3. Discours de M. Guntis ULMANIS, Président de la République de Lettonie - Question de M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI) (Mardi 24 septembre)

M. ULMANIS se félicite de la coopération étroite qui s'est nouée entre le Conseil et son pays depuis que celui-ci est devenu indépendant. Au cours de ces cinq années, la Lettonie a ainsi pu parcourir une distance considérable : le rideau de fer disparu, les valeurs démocratiques ont triomphé et une véritable société civile a pris la relève de la société soviétique. Les principes du marché se sont substitués au protectionnisme et des personnalités politiques se sont affirmées.

Le Président se dit convaincu que son pays est en mesure d'affronter l'avenir et de répondre aux critères qu'exige une Europe moderne. La notion d'Etat-nation est sans doute une notion discutable et ambiguë : la plupart des Etats européens se sont créés autour d'un noyau national, mais aucun ne peut survivre s'il ne fait preuve d'esprit d'ouverture et de volonté d'intégration. Il faut donc essayer de concilier cette notion d'Etat-nation avec celle de région culturelle, en cherchant à intégrer dans la nation ce qui lui est étranger. De ce point de vue, Strasbourg, capitale européenne, peut servir de modèle dans la mesure où l'Alsace a été un creuset pour deux cultures.

Herder, avant de venir à Strasbourg, avait passé cinq années à Riga, s'intéressant à la vie spirituelle des petites nations, souvent oubliées, mais si importantes pour l'identité européenne. L'Assemblée du Conseil de l'Europe est aujourd'hui le forum où l'on peut aborder cette question, ainsi que toutes celles qui concernent l'avenir des Etats-nations et leur sécurité. De ce dernier point de vue, l'union et l'intégration apparaissent comme des préalables.

Le préalable à la solidarité nationale est l'existence d'une société unie et capable d'intégrer ce qui lui est étranger. Le lien européen est un modèle du genre. Cet exercice d'intégration, déterminant pour le bien-être des peuples, est parfois difficile à réaliser, comme le prouvent les situations de certaines régions d'Europe.

Seule une réflexion en profondeur pourra assurer le futur de l'Europe. Dans chaque pays, l'environnement culturel revêt un aspect traditionnel. Il s'agit de savoir comment un Etat peut conserver son identité nationale tout en relevant les défis du monde moderne liés à la globalisation. Il convient de réfléchir à ses retombées pour les pays situés aux confins de l'Europe. De petits peuples, comme la Lettonie, qui ont déjà beaucoup souffert lors de l'occupation soviétique, ne tiennent pas à disparaître de la carte européenne. Ils font d'une réflexion sur le processus d'intégration une des grandes priorités de l'époque.

La Lettonie est l'expression même de la variété. L'indépendance a entraîné un regain de nationalisme. On a craint, à un certain moment, que celui-ci n'entraîne des conflits ethniques. Mais rien de tel ne s'est produit. Le lourd héritage de l'ère soviétique a donné conscience aux Lettons de la nécessité de développer leur pays dans un esprit de tolérance et de compréhension. Un dialogue social, politique et ethnique est instauré en Lettonie depuis plusieurs années. L'appartenance à la communauté européenne trouve un large consensus. Depuis l'indépendance, la transition politique a été opérée avec succès. Il pourra être important pour d'autres nations de bénéficier de l'expérience du peuple letton, qui a su mettre en place un Etat-nation multiculturel par la voie du pacifisme.

La Lettonie a été sensibilisée aux respects des droits de l'homme et des minorités linguistiques depuis quelques années seulement. Les différents observateurs européens qui se sont rendus dans ce pays ont pu constater que ces droits y étaient garantis. La Lettonie a établi un programme national de protection des droits de l'homme, dont le centre est une institution indépendante chargée d'enregistrer les plaintes individuelles, d'informer le public et d'effectuer des recommandations au Parlement.

Sous l'occupation soviétique, l'éducation était donnée en deux langues. Actuellement, l'enseignement gratuit est proposé en neuf langues. Cette société multiculturelle se caractérise en outre par la liberté linguistique au niveau de la presse et des médias. La Convention européenne des Droits de l'Homme sera ratifiée par le Parlement letton d'ici à la fin de l'année. L'opinion publique ne semble pas encore prête à accepter l'abolition de la peine de mort. Toutefois, le moratoire sera respecté et le Président Ulmanis s'engage à poursuivre le combat qui aboutira tôt ou tard à sa suppression.

Sous l'occupation soviétique, l'éducation était donnée en deux langues. Actuellement, l'enseignement gratuit est proposé en neuf langues. Cette société multiculturelle se caractérise en outre par la liberté linguistique au niveau de la presse et des médias. La Convention européenne des Droits de l'Homme sera ratifiée par le Parlement letton d'ici à la fin de l'année. L'opinion publique ne semble pas encore prête à accepter l'abolition de la peine de mort. Toutefois, le moratoire sera respecté et le Président Ulmanis s'engage à poursuivre le combat qui aboutira tôt ou tard à sa suppression.

Un conseil consultatif sur les nationalités a été institué en Lettonie. Il est chargé de l'intégration sociale et du développement d'un dialogue entre les groupes nationaux.

Le Gouvernement letton va exécuter un vaste programme d'enseignement de la langue lettone afin de permettre au plus grand nombre de l'apprendre, ce qui devrait contribuer à augmenter le sentiment d'appartenance à une communauté et permettre de stabiliser l'Etat nation.

Si certaines critiques ont parfois été formulées à l'égard de violations des droits de l'homme en Lettonie, le Président Ulmanis rappelle que les membres de la Commission parlementaire ont pu constater sur place que les droits fondamentaux étaient garantis dans son pays. Il répondra en outre aux questions posées par les parlementaires.

Au sein de l'Europe unie, chaque pays membre doit trouver sa propre voie. Chaque nation a sa propre origine, sa propre langue. Il est d'ailleurs important qu'un peuple sente son appartenance au pays où il est né. En Lettonie, cinquante ans d'occupation soviétique ont laissé des traces indélébiles. Toutefois, la mémoire de l'Histoire fait partie intégrante de l'identité nationale. Le Président Ulmanis pense que son parcours personnel est caractéristique de celui du peuple letton. Lors de l'annexion de son pays, sa famille a été déportée en Sibérie. A son retour, elle a pu constater les dégâts causés par l'idéologie communiste. L'humiliation subie ne s'oublie jamais. Il n'est toutefois pas question de haine, mais plutôt de pitié pour ceux qui pensent pouvoir dominer les autres par une idéologie totalitaire.

Le Président Ulmanis aimerait se rendre en Sibérie pour rendre hommage aux Lettons qui y sont morts, pour dire sa gratitude à ceux qui ont aidé sa famille et pour rencontrer les Lettons qui sont restés vivre dans cette région rude.

Une Europe unie a besoin que l'on définisse sa dimension spirituelle et spatiale. La deuxième guerre mondiale a laissé des séquelles et des blessures. Après le conflit, le Conseil de l'Europe a pu jouer un rôle important pour restaurer l'harmonie et tenter d'instaurer la paix dans le respect de certaines valeurs et du pardon mutuel. Le débat entre éthique et Realpolitik est dépassé. La civilisation occidentale a pris un nouveau départ et doit, aujourd'hui, mettre l'accent sur le pragmatisme. L'appartenance de la Lettonie à cette civilisation ne pose aucun problème, comme le prouve son développement pacifique vers un Etat multiculturel stable.

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe est la conscience de l'Europe. En s'exprimant sur les grandes questions de société, ses parlementaires font progresser le respect mutuel et l'harmonie. Elle sera la clé de l'avenir de l'Europe.

M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI) , pose la question suivante  :

" Monsieur le Président, 34 % de votre population est russophone. Aujourd'hui Lettonie et Russie sont au Conseil de l'Europe et votre pays est confronté au délicat dossier du respect des minorités et de leur citoyenneté.

" Quel programme d'intégration politique et culturel entendez-vous mettre en place pour assurer au tiers de votre population les mêmes droits et les mêmes devoirs qu'aux autres Lettons ? "

M. ULMANIS lui répondant admet que la question des russophones se pose, comme celle de ceux qui parlent une autre langue que le letton. L'intégration de ces personnes dans la société fait actuellement l'objet d'un débat. Elle pourra sans doute se faire un jour, mais le problème essentiel demeure celui de la langue et des différences culturelles. Cela dit, 70 % des non-ressortissants sont prêts à prendre la citoyenneté lettone.

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