire de la part des Etats membres du Conseil ou des pays qui ont le statut d'invité spécial de cette Assemblée, comme également de la part de l'ensemble de la communauté internationale des Etats.

" Nous partageons, dans la finalité de nos institutions, des valeurs communes que nous voulons préserver, notamment la sauvegarde de la dignité humaine, en rendant effectifs les principes de solidarité et de tolérance. Toutefois, nos tâches restent toutefois différentes, même si je les juge complémentaires. Le mandat du CICR, vous le savez, est purement humanitaire. Nous voulons rejoindre toutes les victimes de tous les conflits armés -qu'ils soient internationaux ou non internationaux- et toutes les victimes de violence interne. Pour pouvoir atteindre avec succès cet objectif, le Comité international doit être préservé de la politique, ce qu'il fait en observant une scrupuleuse neutralité, en maintenant la transparence de ses actions et en conduisant un dialogue constant avec les parties au conflit, qu'elles soient autorités de jure ou de facto .

" La complémentarité entre nos institutions peut encore être intensifiée, en toute indépendance et dans le plein respect de nos mandats respectifs. Celui du CICR nous vient de 186 Etats, par le biais des Conventions de Genève dont tous les pays membres du Conseil de l'Europe sont parties.

" Il est fondamental dans ce contexte de ne pas mélanger ces objectifs politiques et de sécurité, d'une part, avec des objectifs humanitaires et surtout l'action humanitaire, d'autre part. En effet, cette confusion est négative pour les victimes et crée des doutes dans la perception de l'indépendance, de la neutralité et de l'impartialité d'une action qui, pour le Comité international, consiste dans une combinaison de protection et d'assistance.

" Mais l'activité du CICR est également de prévention. La prévention des violations de règles humanitaires de base, comme la prévention de la souffrance humaine superflue en conflit, sont aussi prévention des violations des droits de l'homme fondamentaux que les Conventions de Genève prévoient comme limites absolues, des limites qui doivent, en tout cas, être respectées dans les conflits armés. Il s'agit de la protection des civils, du respect de la dignité humaine des prisonniers et de l'assistance impartiale absolue à tous les blessés.

" Nous pouvons donner des réponses communes et conjointes à ce postulat de prévention  : il s'agit d'éducation, de diffusion systématique du droit international humanitaire. Cette tâche incombe toutefois, en premier lieu, aux Etats qui ont pris des engagements en signant les conventions. La priorité du comité reste de leur rappeler cette obligation, qu'ils remplissent avec plus ou moins d'engagement. C'est pourquoi je me réjouis -et je le dis surtout à vous, Madame Aguiar, à cause de l'initiative que vous avez prise- de la coopération du Conseil de l'Europe avec le CICR dans ce domaine, coopération démontrée lors du colloque sur le droit humanitaire que nous avons tenu récemment à Prague et auquel le Président vient de faire mention.

" La diffusion, l'universalisation et l'approfondissement du droit humanitaire restent un postulat essentiel du CICR. Il est grand temps -et je voudrais ici appuyer ce que le rapporteur de votre Commission vient de dire- que tous les Etats membres du Conseil de l'Europe adhèrent aux protocoles additionnels des Conventions de Genève conclus en 1977 et qui renforcent notamment la protection des civils lors de conflits armés. Il faut aussi que le plus grand nombre possible de pays reconnaissent la compétence de la Commission internationale d'établissement des faits qui existe, mais qui n'est pas encore active à cause du nombre limité de pays qui en font partie.

" Mais l'essentiel est le respect du droit humanitaire vis-à-vis duquel la communauté internationale dans son ensemble a une responsabilité commune. L'état de ce respect est malheureusement aujourd'hui bien précaire.

" Laissez-moi le dire tout fort  : le monde est malade de ses victimes. Aujourd'hui, c'est au nom de toutes ces victimes que je voudrais m'adresser à vous. Le CICR et les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge sont confrontés au défi consistant à protéger et à assister ces victimes dont le nombre, tragiquement, ne cesse de croître. C'est dans la solidarité avec ces victimes que nous puisons nos forces. De 1945 à aujourd'hui, il y a eu plus de cent-vingt conflits, qui ont fait quelque vingt-deux millions de victimes. Les derniers cinq ans ont été une phase de rupture et de basculement. A l'heure où je vous parle, plus de trente conflits ensanglantent la terre, conflits de pouvoirs, de territoires, de minorités, de religions.

" Certains de ces conflits se déroulent dans la région du Conseil de l'Europe. Pensez à la Tchétchénie, à la Bosnie, aux pays du sud du Caucase. Et puis, en regardant le nombre de conflits qui font rage dans le monde, pensez à la région des Grands Lacs africains, au Libéria, au Sierra Leone, à l'Afghanistan, au Sri Lanka, au Timor-Est, aux conflits au Moyen-Orient, à la Colombie. Ces guerres et tant d'autres conflits encore présentent des violations tragiques du droit international humanitaire. Nos délégués sont sur place et le constatent, ainsi que la souffrance humaine qui en est la conséquence.

" Monsieur le Président, je suis au courant des travaux de cette deuxième partie de la session ordinaire de 1996 de l'Assemblée parlementaire qui se penche à des titres divers sur des situations conflictuelles et postconflictuelles où le CICR est présent. Ces situations me préoccupent à cause des problèmes humanitaires graves non résolus. Pensez aux disparus de Vukovar en Croatie. Pensez aux disparus de Sebreniska et à d'autres en Bosnie-Herzégovine. Pensez au désarroi des populations civiles affectées par les tirs dans le conflit israélo-arabe, surtout israélo-libanais. Pensez aux violations répétées du droit international humanitaire par les deux parties au conflit interne à la Tchétchénie. A cela s'ajoute le blocage répété du CICR lorsqu'il souhaite protéger et assister toutes les victimes.

" L'expérience montre que le respect du droit humanitaire au cœur des conflits armés prévient les exactions en chaîne et évite des déplacements massifs de population. Ce respect facilite aussi une réconciliation future et, de par les espaces humanitaires qu'il ménage entre ennemis, il favorise le dialogue, amorce la négociation et crée une dynamique de paix. C'est ce même corpus juris qui reconnaît aux victimes le droit à l'assistance, sans que les secours humanitaires distribués par les institutions indépendantes et impartiales ne puissent être considérés comme une ingérence.

" Le Comité international de la Croix-Rouge, préoccupé par le transfert massif, sans réel contrôle, d'armes à feu de petit et moyen calibre et par les violations du droit humanitaire qu'elles provoquent, ne peut que rappeler avec force, ici, comme je l'ai fait avant-hier, à l'ouverture de la Conférence de Genève, son appel en faveur d'une prohibition totale des mines antipersonnel. Il faut mettre un terme à la production, l'exportation et l'utilisation de ces armes lâches qui créent des problèmes majeurs de caractère économique et social paralysant la production agricole, car elles font des ravages parmi les civils, non combattants, des années après la fin du conflit, et génèrent d'indicibles souffrances pour les personnes atteintes qui doivent très souvent être amputées.

" Ce ne sont pas les quelque trois millions de ces mines qui se trouvent en Bosnie, et qui font leurs premières victimes, qui doivent seulement nous préoccuper. Ce sont les quelque 110 millions de mines enterrées dans une cinquantaine de pays et les quelque 100 millions de mines antipersonnel qui se trouvent dans les arsenaux prêtes à être posées. Il faut que le carnage provoqué par les mines antipersonnel cesse. Les avantages militaires que ces engins pourraient procurer sont sans commune mesure avec leurs terribles conséquences.

" Votre Assemblée, Mesdames et Messieurs les parlementaires, s'est déjà engagée dans cette délicate affaire. Continuez je vous prie à maintenir la pression sur la communauté internationale comme vient de le faire l'Union interparlementaire dans sa réunion d'Istanbul. Lundi dernier, elle m'a justement chargé de présenter en son nom à la Conférence de Genève sa résolution qui est très impressionnante car elle demande exactement ce que je viens de décrire.

" Par un engagement dans l'universalisation, l'approfondissement, la diffusion et le respect du droit international humanitaire, par un appui financier accru à l'action de protection et d'assistance des victimes de conflits armés, par l'encouragement d'une coordination plus incisive entre acteurs humanitaires, les Etats membres du Conseil de l'Europe, le Conseil lui-même et notamment cette Assemblée parlementaire, peuvent contribuer de façon déterminante à la paix et à la sécurité dans le monde, qui passe toujours par la paix des esprits et des cœurs. Le Comité international de la Croix-Rouge vous en sait gré et se réjouit de l'adoption du projet de résolution qui vous est proposé. "

A l'issue du débat qui s'instaure , la résolution n° 1085 contenue dans le rapport 7499 est adoptée .

10. Les faits nouveaux dans la Fédération de Russie en rapport avec la situation en Tchétchénie

Présentant son rapport, le rapporteur de la Commission des questions politiques observe qu'à Moscou, certains constatent aujourd'hui qu'il est toujours beaucoup plus facile de commencer une guerre que d'y mettre fin. Une Commission ad hoc a été constituée, mais trop tardivement pour pouvoir se réunir à Moscou. Seuls s'y sont rendus le rapporteur et M. Bindig. La Commission ne s'est réunie au complet que lundi dernier. Les positions des Commissions des questions politiques et des questions juridiques ayant pu être harmonisées, M. Muehlemann est en mesure de présenter un rapport équilibré et actualisé. Il demande que les parlementaires, lors du vote des amendements, se souviennent de l'incertitude qui règne encore sur beaucoup de points, sur le sort de M. Doudaïev, par exemple.

L'Assemblée doit s'élever solennellement contre les atrocités commises des deux bords. Il n'est pas plus acceptable de prendre des otages que de bombarder sans discrimination un village abritant otages, preneurs d'otages et civils. Les violations des droits de l'homme sont constantes. Les populations civiles sont soit bombardées, soit utilisées comme bouclier humain.

Certains à Moscou demeurent convaincus de la nécessité d'employer la force à outrance. Mais il s'y trouve aussi des réformateurs qui cherchent la paix et MM. Lukin et Kovalev sont de ceux-là.

Le projet de résolution énonce clairement que l'Assemblée est favorable à la recherche d'une solution de paix, même si elle ne peut accepter le plan qui prévoit un retrait progressif après un cessez-le-feu et la négociation d'un statut sur le modèle du Tatarstan. Que va devenir ce plan, en effet, après l'élection présidentielle ? La Commission ne peut naturellement pas s'immiscer dans le processus électoral et il est clair que le candidat-Président doit, s'il veut gagner, obtenir la paix. Malheureusement, Boris Eltsine donne parfois des ordres qui ne sont pas suivis par les militaires.

La Commission suit avec intérêt les travaux et les actions de l'OSCE, qui maintient une délégation à Grozny contre vents et marées. Celle-ci a élaboré un rapport qui est contesté par les deux parties. M. Atkinson a proposé de façon judicieuse une réunion de tous les acteurs, c'est-à-dire non seulement les Russes et les indépendantistes, mais aussi les autorités du Daghestan et de l'Ingouchie, qui se trouvent elles aussi plongées dans la mêlée.

Jusqu'ici la Tchétchénie n'a pas provoqué l'embrasement de tout le Caucase que l'on pouvait craindre et l'Assemblée a la chance d'avoir en son sein trente-sept amis russes qui peuvent être de bon conseil et lui indiquer à quelle porte frapper. A quoi peut-il servir d'aller hurler sur la place Rouge ? Il faut avoir le courage d'aller voir les responsables et de leur dire son sentiment. Il faudrait certes un cessez-le-feu en préalable à la recherche d'une solution pacifique raisonnable mais l'orateur rappelle que, dans les Balkans, on a signé en vain d'innombrables cessez-le-feu et qu'il a fallu les chars américains pour rétablir le calme, ce qui n'est pas envisageable en Russie.

M. Muehlemann demande à l'Assemblée d'appuyer le projet de résolution et de faire confiance à la Commission Tchétchénie, tandis que la Commission des questions juridiques met en place une procédure de surveillance. Il espère qu'il pourra faire dans les prochains mois des propositions constructives en vue d'un cessez-le-feu, car la région est un véritable baril de poudre. Le défi sera difficile à relever.

A l'issue du débat , la résolution n° 1086, contenue dans le rapport 7531, est adoptée, amendée .

La directive n° 520 amendée, contenue dans le rapport 7531, est adoptée.

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